CONCLUSION
Il était question dans ce chapitre de faire une analyse
théorique de l'effet d'éviction. Plusieurs écoles de
pensées ont soutenu cette assertion. La plus ancienne est celle de
l'école classique, avec ses partisans de l'école des choix
publics. Elles pensent que l'emprunt public est néfaste pour
l'investissement en particulier, et l'activité économique par
ricochet. Ces écoles de pensées considèrent qu'il est
primordial de garantir la discipline budgétaire dans la gestion des
finances publiques, car entre autre, l'emprunt public réduit
l'investissement privé. Aussi, en ce qui concerne la dette publique, il
en ressort dans son approche traditionnelle qu'une hausse des dépenses
publiques ou une réduction fiscale financée par l'emprunt public
exerce un effet à court et à long terme sur l'économie. A
court terme, les dépenses accrues de consommation accroissent la demande
des biens et services, et donc, de la production et l'emploi. Les taux
d'intérêt tendent également à augmenter, à
mesure que les investisseurs sont confrontés à un flux
réduit d'épargne. A long terme, la baisse de l'épargne
nationale provoquée par les réductions fiscales pèse
négativement sur le stock du capital et positivement sur l'emprunt
à l'étranger. Il en résulte une production nationale moins
élevée et une emprise de l'étranger sur une plus large
part de cette production.
Le modèle de Solow-Ramsey fait progresser l'analyse de
l'effet d'éviction à travers trois questions relatives à
l'intervention de l'Etat. Il pose ainsi le problème de la
soutenabilité de la dette publique. Mais D. Ricardo s'insurge contre les
conclusions de la théorie néoclassique. Il stipule que la dette
publique équivaut à des impôts futurs et que, si les
consommateurs sont rationnels, les impôts futurs équivalent
à des impôts actuels. La politique budgétaire est inutile.
La réduction fiscale n'a donc aucun des effets préconisés
par les interprétations traditionnelles. Ainsi la dette publique
n'évince pas nécessairement l'investissement. Malgré les
limites de l'équivalence ricardienne, le débat autour de la dette
publique n'est pas tranché. Il importe donc d'analyser la théorie
de l'effet de levier afin de faire évoluer le débat
théorique entre dette publique et investissement privé.
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
46
|
CHAPITRE II
EFFET DE LEVIER DANS LA RELATION ENTRE DETTE PUBLIQUE
ET INVESTISSEMENT PRIVE
L'effet de levier explique le mécanisme d'accroissement
des capitaux propres par l'utilisation intensive des capitaux empruntés,
lorsque le coût de l'endettement est inférieur à la
rentabilité économique. Il est positif lorsque la
rentabilité de l'ensemble des capitaux investis27, ou
rentabilité économique est supérieure au coût de
l'endettement. Dans cette hypothèse, l'endettement accroît la
rentabilité financière et cet accroissement est d'autant plus
élevé que, d'une part, le levier d'endettement28 est
lui-même élevé, et d'autre part, l'écart entre la
rentabilité économique et le coût de l'endettement est
important. Il est négatif dans le cas contraire et signifie que
l'endettement dégrade la rentabilité financière. On parle
alors d'effet de masue. Notons que si l'endettement permet d'accroître la
rentabilité des capitaux propres, il accroît également la
variabilité de cette rentabilité, appelée risque
financier.
L'effet de levier est identifié depuis très
longtemps, pratiqué par les responsables financiers, affiché dans
les rapports annuels américains avant-guerre, mais c'est l'article de
Modigliani et Miller (1958) qui a initié un important débat
théorique quant à la portée réelle du levier de la
dette dans les politiques financières, débat encore
d'actualité. Ainsi le principe de l'effet de levier se voit structurer
en trois parties à savoir, l'effet accélérateur (en
amont), la relation positive entre investissement public et privé,
l'effet multiplicateur (en aval). Le multiplicateur est un outil essentiel dans
l'analyse de la croissance pour les keynésiens. Le multiplicateur de
l'investissement relie l'effet d'une variation des investissements à la
variation du revenu national.
Le présent chapitre donne un aperçu de la
théorie de l'effet de levier de la dette publique. Dans une
première section, nous procéderons à une analyse de la
structure de l'effet de levier, en relation avec le théorème de
Modigliani-Miller. Dans une seconde section, nous présenterons l'effet
de levier sous l'optique keynésienne de la relation entre la dette
publique et investissement privé.
27 Il s'agit des capitaux propres +dettes
financières
28 C'est le rapport Dettes financières
/Capitaux propres
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
47
|
Section I : LA STRUCTURE DE L'EFFET DE LEVIER ET LE
THEOREME DE
MODIGLIANI-MILLER.
Suivant la logique de l'effet de levier, nous
présenterons tour à tour l'effet accélérateur et
l'effet multiplicateur comme composante de l'effet de levier, puis nous y
associerons le théorème de Modigliani-Miller afin
d'apprécier la porté du principe de l'effet de
levier.
I.1. EFFET ACCELERATEUR ET EFFET
MULTIPLICATEUR
Une revue du principe de l'accélérateur et du
multiplicateur Keynésien illustrera la mécanique de l'effet de
levier.
I.1.1. Principe de l'accélérateur comme
composante de l'effet de levier.
Il met en exergue la relation entre la variation de la demande
d'un bien et celle des capacités de production qui permettent de le
satisfaire. Il y a « accélération » dans la mesure
où, la mise en oeuvre de capacités de production nouvelles
entraîne généralement des dépenses29 bien
plus importantes que celles qui accompagnent la production
supplémentaire nécessaire pour satisfaire une demande accrue.
La présence des capacités de production plus ou
moins excédentaires dépend des investissements faits « dans
le passé », et donc des anticipations de ceux qui ont
effectuées ces investissements. C'est pourquoi il existe deux
façons de traiter de l'accélérateur : la version « de
base », ou les anticipations ne sont pas prise en compte, et la version
« élaborée »-dite « de
l'accélérateur flexible »-, ou elles le sont.
Dans le modèle de base de l'accélérateur
qui adopte d'emblée un point de vue macroéconomique, la
variation de capacité de production à l'instant t est
mesurée par l'investissementIt = Ê t + 1 -
Ê t , ou Ê t désigne le stock de Capital
à l'instant t. Si l'on appelle
Õt le revenu (national) à
l'instant t, alors la variation de la demande en T est donnée par
Õ t - Õ t - 1 , de telle sorte que
l'accélérateur est caractérisé par la relation :
I t = Ê ( Y t - Y t - 1)
(2.1)
Où k est le coefficient du capital, qui est
supposé constant. Ce coefficient du capital est le rapport entre le
capital disponible et la production qu'il permet de mettre en oeuvre. Si
l'on
29 Dépense en machine et en équipements
de tout ordre
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
48
|
suppose que l'investissement se décompose en
investissement de remplacement r
É t et en
investissement net n
It , alors l'effet accélérateur
ne concerne que ce dernier, de sorte que l'équation (2.1) s'écrit
:
I t Y Y ( 2 .2)
n = Ê ( t - t - 1 )
Le capital en t+1 est donc égal au capital en t auquel
s'ajoute l'investissement de remplacement et l'investissement net ; soit :
Ê + = Ê + É + Ê Õ t -
Õ t -
t t t
1 ( 1 )
r
Si l'on suppose, en outre, que l'investissement de remplacement
est proportionnel au capital existant -soit É t =
aÊ -, il vient :
r
t
Ê t +1 =Ê(Õ t
-Õ t -1)+(1+a)Ê t
(2.3)
Elle peut se mettre sous la forme :
Ê t + - Ê t =
1
|
Ê(Õ t - Õ t - ) + a
Ê
1
|
Ou encore en divisant ses deux membres par Õt:
Ê? -
Ê Õ
t t 1
= Ê Õ - + Ê
a
t+1t
Õ Õ
t t
Ê
Ainsi le taux d'investissement t 1 est égal
à la somme de k fois le taux de croissance
t
Ê + -
Õ t
, et d'un terme constant aÊ, qui est donc
indépendante de cette
du produit,
Õ
Õ - -
t
t
1
Õt
croissance.
Toutefois la prise en compte des anticipations des agents,
ainsi que les délais de mise en oeuvre de nouvelles capacités de
production, ont conduit les macro économistes à proposer une
variante de l'accélérateur où l'évolution du
capital installé dépend de ces facteurs ; c'est le modèle
de l'accélérateur flexible.
Le cas le plus flexible est celui où l'on suppose que
l'investissement30 dépend des variations du revenu
anticipé, de sorte que le principe de l'accélérateur
s'écrit :
É t = Ê Õ +1 - Õ ( 2 .4)
n a
( a )
t t
Où a
Õ t + 1 est le revenu anticipé en t pour
la période t+1
30 L'investissement ici est confondu avec
l'investissement net, pour simplifier la présentation.
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
49
|
Le revenu anticipé est supposé suivre les
règles des anticipations adaptatives, de sorte qu'on a :
Õ t + 1 = ë Õ + 1 -
ë Õ , avec Ï? ë ? 1 ( 2 . 5)
a ( ) a
t t
Il s'ensuit, par récurrence, que :
a i
Õ= ë( ) t i
1 - ë Õ -
t
Par conséquent:
Õ - Õ = Õ - Õ + - Õ - Õ
+ - Õ - Õ +
a a ë ë ë
( ( ) ( )( ) ( ) ( )
1 1 . . .)
2
t + + - - -
1 1 1
t t t t t t t
1 2
Et donc en remplaçant dans (1.22)
É = Ê Õ - Õ + Ê - Õ -
Õ + Ê - Õ - Õ +
( ) ( 1 )( ) ( 1 ) ( ) ...
2 ( 2 . 6)
t t t t t t t
ë ë ë ë ë
+ - - -
1 1 1 2
Ainsi l'investissement à l'instant t dépend des
variations passées du revenu, pondérées par les
coefficients d'une progression géométrique de raison
1-ë(donc strictement comprise entre 0 et 1). Par
conséquent, on peut appliquer à la formule (2.6)la transformation
de
Koyck,
aveca=0,b=ëÊ,Õ
t =É t , ×
t =Õ t +1 -Õ t
et 1-ëau lieu de ë ; il vient :
É t =ëÊÕ
t +(1-ë)É t - 1 (2.7)
La formule (2.7) est celle de l'accélérateur
flexible : elle comporte un effet
accélérateur puisque l'investissement en t
dépend du revenu (avec le coefficient « amorti »
ëÊ, strictement inférieur au coefficient de capital
k) mais aussi un « effet inertie », du à la présence
de l'investissement passé É t- 1 . Ce qui est une
conséquence directe du fait que
les anticipations envisagées sont de type «
adaptatifs ».
Cependant, on arrive à un résultat similaire si
l'on suppose que l'investissement demande un délai de réalisation
non négligeable, ou s'il peut être plus ou moins adapté aux
variations observées de la demande, mais à certains coûts.
En effet, dans l'un ou dans l'autre cas, on se trouve dans une situation
formellement équivalente à celle décrite par la
règle des anticipations adaptatives, avec des « ajustements »
plus ou moins coûteux de l'investissement en cours de processus. Le
principe de l'accélérateur est capital dans la mesure où
il accorde à l'effet de levier un enchaînement mécanique
sur l'activité économique, de même que l'effet
multiplicateur.
50
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
I.1.2. Effet multiplicateur mécanique de l'effet de
levier
Le multiplicateur keynésien est un concept
utilisé par Keynes pour montrer comment, dans une économie
où il n y a pas le plein emploi des ressources31, une
variation « autonome », exogène, de la demande peut provoquer
une variation plus importante du revenu national ; le multiplicateur
keynésien donne le rapport entre ces deux variations. La variation de la
demande est considérée comme « autonome » si elle
correspond à un changement dans le comportement des agents
économiques32 ou de la façon d'intervenir de l'Etat,
à travers ses dépenses.
La relation économique sur laquelle se fonde le
multiplicateur keynésien est la fonction de consommation, qui
établit un lien entre les dépenses de consommation courantes des
ménages (dans leur ensemble) et leur revenu courant. Selon Keynes, ces
dépenses sont bien moins soumises aux divers aléas de la vie
économique que celle qui accompagnent les investissements ; les
variations de ceux-ci sont donc en bonne partie à l'origine des
fluctuations économiques. Pour lui, les décisions de consommer et
d'investir sont prises indépendamment les unes des autres, les
premières étant le fait des ménages qui agissent selon des
habitudes bien établies, alors que les secondes sont le fait des
entreprises, dont les choix sont gouvernés par leur prévision sur
la demande future. Le multiplicateur peut donc être
considéré comme la résultante de ces deux types de
décisions, auxquelles on peut ajouter celles de l'Etat. Même si
elle est relativement rudimentaire, la logique du multiplicateur relève
plutôt de l'équilibre général, puisqu'elle fait
jouer un rôle essentiel à la coordination de décisions
prises par des entreprises différentes (ménages et
entreprises).
Les analyses qui font appel au multiplicateur keynésien
adoptent un point de vue de statique comparative, puisqu'elles consistent
à mesurer le lien qui existe entre les variations autonomes de
l'investissement (ou de tout autre dépense) et celles du revenu
d'équilibre de l'économie.
Le multiplicateur keynésien est obtenu en combinant une
fonction de comportement33 et une identité comptable, qui
traduit l'interdépendance des divers secteurs de l'économie.
Autrement dit, il se déduit d'un modèle du type suivant :
C = f(Y) Qui représente la
fonction de consommation. (2.8)
Y = C + A Représente
l'identité comptable.
31 Le plein emploi des ressources en hommes et en
équipements.
32 Par exemple, une modification de l'état
d'esprit des entrepreneurs.
33 Ici la fonction de consommation
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
51
|
L'identité comptable Y = C +
A signifie qu'on distingue dans le revenu national Y, les
dépenses de consommation C, des dépenses « autres » A.
On considère généralement que ces dernières se
décomposent en dépenses d'investissement I, et en dépenses
du gouvernement G, de sorte qu'on a : A=I+G
Dans le modèle (2.8), on suppose que la dépense
A est exogène34 alors que Y et C sont
endogènes35. Le système (1) est la forme structurelle
du modèle, celle qui découle de la théorie, dont on
déduit la forme réduite, où les variables Y et C sont
exprimées en fonction de la seule variable exogène A. pour y
parvenir, on élimine C dans (1) ; il vient :
Y-A=f(Y) (2.9)
L'équation (2.9) définit Y en tant que fonction
implicite de A ; si l'on note Y (A) cette fonction, alors (2.9) s'écrit
:
Y(A)- A =
f(Y(A)) (2.10)
Les deux membres de (2.10) n'ont que A pour variable. Si on les
dérive donc tous deux par rapport à A, il vient :
Õ ' (A)- 1 = f '
(Y(A))× Y ' (A) , et donc si ( ( ) )
1
f ' Õ A ? :
1
Õ = '
' ( )
A- Õ
1 f ( ( A ) )
|
(2.11)
|
Le nombre 1 est par définition, le multiplicateur
keynésien déduit du modèle
1-f ' (Õ(A))
(2.8) puisque à la variation ÄÁ de la
dépense autonome correspond (approximativement) la
1 ÄÁ = ( A)
variation Õ ÄÁ du revenu. Si l'on omet de
préciser l'argument
'
1-f ' (Õ(A))
1
de Y (.), le multiplicateur s'écrit :
1-f ' (Õ)
On constate donc que le multiplicateur keynésien est
d'autant plus grand que la propension marginale à consommer, (
Õ)
f , est proche de 1.
'
Le multiplicateur met en rapport des équivalences de
l'économie, « avant » et « après » variation
de la dépense autonome ; il relève donc clairement de la statique
comparative. Dans le souci de mettre l'effet de levier au centre d'un
débat théorique, nous devons l'analyser en rapport avec le
théorème de Modigliani-Miller.
34 C'est pourquoi on la qualifie souvent d' «
autonome » puisqu'elle est déterminée en dehors du
modèle.
35 Ils sont déterminés par le
modèle notamment par A.
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
52
|
II.2. EFFET DE LEVIER ET THEOREME DE
MODIGLIANI-MILLER.
Il nous revient de présenter le principe de levier puis de
faire un rapprochement avec le théorème de Modigliani-Miller.
II.2.1. Le principe de l'effet de levier
L'effet de levier représente le mécanisme par
lequel un recours à de la dette permet d'améliorer la
rentabilité sur fonds propres, lorsque le rendement attendu de
l'activité économique est supérieur au taux
d'intérêt exigé par les prêteurs. Il s'agit d'un
effet mécanique. L'effet de levier ne fait que retracer une
vérité d'expérience évidente.
Au bilan d'une entreprise, le capital (K) a pour contrepartie
les fonds propres apportés par les actionnaires (A) et la dette (D) :
K=A+D. en termes de flux, le rendement des actions (ðA,
oùð est le rendement unitaire d'une action), est
égal au rendement du capital (ñK, où
ñ
est le taux de rendement du capital) moins la
rémunération des prêteurs (rD, où r est le
taux d'intérêt) : ñK = rD
+ðA. Si le taux d'intérêt est fixé
contractuellement, donc connu avec
certitude, il n'en est pas de même du taux de rendement
du capital et, en conséquence, du taux de rendement des actions, qui
sont incertains. ñ et ð sont donc des variables
aléatoires, dont il
faut calculer l'espérance et la variance.
L'espérance du taux de rendement des actions peut
s'écrire : [ ] [ ] ( [ ] ) D A
E ð = E ñ + E ñ -
r .
C'est la formule de l'effet de levier, qui montre que la
déformation du bilan de l'endettement (augmentation de A
D ) permet d'accroître la rentabilité
moyenne des fonds propres (E[ð]), même si le
rendement moyen des capitaux investis (E[ñ]) ne change
pas (tant qu'il reste supérieure au taux d'intérêt r).
L'endettement permet donc d'améliorer le rendement
moyen servi aux actionnaires, tant que la rentabilité économique
des projets d'investissement dépasse le taux d'intérêt du
marché. En contrepartie, l'endettement accroît également la
variance du rendement servi aux actionnaires : le risque de l'entreprise est
supporté par un nombre d'actions relativement plus faible. La variance
de la rentabilité des fonds propres s'écrit en
effet : [ ð ] Var [ ñ]
D
Var = 1 +
A
2
. Pour un risque donné des projets d'investissement, la
variance du taux de rendement des actions s'accroît plus
que proportionnellement à
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
53
|
l'endettement. On est alors tenté d'en conclure qu'il
existe une structure financière
*
optimale
|
D A
|
, qui résume l'arbitrage entre le rendement et risque,
en fonction des
|
préférences des actionnaires. Si cet arbitrage
est valable au plan microéconomique, le théorème de
Modigliani-Miller montre que ce n'est toujours pas le cas sur le plan
macroéconomique.
II.2.2. Le lien entre le théorème de
Modigliani-Miller et l'effet de levier
Le théorème de Modigliani-Miller (1958) est l'un
des jalons importants de la théorie des marchés financiers. Il
stipule que: « sous condition que les marchés fonctionnent
parfaitement,36 la valeur d'une entreprise est indépendante
de la façon dont elle est financée (en dette ou en actions)
». Ce premier théorème de Modigliani-Miller est à
mettre directement en relation avec l'hypothèse de l'effet de levier.
Le raisonnement précédent sur la structure
financière optimale repose sur une hypothèse cruciale : il
suppose que les actionnaires puissent modifier leur détention de dettes
ou d'actions, sans effet sur les prix. Une telle hypothèse est valable
pour un actionnaire particulier, mais pas au niveau de l'ensemble des
actionnaires. Imaginons un monde composé d'une seule firme et d'un seul
actionnaire-prêteur, dans lequel le taux d'intérêt
d'équilibre est r et la rentabilité de l'entreprise
estE[ñ]? r. Partant d'un endettement D et
d'une quantité
d'actions A, la firme adopte une structure financière
différente, avec plus de dettes
(D = D + ÄD)
' et moins d'actions(A = A -
ÄA)
' , sans changer son capital ÄD =
ÄA.
Conformément à l'effet de levier, le rendement
moyen de l'action s'accroît :
( [ ð ] ) [ ñ ] ( [ ñ
] )
E E E r
' = + -
|
D D
+ Ä
A A
- Ä
|
? E[ð], ainsi que le risque associé
à ce rendement :
|
2
[ ð ] [ ñ ] [ ð]
D D
Var + Ä
' 1
= + Var Var
?
A A
+ Ä
|
.
|
Du point de vue du portefeuille de l'actionnaire, cependant,
rien n'aura changé à l'équilibre. En effet,
l'actionnaire-prêteur (unique, dans ce monde imaginaire) doit absorber le
nouvel endettement, et dont détenir plus d'obligations et moins
d'actions. Le rendement de son portefeuille R sera donc inchangé, en
moyenne comme en variance. Pour le montrer,
36 Marchés complets, efficients, absence ou
neutralité des impôts, absence de coûts de transaction en
cas de faillite, etc...
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
54
|
remarquons d'abord que, puisque le capital n'a pas changé,
son rendement doit permettre de rémunérer les actions et les
emprunts dans les deux structures
financières : E [ ] K E [ ] a rD E
[ ' ] A ' rD '
ñ = ð + = ð + . Une
conséquence immédiate de cette
égalité comptable est que le rendement moyen du
portefeuille de l'actionnaire-prêteur n'est pas affecté par le
changement de structure financière :
[ ] [ ] [ ] E [ R]
' = ð ' ' ' ð
E A rD
+ E A rD
+
E R = = . La variance du rendement du portefeuille
est
K K
également inchangée :
Var R A A Var K Var A Var Var R
( ) ( ) [ ] ( ) [ ] [ ] ( ).
' = - Ä ' = = =
2 2 2
ð ñ ðLe risque dépend seulement
des choix d'investissement de la firme et non des choix de
portefeuille de l'actionnaire.
Ce qui est vrai dans ce monde imaginaire à une seule
firme et un seul actionnaire - prêteur l'est également à
l'équilibre général d'un monde à n firmes et m
actionnaires, mais passe par la flexibilité des actifs financiers. Une
entreprise qui veut faire jouer l'effet de levier en s'endettant davantage
provoque des tensions à la hausse sur le taux d'intérêt, ce
qui améliore le rendement des obligations et détériore
celui des actions, jusqu'à ce que le marché soit prêt
à absorber le montant additionnel d'obligations émises. Au nouvel
équilibre, rien n'aura changé en termes de portefeuille : ce que
les actionnaires de l'entreprise gagnent par l'effet de levier interne, ils le
perdent par la montée des taux d'intérêt de marché
:
La flexibilité des prix des actifs financiers neutralise
à l'équilibre l'impact des changements de structures
financières des entreprises.
Plus précisément Franco Modigliani et Merton
Miller montrent qu'il existe un système des prix qui soutient un
équilibre général dans lequel le rendement et le risque de
tous les portefeuilles individuels sont invariants à la structure
financière des firmes. Celle-ci n'a donc aucune influence sur les
variables réelles de l'économie, et en particulier sur
l'investissement. La finance est un sophisme de composition (effet
microéconomique qui n'est plus valable au niveau
macroéconomique).
L'intuition à la base du théorème de
Modigliani-Miller est que chaque actionnaire peut compenser les
décisions financières des entreprises en faisant jouer son propre
levier personnel : s'il trouve qu'une firme s'endette trop, il peut toujours
vendre des actions de cette firme et acheter des actions d'une firme moins
endettée. S'il trouve qu'elle ne lui verse pas suffisamment de
dividendes, il peut toujours se procurer des liquidités en vendant ses
actions. Ce raisonnement contient deux hypothèses cruciales : la
structure financière des firmes est supposée transparente pour
les actionnaires et les marchés financiers sont supposés
parfaits.
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
55
|
En entreprenant pour leur propre compte les mêmes
opérations financières aux mêmes conditions de prix que les
entreprises, les actionnaires peuvent ainsi renverser la politique
financière des firmes.
La conséquence directe est que lorsque l'on augmente la
dette d'une entreprise sans en changer les perspectives, la valeur de ses
actions doit diminuer d'autant. Ce résultat est important, car il
contrarie l'intuition. On pourrait en effet être tenté de croire
que la valeur unitaire des actions d'une entreprise augmente avec la dette, du
fait de l'effet de levier. En effet, il ne paraîtrait pas anormal en
première approximation de penser que, comme la rentabilité sur
fonds propres peut s'améliorer grâce à l'effet de levier,
les actions valent d'autant plus cher que l'on augmente la dette.
Le théorème de Modigliani-Miller est un
théorème sur la façon dont se fait l'équilibre
global sur les marchés financiers. La théorie financière
nous présente le principe de levier en terme micro-économique,
c'est-à-dire à l'échelle des entreprises. Une vision
élaborée de l'effet de levier est abordée sous l'angle de
la relation entre dette publique et investissement privé selon l'optique
keynésien.
SECTION II. APPROCHE KEYNESIENNE DE LA RELATION DETTE
PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE.
L'approche keynésienne de l'emprunt public est
présentée suivant le point de vue macroéconomique,
allocatif et rédistributif. Les arguments en faveur de l'emprunt sont
clairement d'inspiration keynésienne. Mais ces arguments sont en partie
limités par la politique de relance keynésienne.
II.1. OPTIQUE KEYNESIENNE DE L'EMPRUNT D'UN POINT DE
VUE MACROECONOMIQUE.
Le principal argument de relâchement de la discipline
budgétaire consiste en la stabilisation de l'économie, fonction
attribuée au secteur public par les keynésiens. L'État
doit réduire les fluctuations économiques en agissant de
manière anticyclique et discrétionnaire sur la demande effective.
Pour éliminer un déficit, on peut soit réduire les
dépenses soit augmenter les recettes fiscales ou introduire un frein au
déficit ou à l'endettement37 .
37 Qui revient à mettre en place une mesure
légale ou constitutionnelle reportant le problème sur les deux
points précédents, puisque pour réduire le déficit
il faudra bien ou diminuer les dépenses, ou augmenter les recettes, ou
combiner ces deux mesures).
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
56
|
II.1.1. Réduction des dépenses et déficit
public.
La réduction des dépenses publiques peut donner
lieu à deux démarches éventuelles.
a) La réduction des coûts de production des
prestations publiques.
Dans ce premier cas de figure, trois situations sont
envisagées. D'abord, on admet qu'au fil des années, la production
publique développe des « rentes de situation » qui peuvent
être réduites, voire évacuées. Ensuite, on peut
imaginer que par coopération entre Etat, des économies
d'échelle de production seraient possibles (par exemple pour les
productions en réseau : réseau de distribution d'eau potable,
évacuation et épuration des eaux usées). Enfin, on peut
aussi mettre en oeuvre un partenariat « public-privé » ou
déléguer la production à un agent économique
privé afin d'économiser (si le ramassage des ordures
ménagères n'occupe des employés communaux que durant 3
jours et que le véhicule ne sert à rien le reste du temps, il
vaudrait mieux faire un appel d'offre et confier cette tâche en
concurrence à un entrepreneur privé). Peut être dans ce
cas, le secteur public pourrait parfaire son efficacité.
b) L'efficacité dans les fonctions du secteur
public.
Si les coûts les plus bas sont atteints dans le premier
cas, l'économie sur les postes « dépenses » ne peut
alors se faire plus qu'en réexaminant le bien-fondé de chaque
fonction du secteur public pour déterminer si une fonction est encore
nécessaire, peut être biffée, ou quelles sont les
priorités sous contrainte budgétaire.
Un problème particulier doit retenir l'attention de
l'économiste : pour être crédible, les réductions de
dépenses doivent porter sur des dépenses de fonctionnement.
Évacuer des dépenses d'investissement pose problème :
d'abord, c'est une économie ponctuelle (« one shot solution »)
qui ne vaut que pour l'investissement abandonné ; ensuite, c'est une
solution à courte vue dans la mesure où un Etat se doit de
maintenir son capital de production - sauf évidemment à conclure
que la prestation issue d'un investissement n'est plus du ressort public parce
qu'elle passe du domaine collectif au domaine marchand.
Si la réduction des dépenses ne pose pas
beaucoup de problèmes conceptuels (tout en étant très
problématique à entreprendre), la même chose ne vaut pas
pour l'augmentation des recettes.
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
57
|
II.1.2. Augmentation des recettes publiques et déficit
public.
Du côté des impôts, la question est plus
délicate. En effet, le réflexe « hausse des impôts
» doit s'accompagner d'une étude de faisabilité et des
conséquences de la hausse fiscale. Toute hausse n'est pas neutre dans
l'allocation des ressources : il faut en apprécier les effets sur les
décisions des agents économiques. On a coutume de distinguer deux
effets :
l'effet taux et l'effet base : T = t ×
[B - (D i ...)]× K.
L'effet taux agit sur « t » dans la formule : en
l'augmentant, on cherche à obtenir un accroissement du produit de
l'impôt T. Mais il faut compter avec l'effet base : comment va
réagir l'agent économique ? Va-t-il ajuster son comportement,
avec un effet qui réduit l'assiette fiscale : B diminue ? Ainsi la
question suivante est cruciale: la hausse des taux d'imposition
entraîne-t-elle une augmentation ou une diminution des recettes fiscales?
Ce problème est conceptuellement analysé en examinant la courbe
de Laffer.
La courbe de Laffer permet d'établir la relation qui
existe entre le taux d'imposition et les recettes fiscales. La situation
initiale sur le marché du travail (figure 7), sans impôt, est
une offre LÏ pour un salaire horaire w. Si le taux
d'imposition est nul, le gouvernement ne tire
évidemment aucun revenu fiscal. Après
l'introduction d'un taux d'impôt ta = ab, le
salaire horaire réel baisse à(1 - ta)W .
L'État encaisse un impôt égal au taux d'impôt ×
le temps de
travail, soit ab × bd = abdc.
Ce rendement fiscal est donné au point a dans la figure 8 sur
la courbe de Laffer. Lorsque le taux d'imposition augmente, les recettes
fiscales s'accroissent également, mais seulement jusqu'à
m. Ainsi, avec un taux tm = ae pour un salaire
horaire net de (1- tm)W, le rendement fiscal est tm
× le temps de travail Lm , soit ae
× ef = aefg. Dans
l'exemple, le taux d'imposition est alors de 40%. Si le taux
d'imposition dépasse 40%, les recettes fiscales se mettent à
diminuer, pour être zéro si le taux est de 100%. Ainsi, avec
un tauxtb = ah, le taux de salaire net devient(1-
tb)W, et le rendement fiscal est
de ah × hi = ahij .
Taux de salaire
SL
horaire
a j g c
w
b
(1- ta)w
(1- tm) w
d
e
f
h
(1- tb)w
i
Heures de travail
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
Lb Lm La Lo
Figure 7: Marché du travail
C'est le même rendement fiscal qu'avec un taux
ta : en fait, le taux a considérablement augmenté,
mais l'assiette s'est tellement réduite que le rendement fiscal n'est
pas élevé. Il est le même, dans l'exemple, qu'avec un taux
ta: ahij dans le figure 7 correspond au point b sur la
courbe de Laffer dans le figure 8. Pour un gouvernement, le
taux ta est donc préférable à tb, puisque pour
un même rendement fiscal, la charge qui pèse sur les salaires est
moindre. Le comportement des agents économiques sur le marché du
travail fait qu'il y a inversion à partir du point m avec la baisse du
niveau de l'activité en réponse à l'impôt. En effet,
la base d'imposition diminue à la suite de l'ajustement du comportement
des agents économiques (le taux est trop élevé ? je
travaille moins ? donc il y a moins de revenu ? donc moins d'impôt). Si
un gouvernement veut rétablir l'équilibre du budget par une
hausse du taux, il est avisé de savoir s'il se trouve au point a ou b
dans la figure 8. S'il part du point a, l'augmentation du taux accroîtra
la recette, bien qu'à un rythme de moins en moins soutenu. Par contre,
s'il se trouve au point b, la hausse du taux aura l'effet contraire : elle
incitera les agents économique à quitter le marché (du
travail) imposé.
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
59
|
Recette fiscale
m
a b
40 100 Taux d'imposition
Figure 8 : la courbe de Laffer
La dernière mesure possible est, comme nous l'avons
dit, l'introduction d'une règle constitutionnelle destinée
à freiner les dépenses, les déficits et l'endettement. A
vrai dire, ce n'est pas une mesure d'économie en soit : elle doit
inévitablement se traduire par des dépenses en moins ou des
recettes en plus. L'idée est simplement qu'en mettant un barrage
institutionnel et en compliquant la procédure de décision, on
oblige le parlement à respecter une certaine discipline
budgétaire.
L'optique keynésienne de l'emprunt public d'un point de
vue macroéconomique se base sur la réduction des fluctuations
économiques. Nous pouvons aussi l'évoquer selon un point de vue
allocatif et rédistributif.
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
60
|
II.2. ALLOCATION, REDISTRIBUTION DE L'EMPRUNT PUBLIC
ET LIMITE DE L'APROCHE KEYNESIENNE.
Pour une présentation complète de l'approche
keynésienne de la dette publique, nous analyserons l'optique
keynésienne d'un point de vue allocatif et rédistributif. Par la
suite, nous lèverons quelques limites de cette approche.
II.2.1. Optique keynésienne de l'emprunt d'un point de
vue allocatif et rédistributif
L'emprunt équivaut à l'impôt, donc le
problème de l'endettement ne se pose pas et le principe
d'équilibre budgétaire perd sa justification théorique.
Ricardo fut le principal inspirateur de l'hypothèse de
l'équivalence entre l'impôt et l'emprunt, bien qu'il finisse par
la rejeter, la jugeant invraisemblable non seulement en raison de l'illusion
fiscale, mais aussi parce que l'équivalence repose sur huit
hypothèses très restrictives, rarement sinon jamais
réalisées en pratique.
L'hypothèse de l'équivalence fut reprise par
Barro en 1974. Selon cet auteur, l'impôt est seulement
différé en cas d'emprunt ; ce dernier devra en effet être
payé par des impôts futurs. Comme le contribuable est
considéré être rationnel, il anticipe correctement les
engagements futurs auxquels il devra faire face. Ainsi, l'emprunt est neutre du
point de vue des comportements, il est donc équivalent à
l'impôt. Cependant, beaucoup d'auteurs ont rejeté ce
théorème d'équivalence, le considérant comme
irréaliste car dépendant d'hypothèses
héroïques, comme la parfaite rationalité des individus et
l'absence de mobilité (Novaresi, 2001 : 31 et 32).
D'après l'optique rédistributif, le recours
à l'emprunt n'influence pas le bien-être des
générations futures. Un des grands apports de la théorie
keynésienne est le raisonnement en termes de variables
macroéconomiques, qui s'oppose au raisonnement classique individualiste
en termes microéconomiques. Si l'on raisonne avec des variables
macroéconomiques, on n'évalue plus les effets d'un emprunt sur
l'utilité des individus mais par rapport aux impacts globaux sur
l'économie. Dans ce cas, on mesure le fardeau de l'emprunt en terme de
ressources réelles qui ont dû lui être consacrées. Le
coût de l'emprunt ne représente pas un coût monétaire
si l'on considère la génération future prise dans son
ensemble, il ne s'agirait en fait que d'un transfert entre ceux qui ont
prêté afin que la dépense publique ait pu s'effectuer par
emprunt, et les contribuables qui doivent le leur rembourser, moyennant les
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
61
|
intérêts. Selon cet argument, il n'y aurait donc pas
de report du fardeau de l'emprunt sur la génération future
(Novaresi, 2001 : 36 à 38).
Le raisonnement individualiste (microéconomique) en
termes de sacrifice est employé par Buchanan dans l'argument selon
lequel l'emprunt est un fardeau pour les générations futures, en
faveur de la discipline budgétaire. Ainsi, l'argument «pour»
ou «contre»la discipline budgétaire varie selon que l'on
raisonne sur le plan microéconomique ou macroéconomique.
Toutefois l'approche keynésienne de la relation entre
dette et investissement se heurte à quelques difficultés.
II.2.2.Les bémols dans l'analyse de l'effet de
levier : La politique de relance keynésienne
La dette comme instrument de rééquilibrage
économique se heurte à plusieurs problèmes de mise en
oeuvre.
Il n'y a pas à proprement parler d'arguments de type
macroéconomique qui sont en faveur de la discipline budgétaire.
Ce sont plutôt les faiblesses des arguments keynésiens
prônant le relâchement budgétaire à des fins de
relance qui plaident pour la discipline budgétaire. L'idée
keynésienne d'utiliser la politique budgétaire et en particulier
la dette comme instrument de rééquilibrage économique se
heurte en effet à plusieurs problèmes de mise en oeuvre qui en
réduisent l'efficacité (Novaresi, 2001 : 26 à 30) :
· Des problèmes techniques de mise en oeuvre des
politiques budgétaires : non seulement la prévision des cycles
est très difficile (décalage entre l'horizon temporel des
prévisions conjoncturelles, mensuel, et celui du processus
budgétaire, annuel), mais en plus les délais d'engagement de la
politique budgétaire sont longs, l'intervention risque donc de
déclencher ses effets à contretemps.
· Des problèmes d'asymétrie dans la mise
en oeuvre des politiques budgétaires : en période de faible
conjoncture, tout le monde est d'accord pour créer des déficits
budgétaires ou diminuer les impôts, mais en période de
bonne conjoncture, les politiciens ne seront guère enclin à
créer des surplus en augmentant les impôts ou en diminuant les
dépenses.
· Des problèmes d'application des politiques de
stabilisation à des échelons décentralisés : ces
derniers étant en situation de petite économie ouverte, une
politique de relance pourrait conduire à des effets de
débordements considérables.
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
62
|
|
Outre ces problèmes de mise en oeuvre, la politique de
stabilisation keynésienne est vivement contestée par Buchanan et
Wagner (1978 : 79 à 97) en raison de son manque total de
réalisme. En effet, selon ces auteurs, la politique budgétaire
dérivée des préceptes keynésiens n'est pas
applicable dans un système démocratique. Keynes suppose que les
politiques publiques et économiques sont menées par un petit
groupe d'hommes sages et éclairés, qui agiraient selon
l'intérêt public sans subir de pressions quelconques. Or, ceci est
impensable dans une démocratie représentative, où les
politiciens sont des élus qui répondent aux désirs des
votants.
Dans la réalité, il est très difficile
de créer des surplus budgétaires à des fins
conjoncturelles, car ces derniers sont très mal acceptés par la
population et une partie de la classe politique. En effet, lors de surplus, le
citoyen est perdant : il paie plus d'impôts qu'auparavant, sans pour
autant recevoir davantage de biens publics (ou il supporte des coupes dans les
dépenses publiques sans bénéficier de réduction
d'impôt). Donc pour qu'un citoyen accepte un surplus, il faudrait qu'il
comprenne et qu'il évalue les bénéfices indirects
(c'est-à-dire les avantages de ne pas avoir de déficits) qu'il en
retirerait, ce qui est difficilement envisageable. Le système
institutionnel crée ainsi un biais en défaveur de la
création de surplus, qui n'ont dès lors que peu de chances de se
réaliser. C'est pourquoi on qualifie la politique keynésienne
anticyclique de «politiquement« asymétrique.
DETTE PUBLIQUE ET INVESTISSEMENT PRIVE AU CAMEROUN : EFFET
D'EVICTION VERSUS EFFET DE LEVIER. MEMOIRE /DEA-PTCI,
|
63
|
|
|