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Christiania : micro-société subversive ou "hippieland" ?

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par Félix Rainaud
Université de Poitiers - Master 1 Sociologie 2012
  

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2.2 Approche historique de Christiania

En 1971, l'armée danoise a fini d'abandonner ses casernes situées à Christianshavn. 32 hectares de terrain (49 si l'on compte la surface occupée par le lac), de bâtiments, d'infrastructures diverses (hangars, écuries...) construits sur les remparts ayant servi à défendre Copenhague contre la Suède au 17ème siècle, sont laissés à l'abandon. Dans la crainte d'un troisième grand conflit mondial, l'industrie militaire trop cher à entretenir va alors être déplacée et restructurée.

Au début des années 70, la remise en cause globale de la société entraine certains à fuir la ville et promouvoir un retour à la terre. Ce fut le cas par exemple avec les communautés qui voient le jour dans le Sud de la France (communautés dans le Larzac, Longo Maï en Haute-Provence, etc...) ou aux Etats-Unis. Pour d'autres en revanche, la nouvelle société émergera de la vie urbaine (que ce soit par défaut ou par conviction), comme à Christiania.

Très vite des initiatives pour occuper l'espace laissé libre par l'armée à Copenhague voient le jour, mais sans succès. Jusqu'à ce que suite à l'appel d'un habitant, Jacob Ludvigsen, intitulé « Émigrez avec le bus n° 8 » paru dans le journal alternatif `Hovedbladet', la communauté de squatteurs et hippies parvint à s'établir durablement. D'après CATPOH, « deux types de gens s'installèrent dans les premiers mois : les « contre-cultureux », qui cherchaient une nouvelle structure sociale, une base d'expérimentation ; et puis ceux qui avaient besoin d'un logement et n'en avaient pas. Il y avait ceux qui cherchaient un logement meilleur marché, ceux qui pensaient que c'était un bon coin pour fumer, ceux qui venaient s'installer simplement parce qu'ils aimaient cet endroit. A ces derniers on pourrait rattacher un autre groupe : les ivrognes et les clodos. Ils étaient plus âgés, étrangers pour beaucoup (Finnois...). Ils venaient d'une école du quartier pour les alcooliques. Puis de très jeunes mômes de la rue, trop jeunes pour le « peace and love » et donc beaucoup plus révoltés. Puis les Groenlandais, pour qui la vie au Danemark n'est pas rose. Ils se sont tous retrouvés là » (CATPOH 39). Ce tableau hétérogène de la population de Christiania demeure vrai aujourd'hui (du moins pour ceux qui fréquentent Christiania).

Figure 2: "L'état social du Danemark" en 1977 d'après CATPOH

Ce fut alors le début de ce qui peut être décrit aujourd'hui comme une partie intégrante du paysage urbain de Copenhague : le Freetown de Christiania. L'histoire de Christiania jusqu'à ce jour a été marqué par des séries d'événements, de batailles et de luttes, internes comme externes. Internes par exemple avec les tensions entre « pushers » et « activistes » ; les batailles et les violences entre gangs, `Hells Angels' contre `Bullshit' dans les années 80. Cette guerre des gangs fera d'ailleurs plusieurs morts comme en témoigne Jean-Manuel TRAIMOND (1994 : 38), jusqu'à ce qu'ils soient expulsés par les christianites en 19879(*). Il ne s'agit là que d'exemples des problèmes majeurs rencontrés par les christianites depuis les quarante dernières années. Les menaces de fermeture par les autorités ont également été un élément clé dans l'histoire de Christiania, dont le statut a évolué au gré des relations avec les autorités, du statut « d'expérimentation sociale » à la « normalisation ».

Le contexte politique du Danemark lors de la proclamation du « freetown » a été un facteur important pour permettre la création de Christiania et permet également de mettre en lumière des éléments qui expliquent comment Christiania a pu survivre jusqu'à aujourd'hui (THÖRN 2011). En effet, lorsque les bâtiments de cette zone ont cessé leur usage militaire à l'été 1971, le gouvernement ne disposait alors d'aucun plan pour la reconversion de cet espace. De plus, au moment de la proclamation du « freetown » le 26 septembre 1971, le Danemark traversait une crise politique importante. Effectivement, lors des élections nationales qui s'étaient tenues cinq jours plus tôt, le parti de centre-droit et la coalition de gauche avaient chacun obtenu 88 députés. Le Danemark étant une monarchie parlementaire, les élections législatives désignent une majorité au parlement qui se charge ensuite de choisir un Premier ministre qui forme par la suite son gouvernement. Il faudra donc attendre le décompte des voix des îles Féroé, le 10 octobre 1971 pour donner une majorité au Parti Social-Démocrate, soutenu également par le Parti Socialiste. N'ayant plus de gouvernement fonctionnel, la souveraineté de l'Etat était donc « instable ». Ceci explique en grande partie la non-réaction immédiate des autorités, que CATPOH explique également par la focalisation des « notables » sur l'intégration au Marché Commun. S'il n'y a pas eu à proprement parler de vacance du pouvoir, la situation politique était délicate : le Danemark a alors connu « trois semaines de situation politique chaotique » d'après Håkan Thörn.

Pour autant le nouveau gouvernement ne va pas tarder à s'inquiéter de ce qu'il se passe à Christiania puisqu'en novembre 1971 des représentants du ministère de la défense, de la justice, du logement, de la culture, de la mairie de Copenhague, et de la police se réunissent. De cette réunion il ressort que tous s'accordent sur l'impossibilité de « vider » Christiania de ses habitants et empêcher ensuite le retour et l'installation de nouveaux squatteurs. Ils s'accordent en revanche pour tendre vers une « normalisation » des relations entre les Christianites et l'Etat danois. De nouveau, deux ans plus tard, en 1973, Christiania obtient de la part du gouvernement le statut « d'expérimentation sociale », assurant sa survie pour les trois années à venir.

Il a existé au Danemark un mouvement squat (mouvement `BZ'10(*)) assez important, revendicatif et contestataire proche du mouvement Autonome. Il est apparu à Copenhague après la seconde guerre mondiale, comme dans d'autres pays développés ou en développement, en deux vagues : d'abord à la fin des années 60, début des années 70 ; puis dans les années 80 partant des Pays-Bas, et en particulier d'Amsterdam (MIKKELSEN & KARPANTSCHOF 2011 : 609) comme le montre le graphique figurant en Figure 211(*). Le graphique présenté en Figure 3 montre que le pic d'activité de ce mouvement aura lieu en 1990, avec environ 65 actions impliquant près de 11 000 personnes (soit une moyenne de 170 personnes par action). Celui-ci est moins actif aujourd'hui, principalement à cause de la répression, des squats historiques ayant été légalisés (les occupants ayant dû prendre en charge le coût des travaux de remise aux normes en échange de la concession d'occupation de la part de l'ancien propriétaire) ou expulsés. Ces squats étaient pour la plupart issue d'une filiation contre-culturelle anarcho-punk et « Do it yourself ». A l'image de l'histoire de Christiania, l'histoire de ce mouvement BZ a connu des épisodes plus ou moins violents qui trahissent l'image d'un pays socialement pacifié (les deux événements les plus marquants ayant sans doute été la « bataille de Ryesgade » en 1986 et l'éviction de l'Ungdomshuset en 2007).

Figure 4 : Principales actions de squat au Danemark de1946 à 2005

Source: Données recueillies par Flemming Mikkelsen: `Collective action in Denmark 1946-2005'

Nombre de participants

Nombre d'actions

Figure 5 : Graphique représentant les actions du mouvement 'BZ' et le nombre de participants.

* 9 « Bullshit, en décomposition rapide, restera à Christiania jusqu'à ce que la police découvre en 1986 dans le sous-sol de Multimédia un cadavre aux pieds coulés dans le béton. Ses derniers membres disparaissent avant qu'une émeute de christianites ne les écharpent. » (Traimond 1994 : 39)

* 10 « `BZ' est la contraction phonétique du mot danois signifiant squat est qui a été érigé en symbole » (Mikkelsen & Karpantschof 2011 : 609)

* 11 Sur l'histoire du mouvement squat au Danemark, voir aussi l'article de Michael Scølardt : « A Short History of the Copenhagen Squatters Movement », publié sur Indymedia Irlande le 03/09/2006 : http://indymedia.ie/article/78192

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery