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La libéralisation des prix au Cameroun

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par Pierre Désiré EFFA MESSI
Université de Yaoundé II -  Diplôme d'Etudes Approfondies de droit public  2008
  

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INTRODUCTION GENERALE

Première partie LA DEREGLEMENTATION DES PRIX

Chapitre 1er LES FONDEMENTS DE LA DEREGLEMENTATION 13

Section 1ère Les fondements externes 13

Section 2 Les fondements internes 26

Chapitre 2 LE CONTENU DE LA DEREGLEMENTATION 39

Section 1ère Le désengagement de l'Etat 39

Section 2 L'ouverture aux lois du marché .... 52

Seconde partie LA REGULATION DES PRIX

Chapitre 1er LES JUSTIFICATIONS DE LA REGULATION. 62

Section 1ère La protection d'intérêts particuliers 62

Section 2 La préservation de l'intérêt général .. 79

Chapitre 2 LES MANIFESTATIONS DE LA REGULATION. 92

Section 1ère La multilatéralisation de l'encadrement 93

Section 2 La flexibilisation de l'encadrement 106

CONCLUSION GENERALE ... ..

BIBLIOGRAPHIE ... ... ... 121
ANNEXES

TABLE DES MATIERES

8

RESUME

Sous l'influence des Politiques d'ajustement Structurel, le Cameroun s'est converti aux dogmes prônant l'ouverture de son marché au commerce international des biens et des services. La libéralisation de l'économie qui en a résulté a favorisé une transformation substantielle du régime juridique des prix. Ce mouvement d'ouverture s'est illustré à travers un paradoxe, à savoir une liberté des prix formellement affirmée sur le marché et concomitamment une action étatique de plus en plus prégnante en matière de détermination des prix. Cette recherche entend expliquer ce paradoxe à travers l'étude des techniques juridiques qui l'ont rendue possible, en l'occurrence la déréglementation et la régulation des prix.

9

INTRODUCTION GENERALE

10

Tout observateur de la vie publique économique plus ou moins averti, aurait sûrement du mal à comprendre pourquoi l'on a pu parler au Cameroun, d'une libéralisation des prix1. Non pas que la libéralisation des prix ne soit pas tout à fait perceptible ni réelle, mais simplement parce que d'une part, ses manifestations dans la vie quotidienne restent assez timides et que d'autre part, l'intervention de la puissance publique parait plutôt prépondérante. De l'observation, il se dégage l'impression générale que les prix continuent en général d'être déterminés par l'Etat, D'où la tendance d'une certaine opinion de conclure à une dénégation même de toute libéralisation des prix sur le marché.

S'il est vrai qu'une telle vision peut paraître abusive quand l'on considère que la concurrence actuellement ambiante sur le marché, autant que la spéculation sauvage qui l'accompagne sont des corollaires incontestables de ladite libéralisation ; il n'en demeure pas moins vrai - du moins pour certains - qu'un certain paradoxe entre libéralisation des prix et encadrement étatique des prix semble transparaître. Ceci ne peut que susciter des interrogations sur ce processus même de libéralisation des prix au Cameroun. Une investigation scientifique sur ce sujet exigera pour plus de clarté, une préalable définition des termes clés de l'étude (a) afin d'en mieux déterminer le cadre (b) et d'en dégager le contexte (c). L'intérêt d'une telle recherche (d) découlera de la problématique (e) qu'elle pose et de laquelle se dégagera une idée générale (f), commandée par une démarche méthodologique appropriée (g). Démarche méthodologique à partir de laquelle une ébauche de raisonnement sera possible (h).

a. Définition des termes clés

La compréhension du sujet n'est possible qu'après un exercice de précision terminologique des deux termes qui en composent l'intitulé. A savoir : «libéralisation» et «prix

? Libéralisation:

1 NYAMA (J-M), « La liberté de commerce et la concurrence au Cameroun, dans le cadre de la loi camerounaise du 10 août 1990 », RJA/PUC n°1/ et 2, 1991, p. 59.

