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Problématique de l'interdiction de la vente de carburant dans le secteur informel à  Cotonou au Bénin

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par Bruno MONTCHO
Université d'Abomey- Calavi au Bénin - Maà®trise 2009
  

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III. ANALYSE DES DONNEES DE LA RECHERCHE

L'interdiction de la vente de l'essence « kpayo » a toujours été la préoccupation et une inquiétude pour les gouvernements qui se sont succédé. Il s'agit d'une activité qui mobilise un nombre important d'acteurs. Elle ne cesse d'évoluer et occupe de nos jours tout le territoire béninois. Toutes les couches sociales de la population y sont représentées et composent le maillon essentiel du circuit. Ainsi après les données recueillies sur le terrain, les vendeurs d'essence sont composés d'hommes et de femmes qui n'ont aucun niveau d'instruction. Ils sont évalués à 35 soit 70% sur un total de 50 enquêtés. Ce sont des gens qui sont mariés soit 74%. Il y en a qui à eux seul ont la charge des enfants surtout les femmes, au nombre de 5 sur un total de 7 soit 14% obtenu sont veuves. Elles ont choisi cette activité pour plusieurs raisons. Pour elles, ces raisons sont hiérarchisées; elles partent de leur situation économique très difficile, de l'absence d'activités, de la facilité d'accès, d'installation puis la facilité d'écoulement du produit et enfin de l'implication politique. Ces vendeurs pratiquent ce commerce depuis plus de 15 ans soit 36% de nos enquêtés. Cela s'intègre dans leur vécu quotidien et connu de toute la société.

Le sociologue français Emile Durkheim dans le Dictionnaire de la sociologie page 135 nous invite à « expliquer les faits sociaux par des modifications du milieu interne et non pas à partir des états de la conscience individuelle ». La vente et l'achat de l'essence « kpayo » apparaissent comme une décision individuelle qui ne s'impose pas à tout le monde. A la suite de l'auteur, on s'est demandé ce qui motive au juste ce comportement individuel qui est passé pour général et collectif. Lorsqu'on interroge les populations béninoises et celles de Cotonou en particulier, elles répondent automatiquement: le chômage, la pauvreté, la misère générale, le sous-développement et le manque d'emploi qui décourage et pousse les jeunes à abandonner les écoles faute de supports.

La crise conjoncturelle de 1987 caractérisée par le non paiement des salaires a créé dans le vécu des béninois une autre façon de voir et de discerner la vie. Elle a obligé l'Etat à tolérer toutes sortes d'activités et à fermer les yeux sur ce qui était illégal pourvu qu'il donne à manger aux citoyens. Cela a conduit à un esprit entrepreneurial des Béninois. Ils se sont investis dans maintes activités privées pour sécuriser leur vie et celle de leur famille. Parmi ces activités, on pouvait dénombrer la vente illicite de l'essence « kpayo » qui a gagné l'esprit des populations. Malgré son caractère dangereux plus de 36% soit 18 sur un total de 50 enquêtés pratique ce commerce depuis plus de 15 ans. Comme toutes activités informelles, elle offre aux acteurs assez d'opportunités et de facilités que le secteur formel. Elle accueille en majorité les sans emplois, des personnes non ou peu qualifiées soit 70%.

La création d'une petite entreprise dans le secteur formel nécessite des tracasseries administratives, des exigences et autres conditions puis assez d'investissement qui dépasse en général les pauvres. Selon Carlos MALDONADO, « La réalité du marché du travail amène souvent les hommes à s'investir dans les activités informelles faute d'emploi car, l'une des caractéristiques principales est d'ailleurs comme on le rappelle souvent sa facilité d'accès qui l'oppose au secteur moderne lequel est entouré de toutes sortes de barrières à franchir »42(*). La vente de l'essence « kpayo » offre aux acteurs des conditions favorables et un accès facile en témoigne le nombre important des acteurs surtout les femmes qui s'investissent dans le commerce. C'est une activité à dominance féminine dans sa commercialisation. On retrouve plus les hommes dans le transport et la distribution du produit. Cette représentativité féminine se justifie puisqu'elles sont le plus souvent majoritaires dans les professions libérales ou spécifiquement féminines telles que : le secrétariat, les ventes ambulantes ou dans les boutiques, la couture, la coiffure...etc. Selon le RGPH de 2002, elles sont évaluées à 60% à s'investir dans lesdites activités. Certaines femmes soit 10% qui vendent l'essence « kpayo » dans un intervalle de moins de 5 ans ont déclaré que c'est grâce au 30 000F CFA de microcrédits aux plus pauvres qu'elles se sont installées. C'est aussi la partition de l'Etat dans la pérennisation de ce commerce puisqu'il n'y a pas un répertoire d'activités précises à exercer avec ce crédit, pourvu que le bénéficiaire dudit crédit puisse s'acquitter des remboursements à bonne date.

La situation socio-démographique de la ville de Cotonou limite les chances des acteurs à s'insérer quelque part même ceux qui ont reçu une formation professionnelle ou un diplôme. Il y a de nos jours un fort exode rural dans la ville parce qu'elle abrite pratiquement toutes les industries, entreprises, institutions, et écoles de formations universitaires publiques et privées. Autant de conditions qui manquent dans les autres villes et villages du pays. En conséquence, « la capacité d'absorption de la main d'oeuvre par l'économie urbaine est en passe de diminuer rapidement. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l'augmentation du coût de la vie joue lui aussi un rôle important dans l'offre excédentaire de main d'oeuvre car les ménages cherchent à augmenter leur revenu par une participation accrue de leur membre à l'activité ».43(*) La vente illicite de l'essence vient combler cette attente des familles à Cotonou. Elles légitiment la poursuite de ce commerce fondamentalement sur des raisons économiques. Ces vendeurs n'ont pas de moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins et ceux de leurs familles. En dehors des raisons su-citées, nous nous sommes posés la question de savoir pourquoi n'ont-ils pas choisi autres activités informelles que la vente du « kpayo ». A cette question, plusieurs autres raisons expliquent le fait. Il s'agit premièrement des contraintes sociales caractérisées par un contexte économique très difficile. Il n'est pas donné à n'importe qui de vendre par exemple dans le marché International de Dantokpa, car pour avoir un espace ou une place, il te faut dépenser des centaines de mille qui exclu déjà une catégorie sociale donné.

C'est d'ailleurs ce que dénonçait l'auteur Joseph KI-ZERBO lorsqu'il dit ceci: « L'économie de marché telle qu'elle a été imposée en Afrique de l'extérieur, surtout depuis le temps colonial est plus ou moins délaissée parce que les Africains n'en maîtrisent pas les paramètres. Elle est fondée essentiellement sur la monnaie, laquelle n'est pas disponible dans beaucoup de cas, bien qu'il y ait une sorte de retour des uns et des autres vers une économie parallèle, un marché par terre où les banques ne dominent pas la situation. Les femmes contrôlent ce marché parce qu'il est à leur taille. On y met pas en oeuvre des sommes considérables de crédits qu'elles n'ont pas »44(*).

Cette idée de l'auteur peint clairement la situation socio-économique des pays Africains en général et celle du Bénin en particulier. La vente illicite de l'essence dans la ville de Cotonou n'exige pas de gros investissements. Ainsi la seule alternative est la pratique de ce commerce qui selon 20% leur garantit un accès facile, une facilité pour s'installer pour 10% des enquêtés. Il suffit au passage quelques bouteilles d'un, de deux, de cinq et de vingt litres, une table, un bidon de 50 litres, un raccord et un entonnoir pour que démarre le commerce (voir la photo n°1). Une fois s'installer, les clients ne manquent pas, 10% des vendeurs de « kpayo » comptent au moins sur la fidélité des clients qui viennent toujours acheter. C'est un secteur où les vendeurs sont sûrs de vendre sans que cela ne périsse. Qu'est-ce-qui justifie cette assurance des vendeurs?

Après les contraintes sociales qui justifient la pratique du commerce, nous avons noté deuxièmement l'élément prix de vente qui joue beaucoup en faveur des vendeurs d'essence « kpayo ». La concurrence sur un marché autour d'un produit tourne en défaveur de celui qui pratique un prix de vente très élevé compte tenu du niveau de vie et du pouvoir d'achat des consommateurs quelle que soit la qualité du produit. C'est la loi du marché. Dans un contexte de pauvreté généralisée, la qualité importe peu. Le marché des hydrocarbures au Bénin se trouve confronter à cette réalité qui crée d'énormes pertes et de manques à gagner aux stations services mais des gains aux vendeurs du secteur informel.

Photo n°1 : Etalage de « kpayo » à Cotonou.

Source : Cliché, MONTCHO Bruno, Octobre 2008.

Photo n°2 : Station TOTAL située au carrefour Godomey

Source: Cliché, MONTCHO Bruno, Octobre 2008.

Les consommateurs d'essence du Bénin et ceux de Cotonou soit 82% ont choisi et préfèrent s'approvisionner auprès des vendeurs du « kpayo » pour la simple raison que cela est moins cher. L'essence est vendue dans les stations dans le mois d'Août 2008 par exemple à 650F et à 375F au bord des voies soit une différence de 275F par litre. Il s'agit d'un élément attractif qui ne laisse pas les consommateurs indifférents. Nous avons rencontré lors de nos enquêtes certains s'approvisionnés chez les vendeurs du « kpayo » alors qu'ils ont la possibilité et la capacité financière d'acheter l'essence tous les jours à la station. Approché, l'un d'eux nous dit ceci « il ne faut pas abuser de l'argent, car l'économie que je réalise par mois en abandonnant la station est très importante». Nous avons à ce sujet fait un petit calcul sur le bénéfice que réalise un consommateur d'essence « kpayo » par mois en comparaison à un fidèle des stations. Pour un véhicule qui consomme en moyenne 10 litres par jour, il sort avec un bénéfice de 82 500F CFA par mois. Le choix est vite fait même si on sait que la qualité est douteuse. La différenciation des prix de vente ne laisse pas indifférent certains hauts fonctionnaires qui au lieu d'acheter le carburant à la SONACOP y vont seulement échanger les tickets valeurs. Ce qui enfonce d'avantage la société dans la mévente. Rappelons que ce sont ces catégories sociales qui vont le plus souvent s'approvisionner auprès des stations services afin de justifier les dépenses par le biais d'un reçu.

La vente et l'achat de l'essence « kpayo » est devenu une des sources d'accroissement du pouvoir d'achat des consommateurs. C'est la seule activité dans laquelle le prix n'est pas discuté car c'est l'une des spécificités du béninois. C'est également le seul secteur où il n'y a pas d'envahissement des Ibo (une communauté ethnique du Nigéria). Ces derniers ne rendent pas la vie facile aux commerçants béninois. Ils inondent toutes les rues et surtout les marchés de toutes les villes du Bénin. Ils sont prêts à payer même le double et pendant plus de deux(02) ans les frais de location soit des boutiques ou maisons limitant ainsi la chance des béninois. Ces derniers qui doivent péniblement s'acquitter d'une avance de six(06) mois. Le propriétaire maximise son gain et préfère les Ibo. Voilà autant de situations que vivent les commerçants et populations de nos villes surtout de Cotonou qui les renvoient vers la vente illicite de l'essence.

Aujourd'hui, on constate la construction de plusieurs stations et mini-stations dans la ville de Cotonou et timidement de par le pays à cause de l'allègement des conditions d'installation accordé par le gouvernement. Le drame est que ces stations sont mal réparties, car il y a des quartiers qui n'en disposent pratiquement pas alors que d'autres en ont plusieurs. Ce problème de couverture des stations services est à revoir ; la commune d'Athiémé dans le département du Mono par exemple ne dispose que d'une seule station implantée dans la ville d'Athiémé dont le fonctionnement laisse à désirer. En d'autre terme les populations de cette commune doivent parcourir des kilomètres pour acheter l'essence ou le pétrole qui pour la plupart du temps n'existent pas. Toute chose qui les amène à s'approvisionner auprès des vendeurs à un prix relativement bas pour l'essence et élevé pour le pétrole. Il y a également le cas de la commune de OUAKE qui n'a même pas de station fonctionnelle pour ne citer que ceux là.

La ville de Cotonou est caractérisée par la présence d'un nombre très important d'engins à deux roues. D'un côté on a les conducteurs de taxi moto communément appelés « zémidjan » les plus nombreux d'ailleurs et de l'autre ceux qui l'utilisent à des fins privées. En 2004, ils étaient estimés à 305 642 véhicules à deux roues à circuler dans la ville de Cotonou ; leur consommation est évaluée à 176 049 857 litres selon les travaux de MORILLON V. et AFOUDA S. réalisés en 2005. La majorité de ces engins à deux roues utilisent le mélange. Avec l'augmentation des coûts du baril et les fluctuations des coûts du dollar, les stations services ne vendent pratiquement plus le mélange. Cette demande qui ne cesse de s'accroître radicalise et amplifie la vente du « kpayo » puisque tout ce monde s'approvisionne auprès des vendeurs de la rue. Ces derniers comptent quotidiennement au moins sur cette clientèle. A cette catégorie il faut ajouter les chauffeurs de taxi ville et les taximen extra-urbain. Ils sont non seulement consommateurs mais surtout des vendeurs du « kpayo ». Ces taximen doublent la capacité de contenance du réservoir de leur véhicule. Cela leur permet d'aller chercher l'essence « kpayo » qu'ils livrent à des revendeurs installés le long des routes inter-états. Ils nous ont confié que cela leur permet de payer l'argent du propriétaire du véhicule puisqu'ils sont nombreux et que les clients se font rares. Il est vraiment très rare de voir les taximen stationnés dans les stations pour prendre de l'essence, sauf pendant les moments de pénuries. Il en est de même pour les zémidjans. Pour les chauffeurs des taxis ville, les quelques uns des leurs qui vont dans les stations sont eux-mêmes propriétaire du véhicule, donc n'ont de compte à rendre à personne. Ce n'est que le « kpayo » qui leur garantit la survie et la continuité de leur activité. Cette catégorie de consommateurs soutient les vendeurs sur tous les plans.

