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La complémentarité de la justice pénale internationale à  la justice nationale des états dans le cas de la cour pénale internationale

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par Emery NUKURI
Université du Burundi - Licence en Droit 2010
  

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§2. Le domaine de compétence de la CPI.

La CPI, à l'instar de toutes les juridictions, a compétence à l'égard de certains crimes (compétence matérielle) et de leurs auteurs dans des conditions déterminées (compétence personnelle), et sur certains territoires (compétence territoriale) et pendant une période bien déterminée (compétence temporelle).

I. La compétence ratione materiae.

En son article 5, le Statut de Rome qui dessine clairement le champ de compétence matérielle de la CPI dispose : « La compétence de la Cour est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale (...) : Le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes d'agression»53(*).

Le crime d'agression, bien que cité à l'article 5, ne fait pas encore complètement partie des crimes relevant de la compétence de la CPI, du moins jusqu'à ce qu'il ait été clairement défini par l'Assemblée des Etats parties. Cela ressort du dernier alinéa de l'article précité. La conférence de révision du Statut prévue en principe en 200954(*), aura finalement lieu du 31mai au 11 juin 2010 à Kampala en Ouganda55(*), permettra de faire un état des lieux sur cette question. Signalons à toutes fins utiles que le degré de gravité suffisamment élevé des crimes énumérés à l'article 5 est une condition de recevabilité devant la CPI56(*).

Nous retrouvons trois de ces infractions dans les Statuts des TPI pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda à savoir le génocide57(*), les crimes contre l'humanité 58(*) et les crimes de guerre59(*).

A. Le crime de génocide.

Prévu à l'article 6 du Statut de la CPI, le crime de génocide est un des premiers crimes à avoir été évoqué. Sa définition s'inspire de celle de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. Selon cette convention, le génocide se définit comme étant le meurtre ou d'autres actes commis dans l'intention de détruire en tout ou en partie un groupe éthique, racial ou religieux60(*). Le crime de génocide se distingue du crime de guerre et du crime contre l'humanité par son élément intentionnel. En l'absence de volonté de destruction d'un groupe, l'acte pourrait être qualifié de crime contre l'humanité ou de crime de guerre selon les circonstances.61(*) Certains estimaient que cette définition était trop restrictive car ne concernant pas les groupes politiques, socio-économiques62(*). Mais la décision de ne pas modifier un texte largement accepté l'emporta, d'autant plus que ces crimes ne resteraient pas impunis. En effet, s'ils ne pouvaient être qualifiés de génocide, ils le seraient de crimes contre l'humanité.

B. Le crime contre l'humanité.

Le crime contre l'humanité est connu depuis longtemps. Le terme apparaît pour la 1ère fois à propos du génocide Arménien de 1915 et est évoqué notamment par le Traité de Versailles à la fin de la 1ère Guerre mondiale. Pourtant, il faudra attendre le Statut du TMI de Nuremberg pour que ce crime soit défini pour la 1ère fois. Les crimes contre l'humanité selon l'article 7 du Statut de la CPI63(*) peuvent être commis en temps de guerre comme en temps de paix64(*), à l'occasion d'un conflit armé international ou non international, par les représentants de l'Etat ou par toute autre personne. La qualification de crime contre l'humanité est subordonnée à la connaissance de l'attaque par le suspect ; ce qui est particulièrement difficile à établir65(*). L'article 7 du Statut de la CPI dispose également que le crime doit s'inscrire dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique.

C. Le crime de guerre.

Prévu à l'article 8 du Statut de la CPI, la définition du crime de guerre définition inclut les violations du DIH lors des conflits armés non internationaux qui sont actuellement les plus nombreux et l'emploi des armes de destruction massive.

Les rédacteurs du Statut de la CPI ont également choisi de faire référence aux conventions de Genève, sans mentionner le Protocole II de 1977 sur la protection des victimes des conflits armés non internationaux. Néanmoins, la liste des crimes de guerre énoncés à l'article 8§2 comprend les crimes commis « en cas de conflit ne présentant pas un caractère international ». Le choix de ne pas s'appuyer explicitement sur le texte du Protocole II de 1977 a été motivé par le fait qu'il n'a pas fait l'objet d'une ratification quasi-universelle, à la différence des conventions de Genève66(*).

Avec l'adoption du Statut de la CPI, un pas supplémentaire a été franchi dans le développement de l'incrimination des violations du droit des conflits armés. En effet, le Statut de la CPI distingue les crimes commis dans un conflit armé international67(*) de ceux commis dans un conflit armé interne. Il pousse la distinction à un plus haut degré de raffinement en différenciant d'un côté les conflits armés internes visés par l'article 3 commun aux Conventions de Genève où ne sont incriminés que les violations de l'article 8§2 c, et de l'autre côté les conflits armés internes prolongés, opposant les groupes armés organisés entre eux, conflits où l'incrimination a été étendue non seulement à des violations du droit de Genève mais également à des violations du droit de La Haye.68(*)

Concrètement, l'établissement des incriminations de la CPI a une portée universelle du fait qu'elles ont été adoptées par une conférence diplomatique à laquelle la plupart des Etats ont participé. On peut dire que ces incriminations reflètent l'opinio juris de la communauté internationale sur les faits qui s'apparentent à des crimes de guerre, lorsqu'ils sont commis dans un conflit armé international ou non international, sans préjudice toutefois de l'existence dans le droit humanitaire d'autres incriminations. Autrement dit, la liste des incriminations du Statut représente le consensus des Etats sur un minimum plutôt que sur un maximum d'incriminations69(*).

Tout compte fait, un consensus, auquel les négociateurs sont arrivés, à l'initiative de la France, introduit une limite à la répression du crime de guerre par la CPI, parce qu'elle permet à un Etat de refuser la compétence de la Cour, en ce qui concerne les crimes de guerre70(*). Ainsi, lorsque l'Etat décide d'adhérer au Statut, il lui est possible de déclarer que pour une période de 7ans suivant l'entrée en vigueur du Statut à son égard, il rejette la compétence de la Cour concernant les crimes de guerre. Cette déclaration peut être retirée à tout moment71(*). Selon certains auteurs, cette concession a une portée relativement limitée en raison du fait que « si le crime est assez grave pour retenir l'attention du Procureur international, c'est qu'il a atteint un degré suffisamment sérieux pour être considéré comme un crime contre l'humanité »72(*).

La France, dès la signature du Statut, a annoncé qu'elle mettrait en oeuvre cet article 124 arguant que, parce qu'elle est amenée à s'engager sur des théâtres extérieurs notamment dans le cadre d'opérations humanitaires ou de maintien de la paix, elle souhaitait éviter d'éventuelles plaintes abusives s'appuyant sur des motivations politiques73(*). La CPI serait alors surchargée de plaintes à caractère politique qui nuiraient à son efficacité et à l'image des interventions de l'ONU. En France toujours, la note d'orientation de la Commission nationale consultative des droits de l'homme du 15 février 1999 a condamné le recours à l'article 12474(*) que la FIDH et Amnesty international appellent" licence to kill"75(*). Le ministère français de la Défense estime que seuls le recul et l'expérience permettront de déterminer si les garanties insérées dans le Statut contre le "harcèlement juridique" sont suffisantes et efficaces. Ce délai permettra de pallier aux éventuels dysfonctionnements en la matière.

D. Le crime d'agression.

L'article 5§2 du Statut de la CPI dispose que :

« la Cour exercera sa compétence à l'égard du crime d'agression quand une disposition aura été adoptée conformément aux articles 121et 123, qui définira ce crime et fixera les conditions de l'exercice de la compétence de la Cour à son égard. Cette disposition devra être compatible avec les dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies »76(*).

Le crime d'agression se situe donc théoriquement dans le cadre de la compétence de la CPI ; mais ce n'est qu'une compétence virtuelle. En effet, les négociateurs ont pu se mettre d'accord lors de la Conférence de révision du Statut de Rome qui s'est tenue à Kampala du 31 mai au 11 juin 2010 sur sa définition, inspirée de la résolution 3314 77(*)de l'Assemblée Générale des Nations Unies du 14 décembre 1974. L'article 8 bis du Statut de la CPI adopté à Kampala définit le crime d'agression individuel comme la planification, la préparation, le lancement ou l'exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l'action politique ou militaire d'un État, d'un acte d'agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies.

Après deux semaines d'intenses débats et des années de travaux préparatoires, les États présentes à la Conférence de révision du Statut de Rome ont adopté, le 11 juin 2010, par consensus des amendements au Statut de Rome qui prendront la forme d'un avenant à la Convention de Rome78(*).Par ailleurs, la CPI ne pourra exercer sa compétence qu'après l'entrée en vigueur de cette nouvelle Convention qu'à partir du 1er janvier 201779(*), date à compter de laquelle les États parties devront prendre une décision pour activer la compétence et uniquement à l'égard des Etats qui l'auront ratifiée, ces Etats n'étant pas tenus de ratifier l'avenant.80(*)

II. La compétence ratione temporis.

L'article 11 alinéa 1 stipule que :

« La cour n'a compétence qu'à l'égard des crimes relevant de sa compétence commis après l'entrée en vigueur du présent Statut »81(*).

Ainsi, seules les violations du Statut, commises après le 1er juillet 2002 tombent sous sa juridiction. De plus, poursuit le même article en son alinéa 2, pour ceux des Etats signataires qui ont adhéré au Statut après la date de son entrée en vigueur, la compétence de la Cour ne commence à courir qu'à partir de la date de son entrée en vigueur pour l'Etat en cause82(*), le Statut n'a donc pas d'effet rétroactif.

Il appert de ce qui précède que cette situation fait apparaître une incohérence. D'un côté, les crimes relevant de la CPI sont imprescriptibles83(*) et de l'autre les dispositions du Statut créent une limite temporelle. Comme le souligne J.P.BAZELAIRE et T.CRETTIN : « Les criminels de guerre ou contre l'humanité qui auront eu la chance, voire la prévoyance de commettre leurs méfaits ailleurs que sur le territoire de compétence des Tribunaux pénaux internationaux ad hoc avant l'entrée en vigueur de la CPI sont à l'abri des poursuites »84(*).

C'est également une injustice ; car on délaisse dans l'oubli les victimes des grandes tragédies de ce siècle. Ne sommes-nous pas en face d'une amnistie déguisée ?

On voit que les espoirs placés dans la CPI, juridiction permanente, s'amenuisent et nous rejoignons J.P. BAZELAIRE et T.CRETIN quand ils disent : « La réponse fut celle de la permanence de la CPI dont on voit qu'elle n'est pas aussi permanente qu'attendue »85(*).

Rappelons qu'un Etat qui adhère au Statut de Rome a la faculté d'exclure la compétence de la Cour à l'égard des crimes de guerre commis par ses ressortissants pendant sept ans. C'est ce qui a été appelé l' « opting out »86(*) . Et comme si cela ne suffisait pas, il a fallu y ajouter une soupape de sécurité pour verrouiller cet aspect du problème puisque l'article 24 §1 insiste : « Nul n'est pénalement responsable (...) pour un comportement antérieur à l'entrée en vigueur du Statut »87(*).

III. La compétence ratione personae.

Un des principes généraux du droit applicable par la CPI est celui de la responsabilité pénale individuelle. L'article 25 §1 du Statut de la CPI stipule que : « La Cour est compétente à l'égard des personnes physiques »88(*) contrairement à la C.I.J qui est compétente à l'égard des Etats. Ce critère de compétence va permettre à la Cour d'élargir son champ territorial aux Etats non parties. Ainsi, si un crime prévu par le Statut est commis à l'intérieur d'un Etat non partie à la Convention de Rome, la CPI sera compétente à son égard si l'auteur présumé est le national d'un Etat partie au Statut89(*). En outre, aux termes de l'article 26 du Statut de la CPI, l'accusé devra être âgé de 18 ans au moins.

IV. La compétence ratione loci.

En théorie, il ne devrait pas y avoir de questions pour ce qui est de la compétence territoriale, dans la mesure où le champ de la CPI est universel et dès lors que l'acte en cause est incriminé par le Statut de la CPI. Cependant, dans la réalité et en vertu du principe pacta sunt servanda, l'application des termes du Statut aux seuls Etats ayant signé et ratifié la convention de Rome est de nature à restreindre ipso facto le champ de compétence territoriale de la CPI.

La CPI a une compétence universelle si, et seulement si, elle est saisie par le Conseil de Sécurité de l'ONU, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte. Le pouvoir accordé à la CPI en cas de saisine par le Conseil de Sécurité est une limite à la souveraineté des Etats non parties qui se verront appliquer la compétence de la CPI au Statut de laquelle ils n'ont pas adhéré. En dehors de cette hypothèse exceptionnelle90(*), la juridiction de la Cour s'exerce sur les territoires des Etats membres où un crime a été commis, ou sur les territoires des Etats non membres lorsque l'auteur du crime est ressortissant d'un Etat membre. Enfin, la Cour est également compétente à l'égard d'un Etat non partie au Statut qui a ponctuellement accepté sa compétence, pour un crime qui y est commis, sur son territoire ou qui implique ses nationaux sur le territoire d'un Etat non partie91(*).

Du fait de son mode d'établissement92(*), les critères de compétence imposent des restrictions au champ de compétence territoriale de la CPI et permettent de ce fait que certains crimes échappent à sa juridiction. Il est donc primordial de travailler à l'élargissement du cercle des Etats parties au Statut de Rome.

Section 3 : Le principe de complémentarité de la CPI aux juridictions nationales.

Le principe de complémentarité se trouve énoncé dans le préambule du Statut de la CPI93(*) ainsi qu'à l'article 194(*) et 1795(*) du Statut de la CPI. Il s'agit là d'une différence majeure par rapport aux Statuts des TPI qui retiennent la primauté de ces derniers sur les juridictions nationales96(*).

La CPI a un rôle secondaire97(*) par rapport aux juridictions nationales dans la répression des crimes relevant de sa compétence. Cette restriction se comprend aisément si l'on considère que la Cour est instituée non pas par une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, mais comme souligné précédemment par un traité multilatéral. Les Etats étaient, tout au long de l'élaboration du Statut de la CPI, soucieux de préserver leur souveraineté et, en particulier, leur responsabilité première de réprimer les crimes commis sur leurs territoires ou les crimes relevant de leur compétence, à un autre titre98(*). La justice fait en effet partie des pouvoirs régaliens de l'Etat.

Le principe de la primauté n'a, à aucun moment, été envisagée au profit de la CPI99(*). Selon Alain PELLET : « Le Statut hésite constamment entre la motivation « communautariste » qui l'inspire et les arrières pensées « Etatistes » qui n'ont jamais cessé de hanter nombre de participants à la Conférence de Rome »100(*), par conséquent, nous constatons que les dispositions du Statut consacrant la complémentarité illustrent bien le souci de respecter la primauté de la répression étatique.

Certes, il est évidemment difficile de contester les avantages de la répression étatique. Outre le fait non négligeable qu'est en cause un des attributs de la souveraineté, à savoir l'administration de la justice pénale, et qu'il est illusoire d'attendre des Etats qu'ils y renoncent volontairement et de façon générale, il est également incontestable que les juridictions nationales seront dans la majorité des cas les mieux placés pour agir101(*).

A contrario, dans l'hypothèse où les Etats n'auraient pas la volonté ou la capacité de réprimer les crimes relevant de la compétence de la CPI, le Statut prévoit que cette dernière peut alors déclarer l'affaire recevable102(*).

Notons que contrairement au projet du Statut de la Commission de Droit International, qui était extrêmement favorable aux Etats en ce qu'il se contentait, pour ainsi dire, de l'engagement d'une procédure au niveau national, l'article 17 du Statut de la CPI rétablit un certain équilibre entre les prérogatives de la CPI et des Etats en conférant à la Cour le soin de déterminer, à l'aide d'une série de critères énoncés à l'article 17, s'il y a manque de volonté (§2) ou incapacité (§3) de l'Etat à mener à bien les poursuites.

En effet, Il ne suffit pas qu'un Etat déclare qu'une procédure a été engagée au niveau interne ; la CPI se voit reconnaître un droit de regard sur la réalité et l'efficacité des procédures internes. Certains Etats avaient souhaité une application restrictive du principe de complémentarité et voulaient exiger le consentement préalable des autorités nationales à l'action de la CPI. Cette dernière n'aurait été autre chose qu'une institution dépendante de la volonté des Etats.

Il semblerait que le principe de complémentarité s'applique à tous les Etats et non pas seulement aux Etats parties au Statut. L'article n'est guère explicite sur ce point, mais cela peut être déduit du fait qu'il vise « un Etat ayant la compétence en l'espèce » et non « un Etat partie ». Si l'on analyse les autres dispositions du Statut, il apparaît que lorsqu'il y a à viser les Etats parties ou appliquer un régime différent aux Etats non parties, celles-ci ne manquent pas de le préciser explicitement. L'économie générale du Statut renforce donc cette interprétation. De plus, si l'on envisage l'hypothèse contraire, la CPI aurait beaucoup de difficultés à obtenir la coopération des Etats tiers en cause et à bien mener ses enquêtes et poursuites, excepté lorsque la saisine émane du Conseil de Sécurité des Nations Unies parce que ses résolutions sont exécutoires pour tous les Etats membres de l'ONU103(*).

Pour conclure ce point, le Statut étant l'oeuvre des Etats, la tendance serait à l'interpréter dans le sens des atteintes à la souveraineté des Etats parties104(*).

CHAPITRE II: LES MODES DE SAISINE DE LA CPI ET LA RECEVABILITE DES AFFAIRES.

L'ex-Procureur des deux TPI ad hoc Carla DEL PONTE105(*), s'adressait au Conseil de sécurité des Nations Unies, quelques semaines après son installation, en ces termes : « Il est essentiel pour le succès du tribunal, que les Etats ne soient pas en mesure de dicter leurs volontés au Procureur, en ce qui concerne ce qui doit ou ne doit pas faire objet d'investigation. »106(*

Par ces propos, Carla Del Ponte posait en termes vigoureux l'épineuse question des relations de la justice pénale internationale avec les Etats et les organisations internationales, plus précisément celle de l'indépendance de la justice pénale internationale.

Or, nous ne saurions apprécier le degré d'indépendance de la CPI, conditionnée par l'efficacité du principe de la complémentarité, sans analyser les modes de saisine de la CPI, en référence à son principe de base à savoir la complémentarité ainsi que la recevabilité des affaires.

Section I : Les modes de saisine de la CPI.

Aux termes de l'article 13 du statut de Rome :

« La Cour peut exercer sa compétence à l'égard d'un crime visé à l'article 5, conformément aux dispositions du présent Statut:

a) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par un État Partie, comme prévu à l'article 14 ;

b) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ; ou

c) Si le Procureur a ouvert une enquête sur le crime en question en vertu de l'article 15 »107(*).

Il ressort de l'interprétation de l'article 13 que le statut de Rome prévoit trois modes de saisine de la CPI à savoir :

- La saisine par un Etat partie ;

- La saisine par le Conseil de sécurité des Nations Unies ;

- La saisine par le Procureur de la CPI108(*) agissant proprio motu109(*).

* 53 Article 5 du Statut de la CPI.

* 54 Tel que prévu par l'article 5 al.2 et 123 al.1 du Statut de la CPI.

* 55 http:// www. icc- cpi.int /

* 56 Cf. l'article 17 §1. d) du Statut de la CPI.

* 57 Article 2 du Statut du TPIR et art.4 de celui de TPIY.

* 58 Article 3 du Statut du TPIR et 5 de celui du TPIY.

* 59 Article 4 du Statut de TPIR et art.2 de celui de TPIY.

* 60 Article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.

* 61 C. BASSIOUNI, « ICC ratification and national implementing legislation » in Nouvelles Etudes Pénales, 1999, p.61.

* 62 W.A.SCHABAS, « La Cour pénale internationale : un pas de plus contre l'impunité » Séminaire virtuel du Droit, p.7.  

* 63 La définition du crime contre l'humanité a provoqué de vives discussions car il ne fait pas l'objet d'une définition identique dans les différents textes internationaux qui y font référence et surtout dans les différentes législations nationales. Sur ce sujet, voir W. BOURDON, La Cour pénale internationale, Ed. Seuil, 2000, p.44.

* 64 A l'époque des procès de Nuremberg, on exigeait que le crime ait été commis en période de guerre. De même, le Conseil de sécurité avait maintenu en vigueur cette idée en imposant une exigence semblable dans le cas de l' Ex-Yougoslavie. Ce qui n'empêcha pas le TPIY d'estimer que le droit coutumier ne requérait plus un "nexus" entre le crime contre l'humanité et le conflit armé, W.A. SCHABAS,« La Cour pénale internationale : un pas de plus contre l'impunité » Séminaire virtuel du Droit, p.7.  

* 65 P. BRANA, Rapport No 2141, fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi autorisant la ratification de la Convention portant Statut de la Cour pénale internationale, p.19.

http ://www.assemblee-nationale.fr/2/rapports/r2141.htm

* 66 Ainsi les USA, l'Inde, l'Indonésie, le Japon, la RDC, le Maroc...ne sont pas parties au texte du Protocole II additionnel aux Conventions de Genève.

* 67 Article 8§2, al.a et b.

* 68 E. DAVID, op.cit., p.658.

* 69 Idem, p.589.

* 70 En vertu de l'article 124 du Statut de la CPI : « Nonobstant les dispositions de l'article 12, paragraphes 1 et 2, un État qui devient partie au présent Statut peut déclarer que, pour une période de sept ans à partir de l'entrée en vigueur du Statut à son égard, il n'accepte pas la compétence de la Cour en ce qui concerne la catégorie de crimes visée à l'article 8 lorsqu'il est allégué qu'un crime a été commis sur son territoire ou par ses ressortissants. Il peut à tout moment retirer cette déclaration. Les dispositions du présent article seront réexaminées à la conférence de révision convoquée conformément à l'article 123, paragraphe 1. ».

* 71 P. BRANA, op.cit., p.21.

* 72 W.A. SCHABAS, op.cit., p.7.  

* 73 Les criminels de guerre français pourront toujours être poursuivis par les tribunaux nationaux compétents en la matière.

* 74 Elle ne fut pas la seule à regretter l'insertion de cette disposition. Il en fut de M. B ADINTER, M. BETTATI, M. PELLET, M. TRUCHE, par de nombreuses ONG, Associations professionnelles et Syndicats. P. BRANA, Rapport no 2141, p.21.  

* 75 W. Bourdon, «Tout reste à faire» in Rapport de la FIDH. La route ne s'arrête pas à Rome, sur http://www.fidh.org/rapports/r266.htm , (visité le 25 novembre 2008.).

* 76 Article 5§2 du Statut de la CPI.

* 77 RES/AG 3314 du 14 décembre 1974

* 78A. DULAIT, Rapport d'information No 313, p.12, disponible sur le site internet http//www.Sénat.fr.rap/r98-313/r98-31320.html (visité le 10 mai 2009).

* 79 http://www.icc-cpi.int

* 80 A. DULAIT, op.cit., p.12.

* 81 Article 11 al 1 du Statut de la CPI.

* 82 Article 11§2 du Statut de la CPI.

* 83 Article 26 du Statut de la CPI. Il convient d'insister sur le fait que l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité (le génocide y compris) est une réalité juridique depuis la convention le 26 novembre et entrée en vigueur le 11 novembre 1970.

* 84 J.P. BAZELAIRE, et T. CRETTIN, Op. Cit., p.89.

* 85 J.P. BAZELAIRE, et T. CRETIN, op. cit , p.90.

* 86 En vertu de l'article 124. Cet article a été inséré sur proposition de la France, qui l'a mis en jeu lors de sa ratification. Les auteurs admettent dans leur majorité que cette disposition, bien qu'ayant permis la signature de la France est regrettable parce qu'elle limite énormément la compétence de la Cour.

* 87 Article 24§1 du Statut de la CPI.

* 88 Article 25§1 du Statut de la CPI.

* 89 Ce critère de compétence a été l'une des principales raisons du refus des Etats-Unis qui le considère comme une atteinte majeur à la souveraineté des Etats et au principe de la relativité des traités internationaux.

* 90 On comprend qu'à l'Etat actuel des choses, le principe est que la CPI n'a pas de compétence universelle.

* 91 Cf. l'article 12 du Statut : « Si l'acceptation de la compétence de la Cour par un État qui n'est pas Partie au présent Statut est nécessaire aux fins du paragraphe 2, cet État peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l'égard du crime dont il s'agit. L'État ayant accepté la compétence de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans exception conformément au chapitre IX. »

* 92 La CPI, issue d'une convention multilatérale est donc soumise au principe de l'effet relatif aux conventions prévu à l'article 34 de la convention de Vienne de 1969 relatives au droit des Traités. Ce principe est néanmoins un peu remis en cause par l'article 12 du Statut, dans la mesure où un Etat non partie peut voir son national jugé par la Cour, si celui-ci se rend coupable d'un des crimes de l'article 5 du Statut sur le territoire d'un Etat non partie.

* 93 Alinéa 10 du préambule du Statut : « Soulignant que la Cour Pénale Internationale dont le Statut porte la création est complémentaire des juridictions criminelles nationales ».

* 94 Article 1 du Statut : « (...) Elle est complémentaire des juridictions criminelles nationales ».

* 95 L'article 17 du Statut, relative aux questions de recevabilité, détaille dans son §1 le contenu du principe de complémentarité et dans ses §2 et 3 les cas dans lesquels la Cour peut conclure au manque de volonté ou à l'incapacité d'un Etat et de déclarer l'affaire recevable voir les développements du chapitre III pour plus de détails.

* 96 Article 9 (2) du Statut du TPIY, article 8 (2) du Statut du TPIR.

* 97D.D. NTANDA NSEREKO,«The international court : Jurisdictional and related issue» in Criminal Law Form, N°1, p.114, cité par E. DULAC, Le rôle du Conseil de Sécurité dans la procédure devant la Cour Pénale Internationale, Paris, Université Paris I, Faculté de Droit, 1999-2000, p.43.

* 98 Ibidem.

* 99 F. LATTANZI, « The complementarity character of the jurisdiction of the court with respect to national jurisdictions» cite par E. DULAC, op. cit., p.44.

* 100 A.PELLET, « Pour la Cour Pénale Internationale, quand même ! » in L'observateur des Nations Unies, N°5, 1998, p.144.

* 101 Notamment pour ce qui est de l'accès aux éléments de preuve, mais aussi, en premier lieu, du fait que la justice pénale sera mieux administrée au niveau national en raison de la proximité qu'au plan international où elle fait ses premiers pas.

* 102 Article 17§2 et 3 du Statut de la CPI.

* 103 Article 25 de la Charte des Nations Unies : « Les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte ».

* 104 On ne peut pas parler de « restrictions » dans la mesure où en tant que tiers par rapport au Statut, ils ne sont en aucun cas dans l'obligation ni de se plier aux conclusions de la Cour à leur égard, ni de coopérer avec elle en vertu du principe de relativité des conventions internationales.

* 105 Carla DEL PONTE, Procureur général de la Suisse depuis 1994, elle a été nommée au poste de Procureur des TPI pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, par le Conseil de sécurité avec effet au 15 septembre 1999. Le 4 septembre 2003, son mandat a été renouvelé au Poste de Procureur du TPIY.

* 106 Lire l'article de AFSAME Bassir dans le quotidien le Monde du 11novembre 1999 sous le titre : « le Procureur du TPIY dresse un premier bilan des travaux d'exhumation au Kosovo ».

* 107 Article 13 du Statut de la CPI.

* 108 Le Procureur de la CPI est l'Argentin Luis Moreno OCAMPO.

* 109 D. BECHERAOUI, L'exercice des compétences de la Cour pénale internationale, in RIDP, 2006, vol 76, pp.341-374.

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