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La fratrie

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par Thibaut GOSSET
Paris SUD - faculté Jean Monnet - droit, économie, gestion - Master II mention droit privé fondamental 2013
  

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B/ Les aménagements souhaitables de la notion de fratrie

142. Le droit positif permet, de manière ponctuelle, d'étendre aux quasi-frères des droits dont bénéficient les frères. Aussi, serait-il souhaitable de permettre à ceux qui concentrent l'ensemble des qualités de frère, après les avoir qualifiés ainsi, d'être soumis au régime y afférent, notamment, afin d'organiser entre eux des rapports de concurrence pacifiés.

143. Les enjeux d'une redéfinition de la fratrie - L'aménagement complet de la fratrie suppose une double évolution : permettre au demi-frère d' « abolir le passé »220 avec une fratrie qu'il n'a jamais connue ; reconnaître l'existence d'une fratrie entre quasi-frères élevés ensemble. Or, ces évolutions se heurtent aux éléments-mêmes de définitions de la fratrie : admettre la construction d'une fratrie entre

214 Agnès MARTIAL, S'apparenter. Ethnologie des liens de familles recomposées, op. cit., p. 76

215 Paris, 18 mars 1850, DP. 1851. 2. 30 ; T. civ. Versailles, 13 janv. 1892, S. 1892. 3. 92

216 Aude POITTEVIN, « Les liens dans les fratries recomposées », art. cit. p. 15

217 CA Paris, 19 mai 1992, D. 1993, somm. 127 : l'obligation d'entretenir l'enfant ne pèse pas sur le beau parent.

218 CA Reims, Ch. civ., sect. 2, 1er mars 2013, RG n° 12/ 01804, 125, JurisData : 2013-00420

219 Irène THERY, Couple, filiation et parenté aujourd'hui, La documentation française, 1998, 413 p.

220 Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN, Irène THERY, Quels repère pour les familles recomposées ?, op. cit. p. 16 s.

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La Fratrie

quasi-frères ne doit pas en faire un état choisi, tandis que la destruction d'une fratrie non vécue ne doit pas entrer en contradiction avec l'orientation consubstantielle de la fratrie vers son passé.

La reconnaissance en droit d'une fratrie de fait ne doit pas non plus remettre en cause les liens de filiation respectifs de ses membres, spécialement lorsque l'hébergement de l'enfant par le tiers, parent des quasi-frères, n'avait vocation qu'à être temporaire221.

Il ne faudrait pas que, sous couvert de la recherche d'une adéquation entre le régime et le contenu de la fratrie, l'essence de cette institution ou d'autres liens familiaux soit altérée. Ces exigences impliquent la recherche d'un délicat équilibre entre le rôle de la volonté des frères, l'aspect nécessairement subi de leur état et l'intangibilité de leur filiation.

144. Solutions écartées - Dès lors, certaines solutions offertes par le droit doivent être écartées, car elles conduiraient à méconnaître le caractère imposé ou égalitaire de la fratrie. Ainsi, l'adoption simple d'un quasi-frère créerait un lien vertical entre adoptant et adopté, contraire à l'égalité qui existe au sein de la fratrie. De même, l'ouverture de partenariats civils aux frères et soeurs conduirait à confondre fratrie et couple en niant à la fois le caractère subi de cette première institution et la dimension élective et affective de la seconde222. En outre, un tel partenariat limiterait à deux le nombre de frères223. Enfin, l'adoption du bel-enfant par le second membre du couple n'est pas plus satisfaisante car elle risquerait de remettre en cause la fratrie biologique de l'adopté qui peut conserver un rôle important224, et ferait, là encore, dépendre le statut de frère d'une volonté parentale contingente225.

145. Statut autonome de frère - Aussi, dans le cadre des familles recomposées, « semblerait-il possible et utile de créer un statut officiel [...] des fratries »226 ou, du moins, d'en reconnaître l'existence en droit. Une telle qualification devrait être accordée en fonction des critères de définition de la fratrie, indépendamment du lien de filiation des intéressés. Une union subie du fait du couple de leurs parents ou du placement dans une famille d'accueil227, une communauté de toit durable, dès l'enfance228, l'absence de volonté de fonder un couple, seraient autant d'éléments à prendre en compte.

Seraient frères ceux qui, unis ou non par un lien de filiation commun, auraient été regroupés dès le plus jeune âge et auraient vécu ensemble durant une période continue et suffisamment

221 Anne-Marie LEROYER, « L'enfant confié à un tiers : de l'autorité parentale à l'autorité familiale », RTD Civ. 1998 p. 587

222 Jean-Marc FLORAND, Karim ACHOUI, « Vers un nouveau modèle d'organisation familiale : le contrat d'union civil », LPA, 9 avr. 1993, n° 43, p.11 ; rappr. CEDH, 29 avr. 2008, n° 13378/05, Burden c. RU ; préc.

223 Yves LEMOINE, « Mignonne allons voir si le Pacs ... », Libération, 2 déc. 1998

224 Brigitte CAMDESSUS, « Adoption et fratrie », CCTF, janv. 2004, n° 32, p. 135, spéc. p. 137

225 Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN, Irène THERY, Quels repère pour les familles recomposées ? op.cit., p. 132 et s.

226 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille éclatées, familles reconstituées », art. cit.

227 Nathalie CHAPON-CROUZET, « L'expression des liens fraternels au sein des familles d'accueil », art. cit., p.274

228 Sur l'effet du temps dans la construction des liens familiaux dans une famille d'accueil ; Maryline BRUGGEMAN, « Droit au respect de la vie familiale d'une famille d'accueil : le temps est assassin », obs. sur. CEDH, 17 janv. 2012, n° 1598/06, Kopf et Liberda c/ Autriche, Dr. Fam., 2012, comm. 44

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longue pour faire naître entre eux des liens affectifs justifiant à la fois la facilitation d'une solidarité spontanée et la nécessité d'organiser la rupture loyale de ces liens.

La qualification des frères, et donc de la fratrie, ne pourrait résulter que d'une simple reconnaissance par le juge et non d'un choix constitutif, contrairement au modèle de l'affrèrement, plus proche d'une adoption229. Au vu de ce statut, le juge pourrait étendre de manière générale - et non ponctuelle - les droits des frères et soeurs à l'ensemble de la fratrie, de sang ou non, à l'exclusion de ceux liés à la filiation (succession en ligne directe, nom de famille, etc.).

146. Cette évolution ne serait que la suite logique de la réforme du 3 décembre 2001230. En admettant qu'une affection égale existe entre frères germains et demi-frères, le droit successoral a pris acte du pluralisme qui existe parmi les fratries : le législateur ne peut hiérarchiser l'affection des frères ni déterminer quelles fratries méritent telle qualification au regard du critère inopérant de la filiation.

Dès lors, il convient d'achever cette évolution en qualifiant de frères ceux qui vivent comme tels. Le régime de la fratrie étant avant tout permissif, il reviendrait alors à chaque frère de moduler les effets de la fraternité à l'égard des collatéraux avec lesquels il n'existe aucun lien vécu, comme cela est déjà permis entre frères germains et demi-frères.

* *

*

147. Conclusion du chapitre second - Découvrir l'existence de caractères et fonctions propres à la fratrie permet d'en révéler les éléments de définition. Dans sa qualification comme dans son régime, la fratrie peut être détachée de la filiation. Dès lors, limiter le statut de frères aux enfants d'un ou deux auteurs communs ne correspond plus aux critères de définition de la fratrie, reposant essentiellement sur une union subie et tournée vers le passé.

S'agissant des fratries juridiquement reconnues, la Loi se refuse à établir une hiérarchie entre demi-frères et frères germains, sur le fondement d'une présomption d'affection liée à la filiation. Elle postule donc une stricte égalité des frères germains, utérins et consanguins, laissant à chacun le choix d'exercer ou non les prérogatives attachées à cette qualité.

En revanche, le droit ignore toujours les quasi-fratries. Or, les quasi-frères doivent, à certaines conditions, tenant notamment à une vie commune durant l'enfance, recevoir la qualité de frères. Les moyens qu'offre le droit pour étendre aux quasi-frères le régime de la fratrie étant insuffisants, c'est donc à la reconnaissance d'une qualification autonome de la fratrie qu'il faut désormais tendre.

229 Philippe-Antoine MERLIN, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, 4e éd., 1784, tome Ier, v° « affrèrement »

230 Nicole PETRONI-MAUDIERE, « Transmettre dans les familles recomposées », art.cit.

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