11

D'après Le Petit Larousse 2007, la libéralisation signifie «action de libéraliser», c'est-à-dire de rendre une économie plus libérale. Or, cette définition ne précise pas les acteurs de cette action et envoie d'ailleurs rechercher la définition du mot «libéral». Ceci est également le cas dans la définition tirée du Vocabulaire Juridique2 selon laquelle « la libéralisation est la tendance législative à rendre plus libéral le système de droit, à admettre ou à permettre plus largement un comportement, une opération etc. notamment par ouverture de nouveaux cas ou suppression de formalités ». Si cette définition a le mérite de présenter la libéralisation comme étant un processus dont elle ressort clairement les modalités, elle reste incomplète, et il s'impose par conséquent la recherche de la définition du mot «libéral».

Dans le Vocabulaire juridique, le concept «libéral» signifie « ce qui se réclame du libéralisme (politique ou économique), qui proclame et consacre comme un principe fondamental des libertés publiques, la liberté du marché ». Libéral se dit également d'un régime politique ou d'un système économique non autoritaire, ni dirigiste, encore moins interventionniste, le libéralisme étant la doctrine qui en découle. Vue sous cet angle, la notion libéralisation se rapproche de celles de déréglementation et de privatisation. Si ces notions sont voisines en ceci qu'elles traduisent chacune le recul de la présence étatique en matière économique, elles ne sont pas moins différentes en terme de degré et de domaine. Ainsi, la déréglementation et la privatisation apparaissent toutes comme des procédés de libéralisation. Seulement, alors que la déréglementation traduit le recul ou le redéploiement des normes, la privation, elle, traduit le recul des institutions, et notamment les entreprises publiques, comme moyen par excellence de l'interventionnisme étatique.

Au regard de tout ce qui précède, la libéralisation dans cette étude devra être considérée comme le processus de retrait de l'interventionnisme étatique en matière économique pour laisser les lois du marché la régir.

? Prix :

Le prix est défini par le Petit Larousse comme la valeur d'une chose estimée en monnaie. Cette définition n'est pas très éloignée de celle donnée par le Vocabulaire juridique pour qui il s'agit d'une « somme d'argent due par l'acquéreur au vendeur ». Le Lexique des

2 CORNU (G), Vocabulaire juridique, 7e éd. , Association Henri Capitant, PUF, 2005, p.536 .

12

termes juridiques3, dans la même logique, définit le prix comme une somme d'argent due par l'acquéreur d'un bien au vendeur, toute « somme due en échange d'un service ». La plus-value apparaît en ceci que le lexique intègre le service. Le prix apparaît ainsi comme un élément de conclusion de contrat de vente ou de prestation de services. A cet effet, le tarif des services publics ou privés intègrera notre appréhension de la notion de prix. En sera écarté, le salaire, qui traduit certes un prix ; la rémunération d'un service, mais d'un service ne relevant pas de l'activité commerciale. Tout paiement de bien ou service en nature sera également écarté, puisque dans le cadre de cette étude, le prix devra être utilisé comme un objet de politique économique, objet de l'intervention étatique en matière économique, renvoyant à une somme d'argent donnée, due ou perçue en contrepartie d'un service ou d'un bien.

? Libéralisation des prix :

En considération des précédents développements, réfléchir sur la libéralisation des prix revient à mener une recherche sur le processus de retrait de l'Etat du marché, pour laisser les lois du marché y régir les prix. L'objet de l'étude se trouve donc être la libéralisation et la matière, les prix. Ceci traduit l'appartenance de l'étude à une discipline spécifique de la science du droit dont il convient de délimiter les contours.

b. Délimitation de l'étude

La délimitation géographique découlant naturellement de la précision « au Cameroun », il convient ici de délimiter le champ matériel, puis temporel de l'étude.

? Délimitation matérielle de l'étude

Il sera question d'évoluer dans le cadre conceptuel et institutionnel du Droit public économique, entendu comme l'ensemble des règles à travers lesquelles la puissance publique manifeste directement ou indirectement sa présence dans le domaine économique4. Cette définition est assez proche de celle des Professeurs André De LAUBADERE et Pierre DELVOLVE5 d'après qui « le Droit public économique est ... le droit applicable aux interventions des personnes publiques dans l'économie et aux organes de ces interventions ou encore, pour faire court, le droit de l'intervention publique en matière économique ».

3 GUILIEN ® et Vincent (J), Lexique des termes juridiques, Dalloz 13e éd ., 2001 ,P.337.

4 COLSON (J. P), Droit public économique, LGDJ 3e ed., Paris, 2001, p.9.

5 De LAUBADERE (A) et DELVOLVE (T), Droit public économique, Dalloz, Paris 1986.

13

Ainsi pour nous, le Droit public économique est davantage l'aspect public du Droit économique que l'aspect économique du Droit public. L'aspect privé de ce Droit économique renvoyant plutôt au Droit des affaires. Alors que l'aspect économique est l'apanage des études de l'école de l'analyse économique du droit. La présence de l'Etat en matière économique, quel qu'en soit le degré, constitue l'élément justificatif par excellence de l'existence de cette discipline scientifique. Discipline de Droit public, qui, n'étant pas exclusivement Droit administratif de l'économique6, entend tout de même se distinguer, même relativement du Droit privé7 tout en incluant les autres matières de Droit public8.

Il faudrait en effet relever l'interdisciplinarité, de même que le caractère transversal de la discipline scientifique (Droit public économique), pour faire valoir qu'il ne sera pas aisé d'exclure totalement certaines données taxées à tort ou à raison de privatistes, voire d'économistes qui se prêtent bien à cette étude. La matière de l'étude (les prix) ne se révèle d'ailleurs qu'assez fluctuante, glissante, complexe et technique. Toute chose de nature à décourager toute tentative d'investigation scientifique, mais ayant au contraire fondé la témérité et le désir de s'investir dans ce champ scientifique au final, passionnant et émouvant, bien qu'assez éprouvant9, mettant en exergue une évolution dans le temps du régime juridique des prix.

? Délimitation temporelle de l'étude

L'étude se veut panoramique, c'est-à-dire qu'elle se traduit en une chronique vivante d'un processus de transformation de l'encadrement des prix dans le temps. Ce processus a commencé dans les années 1990 avec l'édiction d'une panoplie de lois dites libérales10, s'inscrivant dans la logique du désengagement de l'Etat, ayant en général marqué cette période. Cette date marque la rupture d'avec le régime général ordinaire des prix dégageant de

6 Comme le disait à ce propos le Professeur Hubert-Gérald HUBRETH, « Le Droit administratif, bien qu'instrument privilégié de l'action publique en matière économique, n'est certainement pas, ou du moins, plus sont instrument exclusif (...), elle emprunte ainsi la voie du Droit commun, et notamment le Droit commercial », HUBRETH (H-G), Droit public économique, Cours, Dalloz, Paris, 1997, p.5.

7 De nombreuses règles issues du Droit privé, notamment commerciales et des affaires régissent certaines activités économiques des personnes politiques. COLSON (J.P), Op. cit., p.6.

8 LINOTTE (D), MESTRE (A) et ROMI (R), Service public et Droit public économique,, 3e ed. LITEC, Paris, 1995.

9 Puisque confrontant sans cesse le chercheur positiviste à la réalité empirique suivant laquelle, dans l'étude de certaines matières de la science du droit, l'étude dudit droit ne peut véritablement se détacher de celle de la pratique du droit. Lire à ce propos MEBENGA (M), « Le droit et ses pratiques : l'expérience camerounaise » in KUYU MWISSA(C), repenser les droits africains pour le 21esiècle,bibliothèque de l'académie africain,éd Pluriels,Menai Buc, 2002, pp69-87

10 Cf. Cameroun : Droit et législation, recueil des nouveaux textes, SOPECAM, 1990

14

l'ordonnance n° 72/18 du 17 octobre 1972 un système rigide autoritaire, unilatéral, voire dirigiste des prix. Ce régime sera progressivement modifié par des textes de plus en plus libéraux. Lesquels textes de natures diverses et de forces juridiques variées seront étudiés suivant une chronologie retraçant la chronique du processus de libéralisation des prix. Panoplie de textes portant sur des domaines multiples tels que le commerce, la concurrence, les investissements, les institutions économiques, bref, toutes choses relatives au prix qui se meuvent en fonction d'un contexte auquel n'échappe pas la présente étude.

c. Contexte de l'étude

? Le contexte sociopolitique

Le Cameroun s'est ouvert au multipartisme depuis les années 199011. Ceci a favorisé l'avènement d'une démocratie pluraliste marque de la soumission du pouvoir aux exigences des bailleurs de fonds internationaux12, dans le cadre de la mise en oeuvre des programmes d'ajustements structurels au moyen de la conditionnalité13. Elle apparaît en effet comme l'instrument d'une normalisation systématique et rigoureuse (« normalisation - démocratisation », normalisation - libéralisation » des droits africains post coloniaux)14dont l'une des variantes fondamentales sera la libéralisation économique, libéralisation de secteurs entiers telles que les télécommunications, mais aussi d'objet de politique économique à l'instar des prix. En dehors de cette influence des bailleurs de fonds sur l'économie camerounaise, et d'ailleurs sous leur impulsion, la libéralisation des prix apparaît comme un corollaire de la politique de privatisation des entreprises publiques ayant jusqu'ici traduit le désengagement de l'Etat du secteur productif15, et fait oublier un tant soit peu le dirigisme des prix alors inspiré des politiques parfois contradictoires («libéralisme planifié», «libéralisme communautaire») de l'âge d'or de l'interventionnisme étatique au Cameroun. Elle se présente

11 MEDARD (J.F), « Etat, démocratie et développement : l'expérience camerounaise » in (Ss. dir.), MAPA (S), Développer par la démocratie ? Injonction occidentale et exigence planétaire, 1995, p.372.

12 MANGA ZAMBO (E), « Les fondements et les enjeux de la privatisation au Cameroun », Cahier de l'UCAC, 2000, p.135.

13 ONDOA (M), « Ajustement structurel et réformes du fondement théorique des droits africains post coloniaux : l'exemple camerounais », RASJ, Vol.2, n°1, 2001, p.8 (La conditionnalité apparaît en effet comme un ensemble d'exigences posées par les bailleurs de fonds internationaux et acceptées par les Etats demandeurs en échange d'avantages ou de prestations financières, généralement en rapport avec la dette extérieure).

14 D'après le Professeur Magloire ONDOA, la première exige d'impliquer le citoyen dans un débat sur la politique gouvernementale, tandis que la deuxième consiste en une double limitation du pouvoir dans l'Etat et du rôle de l'Etat afin de permettre l'éclosion et l'emprise complète du génie industriel, pp.105 et 118.

15 MANGA ZAMBO (E), « Les fondements et les enjeux de la privatisation... » Op. cit., p.49.

15

comme la conséquence logique d'une libéralisation générale de l'économie et du commerce16, venant ainsi rompre avec une direction, une fixation et un contrôle autoritaire des prix, par l'Etat interventionniste. Lequel interventionnisme se justifia alors par le souci d'asseoir l'autorité de l'Etat17, de légitimer le pouvoir et d'atteindre les objectifs fondés sur l'idéologie de la construction nationale18. Toutes choses qui, n'ayant pas véritablement disparu, continuent même implicitement de fonder l'action de l'Etat en matière économique.

? Le contexte socio-économique

Après une crise économique parfois marquée par des crises sociales (villes mortes), le Cameroun était vraisemblablement obligé de procéder à des réajustements de son environnement normatif et institutionnel en matière économique19. La crise des années 1980 a en effet été considérée comme la conséquence fâcheuse d'un interventionnisme20 institutionnalisé, synthétique et rationnel, donc, proche du dirigisme21. La pensée libérale imposée par les « messagers du libéralisme » que sont les bailleurs de fonds22 s'est avérée comme solution incontournable contre la crise économique et ses problèmes. Dans le cadre de cet environnement également, la communautarisation de l'économie et la psychose des effets du démantèlement douanier en gestation dans le cadre de l'élimination des régimes préférentiels de l'accord de Cotonou dont l'échéance déjà dépassée a ouvert des tribunes pour des négociations d'accords provisoires, pour le moins, hasardeux. Ceci n'est d'ailleurs que le corollaire d'une mondialisation tous azimuts de l'économie23. Mouvement d'ouverture extrême auquel le Cameroun n'a pu que s'arrimer malgré les incertitudes, les craintes et imprévisions qu'inspire cette mouvance ultra libre-échangiste sur le faible tissu économique des pays en voie de développement comme le Cameroun24. A ce propos justement, des manifestations contre la hausse des prix des produits pétroliers - expression et conséquence

16 Du BOIS GAUDUSSON (J), « Crise de l'Etat interventionniste et libéralisation de l'économie en Afrique », RJPIC, n°38, janvier 1984, pp.1-11.

17 Idem, p.9.

18 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique : Essai sur le fondement du constitutionalisme dans les Etats d'Afrique noire francophone, LGDJ, Paris, 1987. ONDOA (M), « Ajustement structurel et réformes du fondement théorique des droits africains post coloniaux ... » Op. cit., p.78.

19 TOUNA MAMA (Ss. dir), Crise économique et politique de déréglementation au Cameroun, L'HARMATTHAN, Paris/Montréal, 1996, p. 10.

20 Du BOIS GAUDUSSON (J), « Crise de l'Etat interventionniste... » Op. cit., p.9.

21 MOMO (B), Droit public économique interne, Cours polycopiés, UY, 1992, p.6.

22 ONDOA (M), « Ajustement structurel et réformes du fondement théorique des droits africains post coloniaux ... » Op. cit., p.30.

23 ADDA (J), La mondialisation de l'économie, Tome 2 : Problèmes, La découverte, 5e ed., Paris 2002.

24 TAMBA (I), « La mondialisation dans l'économie camerounaise », RASEG,Vol.3, n°1,PUY, janv-juil 2000, pp.125-140.

16

de la mondialisation économique, ont eu lieu, révélant un malaise, une tension sociale souterraine mais permanente. C'est pourquoi dans ce contexte d'extrême pauvreté, il est observable que, du fait de la libéralisation des prix, à la moindre variation de ceux-ci sur le marché, notamment pour ce qui est des biens de première nécessité et/ou de grande consommation (poisson, pain, gaz, ciment, pétrole etc.), des interpellations mêlées de revendications et d'espoirs sont adressées à la puissance publique. La compréhension du paradoxe qui semble s'en dégager rend cette étude intéressante.

d. Intérêt du sujet

Cette étude présente un intérêt scientifique et social.

? Intérêt scientifique

Si la libéralisation dans le secteur des télécommunications au Cameroun a fait l'objet de nombreuses et récentes études25, la libéralisation des prix n'a été abordée qu'il y a une quinzaine d'années26, dans une étude qui se veut privatiste, où elle occupait d'ailleurs une place secondaire dans les développements. Aussi paraît-il opportun aujourd'hui de s'intéresser aux évolutions de ce processus après sa consécration, l'objectif étant d'en dresser l'état et d'en dégager les techniques juridiques, mais surtout de mener une tentative d'appréhension sous l'angle du droit public. Cette étude démontrera d'abord, la consistance de la libéralisation des prix au Cameroun dans un contexte marqué par la survivance de la réglementation des prix27. Elle permettra ensuite une qualification et une classification du mode de désengagement de l'Etat en matière des prix au Cameroun dans la catégorie des retraits partiels et perpétuellement transitoires. Elle permettra enfin la mise en évidence du degré de présence de l'Etat en matière de prix au Cameroun. Se faisant, elle contribuera à

25 MVOGO (R.M) La libéralisation du secteur de télécommunication au Cameroun : Chronique juridique d'un processus complexe, Mémoire DEA, Droit public, UYII, 2004 ; PEKASSA NDAM (G), « La réforme du secteur des postes et télécommunications au Cameroun », RASJ, Vol.1, UYII, 2000 pp.97-104.

26 NYAMA (J-M), « La liberté de commerce ... » Op. cit., pp.59 et suivantes.

27 Idem, p. 64.

17

démontrer que la place de l'Etat dans un contexte certes de libéralisation, loin de disparaître, se conforte plutôt en tant que chef d'orchestre d'un encadrement désormais collectif et participatif. Ceci infirme toute tendance à la banalisation du Droit public économique et conforte d'ailleurs son originalité ainsi que son dynamisme. Cette étude sera une invite à l'intégration dans le jargon juridique de concepts nouveaux ou jusque là formellement économiques et établira la capacité évolutive et adaptative du droit aux transformations du monde. Il sera ainsi mis en évidence les transformations du régime juridique des prix qui, sans en dénaturer l'essence, l'enrichissent de techniques juridiques, édulcorant son autorité et ses privilèges, confirment cependant sa majesté comme cadre d'action économique du droit ; véritable épée de Damoclès sur les accès de libéralisme qui ont le vent en poupe à l'ère contemporaine. Cette recherche a vocation à mettre en exergue la dynamique du Droit public économique à travers l'adoption des techniques juridiques modernes28.

? Intérêt pratique

Sur le plan pratique, l'ambition affichée est de démontrer que la libéralisation des prix n'est pas incompatible avec toute action de l'Etat en matière de prix. Qu'en fait, libéralisation ne signifie pas libertinage, encore moins anarchie. Ceci facilitera la compréhension de la place et du rôle de l'Etat en matière de prix dans un contexte de libéralisation. L'action de l'Etat en matière de prix ne s'en trouvera que davantage légitimée puisque, l'étude amènera le particulier à comprendre les tenants et les aboutissants d'un juste rééquilibrage de sa liberté en matière de prix. Sur le plan social, l'étude révèlera en filigrane combien stratégiques sont les prix en tant qu'objet de politique économique juridiquement encadré. En somme, il est question de démontrer qu'au Cameroun, libéralisation des prix ne rime pas avec démission de l'Etat en matière des prix. L'Etat en est à la fois auteur et acteur de l'ouverture.

Ceci est d'autant plus vrai qu'il se dégage un certain paradoxe entre une libéralisation souhaitée et même revendiquée des prix ; mais en même temps, une intervention étatique revendiquée. C'est de ce paradoxe que découle la problématique qui sous-tend cette étude.

28 L'une des spécificités ou même originalités du Droit public économique d'après le Professeur HUBRETH est que « plus que tout autre enseignement juridique, cette discipline est ainsi au coeur d'évolutions en cours qui lui confère une grande instabilité et exigent un suivi constant de l'actualité » HUBRETH (H-G), DPE..., Op. cit., p.4.

18

e. Problématique

L'analyse de la vie publique économique camerounaise présente en effet en matière de prix un tableau pour le moins paradoxal, sinon contradictoire.

D'un côté, une hausse chronique des prix des biens et marchandises sur le marché, orchestrée par des opérateurs imbus, des avantages que leur concède la liberté de fixer les prix au gré de leurs intérêts.

De l'autre, la multiplication des cadres et techniques de contrôle des prix par l'Etat en réaction aux nombreuses revendications et interpellations aussi bien du consommateur affaibli au pouvoir d'achat diminué, que de l'opérateur impuissant face à la concurrence internationale et devant les pratiques déloyales des grands groupes économiques.

Cette situation suscite un certain nombre d'interrogations. A quoi renvoie la libéralisation des prix ? Elle correspond sommairement à une ouverture aux lois du marché dans la détermination des prix. L'ouverture, ou du moins liberté signifie-t-elle libertinage entendu au sens de liberté totale et illimitée ? La libéralisation signifie-t-elle en plus démission, c'est-à-dire retrait complet et définitif de l'Etat en matière de prix ? Force est de constater que dans aucun Etat au monde, cette hypothèse n'a jamais fait école. Il convient alors de se demander si l'Etat n'aurait pas une certaine légitimité, sinon un droit d'intervention ou d'action en matière de prix. Au regard de ce qui précède, la libéralisation des prix s'illustre alors comme une cohabitation, apparemment contre nature, entre le souci de laisser agir le marché et le besoin d'intervention étatique en matière de détermination et d'encadrement des prix. Face à cette réalité, le problème qui se pose dès lors est celui des moyens, des mécanismes, mieux, des techniques juridiques de réalisation de cette dernière conciliation d'intérêts contradictoires, traduisant dans les faits, la libéralisation des prix au Cameroun. Comment tenir compte de l'influence du marché dans la détermination et l'encadrement des prix sans ignorer le besoin de l'intervention étatique ? En d'autres termes, comment concilier le souci de laisser le marché influencer la détermination et l'encadrement des prix avec la nécessité de laisser agir l'Etat en la matière ?

Cette dernière question constitue la question centrale de l'étude. Elle se veut fédératrice, c'est-à-dire englobante de toutes les autres questions et permet la démonstration des aspects que décline l'idée générale.

f. 19

Idée générale

Deux techniques juridiques permettent de rendre compte de la libéralisation des prix au Cameroun, entendue comme conciliation d'une ouverture à l'influence du marché dans la détermination et l'encadrement des prix et de la nécessité de permettre à l'Etat de continuer à intervenir en la matière. Prosaïquement, il s'agit d'une part, de la déréglementation des prix et d'autre part, de la régulation desdits prix. La déréglementation des prix apparaît comme le processus d'ouverture à l'influence des « lois du marché »29 dans la détermination des prix, tandis que la régulation des prix renvoie à un procédé : le procédé d'ouverture à la participation des « forces du marché »30 à l'encadrement des prix.

Ces deux techniques juridiques convergent vers une transformation du rôle de l'Etat et non une exclusion de la présence étatique en matière de prix. La démonstration de cette hypothèse requiert pour se faire une démarche méthodologique appropriée.

g. La démarche méthodologique

La démarche méthodologique consistera essentiellement en la méthode juridique classique, c'est-à-dire qu'elle portera sur la dogmatique et la casuistique. Dans le cadre de cette étude, la méthode sera principalement dogmatique. La casuistique, c'est-à-dire l'analyse des décisions du juge ne sera qu'incidente. Tant un contentieux sur les prix semble inexistant dans le contexte camerounais.

La dogmatique, c'est-à-dire une exégèse, mieux une analyse des textes juridiques31 consistera en une étude du contenu du droit32. Lequel contenu du droit apparaît comme la réponse à la question « qu'est-ce qui est prescrit ? »33. La dogmatique a ainsi pour tâche, l'interprétation du discours du législateur34, mais aussi la compréhension et les explications dudit discours, en d'autres termes, des textes juridiques. Elle permettra donc dans le cadre de

29 C'est-à-dire les lois de l'offre et de la demande sur le marché

30 Entendue comme les autres acteurs intervenant sur le marché en dehors de l'Etat.

31 KAMTO (M), Pouvoirs et droit en Afrique... Op. cit., p.51.

32 BOBBIO (N), Essai de théorie du droit, LGDJ, Paris, 1998, p.5.

33 Idem, p.5.

34 Ibid, p.5

20

cette étude d'expliquer et d'interpréter le régime juridique des prix en pleine mutation, ainsi que certains régimes qui lui sont connexes.

Une démarche complémentaire, mais accessoire s'avèrera nécessaire, à savoir la démarche ontologique, qui consiste en la recherche de l'essence même des choses. Préconisée par le Professeur Jean Jacques SUEUR pour toute étude en droit économique35 et justifiée par le Professeur Magloire ONDOA car : « l'étude des mutations juridiques africaines exige un dépassement de l'approche classique. Elle appelle en complément une démarche ontologique consistant à interroger leur essence, c'est-à-dire leur source intellectuelle ou théorique »36. Or, la libéralisation en général et celle des prix en particulier, ne constitue qu'une assez forte expression de la mutation juridique desdits droits. Cette démarche permettra donc d'aller chercher les fondements même de la transformation des régimes juridiques des prix dans cette ébauche de raisonnement.

h. Ebauche de raisonnement

Il s'agit à ce niveau de décliner le plan de l'étude et de le justifier. Parce que relevant d'une étude juridique, le plan de l'étude sera binaire. La première partie consistera en la démonstration d'une ouverture de la détermination des prix à l'influence des lois du marché ; il s'agit de la déréglementation des prix. Il s'agira alors dans le premier chapitre de cette partie, de démontrer que cette déréglementation des prix repose sur des fondements juridiques, avant d'en dégager, le contenu réel, dans le second chapitre.

La seconde partie quant à elle s'articulera autour de la démonstration de l'ouverture de l'Etat à la participation des autres acteurs du marché dans l'encadrement des prix ; c'est la régulation des prix. La recherche des justifications de ladite régulation fera l'objet du chapitre premier de cette partie, alors que le chapitre second en dégagera les manifestations.

35 SUEUR (J.J), « Méthodologie du droit et Droit économique » Philosophie du droit économique ?Mélange en l'honneur de Gérard FARJAT, éd FRISON-ROCHE ,Paris,1999,p.293...

36 ONDOA (M), « Ajustement structurel ... » Op. cit. , p.76. Le Professeur s'en référant lui-même à DUGUIT (L), Les transformations du droit public, réed. , A. Colin. Coll. «La Mémoire du droit » ; Paris, 1999,235p.

21

PREMIERE PARTIE

LA DEREGLEMENTATION DES PRIX.

22

Concept ambigu37, ou du moins polysémique38, la déréglementation traduit d'abord une remise en cause exigeant une mise en pause de la réglementation39. Elle est alors considérée comme un allègement quantitatif du corpus des textes applicables à l'économie. « Il s'agit dans ce cas de réglementer moins pour réglementer mieux »40. Mesure préconisée

37 TOUNA MAMA (Ss. dir), Crise économique et politique de déréglementation, Op. cit., p.240 ; BAZEX, La déréglementation, AJDA, 1986, p.2.

38 Ce concept est en effet susceptible de plusieurs définitions et traduit également plusieurs approches. Pour plus amples développements sur cette question, lire CHEVALLIER (J), « Les enjeux de la déréglementation », RDP, 1987, pp. 281-319.

39 COLSON (J.P), Droit public économique...Op. cit., p.99. CHEVALLIER (J), « Les enjeux de la déréglementation » Op. cit., RDP, 1987, p. 293

40 HUBRETH (H.G), Droit public économique ...Op. cit.,p.58.

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par nombre d'auteurs libéraux41, c'est un mouvement né aux Etats-Unis d'Amérique du Nord et amplifié en Europe, puis transposé, voire imposé aux pays en voie de développement dans le cadre de l'ajustement structurel comme conditionnalité de l'aide financière42. Dans ce cadre, elle épouse la forme d'un ensemble de mesures juridiques destinées à promouvoir un environnement concurrentiel expurgé des mécanismes de l'intervention et à rendre plus aisé l'investissement ou l'expansion de l'initiative privée43. Enfin, la déréglementation apparaît comme l'expression d'un redéploiement. Plutôt que d'un recul de la réglementation, il s'agit en fait de réglementer autrement44.

En matière de prix au Cameroun, elle épouse à la fois chacun de ces différents aspects et peut s'entendre comme le processus d'ouverture de la réglementation des prix à l'influence des lois du marché dans la détermination des prix. Dans cette optique, elle repose sur divers fondements juridiques (Chapitre I) et épouse un contenu précis (Chapitre II).

41 Tels que : HAYECK (F.V), Droit, législation et liberté, Coll. Cambridge, PUF, Paris 1995 ; La route de la servitude, Coll. Cambridge, PUF, Paris 1985 ; CROZIER (M), On ne change pas la société par décret, Coll. Pluriel GRAFSEE, Paris 1979, réédité en 1982, évoqué par HUBRETH (H.G), Op. cit. A cette liste, il convient de manière non exhaustive d'ajouter les tenants de l'école classique française tels que TOURGOT, CONDILLAC, SAY, BASTIA dont les idées ont été approfondies par l'école ultra libéraliste autrichienne : MENGER, ROTBARD MISIES.

42 ONDOA (M), « Ajustement structurel... », Op. cit. p.106.

43 Idem, p.106

44 CHEVALLIER (J) « Les enjeux de la réglementation ... » Op. cit., p.291.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius