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Les conditions d'accès à  l'emploi des jeunes diplômés bac plus deux et plus des zones urbaines sensibles de l'agglomération nantaise

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par Jean-Baptiste DROUET
UFR de Sociologie de Nantes - DESS 2005
  

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Quatrième partie ; retranscription d'entretiens

Entretien Vincent. Source : « Education Nationale ». 24 ans. BTS Productique Bois, option B. Bellevue.

Cet entretien est révélateur de la logique du quartier comme il a été dit plus haut, non pas par rapport à la discrimination, mais parce qu'il induit un certains nombres de déterminants sociaux qui sont des freins en tant que tels dans le parcours scolaire et la recherche d'emploi. L'entretien met en évidence l'importance de la filière par rapport à la trajectoire d'un garçon non issu de l'immigration et habitant en quartier.

« J'ai fait un BTS Bois et ameublement ; puis j'ai fait l'école supérieure du Bois, avec une Licence pro, c'était à l'IUT de Bordeaux. Au collège, je n'avais pas d'idée fixe ».

« Mon père est artisan menuisier, il y a un bureau, un atelier chez mes parents, j'avais l'habitude de travailler le bois avec lui. Naturellement, je me suis dirigé vers le bois. Mais ce qui m'intéressait, c'était plutôt la gestion des ateliers, la production, pas trop la productique. À l'IUT de Bordeaux, j'ai fait des stages et à la suite d'un stage, je suis rentré dans un cabinet d'études qui travaille sur la charpente, il y a un atelier de 25 personnes et un bureau de 5, 6 personnes, c'est chez GUILLET, en Vendée, pas loin de Montaigu ».

« Je suis originaire des Sables d'Olonne, mes parents sont arrivés à Nantes il y a dix ans. Je suis arrivé, j'étais en sixième, c'était à Notre Dame de l'Abbaye. J'ai redoublé ma seconde. Ensuite, j'ai fait une seconde STI au lycée Monge. J'ai passé un Bac STI, géni Mécanique, j'ai obtenu le Bac STI à Monge. Les profs disaient que je n'avais pas les capacités d'aller en BTS, ils pensaient que je n'aurais pas le Bac...Et je l'ai eu avec mention. Pour le choix de l'orientation, ils étaient défavorables pour le BTS ».

« Mais le BTS, ça s'est très bien passé, ça été le déclic, je m'entendais très bien. Il y avait une super ambiance de classe, on faisait des visites d'entreprises. Ca été vraiment le déclic. J'ai aussi eu mon BTS avec mention. Après, j'ai fait une Licence, j'ai eu une mention Bien ; je voulais un Bac+3, pour l'homogénéisation des diplômes. J'avais hésité avec l'école d'ingénieurs quand j'étais en deuxième année de BTS...J'ai vraiment hésité de passer l'école d'ingé, finalement j'ai fait la Licence à Bordeaux, à l'Université, c'était des cours magistraux, des cours qui correspondaient à la fois à la deuxième année d'école d'ingé et des cours de Master ».

« Les profs au BTS, ils s'investissaient beaucoup plus...Au lycée, les profs, ils étaient juste là pour faire leurs heures...C'était totalement différent, au BTS, ils nous donnaient des conseils, des informations, des documents ; même maintenant, les profs m'envoient toujours des offres. On était en relation avec les élèves des années précédentes, les anciennes promos. Les profs, ils avaient déjà eu des expériences professionnelles, ils connaissaient le monde de l'entreprise, et en plus il y avait des consultants qui étaient des professionnels, certains étaient chercheurs. Dans ma promo, on était 12, il n'y a pas beaucoup de promo en France, les profs qui venaient nous donner des cours nous donnaient aussi des projets ».

« On avait six mois de cours, et six mois de stage. J'ai fait six mois de stage dans un cabinet d'études, et à la suite du stage, j'ai été embauché. La Licence, ça m'a permis de découvrir la vie active. Mon formateur, c'était un chercheur réputé, j'avais le choix de partir dans d'autres villes ou de rester à Nantes, ce que j'ai fait ».

« Les entretiens pour les stages, c `était pas toujours de bonnes expériences...J'ai eu à faire à pas mal de patrons l'année dernière. Le stage le plus difficile, c'était la première année de BTS, je n'avais pas beaucoup d'expérience donc, j'ai trouvé un stage par piston, par mon père...Par rapport à ce qu'on me proposait comme travail, les gens de l'entreprise, les tâches à effectuer, c'était du travail d'opérateur, c'est pas ce que je voulais. Ensuite, j'ai fait pas mal de recherche, j'ai fait un stage dans un bureau d'études, Jeannot', c'est un fabricant de bateaux. En deuxième année de BTS, j'avais fait un stage en menuiserie. Trois stages, c'est important ».

« Moi, ça me plaît complètement, ça va faire un an que je suis dans l'entreprise, je suis toujours en relation avec des amis qui sont un peu partout en France. Mon désir, se serait de partir à l'étranger, c'est ma première motivation, pour apprendre une langue étrangère ».

« Je sais que les patrons regardent les stages. En Licence, j'ai eu un patron qui connaissait mon ancien patron...Tout le monde se connaissait. Les cours et les entreprises...C'était lié ; les profs s'investissaient. Là, dans ma branche, il y a pas mal de départ ne retraite, oui...Beaucoup de personnes qui partent en retraite...Et

on trouve personne. Il y a plus de demandes que d'offres...Alors que j'ai des amis dans le Commerce qui trouvent pas. Mes amis de BTS ou de Licence, ils ont tous trouvé du travail. En BTS, on avait fait des portes ouvertes sur notre filière, mais ça attire peu de monde...Peut-être qu'il y a un manque d'informations ».

« Au lycée, au départ, je n'envisageais même pas d'avoir mon Bac. En Terminal, ça ne m'intéressait pas, j'avais des notes pas terribles...Mais ça m'a laissé de bonnes bases. J'ai révisé pendant deux semaines, et j'ai eu 12 de moyenne, y a une part de chance aussi ».

« Je suis retourné voir les profs de BTS au mois de juin, je suis invité à manger chez l'un de mes profs, avec toute la promo...Je les revois le mois prochain. En BTS, on a eu 100 % de réussite, c'est tous des amis. Déjà en BTS, on discutait du professionnel, ça pas toujours été ce qu'on voulait faire par la suite...J'ai un ami, à Saint Etienne, il a fait une école d'ingénieur, il s'est planté...Là...Il est au chômage, c'est pas bon sur le CV un échec...C'est pas uniquement le diplôme qui compte ».

« Avec les patrons, ça s'est toujours très bien passé, à la fin du stage, ils étaient contents de mon travail. Y a pas longtemps, j'ai un patron que j'avais eu en stage, il m'a envoyé une offre, ils cherchaient un gars pour un poste ».

« Dans ma filière, c'est hallucinant...Tous les jobs qu'il y a !...Par contre, les employeurs sont un peu radins. Mon choix, c'est pas par rapport au salaire, mais c'est plus géographique, je veux rester dans la région de Nantes ».

« Le stage, en troisième année, je m'étais investi. J'ai été embauché et par la suite, j'ai intégré le bureau d'études. Au départ, il ne faut pas s'attendre à avoir un poste en or...Ce que je constate, c'est que les stagiaires veulent directement travailler, alors qu'il faut en passer par le manuel, faut d'abord faire les chantiers, les ateliers, faut apprendre...On va pas les mettre direct au bureau, c'est pas possible...Faut pas hésiter à rentrer dedans. Il y a 1 mois, on a eu un stagiaire qui connaissait pas grand-chose, et il voulait aller directement au bureau, c'est impossible. Moi, j'ai travaillé sur tous les postes, ateliers, chantiers, pendant deux ou trois mois...Le soir, j'avais pas d'heures...Je finissais des fois à 19h00, des fois à 22h00...Et ensuite le bureau. J'en ai vraiment bavé avant de rentrer au bureau, ils ne me faisaient pas de cadeaux...Je n'avais pas le droit à l'erreur, c'était des chantiers importants, j'ai des responsabilités qui sont arrivées rapidement. Mon travail, c'est la planification, la construction, les calculs par rapport au bois...Il y a des sommes importantes. Ils me donnaient des dossiers parfois, je ne savais pas si j'étais capable...Moralement, j'avais peur de pas savoir gérer. De rester ou pas, ça m'était égal, je savais que je pouvais trouver ailleurs, c'était plus par passion. Ils m'ont bien exploité quand même...20 % Du SMIG.

« Les ressources, ça été le plus dur, c'est pour ça que j'ai arrêté en Licence. À la fin de mon stage, mon maître a reçu une lettre de l'école, il fallait qu'il signe pour valider le stage, l'appréciation, à ce moment, il m'a parlé d'embauche. Au niveau financier, les années d'études ont été dures. Mon père qui est artisan, il ne gagne pas beaucoup, et ma mère, elle est au chômage. Mon unique apport, c'était les jobs d'été, j'avais jamais de vacances, je bossais avec mon père...Sinon, j'ai travaillé dans une boucherie, j'ai fait chauffeur livreur, j'ai travaillé dans la fonderie...Il fallait que je finance mes études...Les études, ça s'achète avant tout. J'avais le droit à une bourse, ça m'a permis d'avoir une petite voiture à Bordeaux, c'est un investissement important. Mes parents, ils avaient déjà du mal...Mon petit frère aussi fait des études, il habite chez mes parents, il est en BTS.

En Licence, à Bordeaux, j'étais en collocation, mais c'était beaucoup de frais, ça été dur. Mes parents, ils sont près de Bellevue boulevard Jean Moulin, mais avant, ils étaient à Bellevue, j'ai vécu à Bellevue de la sixième à la fin BTS ».

« Bellevue, je m'y suis très bien senti. C'était une bonne expérience...Ça m'a appris à me démerder dans la vie de tous les jours. J'avais pas de ressources, ça m'a donné encore plus de gnak. Quand je suis arrivé en Licence, j'étais avec des gens qui étaient plus aisés, mais ça...J'avais pas de barrière. La vie à Bellevue, c'était pas tous les jours facile, en BTS, c'est assez sélectif. J'ai eu pas mal de relations qui sont aujourd'hui en prison. Moi, je gérais mon truc de mon côté, et sinon, je les fréquentais dans la vie de tous les jours. Quand je fais le bilan, c'est une fierté...j'aurais pu mal virer, mais j'avais mon père sur le dos, j'avais pas de bonnes fréquentations ».

« Ce qui m'a permis e m'épanouir, c'est de rencontrer de nouvelles personnes hors de Bellevue, de me faire de nouvelles relations. Au lycée, tu te fais influencer. Déjà, quand j'étais petit, j'étais un bon élève, mais j'étais pas toujours sérieux. Des fois, ça allait loin, genre les voitures...Je traînais pas mal dans mon quartier...Mais y a pas que des malfrats. On avait tous les mêmes fréquentations, j'avais aussi des amis dans le centre ville. J'avais tendance à pas dévoiler mes amitiés, je voulais pas mélanger mes amis, je les voyais séparément ».

« Ca été ma force de m'insérer dans tous les milieux. C'est aussi grâce à mon père que j'ai réussi à aller au BTS...Il connaissait les gens que je fréquentais, il savait pas quels individus ils étaient, y en a, c'est de très bons amis...Même actuellement, ils connaissent mes parents, mon frère. Avec d'autres, j'ai coupé les ponts...On avait plus rien en commun. L'endroit où tu vis, ça influe sur ta façon d'être ».

« Même par rapport aux patrons, j'avais un côté rebelle, j'en faisais qu'à ma tête...Mais j'ai mis de l'eau dans mon vin, j'essayais d'être le plus simple possible. Les premiers entretiens, c'était sur le physique, j'avais une tendance...J'y allais en survêtement, style `caëra' ».

« Aujourd'hui, je me dis, heureusement que j'ai eu mes parents. Mon père, il m'appelle régulièrement, il influe dans ma vie de tous les jours...Il suffit de trouver le truc. Je comprends que des gens s'en sortent pas. J'ai une copine, elle a fait le choix école de Commerce, elle se demande toujours comment elle va gérer sa vie professionnelle. J'ai croisé un ami que j'avais pas vu depuis trois ans, il en revenait pas ».

« J'ai toujours des amis blacks ou rebeux...Ils ont beaucoup de difficultés à trouver du boulot. Genre là où je travaille, à Montaigu, c'est ingérable...Ces mecs, c'est des gros fachos, les seules relations qu'on a, c'est pour le boulot. À ma boîte, ils regardent la couleur, l'origine, une fois, il y avait un chinois, il est resté une aprèsmidi, il s'en est pris plein la tête. Parfois, ils refusent des formations au dernier moment, quand ils voient que la personne est black. J'ai gardé contact avec Bellevue, j'ai des amis zaïrois, portugais, grecs... »

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille