WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Monopoles légaux et marché commun d'Afrique Centrale

( Télécharger le fichier original )
par Gaël Nguefack Donzeu
Université de Dschang-Cameroun - Master 2 en Droit de Affaires et de l'Entreprise  2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 2 : Vers une perte probable de l'efficacité des services publics

La gestion étatiste a parfois été peu satisfaisante, toujours est il qu'il n'est pas raisonnable de nos jours, sur la base des « contraintes nouvelles », de confier uniquement à certaines entreprises la gestion du service public. Face à des usagers de plus en plus exigeants et de la collectivité toute entière, il est pratiquement impensable que les monopoles pourront à eux seuls satisfaire à tous les besoins. En effet, l'institution des monopoles publics chargés de gérer totalement l'offre ou la demande de certains produits a, sur le commerce intracommunautaire, des répercutions restrictives qu'il conviendrait assurément d'éliminer. L'urgence est donc de concilier les contraintes du service public et la liberté d'entreprendre, voire le marché avec l'intérêt général car l' « ouverture maîtrisée et la concurrence sont nécessaires pour stimuler l'investissement productif ».

228 JACQUEMIN (A.), « Compétitivité et intérêt général » in l'Europe à l'épreuve de l'intérêt général (sous la direction de STOFFAES C.) Collection ISUPE, éd. ASPE Europe, 1994, p. 321.

229 BERTRAND BADIE, Un monde sans souveraineté : les Etats entre ruse et responsabilité, Paris, Fayard 1999.

72

La possibilité de croire à une cohabitation entre service public et concurrence n'est en soi interdite. Non seulement on en tirera des avantages en termes de diversité pour élargir la consommation, mais aussi des avantages en termes d'efficacité économique. C'est d'ailleurs en vertu du constat que les monopoles publics ont un inconvénient majeur notamment l'insuffisante incitation au gain de productivité. Ils amenuisent les capacités d'innovation et la réduction des coûts de production.

En réalité, du fait que les règles de la concurrence sont destinées à orienter et à façonner profondément les actions des Etats et des entreprises dans le domaine économique et social, elles auront inéluctablement d'importantes répercutions particulièrement sur le régime juridique des services publics, expression privilégiée de l'interventionnisme économique230. Dans certains secteurs comme la télécommunication, la rapidité du progrès technologique, la diversification des techniques et l'augmentation de la demande ont fortement affaibli les arguments en faveur des monopoles légaux gestionnaires. Dans de nombreux pays, il a été mis en évidence que les choix techniques des monopoles existants étaient devenus très éloignés de l'efficacité qu'auraient permis les techniques actualisées. La concurrence a réussi à être ouverte dans ce segment de marché. En Europe par exemple, la Commission a retenu que l'achèvement de ce grand marché est impensable sans un marché intégré de l'énergie car « l'énergie est une composante essentielle de toutes les activités économiques ». Se faisant, elle initia des projets dont les axes principaux étaient la suppression, d'une part, des droits exclusifs à la production d'électricité, et d'autre part, des droits exclusifs à la construction de lignes de transmission électrique ou de gazoducs231.

La libéralisation ne voudrait pas donc dire dérégulation, mais plutôt une nouvelle façon de régulation232. On passera ainsi d'un modèle fondé sur le monopole à un modèle où une certaine concurrence joue à l'intérieur d'un cadre réglementaire. On

230 GNIMPIEBA TONNANG (E.) et NDIFFO KEMETIO (M.L.), Les services publics dans l'étau du droit de la concurrence de la CEMAC, Annales de la Faculté des Sciences juridiques et Politiques, Université de Dschang, T. 15, 2011, p. 263.

231 HAMON (F.), Les monopoles des services publics français face au droit communautaire : le cas d'EDF et GDF, Recueil Dalloz 1993, Chroniques p. 91.

232 BLUENDIA SIERRA (J.L.), Services d'intérêt général en Europe et politique communautaire de concurrence, op. cit., p. 21.

ne renonce pas aux objectifs d'intérêt général ; de façon simple, il conviendrait de chercher à les assurer par d'autres moyens qui soient davantage compatibles avec la concurrence et la libre circulation.

Au clair, il ne faut pas confondre « services d'intérêt général » et « monopoles légaux » tant il ressort de toute logique que le monopole n'est pas l'apanage du service public233. La mise en concurrence permettrait aux compétiteurs de pouvoir concourir à leur niveau (par exemple par la délégation de service public), à fournir ces prestations précieuses et importantes pour la cohésion sociale et la réduction des inégalités.

En retenant comme crédo économique la libre concurrence, la Communauté ne peut a priori que faire prévaloir les exigences du marché sur toute autre considération. C'est la raison pour laquelle, tout laisse à croire que le service public ne peut avoir qu'une place marginale en droit communautaire et que le primat de l'intérêt général, qui le caractérise, ne doit résister à céder le pas au primat du marché.

73

*

* *

233 On prendra garde de ne pas assimiler service public et entreprises bénéficiant de droits exclusifs, car si ces deux notions peuvent se recouper, elles n'en sont pas moins distinctes. Une entreprise bénéficiant de droits exclusifs n'est pas nécessairement chargée d'un service public et réciproquement.

74

La notion de service public tient une place particulière dans la vie de l'Etat, à tel point qu'elle a pu être considérée comme source de légitimité des actions étatiques. Le droit communautaire, quant à lui, s'est construit sur des fondements essentiellement économiques234.

La construction communautaire, en effet, est placée sous le signe de la libre concurrence et les services publics semblent n'être qu'une préoccupation mineure de la genèse communautariste. Ainsi, la notion de service public n'est pas largement envisagée dans l'élaboration du droit communautaire principalement en raison de l'importance accordée au respect de la libre concurrence. Celle-ci souffre des attaques de la part des Etats à titre principal, mais également de l'idée de la reconnaissance, au profit des personnes privées, de leurs droits de propriété intellectuelle.

234 ARMBRUSTER Neda, L'impact du droit communautaire sur les relations entre l'Etat et les entreprises chargées d'un service d'intérêt économique général : Vers une contractualisation des obligations de service public ?, op. cit. p. 26.

CHAPITRE 2 : LES RÉSERVES D'INTÉRÊT PRIVÉ : LA
RECONNAISSANCE DES DROITS DE PROPRIÉTÉ
INTELLECTUELLE

75

On appelle propriété intellectuelle l'ensemble des droits protégeant les créations nouvelles et les signes distinctifs, à savoir pour l'essentiel les droits d'auteur, les brevets, les dessins et modèles et les marques. Le TFUE posait déjà pour principe que le régime de la propriété est de la compétence des Etats membres : « Les Traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les Etats membres » (article 345). Or, les droits de propriété intellectuelle sont des droits de propriété à part entière. Au Cameroun, l'Etat garantit à toute personne physique ou morale régulièrement établie ou désireuse de s'établir, la protection des brevets et autres éléments relevant de la propriété intellectuelle235. Au même titre, Le législateur gabonais de 1998 posait déjà que la liberté des importations et des exportations ne doit porter atteinte à la propriété industrielle, commerciale ou intellectuelle236.

Aussi, il ressort clairement de la Charte des investissements CEMAC que, membres actifs de l'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), les Etats garantissent la protection des brevets, marques, signes distinctifs, labels, noms commerciaux, indications géographiques, appellation d'origine237. En ce qui concerne leur nature, l'article 3, alinéa 1 de la Convention de Bangui dispose que « les droits afférents aux domaines de la propriété intellectuelle tels que prévus par les Annexes au présent Accord, sont des droits nationaux indépendants, soumis à la législation de chacun des Etats membres238 dans lesquels ils ont effet ». Ces droits sont conférés aux

235 Articla 10 de la loi n° 2002/004 du 19 avril 2002 portant Charte des investissements en République du Cameroun.

236 Article 6 de la loi n° 14/98 fixant le régime de la concurrence.

237 La propriété intellectuelle regroupe plusieurs types de droits. Dans le cadre de ce travail et par mesure de synthèse, on ne les évoquera pas tous.

238 Tous les pays de la CEMAC sont membres de l'OAPI à l'exception de la Guinée Equatoriale. Elle est toutefois membre de l'OMPI et a ratifié les Conventions de Paris et de Berne (26 juin 1997), le Traité de Nairobi

76

entreprises, étant entendu que le mot `'entreprise» vise toute personne physique239 ou morale engagée dans une activité économique ou commerciale quelconque240.

C'est ainsi que sous réserve des mesures de rapprochement des législations mises en oeuvre par l'Union Economique, les Etats membres peuvent interdire ou restreindre l'importation, l'exportation ou le transit des biens lorsque ces interdictions ou restrictions sont justifiées par des raisons de protection241 de la propriété industrielle et commerciale242. Cette protection est garantie par les Etats mais ce sont les entreprises titulaires qui en bénéficient.

A la question de savoir comment est ce que la propriété intellectuelle peut constituer un obstacle au développement des échanges communautaires ou à la libre concurrence, on dira tout simplement qu'elle confère des droits exclusifs à son détenteur (section 1). Or, il ne faut pas perdre de vue que les relations entre le droit de la concurrence et le droit de la propriété intellectuelle ressemblent à un « mariage forcé » dont l'équilibre doit être maintenu. C'est que les logiques qui sous-tendent ces deux branches du droit sont a priori incompatibles. Ces considérations ne passent pas sans laisser le régime de protection indifférent (section 2).

(25 septembre 1982) et le Traité de Washington (17 juillet 2001), auxquels adhérent les autres Etats de la CEMAC.

239 Ainsi, un inventeur personne physique, qui a concédé une licence de ses brevets « a commercialisé son invention » et doit être considéré comme une entreprise : Déc. du 2 décembre 1975, AOIP-Beyrard : JOCE, L. 6, 13 janvier 1976.

240 C'est précisément le sens donné par la Directive européenne n° 85/200/CEE du 7 mars 1985.

241 Cette protection était déjà envisagée par l'article 7 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, Annexe 1C du Traité de l'OMC.

242 Article 16 paragraphe 1 de Convention de l'U.E.A.C.

77

SECTION 1 : LES DROITS EXCLUSIFS INHÉRENTS AUX DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

La primauté subsistante des droits nationaux243 en matière de propriété industrielle et commerciale, explique que le titulaire des droits y afférents puisse invoquer la législation de son Etat pour s'opposer à l'importation de produits en provenance d'un autre Etat, membre ou non de la Communauté. Il en découle l'idée capitale que tout droit de propriété intellectuelle est constitutif d'un monopole légal d'exploitation (paragraphe 1) attaché au territoire national de délivrance. Dès lors, il constitue per se un frein au commerce intracommunautaire244 et doté d'un intérêt concurrentiel particulier (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La consistance du monopole légal d'exploitation du droit de
propriété intellectuelle

Le monopole d'exploitation désigne le droit exclusif, pour l'auteur d'une oeuvre ou le titulaire d'une marque, de procéder ou faire procéder à l'exploitation de celle-ci, et d'en tirer un profit pécuniaire. Cet usage à titre privé ou personnel attaché au monopole d'innovation doit respecter l'objet spécifique (A). Ce qui est interdit aux tiers constitue donc les actes qui rentrent dans le champ du monopole du titulaire (B).

A. L'objet spécifique

Le but de la sauvegarde des droits exclusifs, qui constituent par essence une dérogation au principe de la libre concurrence pour des raisons de protection des droits de propriété intellectuelle, se révèle par l'objet spécifique de cette propriété. En matière de brevet, l'objet spécifique est d'assurer au titulaire, afin de récompenser l'effort créateur de l'inventeur, le droit exclusif d'utiliser l'invention en vue de la

243 GAVALDA (C.) et PARLEANI (G.), op ; cit. p. 423.

244 TERCINET (A.), ouv. préc., p. 255.

78

fabrication et de la première mise en circulation de produits industriels, soit directement, soit par l'octroi de licences à des tiers, ainsi que le droit de s'opposer à toute contrefaçon245. En substance, il s'agit, à travers le monopole d'exploitation, de permettre l'exclusivité de la première mise en circulation du produit afin que l'inventeur puisse obtenir les bénéfices escomptés.

Dans une affaire Centrafarm246, la jurisprudence a défini l'objet spécifique de la marque en déclarant qu'il est notamment d'assurer au titulaire le droit exclusif d'utiliser la marque, pour la première mise en circulation du produit et de se protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position, et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de celle-ci . Le concept particulier du droit des marques est surtout de protéger leurs titulaires contre les risques de confusion247.

Sans se limiter à la marque et au brevet, on dira que l'objet spécifique justifie réellement le monopole d'exploitation en ce sens qu'il permet au titulaire du droit de s'en prévaloir et d'en tirer profit, pendant l'intervalle de temps requis, à l'encontre des tiers. Il délimite le statut légal et détermine aussi le facteur concurrentiel lié à tout droit de propriété intellectuelle. Il y en a autant que de droits.

La notion d' « objet spécifique » est complétée par celle de « fonction essentielle ». Celle-ci se réfère à la finalité du droit et permet d'affiner en quelque sorte la détermination de l'objet spécifique en donnant la mesure de la justification de l'existence des droits de propriété intellectuelle248. La fonction essentielle de chacun des droits n'est pas identique à celle des autres. Pour le droit de brevet, la jurisprudence met en avant la récompense de l'effort créateur de l'inventeur249 et pour le droit de marque, il s'agit de garantir au consommateur l'identité d'origine du produit

245 CJCE, 31 octobre 1974, Centrafarm BV c/ Sterling Drug, Aff. 15/74; Rec. 1974, p. 1147.

246 CJCE, 31 octobre 1974, Centrafarm BV c/ Winthrop, Aff. 16/74 : Rec. P. 1183.

247 CJCE, 17 octobre 1990, Hag II, Aff. 10/89 : RJDA 1/91, n° 77, Rec. I- 3711.

248 POLLAUD-DULIAN (F.), Droit de la propriété industrielle, Montchrestien, E.J.A., Paris, 1999, p 38.

249 CJCE, 31 octobre 1974, Centrafarm c/ Sterling Drug préc.

79

marqué250. En ce qui concerne le droit d'auteur et les droits voisins, c'est la préservation du droit moral et de la récompense de l'effort créateur251.

Mais, le droit exclusif ne se justifie que si le titulaire met en oeuvre son invention et ne la laisse pas « en jachère », en se prévalant naturellement de certains actes.

B. Les actes compris dans le champ du monopole252

Le breveté est maître des utilités économiques de l'invention ; puisqu'il s'agit d'un droit de propriété, il est absolu et opposable à tous. La portée du monopole légal d'exploitation se justifie par la teneur des revendications et la précision des éléments pour lesquels le titulaire a voulu obtenir la protection.

Il s'agit d'abord de la revendication de produit. Le droit exclusif couvre la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation ou la détention à de telles fins. La revendication de produit couvre sa commercialisation quelque soit le moyen utilisé pour obtenir le produit et quelque soit ses applications. Ensuite, il peut être question de revendication de procédé, c'est-à-dire l'exclusivité de son utilisation. Normalement, la protection du droit devrait concerner uniquement la mise en oeuvre du procédé, mais elle s'étend également aux produits obtenus directement par le procédé, objet du droit intellectuel. Cela signifie que le procédé inclut le produit, raison pour laquelle, il est exigé que le produit soit obtenu directement par le procédé. C'est donc au défendeur du procès en contrefaçon d'apporter la preuve que le procédé utilisé pour obtenir un produit identique est différent du procédé breveté.

Dans le même ordre d'idées, l'exclusivité traduit aussi la revendication d'application nouvelle et de combinaison nouvelle de moyens connus sachant que dans ce dernier cas, le titulaire a le droit sur l'exploitation de la combinaison revendiquée,

250 CJCE, 22 juin 1976, Terrapin Overseas c/ Terranova Industrie et Kapferer, Aff. 119/75 : Rec. P. 1039.

251 CJCE, 20 octobre 1993, Phil Collins, D. 1995, p. 133 ; obs. B. Edelman.

252 Nous nous sommes inspirés du Pr. Frédéric POLLAUD-DULIAN, op. cit. pp. 505-520

80

mais pas sur celle des moyens qui la composent, pris séparément ou dans une combinaison distincte. Néanmoins, sont exclus du champ du monopole d'exploitation les actes accomplis dans un cadre privé à des fins non commerciales et à titre expérimental.

En somme, le droit intellectuel assure à son titulaire que les concurrents déloyaux ne pourront pas s'approprier indûment des fruits de sa création, de son innovation ou des signes de ralliement qu'il utilise vis-à-vis de sa clientèle. En défendant son droit exclusif, on lui garantit le respect de sa position concurrentielle qu'il a conquise grâce à ses inventions, ses dessins ou modèles et ses marques, afin d'encourager les tiers d'en faire autant.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire