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La participation outil de citoyenneté ?

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par Gildas CADUDAL
Université de Nantes (France) - Maitrise en intervention et développement social 2005
  

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II/ Des jeunes sollicités pour participer

La jeunesse est fortement sollicitée pour participer. Il faut y voir deux aspects, d'une part cela découle du constat de son absence dans les instances participatives, d'autre part il ne faut pas nier une volonté de contrôle social. Celle-ci est liée tant à la peur de créer des exclus qu'au désir de canaliser les revendications éventuelles. Pourtant « N'est-il pas paradoxal d'attendre des jeunes un civisme parfait alors que l'accès aux responsabilités économiques et sociales leur est rendu plus difficile ? »83.

1/ Expérimentation et participation sociale

Pour Olivier Galland dans son analyse par cycle de vie, une étape majeure de l'entrée dans la vie adulte est l'insertion professionnelle. Le travail est le « plus puissant mécanisme d'insertion »84, or au niveau professionnel, la précarité est devenue la règle largement partagée par les jeunes. Cette situation née dans les années 1970 n'a cessé de se développer, et depuis le début des années 1990 elle est devenue le lot commun. Cela a contribué à faire changer les rapports entre insertion professionnelle, insertion sociale et citoyenneté ; « La citoyenneté (...) a également un rapport avec les formes de participation et d'identité qui marquent l'inclusion des individus dans la société, c'est à dire leur insertion »85.

Les jeunes se sont adaptés à cette situation, désormais la précarité des emplois n'est plus nécessairement synonyme d'exclusion ; ils composent avec et élaborent des stratégies d'insertion différentes. Cela entraîne que « le travail, de par sa précarité chez les jeunes, ne génère plus les droits qui donnaient à la citoyenneté sa forme

80 Idem p.50

81 Idem p.50

82 Idem p.58

83 Francine LABADIE & Tariq RAGI, « Les jeunes et le politique », Agora débat-jeunesse, n°30, 2002, p. 17

84 Madeleine GAUTHIER citée in B. ELLEFESEN & J. HAMEL, 2000, p.134

85 B. ELLEFESEN & J. HAMEL, 2000, p.134

d'élection »86. En conséquence « l'insertion sociale et professionnelle s'établit désormais dans la lignée d'une "définition progressive de soi"qui n'a plus le travail pour vecteur, mais "l'expérimentation"(...) canal par lequel [les jeunes] s'intègrent à la société et deviennent des citoyens »87.

Cette évolution majeure change le rapport au travail, qui n'est plus le fondement de l'insertion sociale. Pour nombre de jeunes il n'est plus perçu comme une fin, mais comme un moyen pour satisfaire les besoins vitaux. L'expérimentation remplace alors le travail pour se forger une identité sociale et les jeunes « ...s'ouvrent à l'action communautaire et au bénévolat pour donner à leur citoyenneté la dignité que le travail précaire n'a pas la capacité de fournir (...). Les loisirs et les activités d'entraide engendrent des valeurs qui dament le pion à l'éthique du travail »88.

Dans toutes les enquêtes réalisées, le travail demeure pour les jeunes une valeur cardinale. Cet apparent paradoxe montre que les stratégies d'insertion sociale en marge du travail sont autant d'adaptations. Elles procèdent d'une dialectique d'inclusionexclusion qui a été intégrée, ce que Pierre Bourdieu désigne comme une « gestion rationnelle de l'insécurité ».

2/ Socialisation politique des jeunes

L'engagement des jeunes existe, mais il n'emprunte pas nécessairement les lieux et les modalités classiques de l'engagement politique.

L'extrait ci-dessous du livre blanc de la commission européenne89 publié le 21 novembre 2001 illustre bien ce constat.

Document n° 4 : Extrait du livre blanc Un nouvel élan pour la jeunesse européenne L'implication des jeunes dans la vie publique :

En règle générale, les jeunes européens veulent promouvoir la démocratie et surtout en être les acteurs. Mais une méfiance s'est instaurée vis-à-vis des structures institutionnelles. Les jeunes s'investissent moins que par le passé dans les structures traditionnelles de l'action politique et sociale (partis, syndicats), leur participation aux consultations démocratiques est faible. Les organisations de jeunesse souffrent également de cette situation et ressentent le besoin de se rénover.

Ceci ne signifie nullement que les jeunes se désintéressent de la vie publique. La plupart démontre une volonté claire de participer et d'influencer les choix de société, mais selon des formes d'engagement plus individuel et plus ponctuel en dehors des structures et mécanismes participatifs anciens.

Il incombe aux autorités publiques de combler le fossé existant entre la volonté d'expression des jeunes et les modalités et structures offertes à cet effet par nos sociétés, sous peine d'alimenter le déficit citoyen, voire d'encourager la contestation.

Source : Forum européen de la jeunesse

86 Idem p.137

87 Idem p.138

88 Idem p.138

89 Disponible sur http://www.forumjeunesse.org/fr/our_work/white_paper/ypolicyeurope.html

Pour beaucoup d'observateurs les manifestations, les grèves lycéennes ou étudiantes « ...correspond à bien des égards aux rites d'initiation des sociétés étudiées par les anthropologues et que ceux-ci qualifient de parcours initiatiques »90, et sont ainsi constitutive d'une expérience concrète de l'agora. Nombre de jeunes ont des participations associatives, caritatives ou humanitaires, qui sont autant de voies témoignant d'un engagement fort : « Les jeunes font donc preuve d'un relatif activisme et d'une implication qui ne sont pas nécessairement relayées par une prise de décision électorale »91.

Les modalités de leur socialisation politique des jeunes empruntent des voies particulières, dont l'itinéraire n'est ni linéaire ni homogène. Cet apprentissage politique se construit à la fois sur l'héritage, la transmission familiale et sur l'expérimentation personnelle, sans que l'un prenne le pas sur l'autre : « Ni le modèle de l'expérience ni le modèle de la détermination sociale ne sont exclusifs l'un de l'autre, mais ils entretiennent une constante interaction »92.

Il s'agit là d'une rupture avec les modèles plus anciens basés sur la socialisationincultation qui accordaient à l'influence du milieu et du système le rôle quasi-exclusif. Nous devons à Annick Percheron dans les années 1980 l'émergence de ce nouveau modèle « ...qui conçoit la socialisation politique comme un processus de co-construction dans lequel l'individu joue un rôle actif »93. Ce modèle met en évidence que le processus de socialisation résulte d'un double mouvement, à la fois d'accommodation de l'individu au système et d'assimilation du système par l'individu.

Dans la continuité de ces théories, les travaux d'Anne Muxel distinguent trois temporalités distinctes à la confluence desquelles s'effectue la socialisation politique des jeunes.

La première est le « temps généalogique », qui met en évidence l'importance de la transmission familiale dans la construction de l'identité politique. Quatre conditions contribuent à son effectivité. Tout d'abord il faut un intérêt manifesté par les parents pour la politique. Ensuite que ceux-ci aient des préférences politiques explicites. Puis qu'il y ait une unité parentale dans les choix politiques. Enfin il faut une communication et des discussions de ces choix avec leurs enfants. Ce « temps généalogique » constitue le volet détermination sociale de la socialisation politique.

Le volet expérience personnelle des jeunes est la résultante de deux autres temporalités. Le « temps biographique » est celui de l'histoire particulière de l'individu, de son parcours personnel et individualisé. Le « temps générationnel » correspond à l'histoire partagée avec les pairs : « La création d'une génération politique nécessite la reconnaissance partagée de cette même appartenance, souvent à partir d'un événement fondateur et signifiant »94. Nous citerons ici pour exemple de cela les fortes mobilisations électorales des jeunes le 21 avril 2002 pour le deuxième tour des présidentielles : « Dans les manifestations anti-lepénistes de l'entre-deux tours de 2002, les jeunes étaient extrêmement nombreux, On estime que 25% des 16-25 ans ont

90 B. ELLEFESEN & J. HAMEL, 2000, p.134

91 Anne MUXEL, L'expérience politique des jeunes, 2001, p.179

92 Idem p.175

93 Sophie MAURER, « La socialisation politique des jeunes », Ce que nous savons des jeunes, 2004, p.56

94 Anne MUXEL citée in Agora débats-jeunesse n°27, p.17

manifesté pendant cette période »95. Ainsi « L'évènement politique produit des gains de socialisation quand il interagit avec l'histoire personnelle de l'individu »96.

3/ Participer dans un cadre spécifique ?

Pour attirer les jeunes, des instances spécifiques leur sont ouvertes car « Il faut tenir compte de la réalité d'une "culture jeune , qui n'accepte guère de rentrer dans des cadres préétablis, trop institutionnalisés, réglementés et qui préfère (...) des rassemblements totalement informels et souvent éphémères »97. Est-ce à dire qu'il y une citoyenneté particulière des jeunes ? Du point de vue politique « La citoyenneté est la même pour tous. La fragmenter en fonction des âges serait briser sa prétention à atteindre une certaine universalité où doit se maintenir le politique »98.

Concernant la participation sociale, les jeunes sont rarement inclus dans les instances de la société civile, qui en sont les lieux d'expression privilégié ; ils n'en maîtrisent ni les codes ni les rouages : « Faut-il rappeler la vigueur persistante des inégalités fondées sur la disponibilité en temps, la capacité à parler en public ou à maîtriser le langage organisationnel (budget, droit...) ? »99.

Adapter un espace pour que le public jeune puisse manifester ses différences, faire valoir ses intérêts faire reconnaître ses particularités est envisageable. C'est ce qui se fait entre autre, sous la forme des conseils municipaux de jeunes, ou de commissions jeunesse dans les quartiers. Mais ces formes adaptées doivent rester enchâssées dans l'espace public général, condition indispensable de l'universalisme : « Un espace de délibération et de négociation où ne se retrouveraient que des "jeunes"se transformerait, à proprement parler, en un ghetto qui viendrait accroître l'enfermement des générations dans leur propre monde »100. Nous retrouvons dans cette critique un processus identique à celui qui existe en accordant un droit de vote limité aux immigrés, dont on peut redouter « que la création d'une "citoyenneté de seconde zone"(...) ait des conséquences discriminatoires en stratifiant les individus selon des catégories supérieures et inférieures »101.

Le cadre spécifique est en conclusion à utiliser avec précaution, l'outil à vocation inclusive peut aussi se retourner en outil d'exclusion. Reste une interrogation fondamentale, même en réalisant des adaptations « ...se pose la question de l'intérêt à participer à des dispositifs faits par et pour des personnes dont les préoccupations essentielles relèvent de leur statut d'adultes intégrés. Le coupable désintérêt de la "jeunesse d'aujourd'hui"ne serait de la sorte imputable qu'au déficit de pertinence de l'offre de participation qui lui est faite »102.

95 Pierre BRECHON, « La citoyenneté et ses conditions d'expression », Cahier français n°316, 2003, p.68

96 Olivier IHL cité in Agora débats-jeunesse n°27, p.18

97 Citation d'une enquêtée in M. LE GALIC, 2005, p.131

98 J.C. LAGREE, 2001, p.6

99 Christian LE BART, 2003, p.59

100 Idem p.7

101 F. LABADIE & T. RAGI, 2002, p.111

102 M. LE GALIC, 2005, p.131

En résumé

Le contexte moderne d'atomisation des situations sociales entraîne une difficulté pour fixer des étapes précises à la jeunesse. Les parcours de socialisation sont désormais très individualisés. Comme de plus ils ne sont plus linéaires mais fluctuants, il devient difficile d'agréger les individus dans des groupes. Dans cette situation où l'hétérogène domine, il est plus adapté de considérer les jeunes plutôt que la ou les jeunesse(s).

Les jeunes sont particulièrement concernés par les nouvelles formes d'engagement, qui semblent s'opposer à l'exercice citoyen le plus classique, voire même parfois le rejeter. L'engagement est devenu conditionnel et réversible, et fonctionne plus sur le modèle du réseau que sur celui de l'affiliation.

Dans cette période de la vie où se forgent les identités politiques, l'apprentissage de la citoyenneté est particulièrement important. Un lieu potentiellement porteur pour cela est, nous l'avons vu précédemment, l'association.

C'est en reliant ce cadre associatif au public jeune que nous allons poursuivre dans la seconde partie de ce mémoire. En effet, nous allons nous consacrer à l'étude de la participation des jeunes aux instances qui leur sont proposées dans un cadre particulier, celui des Foyers de Jeunes Travailleurs.

Deuxième partie

La présentation des Foyers de

Jeunes Travailleurs

L'enquête sur la participation

dans ce cadre

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984