2.2. Echec des stratégies de lutte antiérosive
en Haïti
Depuis les années 1960 jusqu'en 1990 les instances
étatiques, conseillées par les organismes internationaux et les
bailleurs de fonds, ont cru voir dans la résolution des problèmes
liés à la conservation des ressources naturelles la solution
à la crise du secteur rural. Le contexte particulier d'Haïti a
favorisé la mise en oeuvre de nombreuses actions et projets s'appuyant
sur une stratégie "moderne" d'équipement rural et a, ainsi,
largement contribué à faire de ce pays un "laboratoire de la
lutte antiérosive" (ROOSE, 1994).
En effet, la stratégie utilisée consistait
à accorder la priorité à l'aménagement d'un espace
dont l'unité était le bassin versant, en privilégiant la
cohérence physique des structures mécaniques établies. Il
devait avoir rapidement des effets sur la conservation des ressources
naturelles. Malheureusement, cette conception de l'aménagement de
l'espace fait de la lutte antiérosive une discipline isolée.
Elles n'ont eu que des résultats mitigés et discutables et se
sont souvent soldés par des cas d'échec (ROOSE, 1994).
Ces cas d'échec s'expliquent essentiellement par le
fait que les projets ont priorisé l'aménagement et la
conservation des sols (CES) sans tenir compte des besoins réels du
paysan. En effet ce dernier perçoit le projet comme un moyen de
bénéficier d'un revenu immédiat à défaut
d'offrir une perspective d'amélioration des rendements et du revenu
agricole à court terme en utilisant les techniques de conservation
proposées (ROOSE, 1994).
Il n'existe d'ailleurs aucune relation directe entre ces
techniques et l'ensemble des contraintes auxquelles font face les paysans.
Cette inadéquation entre propositions et contraintes résulte
d'une méconnaissance profonde des rationalités économiques
paysannes, du fonctionnement des systèmes d'exploitation agricole en
général et des problèmes fonciers en particulier (ROOSE,
1994).
Or, la mise en place des ouvrages nécessite de
sacrifier une certaine portion de la surface cultivable, déjà
restreinte, sans possibilité d'amélioration des rendements avant
de nombreuses années. Ils exigent un surcroît de travail pour leur
entretien, travail qui ne peut être assuré que par le paysan
lui-même. De plus ces techniques ne réduisent pas la
dégradation des terres qui se trouvent entre les ouvrages et
n'améliorent pas leur productivité. Elles sont peu efficaces et
augmentent parfois les risques (débordement, ravinement et glissement de
terrain) en déséquilibrant le versant. Aussi, pour éviter
ces types de problème, ces aménagements sont souvent
réalisés sur des terres marginalisées par les agriculteurs
(ROOSE, 1994).
Les recherches entreprises se préoccupent plus de la
sélection des espèces et de la profondeur ou de l'inclinaison des
terrasses, que des modes d'intégration de l'arbre ou de la structure
mécanique aux systèmes d'agriculture traditionnels.
Enfin, le type d'organisation des projets devrait être
remanié : la population est utilisée comme réservoir
de main d'oeuvre sans réelle participation de celle-ci, manque de suivi
et d'évaluation des actions engagées.
Il existe donc une incohérence totale entre les
objectifs d'un projet privilégiant la logique d'équipement et les
objectifs des populations concernées (rarement concertées). La
situation est telle qu'il n'est plus temps de défendre (DRS), ni
même de conserver (CES) les sols. En effet la population augmentant
rapidement, il faut nécessairement améliorer la production sans
dégrader l'environnement (ROOSE, 1994).
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