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La protection des attentes légitimes des investisseurs étrangers

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par Hazard Nekaies
faculté de droit et des sciences politiques de Sousse Tunisie - master 3 ème cycle droit public 2013
  

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PARTIE II- LA RECHERCHE D'UNE ENTENTE ENTRE IMPÉRATIFS CONTRADICTOIRES

Les attitudes et les politiques à l'égard de la libéralisation des flux internationaux de capitaux ont suscité beaucoup de controverses. La raison est que la libre circulation des capitaux fait craindre une perte de souveraineté nationale et d'autres conséquences négatives possibles.

L'investissement direct étranger (IDE), plus encore que les autres types de flux de capitaux, a engendré des préoccupations de ce genre dans le passé, car il peut entraîner une prise de participation majoritaire par des sociétés multinationales, souvent de grande taille, sur lesquelles on craint que les autorités nationales n'aient guère de prise. Pour ces raisons, les gouvernements ont parfois imposé des restrictions à l'IDE en provenance de l'étranger.

C'est ainsi, que plusieurs difficultés confrontent l'investissement et les attentes légitimes des investisseurs, qui découlent du dilemme entre les impératifs contradictoires de protection de l'investisseur d'une part et de la politique de l'Etat d'autre part.

Dans ce cadre, on va étudier la portée limitée de la protection conventionnelle dans un premier chapitre. Alors qu'on va consacrer le second pour les politiques sectorielles et conciliation entre intérêts divergeant.

CHAPITRE I- LA PORTÉE LIMITÉE DE LA PROTECTION CONVENTIONNELLE:

La protection conventionnelle reste toutefois limitée car la terminologie de ses stipulations reste vague et ouvre une marge d'interprétation. Cette portée limitée se manifeste tant au niveau du principe de protection contre l'expropriation (section I) qu'au niveau des normes conventionnelles de traitement (section II).

SECTION I- LES LIMITES DU PRINCIPE DE PROTECTION CONTRE L'EXPROPRIATION

Un Etat ne peut pas garantir aux investisseurs qu'il maintiendra éternellement un environnement favorable à ses affaires. En effet, une réglementation puisse avoir un impact négatif sur les activités économiques d'un investisseur étranger et le priver de la jouissance de ses droits économiques par le biais de nationalisation, par exemple en ce qui concerne le contentieux lié à la nationalisation des terres agricoles. Une loi tunisienne de 1964 permet, en effet, de procéder à l'expropriation pure et simple, sans indemnisation, des propriétaires de terres agricoles.

Or la détermination de la nature agricole d'un bien dépend, selon la loi tunisienne, de la situation de celui-ci non seulement au moment de la décision de nationalisation, mais aussi en fonction de sa vocation à l'époque où a été adoptée ladite loi. C'est ainsi que les autorités tunisiennes ont nationalisé des terrains devenus urbains. 
Ce contentieux sur les terres agricoles ne paraît pas résolu à ce jour.

Ou encore la privation de jouissance des biens en moyen d'expropriation. Sauf que l'expropriation se fait dans plusieurs cas d'une manière aléatoire (paragraphe 1) en plus la ligne de démarcation reste douteuse entre « expropriation indirecte » et « mesures règlementaires gouvernementales » (paragraphe 2)

PARAGRAPHE 1 - L'EXPROPRIATION ALÉATOIRE

Souvent, l'expropriation se fait d'une manière aléatoire en s'appuyant sur les droits de l'homme et l'environnement, soit en prétendant la proportionnalité des mesures. D'où on remarque un élargissement des champs des exceptions qui permettent l'atteinte à la propriété (A) ainsi qu'une quasi-absence de proportionnalité des mesures (B).

A- L'élargissement du champ des exceptions :

Ces « nouvelles » exceptions constituent un pendant de l'article XX du GATT auquellaTunisie  a adhéré  en vertu du protocole signé à Genève le 27 avril 1990- relatif à la défense de la moralité publique, la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ainsi que la préservation des végétaux, le respect des titulaires des droits de propriété intellectuelle et enfin la protection des consommateurs et l'environnement50(*). L'ensemble de ces exceptions est transposable au droit des investissements. Un tel emprunt éviterait de prévoir des exceptions pour chaque disposition et aboutirait à un corpus de valeurs supérieures reconnues et protégées de manière générale en droit international économique. Cependant, ce type d'exceptions est très rare en droit des investissements et les États préfèrent prévoir uniquement certaines exceptions à certaines dispositions.

A ce propos, le professeur Julliard considère dans son ouvrage intitulé Le nouveau modèle américain de traité bilatéral sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements  que « l'édiction ou l'application de ces mesures, même si elle porte atteinte aux droits et intérêts économiques de l'investisseur, ne saurait entraîner indemnisation 51(*)».

Alors que L'article 1 du Protocole n°1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme garantit le droit de propriété : Il est libellé comme suit :

« Toute personne physique ou morale à droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

La reconnaissance de ce droit dans la Convention européenne a, toutefois, suscité des controverses. Le Royaume-Uni et la Suède, en particulier, ont craint que consacrer le droit de propriété dans la Convention ne limite trop la possibilité pour les Etats de mettre en oeuvre des programmes de nationalisation des industries à des fins politiques et sociales52(*).

La formulation, qui a fini par être adoptée, assortit de réserves le droit de propriété.

L'Etat a ainsi une grande marge d'appréciation dans la mise en oeuvre de politiques économiques et sociales pouvant porter atteinte au droit de propriété. Il ne s'ensuit pas, cependant, que la Cour n'ait aucun rôle à jouer pour déterminer la légitimité d'une telle ingérence. Ce que la Cour européenne des Droits de l'Homme a fait observer dans l'affaire James c/ Royaume-Uni : « ... la Cour ne saurait substituer sa propre appréciation à celle des autorités nationales, mais elle doit contrôler au regard de l'article 1 du Protocole no 1 les mesures litigieuses et, à cette fin, étudier les faits à la lumière desquels les dites autorités ont agi. (Paragraphe 46) ».

Donc, en droit international des investissements, la protection ne s'arrête plus en faveur de l'investisseur étranger. Le modèle américain contient des dispositions qui ont pour objet la protection de l'Etat d'accueil de l'investissement contre les risques qui peuvent porter atteinte à l'environnement et à la main d'oeuvre nationale.

En effet, l'un des rares traités d'investissement qui se réfère à l'environnement est l'ALENA. Aucune disposition de ce modèle ne pourra être interprétée comme empêchant une Partie d'adopter, de maintenir ou d'appliquer une mesure, qu'elle considère nécessaire pour que les activités d'investissement sur son territoire soient conformes au souci de protection de l'environnement et du droit de travail. L'article 12 alinea 2 intitulé « Investment and Environment » prévoitque : « Nothing in this Treaty shall be construed to prevent a Party from adopting, maintaining, or enforcing any measure otherwise consistent with this Treaty that it considers appropriate to ensure that investment activity in its territory is undertaken in a manner sensitive to environmental concerns »53(*). Cette disposition réitère presque mot par mot le premier paragraphe de l'article 1114 de l'ALENA qui dispose que : « (...) rien ne peut être interprété de façon à empêcher une Partie d'adopter, de maintenir ou d'appliquer toute mesure qui respecte ce chapitre (...) ».

De même, le premier paragraphe de l'article 13 dispose clairement que : « 1. The Parties recognize that it is inappropriate to encourage investment by weakening or reducing the protections afforded in domestic labor laws. Accordingly, each Party shall strive to ensure that it does not waive or otherwise derogate from, or offer to waive or otherwise derogate from, such laws in a manner that weakens or reduces adherence to the internationally recognized labor rights referred to in paragraph 2 as an encouragement for the establishment, acquisition, expansion, or retention of an investment in its territory ».

En outre, la violation des normes de protection de l'environnement et du droit des travailleurs serait sanctionnée, bel et bien, par le biais d'une demande de consultation, afin d'éviter que de tels agissements ne se reproduisent54(*).

B- Les limites quant à la proportionnalité des mesures:

Pour qu'une ingérence dans un droit de propriété soit admissible, elle doit non seulement servir un objectif légitime d'utilité publique, mais doit aussi exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but vise55(*).

Le principe de proportionnalité se définit comme celui de l'équilibre entre deux intérêts contradictoires, en l'occurrence l'intérêt public et l'intérêt privé. C'est une règle qui veut assurer que la réalisation de l'intérêt général impose un sacrifice « proportionné » aux intérêts particuliers.

Donc, un juste équilibre doit aussi être ménagé entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de protection des droits fondamentaux de l'individu, la recherche d'un tel équilibre étant inhérente à l'ensemble de la Convention.

Le critère de proportionnalité de mesure de l'expropriation, bien qu'il soit plus équilibré que celui de l'effet préjudiciable, présente une limite. Les arbitres, dans la sentence Tecmed c. Mexique, se sont référés explicitement à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (ci-après CEDH) concernant l'interprétation de l'article 1 du Protocole à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales de 1952 (ci-après le Protocole 1). L'importation de ce principe de la jurisprudence d'un organe de règlement des différends issu d'un système juridique spécifique pose alors problème. En effet, l'Union européenne constitue la forme actuelle la plus avancée d'un processus d'intégration régional. Son corpus juridique n'est donc pas de ce fait facilement transposable au droit international des investissements, qui repose sur un réseau aussi dense que complexe de traités bilatéraux d'investissement et un système peu harmonisé de règlement des différends dans lequel les arbitres ne bénéficient pas de la même légitimité que le juge européen.

Comme l'observait un auteur, la prise en compte d'éléments très subjectifs comme la proportionnalité peut être acceptée lorsqu'il s'agit comme a dit Charles Lebben « d'institutions judiciaires internes ou de juridictions internationales telles que la Cour européenne des droits de l'Homme, mais [...] peuvent étonner lorsqu'il s'agit de tribunaux arbitraux composés de personnes privées et sans aucun mécanisme d'appel ou de cassation »56(*). En outre, le système des droits humains demande l'épuisement des voies de recours locaux.

Finalement, les traités d'investissement eux-mêmes ne recherchent pas un équilibre entre les droits en présence. Au contraire, leur déséquilibre « congénital » en faveur des droits des investisseurs a souvent été dénoncé. L'article 1 alinéa 2 du protocole 1 est donc plus sensible au pouvoir normatif de l'État que la clause type d'expropriation dans les traités d'investissement. L'état actuel du droit international des investissements, malgré les notables évolutions, se prête encore difficilement à une telle transposition.

Toutefois, on remarquera que le recours au principe de proportionnalité semble inapproprié. En effet, l'application de ce principe se justifie lorsqu'il s'agit de contester la légalité d'une mesure par rapport à son adéquation aux objectifs qu'elle vise. Or, prenant ce cas d'exemple : Les arbitres seront amenés à considérer les réglementations litigieuses au regard du principe de proportionnalité et des attentes légitimes de l'investisseur au regard du comportement antérieur de cet Etat57(*). Prenons l'exemple de l'affaire TécnicasMedioambientalesTecned SA c/ Mexico58(*): « l'expropriation indirecte a été reconnue car il apparaissait que l'entreprise espagnole n'avait commis que des infractions mineures, et comptait rentabiliser son investissement sur le long terme. Le refus de renouvellement de la licence d'exploitation n'était donc ni proportionnel par rapport à l'intérêt public en question (§122), ni conforme aux attentes légitimes du plaignant (§150). »

L'enjeu n'est pas de contester la légalité de la mesure, mais de déterminer si le plaignant a droit à indemnisation. Une application stricte du principe de proportionnalité reviendrait donc à considérer que pour un même degré d'atteinte au droit de propriété, il sera plus difficile pour un plaignant d'obtenir une indemnisation si la mesure est en adéquation avec le but recherché que si elle ne l'est pas.

Pourtant, le préjudice est le même pour l'investisseur, indépendamment du caractère proportionnel ou non de la mesure.

* 50 Accord de coopération en matière d'environnement de l'Amérique du Nord de 1993, ILM, vol. 32, 1993, pp. 1480 et s.

* 51Patrick Juillard, « Le nouveau modèle américain de traité bilatéral sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements », AFDI, 2004, volume 50, p677.

www.persee.fr/web/.../afdi_0066-3085_2004_num_50_1_3815.

* 52Voir Harris, O'Boyle et Warbrick, Law of the European Convention on Human Rights (1995),p. 516.

* 53Article 12: Investment and Environment :

1. The Parties recognize that it is inappropriate to encourage investment by weakening or reducing the protections afforded in domestic environmental laws. Accordingly, each Party shall strive to ensure that it does not waive or otherwise derogate from, or offer to waive or otherwise derogate from, such laws in a manner that weakens or reduces the protections afforded in those laws as an encouragement for the establishment, acquisition, expansion, or retention of an investment in its territory. If a Party considers that the other Party has offered such an encouragement, it may request consultations with the other Party and the two Parties shall consult with a view to avoiding any such encouragement.

2. Nothing in this Treaty shall be construed to prevent a Party from adopting, maintaining, or enforcing any measure otherwise consistent with this Treaty that it considers appropriate to ensure that investment activity in its territory is undertaken in a manner sensitive to environmental concerns.

* 54Mohamed ABIDA.  Le modèle américain d'accord de protection et d'encouragement des investissements 2004, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis,  Mastère en droit,  2005.Mémoire Online. pp.61-63.

* 55 James c/ Royaume-Uni A98 (1986), paragraphe 50 ; et Lithgow c/ Royaume-Uni A102 (1986), paragraphe 120.

* 56 C. LEBEN, « La liberté normative de l'État et la question de l'expropriation indirecte », in Le contentieux arbitral transnational relatif à l'investissement: Nouveaux développements, Louvain-la-Neuve, Artémis, 2006 p. 179

* 57 Charles Leben, le contentieux arbitral transnational relatif à l'investissement, (Anthémis, 2006, pages 179).

* 58 Affaire numéro ARB(AF)/00/2, sentence rendue le 29 mai 2003. Lien internet : http://icsid.worldbank.org/ICSID/FrontServlet?requestType=CasesRH&actionVal=showDoc&docId=DC602_En&caseId=C186.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote