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La participation outil de citoyenneté ?

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par Gildas CADUDAL
Université de Nantes (France) - Maitrise en intervention et développement social 2005
  

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Chapitre 1 : Les Foyers de Jeunes Travailleurs

I/ Présentation des FJT 36

1/ Histoire du mouvement 36

a/ La naissance des FJT et de leur Union 36

b/ L'âge de la pierre 37

c/ L'essor du socio-éducatif 38

d/ Le temps des incertitudes 39

2/ Cadre et missions 42

a/ Le projet pédagogique 42

b/ La fonction socio-éducative 43

c/ La fonction habitat 43

3/ Public accueilli 44

a/ La politique d'accueil 44

b/ Données statistiques sur les FJT et leur public 45

II/ Le cadre participatif dans les foyers 52

1/ Plusieurs instances légales 52

a/ Le conseil de concertation du Code de la construction 52

b/ La loi de rénovation sociale du 2 janvier 2002 53

c/ Le cadre associatif 55

2/ Une affirmation politique forte de l'UFJT 55

I/ Présentation des FJT

Les Foyers de Jeunes Travailleurs sont destinés à accueillir et accompagner le public jeune dans son insertion sociale et professionnelle, en mettant à sa disposition des logements et des services appropriés. Avant de détailler plus précisément quels sont le cadre réglementaire, les missions et le public des Foyers , il est nécessaire de revenir sur leur histoire.

1/ Histoire du mouvement

Les Foyers de Jeunes Travailleurs font partie des grands mouvements d'éducation populaire qui sont nés et se sont développés après 1945 dans les conditions difficiles de l'après guerre. S'ils constituent désormais des institutions reconnues il n'en a pas toujours été ainsi, et la construction du mouvement mérite l'attention, car il retrace et accompagne par delà son histoire spécifique l'évolution de la société française depuis soixante ans.

a/ La naissance des FJT et de leur Union

Les années cinquante sont marquées par deux phénomènes de fond très importants : la crise du logement et la migration massive vers les villes.

Les problèmes de migrations intérieures, de manque de logement et d'insalubrité ne sont pas nouveaux. Ils existent et persistent depuis le XIXème siècle, mais cela se passe différemment pour les jeunes dans les années 50, car le phénomène est beaucoup plus massif et il revêt un caractère nouveau qui est l'isolement. En effet, durant la révolution industrielle un encadrement des jeunes célibataires en déplacement existait sous différentes formes, en liaison avec le métier (apprentissage, compagnonnage) ou l'origine géographique (installation dans le quartier de son « pays »). Cela constituait une transition et permettait une préservation des liens sociaux. Pour les jeunes filles des « couvent-internats » ont été mis en place dès le XIXème siècle par des oeuvres chrétiennes pour des motivations morales et hygiénistes, afin d'éviter par dessus tout qu'elles ne soient isolées donc vulnérables. Il y avait donc là aussi inscription dans un réseau de socialisation. Les foyers de jeunes travailleurs sont les héritiers de cela « La notion de protection traverse à des degrés divers l'histoire et la préhistoire des foyers (...) L'action auprès de la jeunesse s'impose naturellement pour sauver cette jeunesse du « désastre », pour la prémunir des déviances de leurs aînés, pour la protéger contre elle-même »103.

Pour les « déplacés », ces jeunes qui migrent massivement vers les villes dans les années 50, il y a une rupture sociale et familiale, voulue ou subie, à laquelle s'ajoutent des difficultés à se loger et se nourrir dans des conditions salubres et décentes.

Pourtant les jeunes déplacés ont du travail, mais leurs revenus sont faibles. De plus, ils ne constituent pas pour la société de l'époque une priorité. La préoccupation politique concerne la famille, et dans ce contexte « pro-nataliste » de l'après-guerre l'intérêt public ne se porte aux jeunes lorsqu'ils sont en couple qu'à partir de leur premier enfant. La

103 B. BASTIEN & P. BATAILLE, 1998, p.101-102

pénurie de logements concerne toute la population, et il n'y a pas de reconnaissance particulière de besoins qui seraient spécifiques à « la jeunesse ».

Face à ce problème de nombreuses initiatives fleurissent un peu partout. Elles émanent de bénévoles souvent issus du militantisme social catholique. De nombreux foyers pour jeunes travailleurs sont créés un peu partout mais ils sont isolés. Du regroupement d'une vingtaine de foyers de l'ouest de la France naît le 6 février 1955 une association dénommée « Union nationale des Foyers de Jeunes Travailleurs » (UFJT), alors qu'à cette époque le nombre total de FJT est estimé à environ quatre cent.

b/ L'âge de la pierre

La période allant des année 50 aux années 70 est marquée par la nécessité impérieuse de bâtir. Les foyers qui existent sont petits et anciens, et pour répondre à la forte demande il faut construire plus grand et plus moderne. Les militants d'origine ont beaucoup « bricolé » pour créer des foyers, et les besoins tant financiers qu'humains nécessaires dépassent leurs possibilités. Bâtir n'est pas envisageable sans l'intervention de l'Etat. Guy Houist, premier président de l'UFJT, qui était aussi président de la commission logement de l'Union Nationale des Allocations Familiales, vice président de l'Union Nationale des Habitations à Loyers Modérés (HLM), et a appartenu à plusieurs cabinets ministériels du Mouvement Radical Populaire (MRP), va proposer et obtenir la possibilité pour les sociétés HLM de louer à une personne morale. En effet, un problème majeur pour les jeunes était le refus de louer à des célibataires tant de la part des propriétaires privés que des HLM. L'impossibilité pour les FJT de sous louer des logements HLM constituait un obstacle important. La possibilité obtenue par Guy Houist de louer à une personne morale laisse le champ libre aux foyers concernant les attributions de logement. De plus cette avancée va permettre des collaborations entre les offices et les FJT, les premiers constructeurs et propriétaires laissant aux seconds la gestion des bâtiments.

Des débats nombreux et passionnés ont lieu à cette époque à propos de la taille idéale des Foyers de Jeunes Travailleurs. Ils ont en fait été tranchés par les normes de financements imposées aux constructions HLM à l'époque. Il fallait construire vite, beaucoup et à bas prix. Ce sont donc des foyers moyens et grands qui sont construits : « Nombre de foyers édifiés dans les années 60 présentent (...) les mêmes caractéristiques que les immeubles de banlieues qui naissent au même moment, et ont connu un vieillissement semblable » 104.

La gestion de foyers de plus en plus grands va profondément transformer les équipes qui s'occupent des FJT ; c'est à cette période qu'apparaissent les premiers « permanents ». Ce sont d'abord des militants qui deviennent permanents, mais des professionnels entrent également dans les foyers. Progressivement, ils vont se substituer complètement aux bénévoles lesquels vont se retrouver cantonnés aux rôles d'administrateurs.

c/ L'essor du socio-éducatif

Progressivement, les FJT qui ont résolu les soucis de construction vont quitter la simple

104 Françoise GASPARD, UFJT d'une jeunesse ouvrière à une jeunesse incertaine, quarante ans d'histoire d'un mouvement associatif 1955-1995, 1995, p.56-57

logique hôtelière pour se concentrer sur leur mission socio-éducative : « La maison était construite. Il nous fallait nous occuper du contenu, et le contenu (...) c'était le socioéducatif »105. L'objectif prioritaire est alors de concourir à travers les Foyers de Jeunes Travailleurs à la socialisation des jeunes « ouvriers et ouvrières » en leur apportant « ...un environnement convivial, des points de repères ainsi qu'un idéal à atteindre : celui de la famille bourgeoise »106 .

Cette volonté d'accompagner vers l'autonomie arrive dans un contexte nouveau, où la préoccupation de donner un toit et un logement décent n'est plus la priorité. Les enfants du baby-boom ont grandi et les années 60 sont marquées par l'émergence de la « jeunesse » en tant que groupe spécifique. Il est tout à fait nouveau que l'effet de génération se substitue aux communautés d'appartenance, qu'elles soient d'origine ou professionnelle. C'est ainsi que dans les foyers également « ...le travailleur s'efface, insensiblement, derrière le jeune... »107 . Au niveau national, la jeunesse suscite le débat et l'inquiétude dans la société ; des phénomènes nouveaux comme l'allongement de la durée de la scolarité entraînent une entrée plus tardive dans l'âge adulte. Devant ces constats, des enquêtes nationales sont menées et cette nouvelle « classe » devient objet d'étude pour les sociologues.

La professionnalisation des personnels dans les FJT, liée à l'évolution de la mission du logement vers le socio-éducatif entraîne une hausse des charges de gestion pour les foyers. L'Union nationale des Foyers de Jeunes Travailleurs va servir de relais et de groupe de pression auprès des pouvoirs publics pour faire reconnaître cette nouvelle mission sociale et en obtenir le financement partiel.

Lors du congrès de l'UFJT de 1967 une motion rajoute l'aspect socio-éducatif aux missions des FJT. Afin de valoriser et unifier les pratiques au sein des foyers l'Union nationale réalise et diffuse des grilles d'analyse. Cela permet de rendre visible et de montrer l'efficacité de l'intervention socio-éducative aux pouvoirs publics. Ce travail conjugué d'analyse de terrain de la part des Foyers et de pression au niveau de l'Union nationale des FJT va déboucher en 1971 d'une part sur la création d'une ligne « Aides aux jeunes travailleurs » dans le budget du ministère des affaires sociales, d'autre part sur l'éligibilité des FJT aux postes subventionnés par le Fond de Coopération de la Jeunesse et de l'Éducation Populaire (FONJEP)108. L'institutionnalisation des foyers est concrétisée lorsque l'Etat publie une circulaire définissant le rôle des Foyers de Jeunes Travailleurs et fixant des conditions à leur agrément109.

La valorisation du travail socio-éducatif dans les FJT va amener à accorder aux jeunes résidents une place nouvelle dans l'organisation, la gestion et le fonctionnement des foyers. L'idée d'aider les jeunes à s'intégrer dans la vie de la cité passe par la participation et la prise de responsabilités au sein du foyer. Cela ne va pas se faire sans remous, puisqu'au début des années 70 les résidents vont se servir de cela pour créer des mouvements protestataires au sein des FJT, remettant en cause « les foyers caserne » dans leur fonctionnement et leur règlement intérieur, ceci en organisant des manifestations et des grèves de loyer. L'analyse sociologique de ce mouvement montre qu'il s'agit moins d'une porosité tardive aux idées libertaires que d'une évolution de la

105 Idem, citation de Paul GUERIN p.73

106 Idem

107 Idem

108 Créé en 1964, le FONJEP est une association loi 1901, qui réunit des financeurs publics et des associations. Son

but est de faciliter la rétribution de personnels permanents, remplissant des fonctions d'animation et de gestion employés par des associations .

109 Circulaire du ministère des Affaires sociales du 18 mai 1971

population des FJT, qui traduit un changement en profondeur de la société. En effet les
jeunes des foyers ont été très peu réceptifs aux évènements de mai 68, voir rétifs à ce
mouvement d'étudiants qui ne correspondait pas à leur culture de « jeunes travailleurs ».

En quelques années la composition du public des Foyers s'est pourtant profondément modifiée. L'allongement de la durée des études, l'accès en nombre des filles aux universités ont pour conséquence une baisse du nombre de jeunes travailleurs pour les FJT. D'un point de vue sociologique, ce ne sont plus massivement des jeunes ruraux déracinés qui poussent la porte des Foyers de Jeunes Travailleurs, mais de jeunes urbains, c'est également un changement important.

La fin des années 60 est marquée par un phénomène nouveau, il y parfois vacance de logement dans les FJT, qui en réaction ouvrent désormais à des publics de jeunes ayant d'autres statuts que jeunes travailleurs, notamment les étudiants. Cela contribue à un brassage et à une certaine mixité sociale, la population est moins homogène et plus revendicative.

Ce mouvement va se traduire au niveau des FJT par une transformation très progressive des foyers séparés de garçons et de filles en foyers mixtes, ainsi que par la création de conseils de résidents où les résidents peuvent s'exprimer110 et désigner des représentants qui siègent dans les instances des associations gestionnaires.

d/ Le temps des incertitudes

Cette période débute avec le choc pétrolier de 1974 et le développement massif du chômage. La seconde moitié des années 70 est pour les foyers la période du constat de la fragilisation des jeunes face à l'emploi. En 1974, l'abaissement de l'âge de la majorité a pour conséquence l'arrivée nouvelle et importante de jeunes majeurs en rupture familiale.

Face à cette évolution globale du public accueilli et aux problèmes nouveaux d'emploi, qui touchent principalement les jeunes peu qualifiés, les FJT vont expérimenter des actions de formation en direction des résidents. Petit à petit les cours du soir de remise à niveau donnés par des étudiants bénévoles se transforment en stages visant à des qualifications encadrés par des formateurs. Peu à peu, cela devient une nouvelle branche d'activité à part entière pour nombre de Foyers. A la mission socio-éducative s'ajoute donc de facto celle de l'insertion professionnelle. L'UFJT, désormais interlocutrice privilégiée des pouvoirs publics sur les questions relatives à la jeunesse, va faire reconnaître ce rôle nouveau lié à l'évolution du public. En 1976 puis en 1977 deux circulaires ministérielles viennent modifier et compléter sur ces points la circulaire de 1971.

La situation économique qui se dégrade de plus en plus dans la deuxième moitié des années 70 frappe de plein fouet les jeunes, et les termes de précarité et d'exclusion apparaissent pour désigner les nouveaux problèmes sociaux. Les Foyers une nouvelle fois élargissent les critères d'accueil pour répondre à cette nouvelle catégorie de jeunes précaires. Toujours en collaboration avec l'Etat, l'UFJT obtient que le ministère des affaires sociales puisse accorder une « Aide de dépannage » pour aider les jeunes chômeurs à accéder à un logement en FJT. L'accueil de jeunes chômeurs dans des lieux créés pour aider des « jeunes travailleurs » est une rupture symbolique importante.

110 Entre autre « Il doit être consulté sur l'élaboration et la révision du règlement intérieur » précise le code de la construction qui régit l'organisation des résidences sociales.

Au début des années 80, les Foyers de Jeunes Travailleurs n'hébergent plus majoritairement des « jeunes déplacés » venus des campagnes vers la ville pour travailler. Désormais, de nombreux jeunes citadins sont accueillis. Ils vivent hors de leur famille pour des raisons diverses : formations, ruptures, études... Cela s'accompagne d'une part par des séjours plus courts d'autre part par l'utilisation des foyers comme d'un mode de logement parmi d'autres pour les jeunes. Ce n'est plus le logement intermédiaire privilégié servant de lieu d'apprentissage entre le départ de la famille et le logement autonome.

A l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, trois grandes commissions ayant les jeunes comme enjeu central sont créées. L'une d'elle dirigée par Bertrand Schwartz s'attache à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Cette commission a associé étroitement à ses travaux l'Union nationale des FJT, car les expériences d'insertion menées expérimentalement dans certains Foyers, notamment à Nantes, étaient très en pointe dans ce nouveau champ. Cette ouverture à la société civile suscite beaucoup d'espoirs et amènera à des réalisations concrètes : « ...la création des Missions locales d'insertion est, en partie, sortie de notre travail de terrain et de son évaluation... »111.

Avec l'explosion du chômage, il y a deux millions et demi de demandeurs d'emploi en 1986, soit cinq cent mille de plus qu'en 1981. L'exclusion s'étend, rendant les missions d'insertion de plus en plus difficiles. La précarisation se banalise, la « nouvelle pauvreté » apparaît, et le « traitement social » du chômage devient une priorité d'Etat. Désormais ce dernier ne s'appuie plus sur les expérience novatrices menées par les grandes associations, refermant la porte aux initiatives impulsées par la société civile.

La « rigueur économique » imposée par l'Etat touche dans leur gestion les FJT au même titre que nombre d'autres structures sociales ou socio-culturelles. Les aides publiques diminuent, et les foyers doivent gérer au mieux leur ressources pour survivre. Le passage de 600 foyers en 1964 à 470 en 1991 tient de cela en grande partie. Les FJT qui n'ont pas pris le virage de « l'économie sociale », nouveau concept qui émerge au tournant des années 80, ont pour un certain nombre disparu. Cela a bien sûr des conséquences : « Vouloir faire aussi bien qu'une entreprise privée peut cependant conduire à des tensions entre gestion équilibrée et finalité sociale »112.

