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Les rapports entre l'homme et la nature. Un analyse critique de l'Ethique de l'environnement

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par Martino AMISI
Institut facultaire Théophile Reyn - Graduat en philosophie 2009
  

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CHAPITRE II : L'HOMME FACE A LA CRISE DE L'ENVIRONNEMENT

2.0. Introduction

Après avoir parcouru le panorama des rapports entre l'homme et la nature tels que décrits par les morales des grandes religions du monde et, les changements qu'ont subi ces rapports avec l'avènement de la modernité, passons, à présent, en revue les différentes attitudes de l'homme face à la crise de l'environnement. Il est à noter que certains penseurs font remonter les causes de la crise environnementale actuelle à la révolution industrielle du 17ème siècle et 18ème siècle. Cependant, d'autres la situent à l'apparition de l'homo faber. Dans ce chapitre, nous analyserons trois attitudes essentielles telles que développées à travers les courants suivants de l'éthique de l'environnement : l'anthropocentrisme, le biocentrisme et l'écocentrisme ainsi que le pragmatisme environnemental.

2.1. L'anthropocentrisme

L'homme a un rôle central à l'intérieur de la nature parce qu'il est fondamentalement différent du reste des réalités naturelles. Il est non seulement une partie de la nature, mais aussi l'unique être capable de saisir l'intelligibilité de l'univers. C'est le principe même de l'anthropocentrisme. L'homme joue un rôle central et déterminant par rapport au reste de la nature. Ainsi, le Petit Robert, définit l'anthropocentrisme comme étant une attitude qui fait de l'homme la cause finale de toute chose.

Cette attitude était déjà présente dans l'antiquité grecque chez les sophistes. Ils revendiquaient la liberté de penser à leur guise. C'est dans cet ordre d'idée que Protagoras, l'un de grands sophistes qui, cherchant à défendre leur cause ( la recherche d'un subjectivisme et d'un relativisme radical ) dira : « L'homme est la mesure de toute chose ». Il voulait simplement dire que la vérité dépend désormais de celui qui la conçoit. Cela implique aussi un relativisme moral. Ainsi, l'homme devient le centre de tout. L'homme est donc la référence de toute chose.

32 H.-S. AFEISSA, Op. Cit., p.95.

Aristote poursuivra l'idée de Protagoras. A ce propos, en parlant de la philosophie de l'homme selon Aristote, Afeissa écrit : « L'homme nous est clairement présenté comme étant la fin de la nature au sein d'un univers hiérarchisé où chaque échelon ou chaque degré apparaît comme moyen d'un degré supérieur, l'ensemble étant ordonné de manière finale à l'homme, et à l'homme seul »30 . Cette idée sera développée plus tard par saint Thomas.

Au Moyen âge, cette pensée qui situe l'homme au centre de la nature sera perpétuée par le christianisme. En effet, le récit de la création dans le livre de la Genèse (Gn1, 26-29) est clair sur ce point. Le monde créé en sept jours le fut pour être au service de l'homme. Le récit de la création établit l'homme maître de tout ce qui existe. Dans ce récit, Dieu ordonne à l'homme de dominer sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, sur les bestiaux, sur toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre et de parfaire l'oeuvre de la création.

Dans le deuxième tome de sa Somme théologique, saint Thomas soutient la même position anthropocentrique à travers cette analogie : « Quand l'homme agit de lui-même pour une fin, il connaît cette fin : mais quand il est mis en action ou dirigé par autrui, comme lorsqu'il agit par ordre ou sous une impulsion étrangère, il n'est pas nécessaire qu'il connaisse la fin. C'est le cas des créatures sans raison »31 . De ce qui précède, il y a lieu de déduire qu'il n'y a pas de fin propre dans la nature. La fin de la nature est définie par rapport à la fin de l'homme.

Lynn WHITE n'est-il pas convaincu que « le christianisme est la religion la plus anthropocentrique que le monde ait connue »32 . Historien de la pensée médiévale, Lynn WHITE avait présenté en 1967 les pièces du dossier. Quelles étaient alors ses principales observations et ses conclusions ?

White montrait que la victoire du christianisme sur le paganisme a été la plus grande révolution psychique de notre histoire culturelle. Nos façons quotidiennes d'agir envers l'environnement ont leurs racines dans la théologie judéo-chrétienne, et uniquement en elle.

Selon White, les traits distinctifs du judéo-christianisme sont éloquents, si l'on pense à la vision grecque d'un Aristote : « la Bible pense le monde en terme de commencement ; l'homme y est à l'image de Dieu ; il reçoit de Dieu le pouvoir de nommer les animaux et les plantes ; l'homme est appelé à vivre dans la suivance (à la suite) du Christ, ce second Adam, qui transcende lui aussi la nature par sa résurrection »33. Bref, il n'y a pas de religion plus anthropocentrique que le christianisme, notamment dans sa forme occidentale. Deux traits corrélatifs en ressortent : un dualisme entre l'homme et la nature, et une volonté, de la part de Dieu, que l'homme exerce sa domination sur cette nature et l'exploite à ses propres fins. D'où un rapport de domination.

L'anthropocentrisme sera finalement formalisé par Kant aux temps modernes. Kant appelle personne morale « l'être humain en tant qu'il est porteur de la loi morale et, par conséquent, digne de respect. Comme telle, la personne a une valeur infinie et ne peut être traitée comme moyen ou une chose, mais uniquement comme une fin en soi »34. D'où la maxime suivante : « Agit toujours en sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais comme un moyen ». L'anthropocentrisme dans cette maxime est devenu la base de la moralité d'un agir.

Toute action sera désormais jugée bonne ou mauvaise selon qu'elle procure un bien ou un mal à l'homme. L'homme étant le seul possesseur des valeurs morales, son action sur la nature est moralement neutre parce que la nature n'est pas porteuse de la loi morale. De ce fait, les composants non humains de la nature ne pourront se voir reconnaître de valeur que par rapport aux intérêts des êtres humains et aux buts que les humains s'assignent. Autrement dit, l'homme et l'homme seul, définit un lieu de valeur intrinsèque au sens où il vaut par lui-même, en vertu de ce qu'il est au titre de fin en soi, tandis que tout le reste de la nature ne vaut que pour autant qu'il sert comme moyen à telle ou telle fin de l'homme. C'est donc ici une valeur instrumentale. Dans sa conclusion de la Critique de la raison

33 D. MÜLLER, Le rapport des humains aux animaux dans la perspective de l'éthique : Mise en situation sociale, in « Théologiques », vol. 10, n° 1, 2002, pp. 90-9 1.

34 N. BARAQUIN et J. LAFFITTE, Dictionnaire des philosophes, deuxième édition, Armand Colin, Paris, 2002, p. 170.

pratique, Kant affirme que « seul deux choses remplissent son âme d'admiration et de vénération toujours renouvelées et croissantes : le ciel étoilé au-dessus de lui et la loi morale en lui. La première symbolise à ses yeux le problème de la connaissance de l'univers physique et de la place que nous y occupons. Elle diminue l'importance de l'homme en le considérant comme une partie de l'univers physique. La seconde se réfère au moi invisible, à la personnalité humaine et rehausse de façon incommensurable sa valeur en tant qu'être intelligent et responsable »35. De plus, Kant fonde son éthique sur la volonté et la liberté. Les animaux qui en sont dépourvus, selon lui, ne sont donc que des choses et non des personnes. Ainsi les hommes peuvent les utiliser comme moyens.

Certes, la pensée anthropocentrique nous permet de nous concevoir comme entité séparée des autres entités de la nature, mais le concept n'est pas la réalité. Le corollaire de la conception duale du monde, c'est-à-dire de sa chosification, est donc le sentiment qu'il nous appartient. Puisque le monde est nôtre, il revient à l'homme de tracer les limites de son action.

L'étrangeté de ce processus est son auto inférence, puisque la chosification et le sentiment de possession vont jusqu'à s'appliquer à l'homme lui-même. L'être humain en arrive ainsi à se considérer comme une ressource. L'expression « ressources humaines » est tout à fait explicite et symptomatique. Or, une ressource est utilitaire, comptable et inutile après usage... Le processus anthropocentrique dénie donc l'humain en voulant magnifier l'homme.

Signalons aussi qu'aujourd'hui est née, dans le cadre de l'anthropocentrisme, la théorie de la restauration de la nature. Selon cette théorie, l'homme en tant que maître de la nature, a l'obligation de réparer les dommages faits à la nature. C'est dans ce cadre qu'est née la théorie de reboisement, par exemple, pour lutter contre l'effet de serre, etc.

Après ce parcours, disons que cet oubli de la nature a vicié la réflexion morale dans le passé. Il importe désormais de la réfuter en élaborant une éthique de la

35 Kant cité par E. BOURGOIS, La bioéthique pour tous, coll. « un autre regard sur l'homme », Edition du Sarment, France, 2001, p.97.

valeur intrinsèque des entités du monde naturel. D'où l'importance des théories telles que le biocentrisme et l'écocentrisme que nous analyserons dans le point qui suit.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon