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La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit: le cas du Rwanda

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par Claudette Chancelle Marie-Paule BILAMPASSI MOUTSATSI
Université protestante d'Afrique Centrale - Master II en paix et développement 2012
  

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Paragraphe II : Des massacres multiples au génocide de 1994

Le 6 avril 1994, le Président du Rwanda, Juvénal Habyarimana et le président burundais Melchior Ndadaye, sont assassinés lors de l'explosion de leur avion, touché en vol par un missile. Ce fut le point de départ d'une campagne de violence génocidaire contre le groupe ethnique minoritaire des Batutsi et les Bahutu dits « modérés », membres du groupe ethnique majoritaire mais opposés au régime en place. Un effroyable bain de sang à huis clos s'est ainsi organisé sur le modèle de la solution finale marquant le dernier génocide du XXe siècle avec pour intention d'exterminer tous les Tutsi. En effet, consciencieusement planifié par le régime de l'époque, des hommes de la Garde présidentielle, des personnalités politiques Hutu, les milices populaires interahamwe85 - « ceux qui attaquent ensemble »-, et la Radio Mille Collines appelèrent tous les Hutu à « travailler », c'est-à-dire à tuer les Tutsi : « Vengeons l'immonde assassinat par les cancrelats du bien-aimé Juvénal Habyarimana et de Melchior Ndadaye, le regretté président du Burundi. Traquez partout le serpent et tuez-le. Que le monde, par votre magnifique travail, soit à jamais libéré du mal »86. Par contre, si l'on a attendu l'assassinat de Habyarimana pour exécuter le génocide, néanmoins, cette campagne datait de novembre 1992 : « Nous le peuple, nous sommes obligés d'assumer nous-mêmes la responsabilité de liquider cette racaille »87 expliquait par exemple Léon Mugesera, médecin, vice-président du Mouvement révolutionnaire national pour le développement et la démocratie (MNRD), ami intime et conseiller d'Habyarimana, exhortant même les Hutu à renvoyer les Tutsi en Ethiopie par la rivière Nyabarongo. En avril 1994, la rivière débordait de Tutsi morts, et par dizaines de milliers les cadavres s'échouaient sur les rives du lac Victoria. Mugesera était la voix du pouvoir et la plupart des Rwandais sont encore capables de citer très précisément son célèbre discours. En effet, la loi, proclamait Mugesera, stipulait la mort pour les complices des cafards : « Qu'attendons-nous pour exécuter la sentence ? » demandait-il. Les membres des partis d'opposition « n'ont aucun droit à vivre parmi nous »88, et, en tant que dirigeant du Parti, il avait le devoir de sonner l'alarme et d'engager le peuple à

85 C'est le MRND d'Habyarimana qui fut responsable de l'établissement de l'Interahamwe, une milice voyante et potentiellement dangereuse de jeunes Hutus, qui devint extrêmement populaire. Soulignant le pouvoir Hutu et la qualité Hutu au détriment des vies des Tutsis, leur message était renforcé et répandu par un média extrémiste, la Radio des Milles Collines. Nous soulignons ici que les interahamwe passèrent pour la première fois du jeu au travail en mars 1992, lorsque Radio Rwanda, organisme public, annonça les « découvertes » d'un plan tutsi visant à massacrer les Hutu. C'était de la pure désinformation, mais invoquant l' « autodéfense » préventive, des miliciens et des villageois de la région de Bugesera, au sud de Kigali, exterminèrent trois cent Tutsi en trois jours. Voir image des Interahamwe à l'annexe.

86 Fresque Gigozi, 2012.

87 Fresque Gigozi, 2012. Voir également Gérard Prunier, Op. cit., p. 209.

88 Fresque Gigozi, 2012.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

« se défendre ». Quant aux « cafards », « Qu'attendons-nous pour décimer ces familles ?... C'avait été une terrible erreur de laisser survivre des Tutsi en 1959 : Détruisez-les ! Quoi que vous fassiez, ne les laisser pas s'en tirer. Souvenez-vous que la personne à qui vous sauverez la vie ne sauvera certainement pas la vôtre »89.

A. La montée de l'extrémisme

Pendant le génocide, la Radio Télévision Libre des Milles Collines a été utilisée pour inciter à la haine, donner des instructions et légitimer des tueries :

Combattez ! Ecrasez-les ! Debout ! Avec vos lances, vos bâtons, vos fusils, vos épées, des pierres, tout, transpercez-les, ces cafards, ces ennemis de la démocratie, montrez que vous savez vous défendre, encouragez vos soldats. Si tu es fermier et que tu entends des tirs, cesse ton travail et va te battre. Tu dois cultiver et combattre en même temps !90

Avant le génocide, c'est la radio nationale qui véhiculait ce genre de message : « nous contre eux ; tué ou être tué »91. Suite au message véhiculé par la Radio des Milles Collines, des dizaines de milliers de Hutu se sentant entraînés, intimidés ou inquiétés par cette situation infiniment chaotique, répondirent à l'appel et s'engagèrent ainsi dans les tueries. Tout au début du génocide, des listes avaient déjà été établies : il s'agissait d'arrêter pour commencer les Tutsi instruits, les Tutsi prospères, et ceux qui voyageaient à l'étranger, ainsi que les Hutu importants qui, pour une raison ou pour une autre, passaient pour être en désaccord avec le régime. De même, ils avaient le numéro de chaque maison et où ils marquaient à la peinture rouge le domicile de tous les Tutsi et des modérés hutu ainsi, ils pouvaient massacrer plus de six cent quarante-sept personnes dans des quartiers92.

Dans l'ouvrage intitulé L'ombre d'Imana : Voyages jusqu'au bout du Rwanda de Véronique Tadjo, l'auteure rapporte par exemple les propos d'un prisonnier en ces termes :

De son temps, le président avait dit qu'on se débarrasse des traîtres qui sont allés à l'extérieur du pays pour apprendre à manier le fusil. Et puis quand le président est mort, on nous a dit que les Tutsis l'avaient tué mais que s'ils voulaient venir ici, ils ne trouveraient plus aucun de leurs complices vivant. Ils ne trouveraient plus personne pour les aider à tuer les Hutus. Il fallait riposter, se défendre. Il fallait faire échouer le complot tutsi. Il fallait aussi se débarrasser des Hutus qui parlaient comme des Tutsis, les amoureux du FPR. Dans les meetings, les conseillers disaient : « Ou bien vous les tuez ou bien

89Fresque Gigozi, 2012.

90 Idem.

91 Ibid.

92 Ibid.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

c'est vous qui serez tués ». C'était facile parce que nous connaissions tous la liste des gens à tuer dans les zones qu'il fallait. Dans les collines tout le monde se connait, tu ne pouvais pas cacher ton identité93.

Elle poursuit :

Chaque nuit, quand on repérait des complices, des ennemis, la consigne passait aux barrages routiers et quand ils essayaient de passer pour se sauver avec leur famille, ils étaient découverts et tués tout de suite. Il fallait qu'ils soient tous tués parce que si l'un d'eux s'échappait, il pouvait aller rejoindre les rebelles de l'armée du FPR et revenir nous attaquer. Il fallait aussi tuer les enfants car beaucoup des chefs du FPR étaient des enfants eux-mêmes quand ils se sont sauvés du pays. Le nettoyage devait être absolument total. A la radio on entendait que la tombe n'était pas encore remplie, qu'il fallait aider à la remplir (...) Oui, sans aucun doute, les ennemis devaient disparaitre du pays. Ils croyaient qu'ils allaient ressusciter et revenir occuper le Rwanda mais grâce aux armes nous pouvions les tuer. Il fallait fouiller chaque secteur, chaque colline, chaque quartier et c'est ce que nous avons fait »94.

On comprend aisément qu'il y a eu l'incitation directe et publique à commettre le génocide et des tels actes sont punis selon l'article III de la Convention pour la prévention et la répression du crime du génocide. C'est donc ainsi que d'avril à juin 1994, le génocide rwandais a fait, selon une estimation de l'ONU, environ 800 000 morts, surtout parmi les Tutsis, mais aussi parmi les opposants hutus. Il ne prit fin qu'au moment de la victoire du Front Patriotique Rwandais (FPR) proclamée le 18 juillet 1994.

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