A l'entrée dans les années 90, la situation dans les FJT est analysée comme un retour en arrière. En effet, les foyers construits dans les années 60 tout d'abord ont mal vieillis, et ensuite ont une palette d'habitat désormais inadaptée. L'offre majoritaire des Foyers de Jeunes Travailleurs reste de la chambre individuelle dans des grands collectifs, ce qui ne correspond plus à la demande. Le bâti s'est dégradé et réclame de lourdes réhabilitations. Paradoxalement les foyers sont remplis car les jeunes peinent à se loger, du fait de leur précarisation et de la pénurie de logements sociaux. « A Paris et dans la région parisienne on se retrouve dans la situation qui était celle au lendemain de la guerre (...). Compte tenu de la demande, les foyers pourraient réaliser leur équilibre de gestion en logeant simplement les étudiants et les jeunes travailleurs parfaitement solvables »113.

Face au constat de dégradation du bâti et à la faible capacité financière des Foyers devant de tels chantiers l'UFJT, comme lors de sa création, monte au créneau pour solliciter l'intervention de l'Etat. Cela abouti sur un accord cadre conclu avec la Caisse des Dépôts et Consignations pour la réhabilitation d'une centaine de FJT.

111 M. GOUREAUX, ancienne présidente de l'UFJT, citée in F. GASPARD, 1995, p.114

112 Idem, M. GOUREAUX, ancienne présidente de l'UFJT, citée p.114

113 Idem, C.A. Armand, ancien président de l'UFJT, cité p.121

Document n°5 : Extrait d'éditorial du

président de l'UFJT, avril 2004

Les maires de France, les centrales syndicales, les acteurs du logement expriment des inquiétudes vives et fondées sur le devenir du logement social... Mais qui les écoute ?

On construit aujourd'hui moins de logements sociaux que dans les périodes les plus noires. (...).

L'avenir est sombre pour les jeunes. Déjà souvent exclus du travail, ils auront de plus en plus de difficultés à accéder à un logement. Les besoins repérés aujourd'hui ne pourront être satisfaits que sur plusieurs années, et les programmes de constructions ont déjà cinq ans de retard !

Cette situation faite aux jeunes les disqualifie à leurs yeux mêmes ! Et il ne s'agit pas seulement des plus fragiles d'entre-eux, mais aussi de ceux qui seraient sur le point de trouver un emploi et de nombre de ceux qui en ont un.

Source : Brève n°77

Arrivé au milieu des années 90, l'histoire des FJT et de leur Union Nationale est marquée par « le temps des incertitudes ». Le public des foyers est extrêmement précarisé et morcelé ; depuis longtemps déjà les « travailleurs », au sens de ceux qui ont un emploi stable, sont en minorité. La fonction des FJT est désormais de faire en sorte d'éviter l'exclusion aux jeunes qui y sont hébergés, ceci en croisant les missions d'hébergement, d'accompagnement socio-culturel et d'insertion, le tout avec une dimension partenariale de plus en plus affirmée. Un symptôme de cette évolution est que désormais dans nombre d'équipes socioéducatives il y a au côté des « traditionnels » animateurs des éducateurs, des conseillers en économie sociale et familiale et parfois même des psychologues.

Les années 2000 sont marquées à nouveau par la situation de crise du logement, comme en témoigne l'éditorial114 ci-contre. Cette crise s'accroît dans un contexte de baisse des financements publics, de retards pris dans les programmes de logements sociaux et de hausse considérable des prix sur le marché de l'immobilier (voir document n°6115 ci-dessous). Une conséquence est « ...pour les jeunes, la part du revenu consacrée au logement est passée de 29% en 1988 à 40% aujourd'hui avant aide publique, lorsqu'elle existe »116.

Document n°6 : Un éclairage sur la hausse de l'immobilier

Il convient donc de distinguer entre causes réelles et causes fiduciaires de la hausse. On saisit mieux d'un côté ce qui relève de l'économie réelle (le manque de logements sociaux) et, de l'autre, ce qui relève des jeux de la finance et d'une incitation générale et institutionnelle à la hausse. On réunit ainsi tous les facteurs qui influencent la valeur des logements en suivant la distinction qu'Aristote faisait déjà entre l'Économie, la science des choses réelles concernant l'oikos (la maison), et la crématistique (crematisis : action de faire des affaires pour gagner de l'argent). Aristote disait déjà qu'il est plus facile de réguler et de stabiliser le fonctionnement de l'oikos que celui des choses relatives à l'argent.

Source : Pierre Auréjac, Brèves n°81

Nous retiendrons de ces cinquante ans d'histoire trois points. D'une part la capacité qu'ont eu les fondateurs de l'UFJT à s'unir, et à transformer cette Union en interlocutrice et partenaire incontournable de l'Etat et des collectivités locales sur la question du logement des jeunes. Ensuite face à la considérable évolution de la situation des jeunes en un demi siècle et l'adaptation, la réactivité, qu'ont su avoir les FJT en élargissant leurs champs d'action. Enfin les dimensions associative et professionnelle qu'ont su combiner et faire évoluer les FJT, articulant soucis d'éducation populaire et soucis de gestion, assurant par là une troisième voie que « ...ni l'Etat, ni l'entreprise privée ne pouvaient assurer... »117.

114 Jean ALLAIN, président de l'UFJT, « Le logement social grande cause nationale », Brèves n°77, avril 2004

115 Pierre AUREJAC, « Pour une nouvelle politique du logement des jeunes », Brèves n°81, juin 2005

116 Idem

117 Simone VEIL, dans la préface F. GASPARD, 1995, p.10

2/ Cadre et missions

Aujourd'hui, les FJT sont des institutions sociales régies par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale118 (qui a réformé la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales).

Depuis janvier 1995, les FJT nouvellement créés rentrent dans la réglementation des logement-foyers instituant les résidences sociales lorsqu'ils ont été financés avec une aide de l'Etat. En tant que logement-foyers, ils sont également soumis à la réglementation du Code de la construction et de l'habitation relative à ces établissements.

Les FJT sont principalement gérés par des associations. Ils peuvent l'être également par des Centres Communaux d'Action Sociale (CCAS) ou désormais, dans le cas des résidences sociales, par des organismes d'HLM.

Les FJT sont « des institutions à but non lucratif qui mettent à la disposition des jeunes un ensemble d'installations matérielles pour leur hébergement et, le cas échéant, leur restauration, ainsi que des moyens qui permettent directement ou indirectement de favoriser leur insertion dans la vie sociale »119. Plus concrètement « Le FJT est un lieu de transition vers l'autonomie, de régulation sociale qui favorise le passage du jeune dans la vie active »120.

La mission des FJT se répartit autour de trois axes : un projet pédagogique, une fonction socio-éducative et une fonction d'habitat.

a/ Le projet pédagogique

Les FJT définissent leurs missions dans un projet pédagogique, qui est élaboré par l'organisme gestionnaire et qui fait l'objet d'un contrat avec le résident.

Les missions des FJT sont larges et concernent :

? la mise à disposition de logements adaptés aux besoins des jeunes pour des

phases de transition préparatoires à l'autonomie et à la citoyenneté.

? l'accueil de jeunes en cours d'insertion professionnelle et sociale ; leur socialisation par des actions de qualification sociale s'appuyant sur la valorisation de leurs potentialités.

118 Ces aspects réglementaires seront davantage développés dans le chapitre II consacré au cadre de la participation dans les FJT

119 Extrait de la fiche de présentation des FJT disponible sur le site internet de l'UFJT

120 Jean-Claude ACCARIER, « Quelle itinérance pour les jeunes ? », Forum n°89, 1999, p.8

b/ La fonction socio-éducative Cette fonction comprend quatre aspects différents :

· l'accueil personnalisé.

· l'organisation d'activités liées à l'emploi, la formation, le logement, la santé, les loisirs, la culture ; l'information et l'aide aux jeunes sur les problèmes de la vie quotidienne en vue de leur autonomie.

· la participation des jeunes à la vie collective, aux activités, à l'organisation et
à la gestion, aux instances de fonctionnement et au conseil d'établissement.

· l'insertion sociale et professionnelle ; cette insertion peut se réaliser au moyen d'actions menées par le FJT ou en partenariat avec les acteurs de l'insertion (Missions locales, Points d'accueil d'information et d'orientation). Les FJT peuvent également être un support pour des actions d'insertion (Réseau d'initiative locale pour l'emploi, services de proximité et entreprises d'insertion).

c/ La fonction habitat

Le projet habitat du FJT doit offrir, autour de services collectifs, des logements de différents types préservant l'intimité et des espaces de rencontre favorisant l'ouverture auprès des habitants du quartier et de la ville. Plusieurs formes d'habitat peuvent être proposées par les FJT121, ils sont présentés ici par ordre croissant d'autonomie :

·

Document n°7 : Les différents habitats des FJT

un foyer central constitué de logements diversifiés (chambres, studios, petits appartements).

· un « foyer soleil » comprenant un foyer central auquel sont rattachés des logements extérieurs

disséminés dans d'autres
immeubles.

· des logements diffus sous-loués à des bailleurs privés ou sociaux.

Ces différentes propositions de logement s'inscrivent dans une double logique de parcours résidentiel et d'accompagnement vers l'autonomie. Cet un aspect fondamental de la mission des équipes socio-éducative. Il faut évaluer lors de la demande à la fois le besoin de logement et le degré d'autonomie des jeunes demandeurs, pour leur faire la

121 Le document n°6 est extrait de la plaquette de présentation institutionnelle de l'UFJT intitulée « Construire ensemble une politique jeunesse ».

Document n°8 : Eclairage sur le verbe habiter

Autant qu'une dimension spatiale, habiter revêt une dimension temporelle. Habiter signifie, comme le souligne Th. Paquot, «exister sur cette terre comme un mortel qui n'ignore aucunement sa condition de mortel».(...)

Derrière habituari se profile aussi habitus, «manière d'être». Ce terme est d'abord relancé par E. Durkheim. P. Bourdieu, à son tour, en fait un concept clé de la sociologie le définissant comme un ensemble de cadres sociaux permettant à l'individu d'être dans la durée, comme un ensemble durable de manières d'être et de faire qui s'incarne dans les corps permettant de «construire et comprendre de manière unitaire les dimensions de la pratique» (...)

Habiter est donc un terme riche qui déborde la seule idée de loger et renvoi à l'être au point que l'on ne puisse nommer l'un sans convoquer l'autre, que l'on ne puisse penser l'un sans concevoir l'autre. Habiter est une forme singulière de l'être au monde.

Source : Denis La Mache, « Une ethnologie de l'art d'habiter
est-elle envisageable dans les grands ensembles HLM ? »

 

proposition la plus adaptée. Puis, au cours du séjour, il faut suivre l'évolution de chacun afin de permettre le passage vers du logement de plus en plus autonome. L'objectif final est bien entendu de préparer dans les meilleures conditions possibles le passage dans du logement totalement autonome, que ce soit dans le parc privé ou HLM.

Permettre aux jeunes d'habiter et non simplement de se loger est un élément fondateur pour les Foyers. Le document122 ci-contre apporte un éclairage sur la richesse du terme habiter..

3/ Public accueilli

Nous avons vu d'une part que la définition des bornes de la jeunesse est difficile et fluctuante ; d'autre part que les missions des FJT au cours de leur histoire ont évolué. Toutefois, le public des FJT répond à une définition administrative assez étroite.

a/ La politique d'accueil

Elle est définie par la circulaire n° 96-753 du 17 décembre 1996 (ministère des Affaires Sociales). Le public prioritaire des FJT est constitué des jeunes âgés de 16 à 25 ans en cours d'insertion sociale et professionnelle.

Ce strict bornage réglementaire est en retard par rapport à l'évolution du public : « Il y a une définition du temps de la jeunesse qui est bien connue, de nature juridicoadministrative - pour habiter en foyer on est jeune entre seize et vingt-cinq ans - un simple regard sur l'évolution récente de la demande des résidents montre les limites d'une définition aussi stricte. La part des moins de vingt-cinq ans est en régression constante et les demandes des plus de vingt-cinq ans augmentent dans des proportions significatives. Alors la définition est commode mais peu en phase avec des réalités vécues, dans un contexte d'allongement et de diffèrement de la séquence de vie jeunesse »123.

Une adaptation a été autorisée, puisqu'il est admis la possibilité d'accueillir des jeunes de 25 à 30 ans, à condition qu'ils ne représentent qu'une fraction des résidents. C'est le projet associatif du FJT négocié avec les partenaires et traduit dans le contrat avec la CAF et la convention APL qui précise la proportion de cette catégorie d'âge.

122 Denis LA MACHE, « Une ethnologie de l'art d'habiter est-elle envisageable dans les grands ensembles HLM ? », disponible sur http://perso.wanadoo.fr/homo.urbanus/urbanisme64.htm

123 B. BASTIEN & P. BATAILLE, 1998, p.43-44

Paradoxalement la circulaire, si stricte sur l'âge, prend en compte l'évolution et l'éclatement des situations, puisqu'elle précise que « ...l'allongement et la multiplication des périodes de transition entre la dépendance familiale et l'autonomie doivent être pris en compte et impliquent l'accueil d'une population plus diversifiée », qu'elle définit et liste comme suit :

? jeunes travailleurs en situation de précarité ou non

? jeunes demandeurs d'emploi

? jeunes en situation de décohabitation ou de mobilité.

? jeunes en formation sous divers statuts

? jeunes couples.

? adultes isolés ou familles monoparentales de moins de 30 ans.

? étudiants en rupture sociale et familiale.

La circulaire précise que la politique d'accueil doit être basée sur le brassage social et sur l'équilibre entre les différentes catégories de jeunes, avec une priorité pour les jeunes avec ou sans emploi de condition modeste124.

Il faut souligner que l'équilibre des populations accueillies au sein des FJT conditionne la réussite du brassage social. La gestion de cet équilibre très fragile est une part importante du travail des équipes socio-éducatives : « Dans un même lieu, se retrouvent des jeunes d'horizons et de conditions multiples dont les dispositions acquises déterminent les conditions de passage et les attributs de l'identification. C'est l'effet du "brassage ", ce mot magique (valise ?) du réseau FJT »125. Cette particularité dans la gestion de l'accueil du public, qui oscille entre le pôle de l'accompagnement individuel et celui de la gestion du collectif, constitue sans nul doute une spécificité forte des Foyers de Jeunes Travailleurs.

b/Données statistiques sur les FJT et leur public

La série de graphiques et leurs interprétations ci-après visent à brosser le portrait des foyers du point de vue de l'habitat proposé, de l'âge et du sexe du public accueilli, de sa situation professionnelle et de son niveau scolaire.

Tous les graphiques de ce chapitre sont issus de données provenant de l'UFJT126. Dans toute la suite de ce mémoire, les graphiques qui ont la particularité d'être encadrés ont été réalisé par l'Union nationale, et ont été simplement reproduits.

124 Toutes les personnes accueillies dans les FJT conventionnés doivent respecter les plafonds de ressources prévus par les conventions APL.

125 B. BASTIEN & P. BATAILLE, 1998 p.58

126 « L'UFJT en quelques chiffres, 2003 » et « Données économiques 2003 », documents disponibles sur le site internet de l'UFJT

Graphique n°1 : Répartition et évolution (entre 1999 et 2003) des types de logements
FJT au niveau national

Chambres Chambres à Chambres à T1 T1' T1 bis T2 T3 et plus

individuelles deux trois et plus

60%

55%

50%

45%

40%

35%

30%

25%

20%

15%

10%

5%

0%

2003

1999

En 2003 il y avait en France 383 FJT et services logements, ainsi que 25 Comités Locaux pour le Logement Autonome des Jeunes (CLLAJ), représentant un parc national de 39000 logements rassemblant une capacité globale de 40000 lits. Dans ce parc, 11% correspond à de l'habitat diffus.

Au niveau du type de logements, 58% sont des appartements du T1 au T3, le reste étant composé de chambres. C'est une évolution importante et rapide puisqu'en 1999 les appartements ne représentaient que 35% du total. Cela correspond aux nombreux efforts de réhabilitations et de transformations engagés sur tout le territoire depuis l'accord cadre national de 1990.

Graphique n°2 : Pyramide par âges et sexe des résidents rentrés en 2003 127

127 Ce graphique a été réalisé par l'UFJT. Il présente une erreur de représentation puisqu'une tranche regroupant cinq années est affectée de la même largeur que celles d'une année ; d'autre part il ne présente pas d'échelle (il n'a pas été possible de le reconstruire car seuls les graphiques étaient disponibles et non les données brutes).

La répartition globale est de 58 % d'hommes pour 42 % de femmes. La proportion de femmes augmente doucement depuis quelques années, et ceci est a mettre en relation avec l'évolution du parc locatif évoqué plus haut : le public féminin est beaucoup plus sensible -et réticent- aux chambres, surtout sans sanitaires individuels. La proposition croissante d'appartements leur convient davantage d'où cette croissance. Une analyse plus fine de l'occupation des types de logement par sexe, malheureusement indisponible, montrerait sans nul doute cette propension.

Ce graphique n°2 montre une tendance des femmes à se répartir surtout sur les tranches d'âge centrales, de 18 à 23 ans. S'il s'agit également des classes les plus fortes chez les hommes, il y a par contre un étalement plus grand dans la répartition, notamment pour les 24 ans et plus. Les femmes utilisent vraisemblablement davantage le FJT comme une étape vers le logement autonome, le quittant plus rapidement, et n'y revenant plus ensuite « Leurs stratégies matrimoniales sont plus précoces, et elles les poussent éventuellement à choisir plus rapidement un logement autonome »128. Chez les hommes les aller-retours sont plus courants, et la prise d'autonomie en matière de logement moins rapide.

Graphique n°3 : Répartiti on par type d'activité professionnelle :

45% 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0%

 
 

Salariés Apprentis Stagiaires Dem andeurs Scolaires et Non ren-

d'em ploi étudiants seigné

Graphique n°4 : Détail de la répartiti on des jeunes de la catégorie « salariés »
par types de contrats de travail en 2003

CDD temps partiel 9%

Intérim 11%

CDD temps plein 24%

Contrat de qualification 9%

Stage d'insertion 4% CDI temps plein 34%

128 B. BASTIEN & P. BATAILLE, 1998, p.61

CDI temps partiel 9%

Le graphique n°3 montre une répartition du public des FJT sur les différentes activités, avec une forte représentation des apprentis et stagiaires qui représentent près d'un tiers du total. Les salariés sont la catégorie la plus nombreuse, mais il s'agit d'un trompe l'oeil comme le montre le graphique n°4, qui détaille toutes les catégories regroupées sous le vocable « salariés ». Il permet premièrement de voir qu'y sont englobées des situations très différentes, deuxièmement que les situations à forte incertitude sont nombreuses. Non seulement 58 % des contrats sont à court et moyen terme, mais encore 18 % des jeunes salariés logés en FJT travaillent à temps partiel. Bien entendu, cette proportion importante tant de stagiaires que de jeunes en contrats courts joue de façon importante dans la brièveté des séjours en FJT.

En complément de ces graphiques sur la situation professionnelle des jeunes accueillis en FJT, leur niveau de ressource129 est le suivant :

· 9 % des jeunes n'ont aucune ressource propre

· 27 % disposent de moins de 300 € par mois

· 36 % ont entre 300 € et un SMIC mensuel

· 28 % ont un revenu supérieur au SMIC

Graphique n°5 : Niveaux scolaires des jeunes résidents en FJT :

22% 20% 18% 16% 14% 12% 10% 8% 6% 4% 2% 0%

institutions spécialisées niveau primaire

niveau collège niveau 3ème CAP, BEP

Bac pro. ou technique Bac général BTS/DUT

DEUG

Bac + 3 et + Non renseigné

Toutes les filières et tous les niveaux sont représentés. La proportion de jeunes accueillis ayant le bac ou le niveau bac est de 55 %, ce qui est inférieur aux chiffres nationaux donnés par le ministère de l'éducation nationale. Celui-ci considère que la proportion de jeunes bacheliers est stabilisée à 69 % de chaque classe d'âge depuis

129 Les statistiques 2003 de l'UFJT sur les ressources tiennent compte des aides à la personne, mais ne permettent pas de mesurer les soutiens des tiers, la famille notamment.

plusieurs années. Cela est à mettre en parallèle avec les 19 % de jeunes qui à l'entrée au FJT ont un niveau équivalent ou inférieur au niveau 3ème. Les FJT accueillent donc un public ayant un niveau scolaire plus faible que la moyenne de leur classe d'âge.

Il faut noter également qu'il y a plus de jeunes issus de formations techniques (bac professionnel ou technique, DUT/BTS) que des filières générales (bac général, DEUG). Leur présence importante dans les FJT peut s'analyser de deux façons. D'une part leurs cursus sont caractérisés par la nécessité de réaliser des stages en entreprises, souvent hors de la ville d'étude et de la ville d'origine familiale, et nombre d'entre eux sollicitent une place en FJT durant ces stages. D'autre part « Depuis deux ans, les personnes les moins touchées par le chômage sont celles possédant des diplômes de niveau supérieur au bac à spécialités techniques ou professionnelles : DUT, BTS... »130, « Les DUT et les BTS sont des diplômes très appréciés sur le marché du travail : leur taux de chômage est resté stable autour de 6,7 %... »131. Une fois diplômés, ces nouveaux travailleurs sollicitent souvent les FJT, le temps de passer une période d'essai ou de trouver un autre logement.

Graphique n°6 : Origine résidentielle des résidents 132

Les jeunes ayant une origine résidentielle proche (commune ou agglomération) sont une minorité (moins de 20 %). L'origine géographique de proximité peut être en lien avec une décohabitation conflictuelle (rupture familiale ou institutionnelle, rupture de couple).

Il faut noter qu'accéder à l'autonomie résidentielle n'est pas un chemin linéaire : « Le passage de la décohabitation familiale au bail en nom propre se fait au long d'une trajectoire qui peut comporter beaucoup d'étapes avec parfois des aller-retours, le passage en FJT pouvant constituer l'une de ces étapes »133.

La plus grande partie des jeunes qui viennent résider en FJT (68 %) vient de l'extérieur

130 INSEE première n°958, avril 2004.

131 INSEE première n°1009, mars 2005.

132 Graphique réalisé par l'UFJT. Il s'agit là de la provenance des jeunes à leur entrée dans le FJT, ce qui est différent de leur origine géographique de naissance.

133 Jean-Pierre FAYARD dans l'introduction de l'article de J.C. ACCARIER, 1999, p.3.

du département. Cette mobilité résidentielle est fortement -mais pas uniquement- liée à des contraintes d'insertion socio-professionnelle, qu'il s'agisse d'emploi ou de formation : « Les résidants du FJT sont en situation de mobilité géographique pour répondre à des besoins liés à la formation et au travail, mais aussi en fonction de leur rapports à leurs attaches familiales et affectives... »134.

Jean-Claude ACCARIER a réalisé en 1998 un mémoire de DSTS intitulé « Quelle itinérance des jeunes ? Analyse de la mobilité géographique des résidents d'un Foyer de Jeunes Travailleurs ». Dans la première partie de sa recherche, il propose une interprétation de la mobilité en FJT. Il base son analyse sur trois modèles de conduite : la mobilité, la stabilité et l'instabilité. Ensuite il définit la mobilité par rapport à trois axes : d'abord « dans la tête »135, ensuite vis-à-vis des attaches affectives et relationnelles, enfin par rapport à l'emploi et la formation.

Après un travail d'enquête puis de classement, il met en évidence quatre formes des profils d'itinérance chez les jeunes accueillis en FJT :

? Un profil d'hyper-mobilité à risques : l'instabilité à la fois dans les attaches et du point de vue professionnel s'ajoute à la « mobilité dans la tête ». Cela entraîne des « passages à l'acte » du type partir pour partir ou casser un projet dès qu'il commence à se construire un peu. Les décisions prises par les jeunes ayant ce type de profil sont souvent non-maîtrisées.

? Un profil d'hyper-mobilité à risques calculés : il y a une stabilité dans les attaches socio-affectives et une mobilité tant du point de vue professionnel que « dans la tête ». Les choix professionnels ne sont pas figés, et cela entraîne une mobilité géographique importante dans un objectif de mobilité sociale ascendante. Les risques sont calculés et encouragés par la stabilité des attaches.

? Un profil de mobilité adaptée : il y a une stabilité dans les attaches et au niveau professionnel, et une mobilité « dans la tête ». La stabilité professionnelle se traduit par un choix de métier ou d'orientation clairement défini, compris et appuyé par l'environnement socio-affectif. La mobilité « dans la tête » permet de la souplesse, du réalisme et de l'ajustement par rapport à la réalisation de ce projet.

? Un profil d'immobilité dépendante : il y a instabilité dans tous les axes. Cela entraîne « un système d'attachement fait de relation fusionnelle et de dépendance à l'autre ». Les manques de lucidité, d'attaches et la précarité rendent ces jeunes « assujettis » : les décisions les engageant sont prises par d'autres. Ces jeunes sont ceux qui présentent le plus de risques de s'enfoncer dans une précarité permanente.

134 J.C. ACCARIER, 1999, p.8.

135 L'auteur précise : « La « mobilité dans la tête » c'est l'ouverture au changement, l'intelligence de situation, l'adaptation, la curiosité de la découverte, la propension à se mouvoir. « L'instabilité dans la tête » c'est le déséquilibre, la confusion de pensée, la rigidité à ne pas bouger dans sa représentation du monde, la fermeture au changement, la difficulté à se bouger »

Graphique n°7 : Comparaison des durée de séjours et des nuits correspondantes

Moins d'une Une semaine Un mois à Trois mois à Six mois à un Un an et plus

semaine à un mois trois mois six mois an

40%

20%

60%

50%

30%

10%

0%

Nuitées correspondantes

Durée de séjour

En terme de durée de séjour, il y a une répartition assez équitable entre les séjours courts (moins de trois mois) et les séjours longs (plus de trois mois) en nombre de personnes accueillies. Toutefois, il faut impérativement mettre ces données en rapport avec le nombre de nuitées pour comprendre l'orientation de l'action socio-éducative. En effet, les jeunes ayant séjourné moins de trois mois ne représentent que 9,4% des nuitées ; tandis qu'à eux seuls les résidents séjournant six mois et plus cumulent 77% des nuitées. Or c'est sur les personnes ayant une présence effective, constatée par le nombre de nuitées, que porte l'action socio-éducative. Donc cette dernière porte quasiexclusivement sur les résidents séjournant trois mois et plus au FJT.

Nous soulignerons que les études statistiques tendent à montrer que les jeunes qui réalisent des séjours courts sont ceux qui sont dans les situations de moins grande fragilité socio-économique (ressource, activité, diplôme).

Au niveau du taux d'occupation des FJT, Les chiffres globaux disponibles au niveau national sont les suivants :

Graphique n°8 : Taux d'occupation moyen des FJT au niveau national 136

136 Graphique réalisé par l'UFJT

La baisse du taux d'occupation dont fait état l'Union Nationale est contredite au niveau de la région Bretagne. En effet, lors de l'assemblée générale 2005 de l'Union Régionale des Foyers de Jeunes Travailleurs, il a été rapporté qu'« en Bretagne, les FJT sont occupés à 90 %, situation favorable par rapport à d'autres régions saturées »137.

Il faut bien évidement rapprocher ce constat de celui rapporté à la fin du chapitre sur l'histoire des FJT : la situation de crise du logement actuelle n'est pas sans rappeler la situation des années 1950. La hausse des loyers dans le secteur privé et la pénurie de logements sociaux entraîne une forte demande des jeunes dans l'un des seuls endroits accessibles pour eux, les Foyers de jeunes travailleurs. Cela n'explique pas malgré tout les divergences de chiffres avancés entre l'Union nationale et l'Union régionale de Bretagne.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams