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La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit: le cas du Rwanda

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par Claudette Chancelle Marie-Paule BILAMPASSI MOUTSATSI
Université protestante d'Afrique Centrale - Master II en paix et développement 2012
  

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Paragraphe II : Le système pénitentiaire rwandais après le génocide

A. Etat des lieux et détenus accusés d'avoir participé au génocide

L'une des rares choses que les vandales épargnèrent au Rwanda fut le système pénitentiaire : treize enceintes fortifiées de brique rouge, conçues pour abriter un total de douze mille personnes. Pendant le génocide, les détenus avaient été libérés pour qu'ils puissent participer aux tueries et ramasser les cadavres, mais les prisons ne restèrent pas longtemps vides. « En avril 1995, un an après les massacres, au moins trente-mille hommes, femmes et enfants, accusés d'avoir participé au génocide, avaient été arrêtés. A la fin de l'année, leur nombre atteignait soixante mille »108. On agrandit certaines prisons et on en construisit de nouvelles, tandis que des centaines de petits dépôts locaux étaient bourrés à craquer, « mais l'espace disponible restait toujours très insuffisant : à la fin de 1997, au moins cent vingt-cinq mille Hutu inculpés de crimes pendant le génocide étaient incarcérés dans les geôles rwandaises »109. En effet, les hiérarchies rwandaises habituelles s'étaient reconstituées derrière les murs de la prison : « intellectuels », fonctionnaires, membres des professions libérales, ecclésiastiques et commerçants s'étaient attribué les cellules les moins inconfortables, tandis que dans les cours la grande masse des paysans et ouvriers, emboîtés les uns dans les autres, étaient accroupis en plein air à même le sol. « On y retrouvait souvent quatre détenus au mètre carré, si bien que nuit et jour les prisonniers devaient rester debout, et même pendant la saison sèche une épaisse couche de condensation, d'urine et de débris de nourriture tapissait le sol »110. Dans la même veine, Philip Gourevitch souligne : « Les détenus ainsi encaqués voyaient leurs pieds, leurs chevilles et parfois leurs jambes entières doubler ou tripler de volume, puis s'atrophier, pourrir et souvent s'infecter ; on amputait des centaines. Ils supportaient leur situation ; personne ne se révoltait, des tentatives d'évasion étaient rares alors que les prisons étaient si mal gardées »111. Il était difficile d'expliquer

108 Philip Gourevitch, Op. cit., p. 335.

109 Ibid. p. 337.

110 Notre entretien avec un ancien prisonnier, Kigali, 23 février 2012.

111 Ibid., p. 342.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

cette passivité des détenus. Mais, selon nos différents entretiens avec la population rwandaise, l'hypothèse la plus vraisemblable était que, au lieu d'avoir été massacrés par le FPR comme ils s'y attendaient et recevant au contraire des visites régulières d'humanitaires, de reporters et de diplomates étrangers bienveillants, ils étaient simplement stupéfaits d'être encore vivants et ne tenaient pas à courir de risques inutiles. Seulement, personne de ces détenus ne reconnaissait avoir pris part aux tueries, personne ne voulût seulement admettre qu'il y avait eu un génocide. Une guerre civile et quelques massacres, sans doute, mais personne n'avait rien vu. Des dizaines de détenus prétendaient avoir été arbitrairement et injustement arrêtés.

Pour le gouvernement, ce nombre des détenus ne leur disait rien car, s'il y avait eu un million de morts au Rwanda c'est que ces morts ont été tués par des tas de gens. Ainsi, pour eux, si remplies à craquer qu'elles fussent, les prisons rwandaises étaient loin de contenir tous les coupables. Parfois une personne pouvait tuer six victimes et parfois ils se mettaient à trois pour en tuer une. Dusaidi, Conseiller de Kagamé note à ce propos : « Prenez n'importe quel film du génocide et regardez comment ils tuent. Vous verrez toujours un groupe massacrer une personne. Il y a donc beaucoup de tueurs qui se promènent encore dans les rues que nous n'en avons en prison. Le nombre des prisonniers n'est qu'une miette »112. Cependant, que des coupables restent en liberté ne signifie nullement que tous les détenus soient coupables. Mais, pour le gouvernement, c'était la meilleure manière de faire face à la situation car, si ces prisonniers avaient subi des actes de vengeance, ça aurait été encore plus grave. Leur détention en prison était vraiment la meilleure façon de procéder en attendant que la justice se prononce ; dehors, ils risquaient fort de se faire tuer. Seulement, les tribunaux rwandais étaient fermés et pendant plus de deux ans et demi personne ne fut jugé.

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