Conclusion partielle
La zone d'Aguié dans son ensemble se trouve sur un bas
plateau recouvert par un manteau sableux à épaisseur variable et
formant un système dunaire plus ou moins aplati, fixé par une
végétation steppique (Raynaud, 2001 cité par lamine
2002).
Ces conditions du milieu seulement favorables au
système agricole pluvial, limitent les populations de cette zone dans
les activités agricoles. En effet, les améliorations sont les
moins spectaculaires pour ce système agricole du fait du bas prix des
produits agricoles qui ne permettent pas d'acheter des intrants. La
productivité reste alors faible. Cette agriculture, pour l'instant se
pratique d'une manière extensive sur des sols généralement
pauvres. Elle est très dépendante des précipitations. Dans
ces conditions, un paysan qui ne dispose que des terres sèches ne peut
espérer qu'une seule récolte par an puisque les
précipitations dans le Sahel se concentrent généralement
sur une période unique de quatre à cinq mois.
En revanche s'il peut également cultiver une zone
humide (ou une plaine d'inondation) comme c'est le cas à Gaya, la
disponibilité en terre, le risque d'échec et le problème
de sécurité alimentaire peuvent être étalés
sur une période plus longue.
Ceci est un des avantages de cette zone du dallol où
les populations locales tirent profit de la montée et de la descente du
plan d'eau dans les plaines d'inondation. les cultures pratiquées
concernent généralement la canne à sucre, le manioc, la
patate douce, le maïs, le riz, etc.
Ces cultures, même si elles sont exigeantes en travail
surtout, génèrent énormément des revenus et de ce
fait, complètent le déficit céréalier des
exploitations. Il faut aussi dire que ces cultures de décrue ne sont pas
exigeantes en ce qui concerne les consommations intermédiaires puisque
la fertilité se renouvelle grâce aux apports des inondations et
par conséquent, entraîne des faibles coûts de production.
Les techniques employées sont à la fois simples et connues des
populations locales. Les coûts d'investissement sont faibles.
Néanmoins, il s'opère une spéculation dans le terroir
pendant la période de récolte qui ne permet pas aux producteurs
de tirer le profit escompté.
III . 3 Adaptation des systèmes productifs agricoles
à la
variabilité climatique
Face aux multiples constats que font les producteurs sur la
variabilité climatique, des stratégies sont
développées afin de s'y adapter. Cependant, il existe un certain
nombre des contraintes qui freinent le bon développement de ces
stratégies.
III . 3 . 1 Les constats sur la variabilité
climatique
Il s'agit des constats faits par les producteurs sur certains
événements récents ou lointains qui les ont marqués
et dont la cause est attribuée aux longs changements des
températures ou des précipitations moyennes ou même de
certaines variations climatiques telles que le retard de l'installation de la
saison des pluies ou une fin précoce de celle-ci et des
dégâts causés par les inondations. Ces constats,
résumés dans le tableau 23 concernent leurs champs sur lesquels
ils ont travaillé des années durant.
Tableau 23 : Constats des
producteurs sur la variabilité climatique
Zabon Mousso Bana
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· la fonte de semis et la pourriture des grains
semés ;
· la lenteur de croissance des cultures qui finissent par
se fragiliser ;
· les brûlures, les jaunissement et le nanisme sur
les cultures ;
· la réduction du nombre de tallage et la production
des épis stériles ;
· le fanage des feuilles du niébé à
la ramification et de la fonte des ses fleurs ;
· la germination et la pourriture des grains des
épis en fin de campagne.
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· la fonte des semis et la pourriture des grains
semés ;
· la multiplication des ennemis des cultures tels que le
striga, les insectes ;
· la fin précoce des précipitations qui
entraîne la production des épis mal développés ;
· des inondations qui envahissent les bas- fonds
où se cultivent la canne à sucre, le manioc, la patate douce et
le riz ;
· la disparition des certaines espèces
végétales et animales.
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La majorité des producteurs de terroir de Bana
affirment que ces deux dernières années on assiste quand
même à une amélioration du point de vue conditions
climatiques contrairement aux années passées où ils ont
connu des répétitions de poches de sécheresse, soit en
début, au milieu ou en fin de campagne.
En ce qui concerne les changements de temps, les habitants de
cette zone affirment que dans le passé, "après une pluie,
persiste un froid excessif ", mais que de nos jours, "après une pluie,
il est même possible de dormir dehors". Ce constat exprime une certaine
augmentation des températures moyennes durant les dernières
décennies. Et cette augmentation est d'autant plus importante que
même après la pluie, les températures ne descendent pas
à des très faibles valeurs.
Les mêmes producteurs disaient, qu'ils se rappellent
encore quand ils étaient jeunes, "deux à trois grains suffisent
pour semer un poquet" mais que aujourd'hui, "il faut plus de sept grains pour
semer un poquet". Ils expliquent que la moitié de grains semés
pourrit à cause de la chaleur.
En ce qui concerne les ennemis des cultures, ils disent que
dans le passé, "ils n'ont pas besoins de pesticides pour garantir une
bonne production" mais qu'aujourd'hui "sans pesticide, on ne peut pas produire
du niébé". Et ils attribuent la multiplication des ennemis des
cultures (Striga et Insectes) en partie à l'augmentation de la chaleur
donc des températures.
III . 3 . 2 Les stratégies
d'adaptation
Les stratégies concernent non seulement les actions
menées pour faire face aux effets de temps en terme de fluctuations de
température, de précipitations et de vent dans les saisons et
entre les saisons, mais également aux différents ajustements que
font les producteurs sur leurs champs pour pallier à ces changements.
Ainsi, ils ont retenu :
- le remplacement des variétés
traditionnellement cultivées par des variétés à
cycle court. Il faut dire qu'à Gaya, excepté le mil
précoce "Guero", les producteurs s'intéressent très peu
aux variétés précoces puisque la pluviométrie ne
limite pas encore l'utilisation des variétés tardives. Mais dans
la zone d'Aguié, on note une plus grande importance accordée aux
variétés précoces;
- l'abandon d'un certain nombre des cultures plus exigeantes
en eau comme le maïs dans la zone d'Aguié et la pratique des
cultures de contre saison dans la zone de Gaya comme la canne à sucre,
la patate, le maïs, le riz, etc;
- le semis dès la première pluie dans le souci
de profiter au mieux des premières pluies utiles et le labour
précoce pour que l'humidité que conservent les mottes puissent
profiter aux jeunes plants en cas de sécheresse;
- divers types d'association culturale ainsi que l'entretien
des champs avec des pratiques comme le paillage, l'apport des glumes et
glumelles dans la zone d'Aguié et la réalisation des "tassa" avec
apport des glumes et glumelles à Gaya;
- défrichement amélioré comme technique
de régénération naturelle initiée par le PDRAA
à Aguié;
- les travaux de CES/DRS avec le projet PADEL à Gaya;
- l'entretien des arbres et le reboisement par des
espèces comme Acacia senegal, Prosopis sp, ,
Andropogon gayanus Hyphaene thebaïka, Acacia albida,
Azaridachta indica, Borassis aethiopum, Adansonia digitata
dans les champs afin de protéger les cultures contre les effets de
vent (soulèvement de sable, forte vitesse...)
- les manifestations rituelles qui se pratiquent en cas de
sécheresses en vue de faire tomber la pluie.
III . 3 . 3 les contraintes principales à
l'adoption des stratégies nécessaires
La principale contrainte à l'adoption des
stratégies face à la variabilité climatique est la
pluviométrie à travers son irrégularité et son
retard dans la zone de Gaya et par son insuffisance et sa forte
variabilité spatio-temporelle dans la zone d'Aguié.
Les producteurs de l'ensemble de deux zones ont
souligné que la pauvreté de personnes est également une
contrainte importante à l'adoption des stratégies
nécessaires. Celle-ci est imputable aux faibles revenus des
exploitations qui ne permet pas de faire des ajustements nécessaires.
Il y a également l'exploitation non
contrôlée des régénérations d'espèces
végétales surtout par les femmes dans la zone d'Aguié,
l'insuffisance d'encadrement et la non continuité des travaux
initiés par les projets puisque les comités de gestion n'arrivent
toujours pas à être à la hauteur de cette tâche.
Enfin, il faut noter la dégradation des terres agricoles
et l'insuffisance des variétés précoces.
Conclusion partielle
Nos enquêtes ont révélé des
stratégies et/ou des pratiques paysannes d'adaptation face aux risques
climatiques entrant dans la logique de ne pas dépendre d'une seule
activité agricole, lorsque les résultats de celle-ci sont
aléatoires en raison des facteurs que l'on ne maîtrise pas.
Dans le terroir de Bana, les producteurs se focalisent
beaucoup plus sur les cultures de décrue puisque les conditions du
milieu les permettent. Dans ce terroir, malgré l'intervention des
projets de développement (PAIGLR, PADEL), il est facile de constater que
les producteurs ne développent pas suffisamment des stratégies
spécifiques pour l'adaptation aux aléas climatiques.
Par ailleurs, il faut dire que, même en cas d'une
mauvaise campagne pluviométrique cette zone arrive quand même
à enregistrer un cumul pluviométrique permettant aux
variétés hâtives cultivées de boucler leur cycle.
Aussi, Gaya est l'une des zones du Niger où les
écosystèmes ne sont pas suffisamment dégradés.
Par contre dans le terroir de Zabon Mousso, des aléas
comme le retard des pluies qui intervient tous les trois à cinq ans
selon les paysans; les poches de sécheresse qui interviennent tous les
deux ans sur cinq et les vents (en début, au milieu et en fin de
campagne), ont amené les producteurs à adapter des
stratégies en vue de minimiser les risques. Au titre de celles-ci, entre
autres le semis à sec, l'utilisation des variétés
précoces, le paillage et la protection de la
régénération naturelle. Ces pratiques concourent à
réduire les risques encourus au cours d'une campagne et même
à améliorer le rendement. Ce qui explique en partie le rendement
moyen de mil à l'hectare obtenu dans ce terroir qui est
légèrement supérieur à celui de terroir de Bana.
Parlant donc des stratégies d'adaptation aux changements climatiques
Darwin et al. ( FAO, 1997) soulignent dans ses propos qu'en
considérant seulement l'ajustement au niveau de l'exploitation agricole,
(sans modification du prix et sans expansion de la production agricole sur des
nouvelles superficies), les agriculteurs pourraient compenser entre 70 et 120%
des pertes initiales.
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