C.1.7 Analyse de la dynamique des séances avec
madame C.
Madame C. aime beaucoup danser et chanter. Elle
fréquente l'accueil de jour. Le déroulement des
séances avec elle était structuré selon ce cadre-ci: 2
jours par semaine, mercredi et jeudi après-midi, de 40-50 minutes. Notre
parcours thérapeutique a été de 8 séances.
Séance
« rencontre » : Notre première
séance d'art thérapeutique a eu lieu le 10 juillet. Il faut
préciser que j'ai commencé mes séances avec elle plus
tard par rapport à mes autres prises en charge, mais nous nous
étions déjà connues pendant ma première
période de stage.
Cette séance fut plutôt une
« séance de présentation et de
connaissance ». Lors de cette rencontre, je lui fis la proposition de
participer à des séances d'art thérapie, en lui expliquant
ma position. Elle accepte avec enthousiasme et nous avons commencé notre
connaissance et nous avons exprimé nos considérations et nos
goûts par rapport à l'Art.
1° Séance : La
musique classique nous a tenu compagnie pendant nos 40 minutes
de séance. Pendant les 15 premières minutes, nous
avons effectué des exercices
d'échauffement, de respiration et de motricité afin
de détendre nos corps et les
préparer à la danse. 2°
Séance Après les exercices de
respiration, je lui ai proposé un jeu d'exploration : Nous marchons
ensemble dans la salle au rythme de la musique. À un certain moment
j'invite Madame C. à s'arrêter et nous faisons des petits gestes
en dansant ensemble. Puis, nous recommençons à marcher et
à explorer la salle, 3 fois de suite. J'ai pensé exploiter le
sens du toucher pour bien connaître notre espace, mais aussi pour prendre
contact avec nos différentes parties du corps et pour sentir le plaisir
sensoriel.
ITEMS OBSERVÉS LORS DE LA
SÉANCE :
1) Madame C. ne se déplace pas dans l'espace toute
seule et en plus elle
montre souvent des mouvements involontaires rapides. Ça
la gêne et bloque son envie de continuer à danser.
2) Elle ne danse pas si elle ne sent pas le contact corporel
avec moi. Elle a peur de tomber et se bloque si je la laisse aller toute seule
dans l'espace. Le contact corporel entre nous se fait pendant presque tout le
temps de la séance. Le contact corporel donne du plaisir et de la
gratification sensorielle, mais peut aussi devenir un obstacle à son
désir d'autonomie et de liberté.
Nous avons donc un site d'action et deux obstacles
inhibiteurs à cibler.
3°Séance :
Le lieu de la séance est toujours le même : la chambre
à coté de la salle de l'Accueil de jour.
Madame C. se souvient de moi et de notre séance et
démontre un comportement actif envers notre travail. Elle a envie de
« faire ». Après nos 15 minutes d'ouverture avec la
respiration et l'échauffement corporel, nous avons continué le
jeu d'exploration. Mon objectif intermédiaire de séance a
été de surmonter la peur de se lancer dans l'espace et lui
donner ainsi un sens de liberté, la laisser libre de bouger sur les
notes de la musique. Voir son corps s'exprimer avec spontanéité
et liberté.
Madame C. aimait beaucoup voyager. L'exploration, au
début exploration spatiale, est devenue exploration imaginative.
« Le corps-oeil gitan et vagabond » : voilà le
titre de notre voyage.
Dans la 2° partie, j'ai proposé à Madame C.
l'écoute d'un tango. De sa propre initiative, elle a commencé
à danser en disant « c'est beau l'Argentine, dommage que je ne
l'ai jamais visitée ». En dansant, petit à petit, avec
l'imagination, nous sommes arrivés en Argentine! Pour atteindre
l'objectif de cette séance, j'ai essayé d'alterner la danse en
couple (contact corporel) à la danse libre et autonome dans l'espace.
FAIT APPARU LORS DE LA SEANCE : Quand elle ne
sentait plus mon corps en contact avec le sien, elle se bloquait : «
Ne me laissez pas, j'ai peur de tomber si j'ai mes gestes
incontrôlés... »
4° Séance :
Son état émotif et psychologique n'est pas aussi positif que les
autres jours. Elle est nerveuse et de mauvaise humeur. Vu son
intérêt pour le voyage, je lui propose de « voyager
par le monde » en écoutant et en dansant chaque fois des
musiques folkloriques différentes. Elle accepte mais elle est
plutôt démotivée « Vous savez, parfois
j'ai des problèmes gestuels et de langage...il faut avoir de la
patience ». Je lui explique que je connais bien sa situation et
que je reste toujours vigilante et prête à l'aider. Je lui
présente mon Pays et sa danse, la Tarentelle. Cette musique, à
mon avis, marchait bien avec la situation de Madame C. :
· La Tarentelle est une danse où le corps se
déplace rapidement sur une musique avec une mélodie toujours la
même, mais à un rythme croissant. Les mouvements sont toujours
plus frénétiques, désordonnés et non
contrôlés. Ce type de danse, alors, permet à une personne
de ne pas avoir de contrôle sur son corps, mais amène à se
lâcher et évoluer dans l'espace et dans le plaisir
entraînant de la musique
(élan corporel/ fonction de catharsis)
· C'est une danse qui peut être dansée, soit
en couple, soit toute seule. Cela correspondait bien avec notre danse
« approche-distance corporelle ».
FAITS APPARUS LORS DE LA SEANCE
1) Madame C. a dansé sur la musique, même si
parfois elle avait des gestes et des mouvements corporels involontaires. Elle
ne s'est pas bloquée. Elle accompagne ses gestes par des sons, qu'elle
répète avec ses mouvements
2) Elle me questionnait aussi sur l'Italie : elle
était curieuse de connaître un peu mieux mes traditions
3) Elle présente une évaluation de la
séance et une autoévaluation : « C'est
très bien ce que vous faites avec
moi ! » C'est le commentaire de Madame
C. à la fin de notre séance
4) Mais elle montre encore des difficultés à se
déplacer toute seule dans l'espace en me cherchant très
souvent
Donc, le premier objectif a été
ciblé, c'est-à-dire le blocage causé par sa
gestualité parfois non contrôlée et à son regard peu
agréable, mais il reste le deuxième objectif.
5°
Séance : Nous avons changé la salle de
notre travail art-thérapeutique.
Nous avons utilisé la salle de gym, plus grande et plus
spacieuse.
Notre jeu d'exploration spatiale et imaginative continue.
Nous écoutons la musique des pays Balkaniques. Madame
C. exprime son intérêt pour cet autre pays étranger. Elle
s'entraine particulièrement en écoutant la musique folklorique et
populaire.
Cette fois, j'ai amené des tissus et des foulards avec
lesquels on pouvait danser.
À la place du contact corporel, on a utilisé
ces outils. Le sens de le toucher comme moyen de contact et communication avec
l'extérieur a été encore une fois exploité.
Je lui ai dit que le foulard pouvait être soit un moyen
de communication entre nous, soit un instrument pour créer de
nouvelles formes corporelles. La danse avec le foulard nous a permis de
retrouver encore une fois le contact corporel (approche-distance), en jouant
sur le binôme « dépendance --autonomie ».
FAITS APPARUS LORS DE LA SEANCE
1) Madame C. a confiance en moi et suit « les
règles du jeu ». Au début, elle a de la
difficulté à s'éloigner de moi, mais petit à petit,
elle découvre la sensation agréable de danser toute seule. Ses
mouvements sont plus riches, plus fins, plus variés.
2) Sa sensation de liberté corporelle enrichit ainsi
son côté créatif ; elle ose se lancer de plus en plus
et exploite l'espace qui l'entoure. « Si les autres nous
écoutent ils diraient qu'on est folles ! mais c'est bien, je suis
contente »
6°-7°
Séances: Nous continuons notre parcours
sur le thème du voyage d'exploration. Musiques africaines, musiques
arabes etc. Les danses africaines ont donné à Madame C. la
possibilité de fondre ses réflexes involontaires gênants
avec les mouvements archaïques et tribaux de la danse africaine. Elle est
plus sûre dans l'espace qui l'entoure La musique arabe a aidé
Madame C. à sentir son corps comme un corps vivant et féminin.
ITEMS « A SURPRISE » APPRECIES LORS DE
LA SEANCE :
1. Son corps est plus détendu par rapport aux
premières séances, nous n'avons plus besoin de 15 minutes
d'échauffement et de détente, mais plutôt 5-10 minutes.
Madame C. est plus détendue
2. Je remarque qu'ainsi ses gestes incontrôlables et
involontaires ont diminué.
3. Madame C. se trouve à présent dans une
ambiance agréable et détendue,
dans une bonne condition psychique et physique.
8° et dernière
Séance : Madame C. vient à l'Accueil de
jour, comme chaque mercredi, mais elle n'est pas de bonne humeur. Pendant le
week-end passé, elle est tombée lors d'une promenade. Son visage
montre des blessures légères mais évidentes, qui la
gênent. Malgré cela, Madame C. ne refuse pas notre séance.
Nous sommes allées dans la salle de gym. Avant de commencer notre
travail, elle me raconte l'épisode de sa chute, en exprimant aussi son
état émotif.
Elle-même m'a proposé de danser la tarentelle,
car cela lui procure de joyeuses sensations. Nous avons utilisé un
nouvel instrument : les castagnettes. En se rappelant les danseurs de
flamenco, Madame C. n'a pas eu de difficulté à utiliser ce
matériel. Elle n'aurait jamais compris ce qu'elle devait faire avec une
simple explication verbale, à cause de ses troubles gnosiques.
ITEMS APPRECIÉS LORS DE LA SÉANCE :
1) Expression d'évaluation et
autoévaluation : Madame C., lors que nous dansons sur les notes de
la tarentelle : Qu'-est ce que c'est beau ce que vous faites pour
moi ! Dommage que vous partiez, on s'entend bien ! ».
Et encore : C'est bien qu'on ait les mêmes goûts pour la
musique et la danse »
2) Elle a eu juste une fois ses mouvements involontaires.
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