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Dette publique et investissement privé: Effet d'éviction versus effet de levier

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par Thiery Urgue KAME BA BILLA
Université de Yaoundé II - DEA-PTCI 2008
  

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CONCLUSION

Il était question dans ce chapitre de faire une analyse théorique de l'effet d'éviction. Plusieurs écoles de pensées ont soutenu cette assertion. La plus ancienne est celle de l'école classique, avec ses partisans de l'école des choix publics. Elles pensent que l'emprunt public est néfaste pour l'investissement en particulier, et l'activité économique par ricochet. Ces écoles de pensées considèrent qu'il est primordial de garantir la discipline budgétaire dans la gestion des finances publiques, car entre autre, l'emprunt public réduit l'investissement privé. Aussi, en ce qui concerne la dette publique, il en ressort dans son approche traditionnelle qu'une hausse des dépenses publiques ou une réduction fiscale financée par l'emprunt public exerce un effet à court et à long terme sur l'économie. A court terme, les dépenses accrues de consommation accroissent la demande des biens et services, et donc, de la production et l'emploi. Les taux d'intérêt tendent également à augmenter, à mesure que les investisseurs sont confrontés à un flux réduit d'épargne. A long terme, la baisse de l'épargne nationale provoquée par les réductions fiscales pèse négativement sur le stock du capital et positivement sur l'emprunt à l'étranger. Il en résulte une production nationale moins élevée et une emprise de l'étranger sur une plus large part de cette production.

Le modèle de Solow-Ramsey fait progresser l'analyse de l'effet d'éviction à travers trois questions relatives à l'intervention de l'Etat. Il pose ainsi le problème de la soutenabilité de la dette publique. Mais D. Ricardo s'insurge contre les conclusions de la théorie néoclassique. Il stipule que la dette publique équivaut à des impôts futurs et que, si les consommateurs sont rationnels, les impôts futurs équivalent à des impôts actuels. La politique budgétaire est inutile. La réduction fiscale n'a donc aucun des effets préconisés par les interprétations traditionnelles. Ainsi la dette publique n'évince pas nécessairement l'investissement. Malgré les limites de l'équivalence ricardienne, le débat autour de la dette publique n'est pas tranché. Il importe donc d'analyser la théorie de l'effet de levier afin de faire évoluer le débat théorique entre dette publique et investissement privé.

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CHAPITRE II

EFFET DE LEVIER DANS LA RELATION ENTRE DETTE PUBLIQUE ET
INVESTISSEMENT PRIVE

L'effet de levier explique le mécanisme d'accroissement des capitaux propres par l'utilisation intensive des capitaux empruntés, lorsque le coût de l'endettement est inférieur à la rentabilité économique. Il est positif lorsque la rentabilité de l'ensemble des capitaux investis27, ou rentabilité économique est supérieure au coût de l'endettement. Dans cette hypothèse, l'endettement accroît la rentabilité financière et cet accroissement est d'autant plus élevé que, d'une part, le levier d'endettement28 est lui-même élevé, et d'autre part, l'écart entre la rentabilité économique et le coût de l'endettement est important. Il est négatif dans le cas contraire et signifie que l'endettement dégrade la rentabilité financière. On parle alors d'effet de masue. Notons que si l'endettement permet d'accroître la rentabilité des capitaux propres, il accroît également la variabilité de cette rentabilité, appelée risque financier.

L'effet de levier est identifié depuis très longtemps, pratiqué par les responsables financiers, affiché dans les rapports annuels américains avant-guerre, mais c'est l'article de Modigliani et Miller (1958) qui a initié un important débat théorique quant à la portée réelle du levier de la dette dans les politiques financières, débat encore d'actualité. Ainsi le principe de l'effet de levier se voit structurer en trois parties à savoir, l'effet accélérateur (en amont), la relation positive entre investissement public et privé, l'effet multiplicateur (en aval). Le multiplicateur est un outil essentiel dans l'analyse de la croissance pour les keynésiens. Le multiplicateur de l'investissement relie l'effet d'une variation des investissements à la variation du revenu national.

Le présent chapitre donne un aperçu de la théorie de l'effet de levier de la dette publique. Dans une première section, nous procéderons à une analyse de la structure de l'effet de levier, en relation avec le théorème de Modigliani-Miller. Dans une seconde section, nous présenterons l'effet de levier sous l'optique keynésienne de la relation entre la dette publique et investissement privé.

27 Il s'agit des capitaux propres +dettes financières

28 C'est le rapport Dettes financières /Capitaux propres

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Section I : LA STRUCTURE DE L'EFFET DE LEVIER ET LE THEOREME DE

MODIGLIANI-MILLER.

Suivant la logique de l'effet de levier, nous présenterons tour à tour l'effet accélérateur et l'effet multiplicateur comme composante de l'effet de levier, puis nous y associerons le théorème de Modigliani-Miller afin d'apprécier la porté du principe de l'effet de levier.

I.1. EFFET ACCELERATEUR ET EFFET MULTIPLICATEUR

Une revue du principe de l'accélérateur et du multiplicateur Keynésien illustrera la mécanique de l'effet de levier.

I.1.1. Principe de l'accélérateur comme composante de l'effet de levier.

Il met en exergue la relation entre la variation de la demande d'un bien et celle des capacités de production qui permettent de le satisfaire. Il y a « accélération » dans la mesure où, la mise en oeuvre de capacités de production nouvelles entraîne généralement des dépenses29 bien plus importantes que celles qui accompagnent la production supplémentaire nécessaire pour satisfaire une demande accrue.

La présence des capacités de production plus ou moins excédentaires dépend des investissements faits « dans le passé », et donc des anticipations de ceux qui ont effectuées ces investissements. C'est pourquoi il existe deux façons de traiter de l'accélérateur : la version « de base », ou les anticipations ne sont pas prise en compte, et la version « élaborée »-dite « de l'accélérateur flexible »-, ou elles le sont.

Dans le modèle de base de l'accélérateur qui adopte d'emblée un point de vue
macroéconomique, la variation de capacité de production à l'instant t est mesurée par
l'investissementIt = Ê t + 1 - Ê t , ou Ê t désigne le stock de Capital à l'instant t. Si l'on appelle

Õt le revenu (national) à l'instant t, alors la variation de la demande en T est donnée par Õ t - Õ t - 1 , de telle sorte que l'accélérateur est caractérisé par la relation :

I t = Ê ( Y t - Y t - 1) (2.1)

Où k est le coefficient du capital, qui est supposé constant. Ce coefficient du capital est le
rapport entre le capital disponible et la production qu'il permet de mettre en oeuvre. Si l'on

29 Dépense en machine et en équipements de tout ordre

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suppose que l'investissement se décompose en investissement de remplacement r

É t et en

investissement net n

It , alors l'effet accélérateur ne concerne que ce dernier, de sorte que l'équation (2.1) s'écrit :

I t Y Y ( 2 .2)

n = Ê ( t - t - 1 )

Le capital en t+1 est donc égal au capital en t auquel s'ajoute l'investissement de remplacement et l'investissement net ; soit :

Ê + = Ê + É + Ê Õ t - Õ t -

t t t

1 ( 1 )

r

Si l'on suppose, en outre, que l'investissement de remplacement est proportionnel au capital existant -soit É t = aÊ -, il vient :

r

t

Ê t +1 =Ê(Õ tt -1)+(1+a t (2.3)

Elle peut se mettre sous la forme :

Ê t + - Ê t =

1

Ê(Õ t - Õ t - ) + a Ê

1

Ou encore en divisant ses deux membres par Õt:

Ê? -

Ê Õ

t t 1

= Ê Õ - + Ê

a

t+1t

Õ Õ

t t

Ê

Ainsi le taux d'investissement t 1 est égal à la somme de k fois le taux de croissance

t

Ê + -

Õ t

, et d'un terme constant aÊ, qui est donc indépendante de cette

du produit,

Õ

Õ - -

t

t

1

Õt

croissance.

Toutefois la prise en compte des anticipations des agents, ainsi que les délais de mise en oeuvre de nouvelles capacités de production, ont conduit les macro économistes à proposer une variante de l'accélérateur où l'évolution du capital installé dépend de ces facteurs ; c'est le modèle de l'accélérateur flexible.

Le cas le plus flexible est celui où l'on suppose que l'investissement30 dépend des variations du revenu anticipé, de sorte que le principe de l'accélérateur s'écrit :

É t = Ê Õ +1 - Õ ( 2 .4)

n a

( a )

t t

a

Õ t + 1 est le revenu anticipé en t pour la période t+1

30 L'investissement ici est confondu avec l'investissement net, pour simplifier la présentation.

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Le revenu anticipé est supposé suivre les règles des anticipations adaptatives, de sorte qu'on a :

Õ t + 1 = ë Õ + 1 - ë Õ , avec Ï? ë ? 1 ( 2 . 5)

a ( ) a

t t

Il s'ensuit, par récurrence, que :

a i

Õ= ë( ) t i

1 - ë Õ -

t

Par conséquent:

Õ - Õ = Õ - Õ + - Õ - Õ + - Õ - Õ +

a a ë ë ë

( ( ) ( )( ) ( ) ( )

1 1 . . .)

2

t + + - - -

1 1 1

t t t t t t t

1 2

Et donc en remplaçant dans (1.22)

É = Ê Õ - Õ + Ê - Õ - Õ + Ê - Õ - Õ +

( ) ( 1 )( ) ( 1 ) ( ) ...

2 ( 2 . 6)

t t t t t t t

ë ë ë ë ë

+ - - -

1 1 1 2

Ainsi l'investissement à l'instant t dépend des variations passées du revenu, pondérées par les coefficients d'une progression géométrique de raison 1-ë(donc strictement comprise entre 0 et 1). Par conséquent, on peut appliquer à la formule (2.6)la transformation de

Koyck, aveca=0,b=ëÊ,Õ tt , × tt +1 -Õ t et 1-ëau lieu de ë ; il vient :

É t =ëÊÕ t +(1-ët - 1 (2.7)

La formule (2.7) est celle de l'accélérateur flexible : elle comporte un effet

accélérateur puisque l'investissement en t dépend du revenu (avec le coefficient
« amorti » ëÊ, strictement inférieur au coefficient de capital k) mais aussi un « effet inertie »,
du à la présence de l'investissement passé É t- 1 . Ce qui est une conséquence directe du fait que

les anticipations envisagées sont de type « adaptatifs ».

Cependant, on arrive à un résultat similaire si l'on suppose que l'investissement demande un délai de réalisation non négligeable, ou s'il peut être plus ou moins adapté aux variations observées de la demande, mais à certains coûts. En effet, dans l'un ou dans l'autre cas, on se trouve dans une situation formellement équivalente à celle décrite par la règle des anticipations adaptatives, avec des « ajustements » plus ou moins coûteux de l'investissement en cours de processus. Le principe de l'accélérateur est capital dans la mesure où il accorde à l'effet de levier un enchaînement mécanique sur l'activité économique, de même que l'effet multiplicateur.

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I.1.2. Effet multiplicateur mécanique de l'effet de levier

Le multiplicateur keynésien est un concept utilisé par Keynes pour montrer comment, dans une économie où il n y a pas le plein emploi des ressources31, une variation « autonome », exogène, de la demande peut provoquer une variation plus importante du revenu national ; le multiplicateur keynésien donne le rapport entre ces deux variations. La variation de la demande est considérée comme « autonome » si elle correspond à un changement dans le comportement des agents économiques32 ou de la façon d'intervenir de l'Etat, à travers ses dépenses.

La relation économique sur laquelle se fonde le multiplicateur keynésien est la fonction de consommation, qui établit un lien entre les dépenses de consommation courantes des ménages (dans leur ensemble) et leur revenu courant. Selon Keynes, ces dépenses sont bien moins soumises aux divers aléas de la vie économique que celle qui accompagnent les investissements ; les variations de ceux-ci sont donc en bonne partie à l'origine des fluctuations économiques. Pour lui, les décisions de consommer et d'investir sont prises indépendamment les unes des autres, les premières étant le fait des ménages qui agissent selon des habitudes bien établies, alors que les secondes sont le fait des entreprises, dont les choix sont gouvernés par leur prévision sur la demande future. Le multiplicateur peut donc être considéré comme la résultante de ces deux types de décisions, auxquelles on peut ajouter celles de l'Etat. Même si elle est relativement rudimentaire, la logique du multiplicateur relève plutôt de l'équilibre général, puisqu'elle fait jouer un rôle essentiel à la coordination de décisions prises par des entreprises différentes (ménages et entreprises).

Les analyses qui font appel au multiplicateur keynésien adoptent un point de vue de statique comparative, puisqu'elles consistent à mesurer le lien qui existe entre les variations autonomes de l'investissement (ou de tout autre dépense) et celles du revenu d'équilibre de l'économie.

Le multiplicateur keynésien est obtenu en combinant une fonction de comportement33 et une identité comptable, qui traduit l'interdépendance des divers secteurs de l'économie. Autrement dit, il se déduit d'un modèle du type suivant :

C = f(Y) Qui représente la fonction de consommation. (2.8)

Y = C + A Représente l'identité comptable.

31 Le plein emploi des ressources en hommes et en équipements.

32 Par exemple, une modification de l'état d'esprit des entrepreneurs.

33 Ici la fonction de consommation

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L'identité comptable Y = C + A signifie qu'on distingue dans le revenu national Y, les dépenses de consommation C, des dépenses « autres » A. On considère généralement que ces dernières se décomposent en dépenses d'investissement I, et en dépenses du gouvernement G, de sorte qu'on a : A=I+G

Dans le modèle (2.8), on suppose que la dépense A est exogène34 alors que Y et C sont endogènes35. Le système (1) est la forme structurelle du modèle, celle qui découle de la théorie, dont on déduit la forme réduite, où les variables Y et C sont exprimées en fonction de la seule variable exogène A. pour y parvenir, on élimine C dans (1) ; il vient :

Y-A=f(Y) (2.9)

L'équation (2.9) définit Y en tant que fonction implicite de A ; si l'on note Y (A) cette fonction, alors (2.9) s'écrit :

Y(A)- A = f(Y(A)) (2.10)

Les deux membres de (2.10) n'ont que A pour variable. Si on les dérive donc tous deux par rapport à A, il vient :

Õ ' (A)- 1 = f ' (Y(A))× Y ' (A) , et donc si ( ( ) ) 1

f ' Õ A ? :

1

Õ = '

' ( )

A- Õ

1 f ( ( A ) )

(2.11)

Le nombre 1 est par définition, le multiplicateur keynésien déduit du modèle

1-f ' (Õ(A))

(2.8) puisque à la variation ÄÁ de la dépense autonome correspond (approximativement) la

1 ÄÁ = ( A)

variation Õ ÄÁ du revenu. Si l'on omet de préciser l'argument

'

1-f ' (Õ(A))

1

de Y (.), le multiplicateur s'écrit :

1-f ' (Õ)

On constate donc que le multiplicateur keynésien est d'autant plus grand que la propension marginale à consommer, ( Õ)

f , est proche de 1.

'

Le multiplicateur met en rapport des équivalences de l'économie, « avant » et « après » variation de la dépense autonome ; il relève donc clairement de la statique comparative. Dans le souci de mettre l'effet de levier au centre d'un débat théorique, nous devons l'analyser en rapport avec le théorème de Modigliani-Miller.

34 C'est pourquoi on la qualifie souvent d' « autonome » puisqu'elle est déterminée en dehors du modèle.

35 Ils sont déterminés par le modèle notamment par A.

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II.2. EFFET DE LEVIER ET THEOREME DE MODIGLIANI-MILLER.

Il nous revient de présenter le principe de levier puis de faire un rapprochement avec le théorème de Modigliani-Miller.

II.2.1. Le principe de l'effet de levier

L'effet de levier représente le mécanisme par lequel un recours à de la dette permet d'améliorer la rentabilité sur fonds propres, lorsque le rendement attendu de l'activité économique est supérieur au taux d'intérêt exigé par les prêteurs. Il s'agit d'un effet mécanique. L'effet de levier ne fait que retracer une vérité d'expérience évidente.

Au bilan d'une entreprise, le capital (K) a pour contrepartie les fonds propres apportés par les actionnaires (A) et la dette (D) : K=A+D. en termes de flux, le rendement des actions (ðA, oùð est le rendement unitaire d'une action), est égal au rendement du capital (ñK, où ñ

est le taux de rendement du capital) moins la rémunération des prêteurs (rD, où r est le taux
d'intérêt) : ñK = rD +ðA. Si le taux d'intérêt est fixé contractuellement, donc connu avec

certitude, il n'en est pas de même du taux de rendement du capital et, en conséquence, du taux
de rendement des actions, qui sont incertains. ñ et ð sont donc des variables aléatoires, dont il

faut calculer l'espérance et la variance. L'espérance du taux de rendement des actions peut

s'écrire : [ ] [ ] ( [ ] ) D A

E ð = E ñ + E ñ - r .

C'est la formule de l'effet de levier, qui montre que la déformation du bilan de l'endettement (augmentation de A

D ) permet d'accroître la rentabilité moyenne des fonds propres (E[ð]), même si le rendement moyen des capitaux investis (E[ñ]) ne change pas (tant qu'il reste supérieure au taux d'intérêt r).

L'endettement permet donc d'améliorer le rendement moyen servi aux actionnaires, tant que la rentabilité économique des projets d'investissement dépasse le taux d'intérêt du marché. En contrepartie, l'endettement accroît également la variance du rendement servi aux actionnaires : le risque de l'entreprise est supporté par un nombre d'actions relativement plus faible. La variance de la rentabilité des fonds propres s'écrit en

effet : [ ð ] Var [ ñ]

D

Var = 1 +

A

2

. Pour un risque donné des projets d'investissement, la

variance du taux de rendement des actions s'accroît plus que proportionnellement à

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l'endettement. On est alors tenté d'en conclure qu'il existe une structure financière

*

optimale

D
A

, qui résume l'arbitrage entre le rendement et risque, en fonction des

préférences des actionnaires. Si cet arbitrage est valable au plan microéconomique, le théorème de Modigliani-Miller montre que ce n'est toujours pas le cas sur le plan macroéconomique.

II.2.2. Le lien entre le théorème de Modigliani-Miller et l'effet de levier

Le théorème de Modigliani-Miller (1958) est l'un des jalons importants de la théorie des marchés financiers. Il stipule que: « sous condition que les marchés fonctionnent parfaitement,36 la valeur d'une entreprise est indépendante de la façon dont elle est financée (en dette ou en actions) ». Ce premier théorème de Modigliani-Miller est à mettre directement en relation avec l'hypothèse de l'effet de levier.

Le raisonnement précédent sur la structure financière optimale repose sur une hypothèse cruciale : il suppose que les actionnaires puissent modifier leur détention de dettes ou d'actions, sans effet sur les prix. Une telle hypothèse est valable pour un actionnaire particulier, mais pas au niveau de l'ensemble des actionnaires. Imaginons un monde composé d'une seule firme et d'un seul actionnaire-prêteur, dans lequel le taux d'intérêt d'équilibre est r et la rentabilité de l'entreprise estE[ñ]? r. Partant d'un endettement D et d'une quantité

d'actions A, la firme adopte une structure financière différente, avec plus de dettes

(D = D + ÄD)

' et moins d'actions(A = A - ÄA)

' , sans changer son capital ÄD = ÄA.

Conformément à l'effet de levier, le rendement moyen de l'action s'accroît :

( [ ð ] ) [ ñ ] ( [ ñ ] )

E E E r

' = + -

D D

+ Ä

A A

- Ä

? E[ð], ainsi que le risque associé à ce rendement :

2

[ ð ] [ ñ ] [ ð]

D D

Var + Ä

' 1

= + Var Var

?

A A

+ Ä

.

Du point de vue du portefeuille de l'actionnaire, cependant, rien n'aura changé à l'équilibre. En effet, l'actionnaire-prêteur (unique, dans ce monde imaginaire) doit absorber le nouvel endettement, et dont détenir plus d'obligations et moins d'actions. Le rendement de son portefeuille R sera donc inchangé, en moyenne comme en variance. Pour le montrer,

36 Marchés complets, efficients, absence ou neutralité des impôts, absence de coûts de transaction en cas de faillite, etc...

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remarquons d'abord que, puisque le capital n'a pas changé, son rendement doit permettre de
rémunérer les actions et les emprunts dans les deux structures

financières : E [ ] K E [ ] a rD E [ ' ] A ' rD '

ñ = ð + = ð + . Une conséquence immédiate de cette

égalité comptable est que le rendement moyen du portefeuille de l'actionnaire-prêteur n'est pas affecté par le changement de structure financière :

[ ] [ ] [ ] E [ R]

' = ð ' ' ' ð

E A rD

+ E A rD

+

E R = = . La variance du rendement du portefeuille est

K K

également inchangée :

Var R A A Var K Var A Var Var R

( ) ( ) [ ] ( ) [ ] [ ] ( ).

' = - Ä ' = = =

2 2 2

ð ñ ðLe risque dépend seulement

des choix d'investissement de la firme et non des choix de portefeuille de l'actionnaire.

Ce qui est vrai dans ce monde imaginaire à une seule firme et un seul actionnaire - prêteur l'est également à l'équilibre général d'un monde à n firmes et m actionnaires, mais passe par la flexibilité des actifs financiers. Une entreprise qui veut faire jouer l'effet de levier en s'endettant davantage provoque des tensions à la hausse sur le taux d'intérêt, ce qui améliore le rendement des obligations et détériore celui des actions, jusqu'à ce que le marché soit prêt à absorber le montant additionnel d'obligations émises. Au nouvel équilibre, rien n'aura changé en termes de portefeuille : ce que les actionnaires de l'entreprise gagnent par l'effet de levier interne, ils le perdent par la montée des taux d'intérêt de marché :

La flexibilité des prix des actifs financiers neutralise à l'équilibre l'impact des changements de structures financières des entreprises.

Plus précisément Franco Modigliani et Merton Miller montrent qu'il existe un système des prix qui soutient un équilibre général dans lequel le rendement et le risque de tous les portefeuilles individuels sont invariants à la structure financière des firmes. Celle-ci n'a donc aucune influence sur les variables réelles de l'économie, et en particulier sur l'investissement. La finance est un sophisme de composition (effet microéconomique qui n'est plus valable au niveau macroéconomique).

L'intuition à la base du théorème de Modigliani-Miller est que chaque actionnaire peut compenser les décisions financières des entreprises en faisant jouer son propre levier personnel : s'il trouve qu'une firme s'endette trop, il peut toujours vendre des actions de cette firme et acheter des actions d'une firme moins endettée. S'il trouve qu'elle ne lui verse pas suffisamment de dividendes, il peut toujours se procurer des liquidités en vendant ses actions. Ce raisonnement contient deux hypothèses cruciales : la structure financière des firmes est supposée transparente pour les actionnaires et les marchés financiers sont supposés parfaits.

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En entreprenant pour leur propre compte les mêmes opérations financières aux mêmes conditions de prix que les entreprises, les actionnaires peuvent ainsi renverser la politique financière des firmes.

La conséquence directe est que lorsque l'on augmente la dette d'une entreprise sans en changer les perspectives, la valeur de ses actions doit diminuer d'autant. Ce résultat est important, car il contrarie l'intuition. On pourrait en effet être tenté de croire que la valeur unitaire des actions d'une entreprise augmente avec la dette, du fait de l'effet de levier. En effet, il ne paraîtrait pas anormal en première approximation de penser que, comme la rentabilité sur fonds propres peut s'améliorer grâce à l'effet de levier, les actions valent d'autant plus cher que l'on augmente la dette.

Le théorème de Modigliani-Miller est un théorème sur la façon dont se fait l'équilibre global sur les marchés financiers. La théorie financière nous présente le principe de levier en terme micro-économique, c'est-à-dire à l'échelle des entreprises. Une vision élaborée de l'effet de levier est abordée sous l'angle de la relation entre dette publique et investissement privé selon l'optique keynésien.

SECTION II. APPROCHE KEYNESIENNE DE LA RELATION DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE.

L'approche keynésienne de l'emprunt public est présentée suivant le point de vue macroéconomique, allocatif et rédistributif. Les arguments en faveur de l'emprunt sont clairement d'inspiration keynésienne. Mais ces arguments sont en partie limités par la politique de relance keynésienne.

II.1. OPTIQUE KEYNESIENNE DE L'EMPRUNT D'UN POINT DE VUE
MACROECONOMIQUE.

Le principal argument de relâchement de la discipline budgétaire consiste en la stabilisation de l'économie, fonction attribuée au secteur public par les keynésiens. L'État doit réduire les fluctuations économiques en agissant de manière anticyclique et discrétionnaire sur la demande effective. Pour éliminer un déficit, on peut soit réduire les dépenses soit augmenter les recettes fiscales ou introduire un frein au déficit ou à l'endettement37 .

37 Qui revient à mettre en place une mesure légale ou constitutionnelle reportant le problème sur les deux points précédents, puisque pour réduire le déficit il faudra bien ou diminuer les dépenses, ou augmenter les recettes, ou combiner ces deux mesures).

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II.1.1. Réduction des dépenses et déficit public.

La réduction des dépenses publiques peut donner lieu à deux démarches éventuelles.

a) La réduction des coûts de production des prestations publiques.

Dans ce premier cas de figure, trois situations sont envisagées. D'abord, on admet qu'au fil des années, la production publique développe des « rentes de situation » qui peuvent être réduites, voire évacuées. Ensuite, on peut imaginer que par coopération entre Etat, des économies d'échelle de production seraient possibles (par exemple pour les productions en réseau : réseau de distribution d'eau potable, évacuation et épuration des eaux usées). Enfin, on peut aussi mettre en oeuvre un partenariat « public-privé » ou déléguer la production à un agent économique privé afin d'économiser (si le ramassage des ordures ménagères n'occupe des employés communaux que durant 3 jours et que le véhicule ne sert à rien le reste du temps, il vaudrait mieux faire un appel d'offre et confier cette tâche en concurrence à un entrepreneur privé). Peut être dans ce cas, le secteur public pourrait parfaire son efficacité.

b) L'efficacité dans les fonctions du secteur public.

Si les coûts les plus bas sont atteints dans le premier cas, l'économie sur les postes « dépenses » ne peut alors se faire plus qu'en réexaminant le bien-fondé de chaque fonction du secteur public pour déterminer si une fonction est encore nécessaire, peut être biffée, ou quelles sont les priorités sous contrainte budgétaire.

Un problème particulier doit retenir l'attention de l'économiste : pour être crédible, les réductions de dépenses doivent porter sur des dépenses de fonctionnement. Évacuer des dépenses d'investissement pose problème : d'abord, c'est une économie ponctuelle (« one shot solution ») qui ne vaut que pour l'investissement abandonné ; ensuite, c'est une solution à courte vue dans la mesure où un Etat se doit de maintenir son capital de production - sauf évidemment à conclure que la prestation issue d'un investissement n'est plus du ressort public parce qu'elle passe du domaine collectif au domaine marchand.

Si la réduction des dépenses ne pose pas beaucoup de problèmes conceptuels (tout en étant très problématique à entreprendre), la même chose ne vaut pas pour l'augmentation des recettes.

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II.1.2. Augmentation des recettes publiques et déficit public.

Du côté des impôts, la question est plus délicate. En effet, le réflexe « hausse des impôts » doit s'accompagner d'une étude de faisabilité et des conséquences de la hausse fiscale. Toute hausse n'est pas neutre dans l'allocation des ressources : il faut en apprécier les effets sur les décisions des agents économiques. On a coutume de distinguer deux effets :

l'effet taux et l'effet base : T = t × [B - (D i ...)]× K.

L'effet taux agit sur « t » dans la formule : en l'augmentant, on cherche à obtenir un accroissement du produit de l'impôt T. Mais il faut compter avec l'effet base : comment va réagir l'agent économique ? Va-t-il ajuster son comportement, avec un effet qui réduit l'assiette fiscale : B diminue ? Ainsi la question suivante est cruciale: la hausse des taux d'imposition entraîne-t-elle une augmentation ou une diminution des recettes fiscales? Ce problème est conceptuellement analysé en examinant la courbe de Laffer.

La courbe de Laffer permet d'établir la relation qui existe entre le taux d'imposition et les
recettes fiscales. La situation initiale sur le marché du travail (figure 7), sans impôt, est une
offre LÏ pour un salaire horaire w. Si le taux d'imposition est nul, le gouvernement ne tire

évidemment aucun revenu fiscal. Après l'introduction d'un taux d'impôt ta = ab, le salaire
horaire réel baisse à(1 - ta)W . L'État encaisse un impôt égal au taux d'impôt × le temps de

travail, soit ab × bd = abdc. Ce rendement fiscal est donné au point a dans la figure 8 sur la courbe de Laffer. Lorsque le taux d'imposition augmente, les recettes fiscales s'accroissent également, mais seulement jusqu'à m. Ainsi, avec un taux tm = ae pour un salaire horaire net de (1- tm)W, le rendement fiscal est tm × le temps de travail Lm , soit ae × ef = aefg. Dans

l'exemple, le taux d'imposition est alors de 40%. Si le taux d'imposition dépasse 40%, les
recettes fiscales se mettent à diminuer, pour être zéro si le taux est de 100%. Ainsi, avec un
tauxtb = ah, le taux de salaire net devient(1- tb)W, et le rendement fiscal est

de ah × hi = ahij .

Taux de salaire

SL

horaire

a j g c

w

b

(1- ta)w

(1- tm) w

d

e

f

h

(1- tb)w

i

Heures de travail

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Lb Lm La Lo

Figure 7: Marché du travail

C'est le même rendement fiscal qu'avec un taux ta : en fait, le taux a considérablement augmenté, mais l'assiette s'est tellement réduite que le rendement fiscal n'est pas élevé. Il est le même, dans l'exemple, qu'avec un taux ta: ahij dans le figure 7 correspond au point b sur la

courbe de Laffer dans le figure 8. Pour un gouvernement, le taux ta est donc préférable à tb, puisque pour un même rendement fiscal, la charge qui pèse sur les salaires est moindre. Le comportement des agents économiques sur le marché du travail fait qu'il y a inversion à partir du point m avec la baisse du niveau de l'activité en réponse à l'impôt. En effet, la base d'imposition diminue à la suite de l'ajustement du comportement des agents économiques (le taux est trop élevé ? je travaille moins ? donc il y a moins de revenu ? donc moins d'impôt). Si un gouvernement veut rétablir l'équilibre du budget par une hausse du taux, il est avisé de savoir s'il se trouve au point a ou b dans la figure 8. S'il part du point a, l'augmentation du taux accroîtra la recette, bien qu'à un rythme de moins en moins soutenu. Par contre, s'il se trouve au point b, la hausse du taux aura l'effet contraire : elle incitera les agents économique à quitter le marché (du travail) imposé.

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Recette fiscale

m

a b

40 100 Taux d'imposition

Figure 8 : la courbe de Laffer

La dernière mesure possible est, comme nous l'avons dit, l'introduction d'une règle constitutionnelle destinée à freiner les dépenses, les déficits et l'endettement. A vrai dire, ce n'est pas une mesure d'économie en soit : elle doit inévitablement se traduire par des dépenses en moins ou des recettes en plus. L'idée est simplement qu'en mettant un barrage institutionnel et en compliquant la procédure de décision, on oblige le parlement à respecter une certaine discipline budgétaire.

L'optique keynésienne de l'emprunt public d'un point de vue macroéconomique se base sur la réduction des fluctuations économiques. Nous pouvons aussi l'évoquer selon un point de vue allocatif et rédistributif.

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II.2. ALLOCATION, REDISTRIBUTION DE L'EMPRUNT PUBLIC ET LIMITE DE
L'APROCHE KEYNESIENNE.

Pour une présentation complète de l'approche keynésienne de la dette publique, nous analyserons l'optique keynésienne d'un point de vue allocatif et rédistributif. Par la suite, nous lèverons quelques limites de cette approche.

II.2.1. Optique keynésienne de l'emprunt d'un point de vue allocatif et rédistributif

L'emprunt équivaut à l'impôt, donc le problème de l'endettement ne se pose pas et le principe d'équilibre budgétaire perd sa justification théorique.

Ricardo fut le principal inspirateur de l'hypothèse de l'équivalence entre l'impôt et l'emprunt, bien qu'il finisse par la rejeter, la jugeant invraisemblable non seulement en raison de l'illusion fiscale, mais aussi parce que l'équivalence repose sur huit hypothèses très restrictives, rarement sinon jamais réalisées en pratique.

L'hypothèse de l'équivalence fut reprise par Barro en 1974. Selon cet auteur, l'impôt est seulement différé en cas d'emprunt ; ce dernier devra en effet être payé par des impôts futurs. Comme le contribuable est considéré être rationnel, il anticipe correctement les engagements futurs auxquels il devra faire face. Ainsi, l'emprunt est neutre du point de vue des comportements, il est donc équivalent à l'impôt. Cependant, beaucoup d'auteurs ont rejeté ce théorème d'équivalence, le considérant comme irréaliste car dépendant d'hypothèses héroïques, comme la parfaite rationalité des individus et l'absence de mobilité (Novaresi, 2001 : 31 et 32).

D'après l'optique rédistributif, le recours à l'emprunt n'influence pas le bien-être des générations futures. Un des grands apports de la théorie keynésienne est le raisonnement en termes de variables macroéconomiques, qui s'oppose au raisonnement classique individualiste en termes microéconomiques. Si l'on raisonne avec des variables macroéconomiques, on n'évalue plus les effets d'un emprunt sur l'utilité des individus mais par rapport aux impacts globaux sur l'économie. Dans ce cas, on mesure le fardeau de l'emprunt en terme de ressources réelles qui ont dû lui être consacrées. Le coût de l'emprunt ne représente pas un coût monétaire si l'on considère la génération future prise dans son ensemble, il ne s'agirait en fait que d'un transfert entre ceux qui ont prêté afin que la dépense publique ait pu s'effectuer par emprunt, et les contribuables qui doivent le leur rembourser, moyennant les

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intérêts. Selon cet argument, il n'y aurait donc pas de report du fardeau de l'emprunt sur la génération future (Novaresi, 2001 : 36 à 38).

Le raisonnement individualiste (microéconomique) en termes de sacrifice est employé par Buchanan dans l'argument selon lequel l'emprunt est un fardeau pour les générations futures, en faveur de la discipline budgétaire. Ainsi, l'argument «pour» ou «contre»la discipline budgétaire varie selon que l'on raisonne sur le plan microéconomique ou macroéconomique.

Toutefois l'approche keynésienne de la relation entre dette et investissement se heurte à quelques difficultés.

II.2.2.Les bémols dans l'analyse de l'effet de levier : La politique de relance keynésienne

La dette comme instrument de rééquilibrage économique se heurte à plusieurs problèmes de mise en oeuvre.

Il n'y a pas à proprement parler d'arguments de type macroéconomique qui sont en faveur de la discipline budgétaire. Ce sont plutôt les faiblesses des arguments keynésiens prônant le relâchement budgétaire à des fins de relance qui plaident pour la discipline budgétaire. L'idée keynésienne d'utiliser la politique budgétaire et en particulier la dette comme instrument de rééquilibrage économique se heurte en effet à plusieurs problèmes de mise en oeuvre qui en réduisent l'efficacité (Novaresi, 2001 : 26 à 30) :

· Des problèmes techniques de mise en oeuvre des politiques budgétaires : non seulement la prévision des cycles est très difficile (décalage entre l'horizon temporel des prévisions conjoncturelles, mensuel, et celui du processus budgétaire, annuel), mais en plus les délais d'engagement de la politique budgétaire sont longs, l'intervention risque donc de déclencher ses effets à contretemps.

· Des problèmes d'asymétrie dans la mise en oeuvre des politiques budgétaires : en période de faible conjoncture, tout le monde est d'accord pour créer des déficits budgétaires ou diminuer les impôts, mais en période de bonne conjoncture, les politiciens ne seront guère enclin à créer des surplus en augmentant les impôts ou en diminuant les dépenses.

· Des problèmes d'application des politiques de stabilisation à des échelons décentralisés : ces derniers étant en situation de petite économie ouverte, une politique de relance pourrait conduire à des effets de débordements considérables.

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Outre ces problèmes de mise en oeuvre, la politique de stabilisation keynésienne est vivement contestée par Buchanan et Wagner (1978 : 79 à 97) en raison de son manque total de réalisme. En effet, selon ces auteurs, la politique budgétaire dérivée des préceptes keynésiens n'est pas applicable dans un système démocratique. Keynes suppose que les politiques publiques et économiques sont menées par un petit groupe d'hommes sages et éclairés, qui agiraient selon l'intérêt public sans subir de pressions quelconques. Or, ceci est impensable dans une démocratie représentative, où les politiciens sont des élus qui répondent aux désirs des votants.

Dans la réalité, il est très difficile de créer des surplus budgétaires à des fins conjoncturelles, car ces derniers sont très mal acceptés par la population et une partie de la classe politique. En effet, lors de surplus, le citoyen est perdant : il paie plus d'impôts qu'auparavant, sans pour autant recevoir davantage de biens publics (ou il supporte des coupes dans les dépenses publiques sans bénéficier de réduction d'impôt). Donc pour qu'un citoyen accepte un surplus, il faudrait qu'il comprenne et qu'il évalue les bénéfices indirects (c'est-à-dire les avantages de ne pas avoir de déficits) qu'il en retirerait, ce qui est difficilement envisageable. Le système institutionnel crée ainsi un biais en défaveur de la création de surplus, qui n'ont dès lors que peu de chances de se réaliser. C'est pourquoi on qualifie la politique keynésienne anticyclique de «politiquement« asymétrique.

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