On note une attitude de la part des zémidjans et taxi-men qui montre l'importance et la part que le secteur informel de l'essence détient dans l'économie béninoise. Ces différents acteurs augmentent automatiquement les frais de transport si le prix de vente de l'essence aux abords des voies connaît une augmentation. Par contre si le prix reste stable et que ce sont ceux des stations qui connaissent une augmentation, tout fonctionne comme si de rien n'était. Cela montre à quel point le secteur informel des hydrocarbures au Bénin dépend des évènements, et mouvements survenus dans le grand voisin de l'est.

Une analyse profonde de l'organisation mise en place à travers des ramifications des réseaux marchands, des circuits commerciaux et la part que détient le secteur informel de l'essence au Bénin montre les difficultés à pouvoir finir un jour avec ledit commerce. Tous les acteurs à la lecture de l'organigramme sont en parfaite liaison, corrélation et dépendent les uns des autres. C'est donc un puissant réseau en d'autre terme un système qui fonctionne depuis des années. Il est caractérisé par des manières d'agir, comportements et méthodes d'interventions sur le marché qui constituent un véritable ciment entre les acteurs. On note une complémentarité et une solidarité entre ces acteurs comme si on se trouvait dans un secteur régie par des lois et codes.

La complémentarité est constatée dans l'acheminement et la distribution du produit car chaque acteur sait à quel moment intervenir dans le circuit. Pour preuve, le vendeur qui se situe en bas de l'organigramme ne peut se prévaloir des rôles et compétences d'un grossiste en allant lui-même chercher le produit au Nigéria. Le secteur est tel qu'un novice ne peut pas accéder ou maîtriser très tôt les rouages du système.

La solidarité quant à elle se note à tous les niveaux ; ces acteurs au niveau de chaque palier ont instauré des groupes de tontines journalières, hebdomadaires ou mensuelles selon la capacité financière de chacun qui sont de véritables banques primaires. Cela leur permet de financer certains collègues qui subissent l'incendie ou une saisie importante de la part des autorités douanières, policières ou de la CONAMIP et autres activités du secteur informel. Les vendeurs d'essence « kpayo » apparaissent comme une famille homogène dans laquelle chaque membre sait ce qu'il doit faire quand et comment ; même la jeune écolière sait que son aide est attendu les mercredis soir et le week-end pour permettre à sa mère de ne plus payer l'honoraire à l'employé journalier. C'est d'ailleurs ce que Emile DURKHEIM appelle la solidarité organique. Il le montre si bien à la page 24 de son ouvrage, De la division du travail écrit en 1893,

 « ...le plus remarquable effet de la division du travail n'est pas qu'elle augmente le rendement des fonctions divisées mais qu'elle les rende solidaires ». Toutes décisions de nature à apporter une modification au circuit ou à protester contre une décision de l'autorité sont respectées par tous les vendeurs. Par exemple pour la fixation des prix de vente par litre, cela se fait au niveau des importateurs et c'est le marché qui l'impose après addition des frais de transport qui est fonction de la distance parcourue en plus une légère augmentation comme bénéfice ; tous les vendeurs d'une même ville appliquent le même prix de vente . Il y a aussi une dynamique dans la fixation des prix par rapport à ceux affichés dans les stations. Remarquons qu'on a une légère différence de 10F, 15F à 25F selon que l'on soit proche des frontières du Nigéria ou de la zone de Porto-Novo et régions. C'est l'un des facteurs qui favorise la vente du « kpayo » au Bénin et à Cotonou en particulier. Non seulement l'essence vendue au bord des voies est moins cher et à la bourse de tout le monde mais également disponible, 10% l'approuve ; 5% considèrent que ces vendeurs sont bien accueillant et servent très vite. Ils n'ont souvent pas de problème de monnaie quel que soit le billet que tu leur donnes. Certains de nos enquêtés consommateurs font référence à la contenance. Ces derniers voient l'insuffisance des quantités d'essence servies dans les stations services. Ils ajoutent que le client ne peut pas vérifier la quantité d'essence servie, pour preuve, les pompistes refusent de vendre un litre d'essence dans une bouteille au risque de se faire débouter.

Nous sommes en présence d'une activité qui fait l'unanimité malgré ses risques de presque tout le monde puisque chacun y trouve son compte. Elle permet à l'Etat de régler quelque peu le problème de l'emploi. C'est un trafic qui amortit la crise en fonction du nombre d'emploi qu'il génère et des revenus qu'il procure aux différents acteurs.

L'échec successif des politiques élaborées pour interdire le commerce par les différents gouvernements a créé des poches de résistance et a instauré un climat de confiance au niveau des acteurs qui pratiquent ce commerce. Il y a des habitudes qui se sont forgées autour de cette activité qui, compte tenu non seulement du nombre important des acteurs impliqués dans la distribution, mais aussi du volume de la clientèle qui ne cesse de s'accroître est considérée comme une activité normale. Selon Emile DURKHEIM dans Les règles de la méthode sociologique à la page 56, « nous appelons normaux les faits qui présentent les formes les plus générales ». La vente illicite du « kpayo » est pratiquée sur tout le territoire béninois ; elle est considérée comme une activité normale officielle puisqu'elle s'effectue dans tout le pays au vu et au su des autorités. Les acteurs qui pratiquent ce commerce sont présents et visibles sur les différentes artères et rues du pays. Il ne s'agit pas d'une activité clandestine. La majorité de la population béninoise l'adopte parce que cela leur est très utile. C'est un liquide rare mais vendue « par terre» pour emprunter le terme des burkinabés de la ville de Tenkodogo où sévie aussi la vente de l'essence frelatée. Au vu des avantages financiers du commerce, les consommateurs offrent leur assistance aux vendeurs en cas de répression créant parfois de tentions sociales. Face à cette situation, l'Etat doit proposer une alternative efficace à ces acteurs. Il a dernièrement souhaité les reconvertir dans d'autres secteurs d'activités non précisées. Cette décision a conduit une fois encore à la multiplication des points de vente un peu partout dans la ville. En nous référant à la structure des acteurs, on se rend compte qu'il y a certains qui n'ont pas besoin d'une quelconque reconversion pour la simple raison que leurs revenus journaliers dépassent ce que le fonctionnaire gagne par mois par exemple. La plupart des vendeurs ont affirmé que l'Etat ne pourra pas les reconvertir ou les réutiliser puisqu'ils sont sans qualification. Que ferait-il des nombreux diplômés qui attendent d'être employé?

L'implication politique par l'instauration d'une commission (CONAMIP) chargée de lutter contre le commerce s'est très tôt heurtée aux réalités du terrain et n'existe que de nom puisqu'elle est en panne de moyens. Il y a une haute complicité des autorités politiques des deux pays. Certains cherchent à lutter contre, alors que d'autres y investissent de l'argent ; et ce sont ces mêmes autorités qui sont chargées d'élaborer les politiques et stratégies de lutte afin d'interdire le commerce. Il y a donc deux poids deux mesures. Nous avons eu l'aveu d'une haute autorité des douanes de la CONAMIP qui nous confiait ceci :« j'ai arrêté avec certains de mes agents une quantité très importante d'essence « kpayo » sur le lac à Porto-Novo la nuit, mais j'ai été ordonné à laisser le produit saisi par mon supérieur hiérarchique». Les agents déployés sur le terrain compte tenu des avantages qu'offre le commerce ne font plus le travail pour lequel ils ont été envoyés. Ils pratiquent eux même le commerce ou introduisent leur femme ou un membre proche à eux. Autant de goulots qui ont empêché la CONAMIP d'atteindre ses objectifs. Notons aussi que cette commission n'a pas associé les hommes de terrains pour une analyse profonde du système afin de leur dire si la lutte aura une suite favorable ou non.

Au vu de ces faits nous avons cherché à connaître les déterminants qui militent en faveur du trafic illicite de l'essence venu du Nigéria et qui font douter l'autorité de l'Etat.

III.1°). LES DETERMINANTS DU TRAFIC

* 42 MALDONADO, C. Les petits producteurs urbains de l'Afrique francophone, 1987, Genève,

BIT, 1ère édition, P7

* 43 PENOUIL, M. La socio-économie du sous-développement, 1979, Paris, Dalloz, 2ème trimestre, pp45-48.

* 44 KI-ZERBO, J., A quand l'Afrique? pp118-119

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