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Les contradictions des politiques de ciblage dans les projets de lutte contre la pauvreté dans l'ouest montagneux ivoirien

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par Alexis KOFFI
Université de Bouaké - DEA 2009
  

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II.1.5- Ingénierie du ciblage des bénéficiaires du projet

Les principales orientations de l'ONG CARE en rapport avec le Projet ECHO sont liées à la mise en oeuvre de projets de cohésion sociale au sein des communautés ayant été victimes des affres des conflits intercommunautaires. Dès lors les projets autour desquels la cohésion sociale peut naître sont donc priorisés. Dans ce sens, les projets tels que : 1) la réhabilitation communautaire (pompes hydrauliques et points d'eau, écoles, maisons brûlées ou décoiffées, cases de santé...), 2) la distribution de kits aux personnes déplacées internes, 3) la mise en route d'Activités Génératrices de Revenus communautaires (moulin, fermes agro-pastorales, décortiqueuses ambulantes...). Les projets de réhabilitation des habitats et de distribution de kits tendent à cibler les vulnérables, potentiels bénéficiaires, en fonction du degré d'affectation des localités par les conflits voire des ménages.

II.1.5.1 - Populations cibles

Les bénéficiaires du projet d'Assistance d'urgence aux populations de l'Ouest directement affectées par la crise en Côte d'Ivoire sont constitués des populations déplacées dont les maisons ont été détruites (160 ménages prévus), ainsi que les populations restées sur place (allochtones et allogènes), particulièrement les familles des OEV/PVVIH et les travailleurs communautaires (participants aux travaux de réhabilitation aux côtés des familles retournées en vue de recréer les liens sociaux). Des critères précis de vulnérabilité ont été définis pour le choix de ces bénéficiaires.

II.1.5.2 - Méthodologie d'identification et de sélection des bénéficiaires

Le ciblage des bénéficiaires de cette intervention a été fait en suivant une démarche `'dite'' participative impliquant les différentes parties prenantes, principalement toutes les populations affectées par la crise. Cependant rappelons pour des fins utiles que le ciblage même des zones d'intervention répond à une logique de pérennisation de projets menés antérieurement sur les sites ciblés. « Nous avons obtenu avec AID-CI un financement PNUD grâce à OCHA à travers le programme ABRIS pour mener des activités de cohésion sociale dans ces deux villages. Dans l'exécution de ce projet Abris dénommé `'Restauration du capital social'' s'étendant sur deux mois, nous avons fait le constat que les besoins des villageois affectés demeurent entiers et nécessitent des financements plus importants pour connaître un début de solution. C'est ainsi que nous avons écrit un projet que nous avons soumis à ECHO...» Extrait de l'entretien avec K.G, chef de projet à CARE Man.

L'ingénierie du terrain commence d'abord par la réalisation d'une analyse globale et détaillée de la situation initiée à travers ce que CARE nomme le diagnostic de base. En fait, cette activité de départ avait pour but d'identifier les « contraintes intercommunautaires » de chaque localité ciblée. Pour CARE, ce préalable permettait d'une part aux agents de terrain de mieux saisir la nature profonde des conflits du village de sorte à disposer de repères de base dans leur relation avec les différentes communautés du village. D'autre part, le diagnostic de base permettait l'élaboration d'un document de travail consignant les opportunités, contraintes, potentialités, et besoins de chaque localité ainsi que les variables socioculturelles susceptibles d'influencer les conduites des communautés. Toutes les interventions ont été proposées selon CARE par les populations des villages de Fengolo et Toa Zéo puis elles ont été analysées ensemble avec l'équipe technique de CARE. L'intervention principale qui est la réhabilitation des maisons détruites est perçue par les populations elles-mêmes comme étant le point de départ de tout début de réconciliation entre communautés en conflit. Il apparaît une certaine logique entre les résultats de l'évaluation, l'analyse du problème et les interventions proposées pour cette opération d'urgence. Mais en fait quels sont les critères et mécanismes d'identification des bénéficiaires des réhabilitations de maisons et de distribution de kits ménagers?

Les critères de choix des bénéficiaires de la réhabilitation de maison

Le programme de réhabilitation des maisons privées dans le cadre du projet ECHO visait essentiellement les ménages déplacés. L'ONG CARE dans la phase préparatoire du programme avait proposé un certain nombre de critères de vulnérabilité aux populations de Fengolo et Toa Zéo. Ceux-ci se résumaient comme suit : les ménages déplacés, les ménages comptant plus de10 personnes, les ménages ayant en charge de nombreux enfants de moins de six (06) ans, les ménages ayant une femmes pour chef , les femmes enceintes, les handicapés sans ressource financières et sans soutien, les enfants chefs de ménage et/ou les orphelins et enfants vulnérables, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et les vieillards.

En complément à ces critères proposés par CARE, les villageois en ont émis d'autres. Aussi avaient-ils ajouté le critère de premier retourné au village, les chefs de communauté, mais surtout la participation des potentiels bénéficiaires aux travaux communautaires. Sur ce dernier point, signalons qu'avant d'entreprendre la réhabilitation des habitats privés, CARE procédait à la réhabilitation d'infrastructures communautaires (cases ou centres de santé, écoles, pompes hydrauliques...). Lors de ces travaux d'intérêts communs toutes les communautés aussi bien autochtones, allochtones qu'allogènes étaient sensibilisées à apporter leur force de travail en termes de main pour l'approvisionnement du chantier en matériaux de construction tels que le sable et le gravier, l'eau ou même la fabrication local de géo-bétons ou en temps qu'aides maçon... « Lorsque CARE nous a demandé de donner des critères pour qu'on choisisse des gens qui vont avoir leur maison refaite par eux, nous on a dit que les vieux qui n'ont plus de soutien et les femmes veuves doivent être d'abord choisi. Et puis on peut choisir aussi les gens qui sont venus et chez qui vivent des enfants qui ont perdu leurs parents dans la guerre. Pour les autres, il faut regarder si la personne travaille bien dans ce qu'on fait depuis au village comme la construction de l'école, transport du sable pour construire aussi la case de santé, on prend aussi en compte si l'individu est toujours là quand on travaille... » (Extrait du Focus Group de Fengolo)

En ce qui concerne la distribution des kits ménagers, les bénéficiaires étaient les populations des ménages déplacés qui acceptaient de retourner dans l'un des deux villages cibles, qu'ils soient autochtones, allochtones ou allogènes et dont la maison aurait été réhabilitée ainsi que celles des ménages vulnérables restés sur place allochtones ou allogènes. Ils ont été choisis conformément aux conditions qui étaient arrêtées de façon participative.

Pour les autres interventions (réhabilitation de pompes hydrauliques, construction de latrines, réhabilitation d'école, d'AGR communautaire etc.) visant l'ensemble de la population, il n'était pas nécessaire de définir des critères d'identification avec les populations. CARE détenait seule ses critères d'appréciation du ciblage géographique de ses zones d'intervention. Elles reposaient essentiellement sur la philosophie des projets de cohésion sociale. `'Do no harm'' est une approche qui consiste à poser des actes qui ne seront pas sources de tentions plus tard au sein des communautés bénéficiaires de programmes. Dès lors à partir de l'étude diagnostique de base effectuée avant le démarrage du projet, CARE prenait en compte la démographie du village, le nombre de déplacés recensé dans le village, le nombre de déplacés retournés, l'existence de conflits ouverts ou latents dans la localité, l'existence d'un conflit historique mal résolu dans le village, le nombre d'enfants en âge d'être scolarisé ou ayant abandonné l'école du fait de la guerre, la capacité de synergie ethnique autour d'une activité commune. Sur ce point, il faut dire que l'outil de contrôle était la mobilisation des différentes composantes du village lors des travaux à caractères communautaires mais également aux réunions d'informations et de sensibilisations.

Tableau 3: Critères de vulnérabilité et nombre de bénéficiaires

Type de bénéficiaires

FENGOLO

TOA ZEO

TOTAL

Nb de ménages

Nb de personnes

Nb de ménages

Nb de personnes

Nb de ménages

Nb de personnes

Bénéficiaires de maisons réhabilitées

80

480

80

480

160

960

Tuteurs d'OEV

16

96

66

396

82

492

Femmes chefs de ménage

182

1.092

155

930

337

2.022

Familles nombreuses

160

960

160

960

320

1.920

Travailleurs communautaires

91

546

160

960

251

1.506

Bénéficiaires de vivres (retournés de TOA ZEO)20(*)

0

0

406

2436

406

2436

Bénéficiaires eau et assainissement

268

1600

690

4150

958

5750

TOTAL

797

4774

1717

10312

2514

15086

Source : Rapport d'activité CARE, 2007

NB : La base de calcul était de 6 personnes en moyenne par ménage

Méthode d'identification et de sélection des bénéficiaires

Pour éviter les mécontentements occasionnés par le programme de réhabilitation de l'ONUCI à Fengolo, l'identification des bénéficiaires s'est opérée de façon participative avec toutes les parties prenantes. Étant donné que les besoins dépassent l'offre (160 maisons à réhabiliter sur 276 maisons détruites), CARE a mis en place un comité d'identification des bénéficiaires du programme.

Ce comité d'identification des bénéficiaires comprenait les représentants des différentes communautés, les chefs de quartiers et d'autres membres dont la tâche consiste à planifier, suivre et évaluer toutes les étapes du processus de réhabilitation des maisons. D'abord en fonction du nombre de maisons à réhabiliter, le comité procède à une répartition du nombre bénéficiaires par quartier. Une fois cette phase achevée sous la supervision de l'équipe de CARE, chaque chef de quartier est chargé d'identifier, selon les critères ci-dessus mentionnés, les bénéficiaires de son quartier dont il fait un listing. Fengolo par exemple est un village constitué de cinq (5) quartiers dont deux majoritairement habités par les allochtones et les allogènes. Ces cinq quartiers ont chacun un chef ce qui fait 5 chefs de quartier dans le village. Ces chefs sont pour ce qui est des quartiers autochtones les différents patriarches des grandes familles du village. Quant aux quartiers `'d'étranger'' ce sont les premiers venus de chaque groupe qui sont chefs. Rappelons que CARE a suscité la formation d'un comité de paix dont les membres étaient tous les représentants de chaque composante du village. En fait, dans ce comité, il y avait un représentant des jeunes, celui de chaque quartier, des femmes, des allogènes, des allochtones... Ce comité était composé de 13 personnes. En marge de ce comité, il avait un comité d'identification des bénéficiaires et plusieurs comités de gestion communément appelé les COGES. Nous avons au niveau de ces comités : le comité santé, celui de l'eau et assainissement, le comité de gestion de l'école, comité de reconstruction.

À l'issu de l'étude diagnostique, les besoins des populations en matières de réhabilitation de maison dans ce village était de 493 maisons21(*). Cependant le projet ne pouvait procéder à la réhabilitation de 80 maisons. Dès lors, le comité s'est réuni pour décider de la répartition par quartiers. Les dommages étant visibles dans les quartiers autochtones, le comité a décidé que les autochtones devaient avoir une grande part des projets à réaliser. D'ailleurs, CARE n'avait pas prévu de maisons pour les allogènes mais le comité d'identification a décidé de l'octroi de 3 maisons à ces derniers. Le leader des jeunes allogènes a même bénéficié d'une maison car il était le tuteur de plusieurs enfants orphelins du fait de la crise. Ainsi chaque chef de quartier sur la base qu'il connait mieux les habitants de son quartier opérait une présélection tout en tenant compte des critères de vulnérabilité ci-dessus évoqués. Et ce, en fonction du nombre de maison à réhabiliter dont bénéficierait le quartier. Tous les listings sont contre analysés par le comité d'identification du village en une rencontre plénière, puis présentés à l'ONG CARE. Toutefois, en cas de mésentente entre les membres du comité pouvant entraîner le blocage des activités du projet, CARE tranchera de manière objective. En effet, lorsqu'il y avait des contestations non résolu par le comité, les responsables de cet organisme écoutait les arguments de chaque camp et décidait en `'tenant compte des réalités du terrain''.

* 20 Il s'agit des personnes retournées à Toa Zéo à la suite des travaux de réhabilitation, les distributions de vivres à ces populations retournées se sont faites au début du mois d'août 2006

* 21 Les affrontements interethniques de 2005 dans ce village avaient eu pour conséquence la destruction de la quasi-totalité des maisons des populations Guéré, c'es-à-dire des autochtones.

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