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La protection du créancier réservataire dans le redressement judiciaire en droit OHADA des procédures collectives

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par Lou Gohi Mélanie SOUKO
Université des Lagunes-CIDD - Master 2015
  

Disponible en mode multipage

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« L'Université des Lagunes-CIDD, n'entend donner aucune approbation, ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Celles-ci devront être
considérées comme propres à leur auteur ».

A la mémoire de mes parents

REMERCIEMENTS

De cette étape de ma vie, je retiens qu'on parvient à réaliser nos objectifs grâce au désir continuel de se dépasser. Je retiens aussi qu'on n'y parvient pas seul, et que la victoire serait amère si on ne la partage pas avec ceux qui nous ont aidé à l'atteindre. Je désire signifier ma profonde reconnaissance aux personnes ci-dessous.

Mes premiers remerciements vont à la Sainte Trinité, à la Sainte Vierge Marie et à Saint Joseph : c'est une grâce pour moi de vous avoir dans ma vie.

J'adresse ma profonde gratitude à monsieur KOUASSI Bernard, mon directeur de mémoire, pour ses critiques constructives, ses qualités de pédagogue, son aide précieuse et ses bons conseils.

Mes remerciements vont aussi à papa ZEDIA Bi Bally Apollinaire. Merci de m'avoir toujours aidé par tes conseils, à me surpasser. Merci de m'avoir appris le sens du respect, du travail et de la rigueur.

Qu'il me soit permis de remercier le docteur KOMOIN Kouassi Théodore René François, pour son humanisme, sa simplicité et surtout pour ses conseils de père. Vous demeurez pour moi un modèle.

Ma profonde gratitude à ma chorale Salve Regina, à tous mes frères et soeurs, à mes amis et à tous ceux qui ont permis l'élaboration de ce travail, pour le soutien moral et leurs conseils qui m'ont été bénéfiques.

Enfin, je voudrais exprimer ma reconnaissance à l'Université des Lagunes-CIDD pour nous avoir formés en vue de faire de nous des leaders de demain pour une Côte d'Ivoire meilleure.

SOMMAIRE

Introduction 1

Première partie : Une protection particulière reconnue et organisée par le

législateur ohada 14

Chapitre I : La reconnaissance du droit de revendication du créancier

réservataire 15

Section 1 : les conditions d'acquisition du droit de revendication par

le créancier 16

Section 2 : L'assiette du droit de revendication du créancier 26

Chapitre II : La mise en oeuvre du droit de revendication 35

Section 1 : Les conditions préalables à l'action en revendication 35

Section 2: L'exercice de l'action en revendication 46

Conclusion de la première partie 56

Deuxième partie : Une protection fragilisée dans sa mise en oeuvre 57

Chapitre I : Les obstacles à la revendication du bien réserve dans le patrimoine

du débiteur 59

Section 1 : De l'existence du bien dans le patrimoine du débiteur 59

Section 2: De l'identification du bien réservé dans le patrimoine du débiteur 70

Chapitre II : L'incidence de la revente du bien réservé sur le droit de

revendication du créancier réservataire 77

Section 1 : La difficile mise en oeuvre de la revendication du prix chez

le sous-acquéreur in bonis 78

Section 2 : L'incidence de la procédure collective du sous-acquéreur 85

Conclusion de la deuxième partie 89

Conclusion générale 93

SIGLES ET ABREVIATIONS

Act. Jur. : Actualité Jurisprudentielle

Al : Alinéa

Art. : Article

AUPDCG : Acte Uniforme relatif Droit Commercial

AUPCAP : Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives d'Apurement du Passif

AUS : Acte Uniforme portant organisation des sûretés

Cass. Com. : Arrêts de la Chambre commerciale de la Cour de cassation

C. civ : code civil

Cf. : Confère

Com. : chambre commercial

D. : Recueil Dalloz

Ed. : Édition

F.N.D.E. : Fédération Nationale pour le Droit de l'Entreprise

Ibidem ou ibid. : dans le même ouvrage ou dans le même passage

JCP E : Juris-Classeur Périodique (La Semaine Juridique édition Entreprise)

Obs. : observation

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

Op. cit : opere citato (cité plus haut)

RCCM : Registre de Commerce et du Crédit Mobilier Rev. proc. Coll : Revue des procédures collectives (RPC)

RTDJA : Revue Trimestrielle de Droit et Jurisprudences des Affaires RTD com : Revue Trimestrielle de Droit Commercial

T. : tome

V. : voir ou voyez

1

INTRODUCTION

Avec l'évolution de la société, s'est suivi l'évolution économique et l'apparition du concept de l'entreprise. Le lexique des termes juridiques définit l'entreprise comme « une unité économique qui implique la mise en oeuvre de moyens humains et de matériels de production ou de distribution des richesses reposant sur une organisation préétablie »1.Cette définition montre le lien étroit qui existe entre l'entreprise et l'économie. Il est en effet, une réalité indéniable2 que l'entreprise joue un rôle majeur dans la vie économique d'un pays, d'une région, d'un continent. Les propriétaires y tirent des dividendes, les salariés des revenus, les prêteurs des intérêts sur les prêts consentis, l'Etat des impôts et différentes taxes et la création d'emplois.

L'entreprise a donc pour vocation d'impulser la dynamique économique de l'espace considéré. Pour Philippe DE WOOT3, elle est« un agent de croissance et de progrès ».Il ajoute également que sa « vitalité » et son « dynamisme » déterminent la prospérité générale de l'espace considéré4.Ainsi, la vigueur et la santé de l'entreprise constituent-elles, de toute évidence, un objectif majeur pour les Etats, surtout africains faisant partie de l'espace OHADA5 qui ont plus que besoin d'un environnement économique sain et de plus en plus concurrentiel6.

1 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 17e édition 2010

2 ALILI Steve Marian, « la reprise des entreprises en difficulté dans l'espace OHADA », Ohadata D06-38.

3 DE WOOT Philippe, Pour une doctrine de l'entreprise, seuil 1968, p 31.

4 Idem

5 L'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), fut créée par un traité signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis en Ile Maurice. Cette organisation comprend à ce jour 17 Etats membres que sont : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, la Guinée (Conakry), le Mali, le Niger, la République Centre-Africaine, la République

2

Or, faire référence à la « vitalité » ou à la « santé » de l'entreprise laisse sous-entendre que celle-ci peut, à un moment de son existence, « tomber malade7 », et aura besoin de plus d'attention. En effet, dans son fonctionnement, l'entreprise peut rencontrer des difficultés de différents ordres qui portent atteinte à sa bonne marche. Au nombre de ses difficultés, l'on compte les difficultés financières. Ces difficultés, si elles ne sont pas maîtrisées à temps peuvent conduire à la disparition pure et simple de l'entreprise. Cette disparition ne peut qu'avoir des conséquences économiques et sociales désastreuses sur les Etats membres de l'OHADA, où la plupart des disparitions d'entreprises touchent à la fois le secteur public et le secteur privé8. Pour stopper l'hémorragie et empêcher que pareille situation se produise, plusieurs solutions existent dont celles juridiques9.

En réalité, le droit accompagne l'entreprise dans toutes les étapes de sa vie, de sa création à sa disparition, en passant par son fonctionnement. Il lui revient de créer les conditions nécessaires à l'éclosion des investissements, mais aussi, dans la mesure du possible, de trouver des solutions aux difficultés que l'entreprise pourrait rencontrer. Pour faire face aux difficultés de l'entreprise, le système juridique met en place un droit spécial10, qu'est le droit des entreprises en difficulté11.

Démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad, le Togo, la Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, République Fédérale Islamique les Comores.

6 ALILI Steve Marian, op.cit.

7 TSAGUE Donkeng Hubert, le traitement de l'insuffisance d'actif dans les procédures collectives OHADA, mémoire soutenu publiquement en vu de l'obtention du Diplôme d'Etude Approfondie (D.E.A), Ohadata D-09-01.

8 ALILI Steve Marian, op.cit.

9 ALGADI Aziber Seïd, Contrats et droit O.H.A.D.A. des procédures collectives, étude à la lumière du droit français, thèse Toulouse1, 4 juillet 2007, publiée chez l'Harmattan, 2009, p

10 Yves GUYON, Droit des affaires, entreprises en difficultés, redressement judiciaire-faillite, tome 2, 6e éd., p1

3

Le droit des entreprises en difficulté ou le droit des procédures collectives d'apurement du passif, comme il est nommé dans l'espace OHADA, désigne les procédures qui font intervenir la justice lorsque le commerçant est en état de cessation des paiements12 ou rencontre des difficultés financières sérieuses13. Ce droit est caractérisé par quatre (4) aspects. Le premier est l'aspect collectif : les créanciers sont regroupés en masse et soumis à une discipline collective afin que leur paiement se fasse en toute égalité en justice. Le deuxième est l'aspect conflictuel, car il existe un conflit d'intérêt entre créanciers et débiteurs. Le troisième aspect est l'intervention judiciaire dans les procédures collectives. Le dernier aspect est l'exigence de la qualité de commerçant du débiteur14.

Il faut aussi souligner que les procédures collectives poursuivent trois objectifs majeurs : obtenir le paiement des créanciers qui sont soumis à la discipline collective, sauvegarder l'entreprise redressable punir et éliminer le débiteur qui n'honore pas ses engagements15. Etant une discipline complexe, le droit de la faillite a beaucoup évolué. Son évolution en Afrique francophone est calquée sur celle qu'il a connu en France. L'historique de l'évolution du droit des entreprises en difficulté montre que ce droit a poursuivi deux grandes finalités qui se sont succédées.

11 SAWADOGO Filiga Michel, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, Bruylant, Bruxelles 2002, p.10

12 DIALLO Bakary, la cessation des paiements du débiteur en OHADA, note sous cours d'appel de Ouagadougou, arrêt n°52 du 16/04/2004 Ch. civ. et com.(BATEC-SARL et ent. DAR-ES-SALAM c/SOSACO), Ohadata D-10-64.

13 SAWADOGO Filiga Michel, op.cit., p 2

14Cet aspect perd de plus en plus de sa force car les procédures collectives s'étendent à des personne autres que des commerçants tels que les artisans, voir l'art.1-1 al.1 du nouvel acte uniforme relatif aux procédures collectives adoptés le 15 septembre 2015

15 Yves GUYON, Droit des affaires, entreprises en difficultés, redressement judiciaire-faillite, tome 2, 6e éd., p1

4

En premier lieu, le législateur a voulu punir le débiteur défaillant qui n'honorait pas ses engagements et protéger le créancier impayé. Il instaure un système répressif très sévère avec le code de commerce de 1807 et le code pénal de 1810 : l'on parle alors de faillite criminelle. Durant cette période, l'intérêt des créanciers était en principe le seul but recherché. Ces derniers participaient aussi à la procédure et pouvaient même punir le débiteur défaillant. De ce fait, outre plusieurs déchéances, le débiteur était incarcéré et passible de banqueroute.16Le code de commerce français sera plusieurs fois reformé17, et son caractère répressif adouci.

En second lieu, le législateur a voulu sauvegarder l'entreprise susceptible d'être redressée. A partir de la réforme du 13 Juillet 1967, le Droit des procédures collectives va changer d'orientation et viser la préservation de l'intérêt général. En effet le système trop répressif instauré contre le débiteur, n'était pas désavantageux que pour ce dernier. Autant le débiteur que le créancier étaient affectés par cette mesure. Le créancier dont le débiteur était incarcéré sans avoir obtenu paiement, perdait ainsi tout espoir d'être payé. Le législateur procède donc à un certain équilibre dans la protection des intérêts en orientant les procédures collectives vers un équilibre des intérêts en jeu.

L'esprit du nouveau droit des entreprises en difficulté est clair : le rôle des créanciers dans la procédure collective doit être réduit dès lors que

16 Yves GUYON, Droit des affaires, entreprises en difficultés, redressement judiciaire-faillite, tome 2, 6e éd., p8

17 Apres le code de commerce de 1807, vient la loi du 28 mai 1838, ensuite celle du 4 mars 1889 instituant la liquidation judiciaire, ensuite le décret-loi du 8 aout 1935 qui étend aux dirigeants sociaux les déchéances de la faillite et les sanctions de la banqueroute et enfin la loi du 20 mai 1955. Voir Yves GUYON, op.cit.

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leur présence est de nature à compromettre le résultat espéré18. Les procédures collectives ont désormais un objectif imposé par le législateur au nom de l'intérêt général. Il s'agit de la sauvegarde de l'entreprise, du maintien de l'activité, de l'emploi ainsi que l'apurement du passif. Par cette évolution, le droit de la faillite passe de la recherche d'un intérêt purement privé à la recherche de l'intérêt général. Les réformes postérieures demeureront dans la même dynamique, en améliorant au mieux le Droit des procédures collectives.

Les pays membres de l'OHADA, dont la plupart ont en commun d'avoir été des colonies françaises et donc, d'avoir hérité d'une législation d'inspiration civiliste19, se sont essentiellement inspirés des reformes intervenues à partir de 1967 en matière de procédures collectives. L'Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives d'Apurement du Passif (AUPCAP), instaure donc à cet effet trois20 procédures collectives que sont : la procédure de règlement préventif, la procédure de redressement judiciaire et la procédure de liquidation des biens. Ces procédures sont communément regroupées en deux grands groupes : les procédures dites préventives (la conciliation et le règlement préventif) qui interviennent avant la cessation des paiements21 et les procédures dites

18 ROBLOT cité par François TERRÉ, « Droit de la faillite ou faillite du droit ? », op.cit., p. 18 ; cité aussi par B. DUREUIL, « De quelques pièges tendus au créancier à l'occasion de la déclaration et de la vérification de sa créance au passif du redressement judiciaire », RPC, 1992, p. 18.

19 La législation applicable dans ces pays était principalement composée du Code de commerce de 1807 tel qu'il a été refondu par la loi du 28 mai 1838, de la loi du 4 mars 1889 sur la liquidation judiciaire, des décrets-lois du 8 août et du 30 octobre 1935. Seuls quelques États avaient réformé leur

20 Une nouvelle procédure vient d'être ajoutée à cette liste par le législateur OHADA travers le nouvel acte uniforme adopté le 15 sept. 2015, il s'agit de la procédure de conciliation.

21 La cessation des paiements est « l'état ou le débiteur se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à l'exclusion des situations où les réserves de crédits ou les délais de paiements dont la débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible » art.1-3 al.1 AUPCAP nouveau.

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curatives (le redressement judiciaire et la liquidation des biens) qui interviennent après la cessation des paiements du débiteur.

Les procédures préventives sont en général ouvertes à l'égard du débiteur qui éprouve des difficultés financières mais dont la situation n'est pas encore irrémédiablement compromise. Le débiteur n'est pas encore en état de cessation des paiements et sa situation présente de grandes chances de revenir à la normale. Elles visent donc à prévenir et résoudre les difficultés naissantes du débiteur avant que celles-ci s'aggravent et nécessitent de grands moyens pour y faire face. Ces procédures ne sont, en général, pas considérées comme des procédures collectives proprement dites car elles interviennent au moment ou la situation du débiteur n'est pas encore critique : avant la cessation des paiements.

Les procédures collectives proprement dites sont celles curatives c'est-à-dire le redressement judiciaire et la liquidation des biens. Elles interviennent lorsque le débiteur est en état de cessation des paiements mais à des degrés différents. Le redressement judiciaire vise la sauvegarde de l'entreprise, du moins si la situation le permet encore et à l'apurement du passif à l'aide d'un concordat de redressement. Cette procédure vise à empêcher la disparition de l'entreprise. Cependant, la situation de l'entreprise peut être irrémédiablement compromise, ne laissant ainsi aucune chance de redressement. C'est dans ces situations que la procédure de liquidation des biens intervient. Elle a pour objectif la réalisation de l'actif du débiteur dont la situation ne permet plus d'espérer un redressement.

Les procédures collectives sont organisées par un droit dont la particularité tient au fait qu'il est un « droit dérogatoire qui altère les

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principes généraux du droit commun »22. En effet, dans le droit commun, lorsqu'un débiteur fait face à des difficultés financières et est en état de cessation des paiements, les créanciers disposent de moyens juridiques, tels que les actions en justice et les voies d'exécution, afin de le contraindre à exécuter ses obligations. Toutefois, ces voies de droit présentent l'inconvénient qu'elles ne sont pas organisées et qu'elles s'exercent de façon « anarchique et concurrente »23.

Dans le souci de pallier cet inconvénient, le droit des procédures collectives instaure une discipline collective des créanciers du débiteur en les soumettant au principe de l'égalité des créanciers. En vertu de ce principe, dès que le débiteur est en état de cessation des paiements et qu'une procédure collective est ouverte à son égard, tous les créanciers sont placés sur un pied d'égalité. Tous subissent les mêmes atteintes à leurs droits personnels. Les créanciers sont ainsi réunis en une masse et toutes leurs actions individuelles inhibées. A partir de l'ouverture de la procédure collective, toute action menée doit être faite dans l'intérêt collectif.

A l'heure actuelle, la signification du principe d'égalité connaît une fortune diverse dans la jurisprudence et la doctrine. Si la jurisprudence reconnaît formellement le caractère relatif du principe d'égalité entre les créanciers du débiteur, dans la doctrine, le principe d'égalité entre les créanciers a été analysé tantôt comme un principe en déclin tantôt comme un principe ambiguë ayant valeur de mythe24. Ces considérations

22 ALILI Steve Marian, op.cit.

23 KANTE Alassane, « Réflexion sur le principe de l'égalité entre les créanciers dans le droit des procédures collectives d'apurement du passif (OHADA) », Ohadata D-06-47.

24GUYON Yves, op. cit., n°1310.

8

jurisprudentielles et doctrinales annoncent les limites de ce principe qui sera souvent appliqué au soutien de certaines dispositions du droit des procédures collectives et souvent écarté aux vues des finalités de la procédure25.

Ceci étant, la notion de créanciers concernés par le principe d'égalité mérite d'être précisée en raison de la présence de nombreux partenaires qui sont soit en relations d'affaires avec le débiteur, soit en relations de travail avec le même débiteur en difficulté. De façon générale, les créanciers, ce sont toutes les personnes titulaires d'un droit personnel en vertu duquel elles ont le droit d'exiger du débiteur une prestation quelconque, par exemple la remise d'une somme d'argent. Ils peuvent être classés suivant qu'ils sont chirographaires ou bénéficiant d'une sûreté26.

En outre, il convient de préciser que la situation des créanciers est contrastée dans la mesure où le principe d'égalité ne concerne que les créanciers dont le droit de créance est antérieur au jugement d'ouverture27. Car, comme le souligne à juste titre un auteur, « si les créanciers postérieurs se voyaient imposer les mêmes sacrifices que les créanciers antérieurs, ils refuseraient assurément de nouer des relations d'affaires avec le débiteur en difficulté »28.

A propos du sort des créanciers antérieurs, il sera diversement apprécié en fonction de la place qu'ils occupent dans la procédure. Ainsi, si les créanciers chirographaires sont-ils, en principe, entièrement soumis à la règle de l'égalité stricte, à l'inverse, les créanciers spéciaux tels que

25 P. Delmotte, l'égalité des créanciers dans les procédures collectives, Rapport de la cour de cassation 2003.

26GUYON Yves, op. cit. n°1340.

27 SAWADOGO Filiga Michel, op. Cit., p.250.

28 KANTE Alassane, op. cit.

9

ceux munis de sûretés échappent, pour une large part à la loi de l'égalité des créanciers dans la mesure où ils bénéficient largement de la liberté d'actions individuelles même après l'ouverture du jugement d'ouverture29.De plus, ils sont payés en priorité par rapport aux créanciers chirographaires.

Parmi les créanciers qui bénéficient d'un traitement différent malgré le sacrosaint principe de l'égalité des créanciers dans les procédures collectives, il y a ceux qui se prévalent d'une clause de réserve de propriété c'est-à-dire les créanciers réservataires.

Selon l'article 27 de l'Acte Uniforme portant organisation des Sûretés (AUS), « la propriété d'un bien mobilier peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie ». En d'autres termes, la clause de réserve de propriété est une clause par laquelle le créancier demeure propriétaire du bien objet de la clause de réserve de propriété jusqu'au paiement intégral du prix par le débiteur. Cette clause déroge au droit commun, qui à travers l'article 158330 du code civil de 1804, pose le principe du transfert immédiat de la propriété du bien.

Ainsi, en vertu du principe du solo consensus, dès la conclusion du contrat, le bien appartient à l'acheteur (avec toutes les conséquences que cela comporte notamment le transfert des risques) même si ce dernier n'a pas encore payé le prix et que le bien ne lui a pas encore été livré. Ce

29GUYON Yves, op. cit.

30 Cet article dispose que la vente « est parfaite entre les partie et propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée et le prix payé ».

10

principe fait du vendeur à crédit un créancier chirographaire qui viendra à concurrence avec les autres en cas de défaillance du débiteur. En revanche, cette règle posée par le code civil n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent y déroger de manière conventionnelle. D'où l'émergence de la clause de réserve de propriété qui permet au créancier réservataire31 de retenir la propriété de son bien afin de se prémunir contre une éventuelle défaillance de son débiteur. Le propriétaire du bien conserve la propriété du dudit jusqu'au paiement intégral du prix par le débiteur.

Très souvent utilisée dans les contrats de vente32, la réserve de propriété a longtemps divisé la doctrine33 quant à son admission en tant que sûreté. Mais en dépit de toutes ces contestations à son encontre, la clause de réserve de propriété continue d'être davantage utilisée par les partenaires en relations d'affaires. La raison de cet intérêt est due à la simplicité de sa constitution. Elle ne présente pas de contrainte majeure et semble être équipée pour faire face aux difficultés du débiteur. De plus, elle est un avantage certain pour les parties : le créancier qui demeure

31 Ce vocable désigne le créancier qui bénéficie d'une clause de réserve de propriété, v. Carole SOUWEINE, « Revendication du prix de revente par le bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété », D. du 03 2011, p.2617, n°38

32 BROU Kouakou Mathurin, « La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans les procédures collectives: l'apport du traité» OHADA, Penant n°837, septembre-décembre 2001, p.303

33 Nous en voulons pour preuve le commentaire du Dr. Eolie SOUPGUI qui dit ceci : « L'utilisation de droit de propriété à des fins de garantie à susciter des controverses doctrinales relatives à son aptitude à devenir l'accessoire d'une créance. En effet, le droit de propriété est un droit réel principal qui confère au propriétaire tous les attributs sur la chose ; Dès lors, peut-il jouer le rôle de sûreté qui est un droit réel accessoire? Pour une partie de la doctrine la prééminence du droit de propriété serait un obstacle à son utilisation comme garantie d'une créance (V. entre autres défenseurs de cette thèse GHESTIN (J.), Réflexions d'un civiliste sur la clause de réserve de propriété, D.S. 1980, chron., p. 1 et s.; GALVADA (Ch.), Les aspects bancaires de la clause de réserve de propriété in La réserve de propriété, ouvrage collectif, Litec, 1981, p. 168.). La doctrine majoritaire est favorable à l'utilisation de la propriété à des fins de garantie. Un auteur a pu écrire «ce n'est pas dévaluer le droit de propriété que de l'ériger au rang d'une sûreté, mais au contraire, lui reconnaître une nouvelle qualité » (DELEBECQUE (Ph.), La propriété en tant que sûreté dans les procédures collectives, Rev. Jur. Com., 1994, n° 2). », V.in, la protection du créancier réservataire contre les difficultés des entreprises dans l'espace juridique ohada, Penant n°870, p.67

11

propriétaire de son bien et le débiteur qui peut profiter du bien réservé, car, la livraison du bien emporte transfert de tous les attributs de la propriété que sont l'usus, le fructus et l'abusus34. Ce succès grandissant de la réserve propriété a conduit certains auteurs à la qualifier de « sûreté vedette du XXe siècle finissant »35. Le législateur OHADA, a définitivement fini par consacrer36la réserve de propriété en l'intégrant au rang des sûretés réelles, tranchant ainsi tous les débats sur sa nature.

En tant que sûreté, la réserve de propriété profite aux partenaires d'affaire et offre aux entreprises des possibilités de crédits qui leur permettent de fonctionner à plein temps. Toutefois, elle est confrontée aux mêmes difficultés que rencontrent les sûretés en cas de difficultés du débiteur : le problème de leur efficacité dans les procédures collectives.

Lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens est ouverte à l'encontre d'un débiteur, tous les créanciers sont soumis à la même discipline collective. Les créanciers munis de sûretés, même s'il est vrai qu'ils bénéficient d'une place importante dans l'ordre de paiement par rapport aux créanciers chirographaires, ne peuvent réaliser leur sûretés qu'à l'issu de la procédure collective37. Le créancier réservataire est-il soumis à cette discipline collective? Ou en raison de la particularité de sa sûreté, bénéficie -t-il d'une protection particulière?

34 Didier R. MARTIN, « Réserve de propriété : le cas d'école », D. du 15 Mai 2014, p1083, n°18

35 Eolie SOUPGUI, op. cit.,p66

36 L'ancien AUS ne prévoyait pas la réserve de propriété qui jusqu'alors était évoqué par l'acte uniforme relatif au Droit Commercial Général (AUDCG) et aussi par celui relatif aux procédures collectives (AUPCAP). Le nouvel AUS adopté le 15 décembre 2010 la prévoit expressément de l'article 72 à 78

37 SOUPGUI Eloie,« la protection du créancier réservataire contre les difficultés de l'entreprise dans l'espace juridique OHADA », penant n° 870, janvier-mars 2010, p.66

12

Cette interrogation met en lumière la situation du créancier réservataire qui a beaucoup évolué. Autrefois il n'était pas autorisé à revendiquer son bien lorsque son débiteur était en difficulté. Les juges soutenaient que la présence du bien dans le patrimoine du débiteur avait créé une situation de solvabilité apparente38. En France, comme dans la plupart des Etats africains de tradition juridique française, les biens réservés ne figuraient pas dans les hypothèses de revendication limitativement énumérées par le code de commerce en vigueur39. Dès le jugement d'ouverture, la revendication des biens réservés n'était plus possible. La clause de réserve de propriété était inopposable à la procédure collective du débiteur, et perdait ainsi toute efficacité au moment où le créancier réservataire en avait le plus besoin.

Progressivement, la situation du créancier réservataire s'est s'améliorée. La réserve de propriété est désormais prise en compte par les législations contemporaines40. Dans l'espace OHADA, le créancier réservataire est introduit dans le cercle restreint des personnes autorisées à revendiquer leur bien par l'Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives d'Apurement du Passif adopté le 10 Avril 199841. La clause de réserve de propriété a par la suite été consacrée par le nouvel Acte Uniforme portant organisation des Sûretés adopté en 2010, renforçant ainsi son opposabilité dans les procédures collectives. Il découle de cette

38V. DERRIDA (F.), « La clause de réserve de propriété et le droit des procédures collectives », D.S. 1980, chron., p. 294; A. de MARTEL-TRIBES, Les clauses de réserve de propriété : deux enseignements tirés d'un échec, JCP 1977, I, 2875.

39 V. Eloie SOUPGUI, op. cit., p67

40 La loi française du 12 mai 1980 procéda à la modification de l'article 65 de la loi du 13 juillet 1967 pour autoriser, après le jugement déclarant la faillite, la revendication des marchandises vendues sous réserve de propriété. V. J .Ghestin, « Réflexions d'un civiliste sur la clause de réserve de propriété », D. 1981, Chron. 1

41 Article 103 de l'AUPCAP. Le nouvel AUPCAP adopté le 10 septembre 2015 renforce la situation du vendeur réservataire.

13

reconnaissance du droit de revendication du réservataire, une certaine protection du créancier réservataire. Toutefois, cette protection-elle est efficace ?

A l'analyse des textes, il apparaît que le créancier réservataire bénéficie d'une protection reconnue et organisée par le législateur OHADA (Première partie). Cette protection dont il bénéficie est matérialisée par son droit de revendication. Cependant, l'Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives d'Apurement du Passif soumet la mise en oeuvre de ce droit de revendication à des conditions qui fragilisent cette protection (Deuxième partie).

PREMIERE PARTIE : UNE

PROTECTION PARTICULIERE

RECONNUE ET ORGANISEE PAR

LE LEGISLATEUR OHADA

14

15

La protection particulière du créancier réservataire découle de la reconnaissance par le législateur OHADA de son droit de revendiquer son bien (chapitre I) dont la mise en oeuvre obéit à l'observation des certaines conditions (chapitre II).

CHAPITRE I : LA RECONNAISSANCE DU DROIT DE REVENDICATION DU CREANCIER RESERVATAIRE

Le débiteur qui n'arrive plus à respecter ses engagements en raison de son état de cessation des paiements42 doit en faire la déclaration au Tribunal compétent43. Dès le jugement d'ouverture, les créanciers munis de sûretés ou non sont invités à produire leurs créances. Cette production permet aux organes de la procédure de connaitre l'étendue du passif du débiteur, les sûretés et garanties qui grèvent son actif et les biens sur lesquels ils peuvent compter pour le redressement de l'entreprise ou le paiement des créanciers.

Le droit de revendication accordé44 par l'AUPCAP au créancier réservataire, lui permet, dès le jugement d'ouverture de primer sur les autres créanciers réunis dans la masse. Ainsi peut-il se faire payer par le syndic « intégralement et immédiatement » sur ordre du juge commissaire45 sans être soumis au système de l'ordre de paiement des

42 V.1-3 AUPACP nouveau

43 V. art. 3 et 4 ibid. 44V.art.101-1 ibid.

45 V. Art.103 al. 4 ibid.

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créanciers. Il peut, le cas échéant, récupérer son bien s'il en a manifesté l'intention46 par le moyen de la demande en revendication.

Pour bénéficier du droit de revendication, le créancier réservataire doit remplir les conditions d'accès à ce droit (section 1) dont l'assiette (section 2) est réglementée par le législateur OHADA.

Section 1: Les conditions d'acquisition du droit de revendication par le créancier

La revendication tend à faire reconnaitre le droit de propriété du créancier sur un bien et comme conséquence à obtenir la restitution de ce bien.

Le droit de revendication du créancier réservataire est subordonné47 à l'existence, entre les parties, d'une clause de réserve de propriété48 (paragraphe 1) qui est efficace dans la procédure collective du débiteur que lorsqu'elle a été publiée (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'existence d'une clause de réserve de propriété

La clause de réserve de propriété est une dérogation49 au principe de transfert de propriété solo consensus prévu par le code civil de 1804 en son article 1583. Elle permet au créancier réservataire de se prémunir contre la défaillance de son débiteur. Si sa finalité ne laisse plus de doute, des interrogations ont longtemps subsisté sur sa nature juridique50.

46 V. Eloie SOUPGUI op. cit. p. 72

47 AUPCAP,103 al.3

48 V. AUS article 72

49 LAMY DROIT COMMERCIAL, fonds de commerce, baux commerciaux, marques, brevets, dessins et modèles, entreprises en difficulté, éd 2009, n° 3759.

50Ibidem, n°3761.

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La jurisprudence ne s'est jamais vraiment prononcée sur le point de savoir s'il y avait là un terme ou une condition, mais elle a jugé que, sauf clause contraire, le vendeur conservait la charge des risques51. L'Acte Uniforme portant organisation des Sûretés, quant à lui, a indiqué que la réserve de propriété était une sûreté, ce qui implique de ce fait la reconnaissance de son caractère accessoire52.

S'agissant des conditions de constitution de la clause de réserve de propriété, le nouvel AUPCAP fait référence53 à l'article 73 de l'AUS. En effet, cet article dispose qu'« à peine de nullité, la réserve de propriété est convenue dans un écrit (B) au plus tard au jour de la livraison du bien ». Cet écrit doit refléter la volonté des parties (A)

A- Le consentement des parties

L'AUS dispose dans son article 73 que la clause doit « être convenue entre les parties dans un écrit ». Cette disposition est importante dans la mesure où c'est le consentement des parties qui conduit à la conclusion du contrat54. Les parties dans un écrit s'engagent en toute connaissance de cause à exécuter toutes les obligations découlant du contrat. Le consentement mutuel est donc requis. L'accord des parties leur rend la clause de réserve de propriété opposable.

En matière de revendication, il revient au créancier de prouver que le débiteur a eu connaissance de la clause de réserve de propriété et l'a acceptée. Pour des raisons de preuve, il est idéal que l'acceptation soit expresse, par exemple la signature du débiteur, son cachet, sa griffe etc.

51 Com 29 novembre 1979, JCP G, 81.II.19615 note de J.Ghestin.

52 Com 23 janvier 2001 RTD civ.2001 p399 commentaire de Pierre Crocq.

53 V. art.103 AUPCAP nouveau.

54 C'est le principe du solo consensus énoncé par l'art.1583 c.civ.

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Cependant, une jurisprudence française a admis que l'opposabilité de la clause à l'acheteur n'était pas subordonnée à l'acceptation expresse de ce dernier55. La clause remplissait les conditions requises pour être opposable à la procédure collective, dès lors que, stipulée par écrit, le vendeur l'avait adressée à l'acheteur qui, sans acceptation expresse, avait procédé à l'exécution du contrat en toute connaissance de cause. Cet acheteur était considéré avoir accepté la clause.

L'acceptation peut aussi résulter d'une mention inscrite sur chacun des bulletins de livraison successifs reçus par l'acheteur nonobstant l'absence de sa signature56, ou à défaut sur les factures à la condition que le créancier réservataire démontre que ces factures avaient été remises avant ou au moment de la livraison57. Il appartient alors au débiteur de démontrer qu'il n'a pas eu connaissance de la clause lorsqu'il a exécuté le contrat.

L'acceptation de l'acheteur est un fait juridique58, qui peut par conséquent, être prouvé par tout moyen. Ainsi a-t-il été jugé que « lorsque la clause de réserve de propriété était présentée au verso des bons de livraison, parmi les conditions générales de vente, avec les mêmes petits caractères que les autres stipulations, le seul trait qui souligne la clause ne suffisant pas à attirer l'attention du lecteur dans les conditions de rapidité exigées par l'accomplissement des opérations commerciales, le vendeur ne

55 Cass. Com., 13 oct.1998, n°96-10.861,cah. D. aff. 2000, som., p65, obs. Pérochon François et Mainguy D.

56 Cass. Com., 11juill.1998, n°95-11 .209, bull. Civ. IV, n° 108, RJDA 1998, n° 898, Rev. Lamydr. Aff. 1998, n°6, n°380

57 Cf. Cass. com., 29 mai 2001, n° 98 15 .802, Bull. Civ. IV, n°108

58 Pierre-Michel LE CORRE, in Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2012/2013, n°816.23

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rapportait pas que le débiteur avait eu connaissance de la clause litigieuse. »59

Dans le cadre d'une vente convenue « livraison départ usine », le créancier réservataire impayé avait invoqué le fait que le transporteur avait forcement agi comme représentant de l'acheteur et accepté en conséquence la clause de réserve de propriété. Mais, la cour de cassation a approuvé les juges du fond d'avoir rejeté la revendication du vendeur60, car celui-ci n'avait pas démontré que le transporteur avait reçu mandat de débiteur pour prendre les marchandises et accepter les factures. Il faut préciser que, lorsque la clause ne figure que sur les factures postérieures à la livraison correspondante, l'acceptation de la clause ne peut résulter du fait que la première facture serait antérieure à la deuxième livraison.

De plus en plus, les juges tendent à admettre la possibilité de l'acceptation tacite de la clause par l'acheteur, en présence de relation d'affaires existant entre les parties au contrat.

Le consentement des parties doit être matérialisé dans un écrit qui pourra servir de preuve dans les procédures collectives.

B- L'exigence d'un écrit ad probationem

Pour obtenir le droit de revendiquer le bien réservé, le législateur OHADA exige du réservataire que la clause de réserve de propriété soit contenue dans un écrit61. Cet écrit doit être l'émanation de la volonté des parties. Son contenu est libre62, sous réserve du respect des règles de droit

59 Cass. Com., 11 juillet 1995, n°93-11.393, V. LAMY, op. cit.

60 Cass. Com., 03 mai 2006, n°05-11.943

61 V. AUS art.72

62 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit.

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commun en matière de formation de contrat posé par l'article 110863. Il doit, cependant, nécessairement contenir une clause différant le transfert de propriété du bien objet du contrat au paiement intégral du prix par le débiteur.

La clause de réserve de propriété peut figurer dans tout type de contrat translatif de propriété. En réalité, si la clause de réserve de propriété est la plupart du temps stipulée dans un contrat de vente64, elle peut toutefois l'être dans tout contrat translatif de propriété. Cette solution résulte de l'AUS qui évoque sans faire de précision « une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat » (AUS article 72).

Aucune forme particulière n'a été imposée par le législateur en ce qui concerne l'écrit. S'agit-il d'un acte solennel ou d'un acte sous seing privé ? Le législateur ne s'est pas prononcé sur la question. Mais, il énonce dans l'AUS en son article 73 qu' « à peine de nullité, la réserve de propriété est convenu par un écrit ». Quelque soit la forme donnée à l'écrit, il faut qu'elle soit palpable et puisse attester de la volonté des parties à inclure la clause dans leur contrat. L'écrit est exigé comme une condition de validité dans la convention des parties. Mais, dans la procédure collective, le législateur exige l'écrit du revendiquant à titre de preuve. L'existence d'un écrit peut65 permettre à la clause d'être opposable à la procédure collective.

63 L'écrit doit surtout être licite et conforme à l'ordre public.

64 Le nouvel AUPCAP qui la consacre désormais dans la section consacrée « droit du vendeur de meuble et revendications » (V. à partir l'art.101 AUPCAP nouveau), ce qui n'était pas le cas avec l'ancien qui la consacrait dans la section « revendication » (V.à partir de l'art.101 AUPCAP ancien)

65 Sur ce point, il faut dire que certes, l'écrit est exigé mais c'est sa publicité qui la rend opposable au tiers

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Il n'est pas non plus nécessaire d'établir une convention spéciale signée par les parties. Tous les documents66 transactionnels courants entre les parties peuvent constituer l'écrit exigé par la loi. Ainsi la clause de réserve de propriété peut-elle valablement figurer sur les correspondances échangées entre les parties, les bons de livraison, les bons de commandes, les factures67, etc.

Cependant, faut-il un écrit pour chaque opération contractuelle intervenant entre les parties ? La réponse est négative. Le législateur OHADA, dans l'AUS a suivi la position du législateur français, qui, à la faveur de la réforme de 1994 en matière de sûretés, a jugé que la clause devait être générale68. Elle pouvait donc être insérée dans un écrit qui organise un ensemble de relations contractuelles présentes ou à venir69 convenues entre les parties c'est-à-dire un contrat-cadre70.

Il faut noter par ailleurs, que la notion d'écrit connait une certaine évolution en matière de procédure collective. Le but de l'écrit étant de montrer l'accord de volonté des parties, il peut être désormais admis sous forme de télécopie71 ou revêtir la forme de données reproduites sur un support informatique72 à condition que l'intégrité du contenu et l'identité de son auteur soient vérifiées.

En ce qui concerne la langue utilisée dans l'écrit, il est nécessaire qu'elle soit comprise des parties. La jurisprudence ne trouve pas d'obstacle

66 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit.n°3766

67 BROU Kouakou Mathurin, « le nouvel acte uniforme portant organisation des suretés et l'accès au crédit dans l'espace OHADA », Ohadata-13-23, p13

68 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit. n°3766.

69V.art 72 AUS.

70 Com. 31 Janvier 2012, n°10-28.407, V. D. 16 février 2012 n°7/75000e.

71Cass. Com., 02 dec. 1997, n°95-14.252, bull, civ, n°315, JCP E 1998, p 178, note Bonneau T. V.

LAMY DROIT COMMERCIAL op. cit. n°3799.

72 Loi n°2000-230 du 13 Mars 2000, V. LAMY DROIT COMMERCIAL, ibidem.

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au fait que la langue soit une langue étrangère73 si cette langue découle naturellement de la nationalité d'un contractant. Il incombe donc au créancier revendiquant de prouver que l'acheteur a eu connaissance de la langue, l'a acceptée, et par conséquent l'a comprise. Qu'en est-il de la date de l'écrit ?

Le droit OHADA des procédures collectives n'a pas expressément prévu la date à laquelle cet écrit doit intervenir. Toutefois, l'AUS74 en son article 73 prévoit que « l'écrit doit être établi au plus tard au jour de la livraison du bien ».

Cette disposition invite à réflexion, dans la mesure où parmi les écrits produits pour justifier l'existence de la clause, on trouve souvent les factures. Or, généralement les factures sont adressées avec ou après la livraison. Dans ce cas elles ne répondent pas à l'exigence de la loi. Cependant, il en est autrement lorsqu'elles comportent la reproduction générale des conditions du contrat contenant la clause et qu'il a été constaté que les factures avaient été adressées avant la première des livraisons impayées75.

En tout état de cause, l'écrit contenant la clause de réserve de propriété doit exister au moment de l'ouverture de la procédure collective. Car, l'absence d'écrit rend impossible la revendication du créancier réservataire pour faute de preuve. La preuve de l'acceptation de l'acquéreur rend la clause opposable à celui-ci. Toutefois, ce qui rend la clause de réserve de propriété opposable à la masse des créanciers, c'est sa publicité au Registre du Commerce et Crédit Mobilier (RCCM).

73ibid. n°3799.

74 AUS art.73

75 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit.n°3766

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Paragraphe 2 : L'obligation de publicité

Contrairement au législateur français76, le législateur OHADA, est plus exigeant en matière d'opposabilité de la clause de réserve de propriété à la procédure collective. Il subordonne cette opposabilité aux tiers à un formalisme plus rigoureux qui est l'accomplissement obligatoire de formalité de publicité. L'AUS dispose en son article 74 que pour être opposable aux tiers, la clause doit avoir été « régulièrement publiée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) ». Cette disposition implique que toute demande en revendication fondée sur la clause de réserve de propriété dont la preuve de la formalité de publicité n'a pas été rapportée par le créancier sera rejetée. Ainsi le législateur OHADA fait obligation au créancier réservataire de publier la clause dont il se prévaut au RCCM (A). L'observation de cette exigence produit ses effets à l'égard des tiers(B).

A- La procédure de publicité au Registre du Commerce et du Crédit

Mobilier

L'AUS dispose en son article 74 que « la réserve de propriété n'est opposable aux tiers que si celle-ci a été régulièrement publiée au RCCM ». Cependant, il faut noter que l'inscription de la réserve propriété au RCCM est une option pour le créancier réservataire. La formalité de publicité ne devient obligatoire que s'il veut rendre sa sûreté opposable aux tiers, surtout lorsque le débiteur est en état de cessation de paiement. Il doit,

76Pierre CROCQ, « les sûretés fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de reforme de l'acte uniforme sur les sûretés », Dossier, bientôt un nouveau droit des sûretés dans l'OHADA, in Droit et Patrimoine n°197, novembre 2010, Ohadata D-10-62.

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pour rendre sa sûreté efficace procéder à la formalité de publicité exigée par le législateur OHADA dans les conditions77exigées par l'AUS.

L'inscription de la réserve de propriété est faite à la requête du créancier, de l'agent des sûretés ou du constituant78. Le RCCM territorialement compétent pour recevoir la clause est celui du ressort duquel « est immatriculé le constituant de la sûreté ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation d'immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé selon le cas, son siège social ou son principal établissement »79

Le réservataire ou toute autre personne habilitée par la loi, doit présenter au greffe chargé de la tenue du RCCM compétent, un formulaire d'inscription comportant toutes les mentions nécessaires à l'inscription de la clause de réserve de propriété prévue à l'article 53 de l'AUS. Ces mentions concernent entre autres, l'identification et la domiciliation des parties, la nature et la date du titre générateur de la sûreté, la durée de l'inscription, etc.

Après vérification du respect de ces mentions et de leur régularité, le greffier ou le responsable de la tenue du RCCM ou de son équivalent procède immédiatement à l'inscription de la sûreté sur un registre chronologique des dépôts. Il délivre sans délai au requérant un certificat d'inscription daté en désignant la formalité accomplie. Il notifie l'inscription ou son refus au débiteur ou au constituant de la sûreté80. A défaut de la notification de rejet au requérant, le greffier ou la personne

77 Les articles 51 à 66

78 Art. 51 al.1 AUS 79Art.52 al.2 ibid. 80 Art. 54 ibid.

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compétente doit aussitôt procéder à l'inscription de la sûreté et la notifier au fichier national du RCCM81.

Apres ces formalités, l'inscription devient régulière et produit ses effets légaux82.

B- Les effets de cette publicité

L'AUS dispose en son article 74 que « la réserve de propriété n'est opposable aux tiers que si celle-ci a été régulièrement publiée au RCCM ». Cet article montre la portée de la formalité de publicité de la clause. Ainsi, l'inscription régulière de la clause rend celle-ci opposable à la masse des créanciers du débiteur en procédure collective. Cette opposabilité court de la date d'inscription au RCCM jusqu'au délai prévu par les parties83. Passé ce délai, sauf renouvellement par le requérant l'inscription est périmée et radiée d'office par le greffe84.

L'inscription au RCCM est une formalité qui conditionne l'opposabilité et l'efficacité des sûretés assises sur un bien. Elle offre aux créanciers munis de sûreté de bénéficier d'une place avantagée dans la procédure collective. C'est pourquoi la loi la soumet à des règles strictes85. L'inscription au RCCM doit intervenir avant l'ouverture de la procédure collective, car le jugement d'ouverture arrête le cours des inscriptions de toutes sûretés mobilières et immobilières86. Cependant, il est judicieux de

81 Art.55

82 BROU Kouakou Mathurin, « la protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans les procédures collectives: l'apport du traité OHADA », Penant n°837, p310

83 Art.58 AUS

84 Idem ; V. BROU Kouakou Mathurin, op. cit., p310

85 KANTE Alassane, « réflexion sur le principe de l'égalité entre les créanciers dans le droit des procédures collectives d'apurement du passif (OHADA) », Revue EDJA, n°52, janvier-février-mars 2002, p.50

86 Cette disposition est prévue par l'art.73 de l'AUPCAP

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s'interroger si l'inscription de la clause peut intervenir pendant la période suspecte87.

Les actes accomplis par le débiteur pendant la période suspecte menacent clairement les droits de certains créanciers en raison des avantages qu'il confère à certains créanciers. C'est ainsi que dans le souci d'assurer une égalité des créanciers, le législateur OHADA décide que les actes passé par le débiteur pendant la période suspecte sont inopposables de droit ou peuvent être inopposables à la masse des créanciers88. L'inscription d'une clause de réserve de propriété pendant cette période pourrait porter atteinte aux droits des créanciers réunis dans la masse. Elle sera donc inopposable à la procédure collective. Pour qu'elle puisse produire l'effet escompté, l'inscription de la clause doit intervenir89 avant la période suspecte.

En somme, la clause de réserve de propriété régulièrement publiée au RCCM, permet au créancier réservataire de bénéficier du droit de pouvoir revendiquer son bien durant la procédure collective de son débiteur. Cette revendication ne saurait valablement s'exercer sur tous les biens du patrimoine du débiteur. Elle doit s'appliquer sur un champ précis.

Section 2 : L'assiette du droit de revendication du créancier

La réalisation de la clause de réserve de propriété passe par le droit de revendication qui est reconnu au créancier réservataire par la loi. Ce droit, le place dans une situation avantageuse par rapport aux autres créanciers et lui permet de récupérer son bien. Il faut noter cependant que

87 La période suspecte est la période qui part de la date de la cessation des paiements à la date du jugement d'ouverture, V. Filiga Michel SAWADOGO, in, o.p cit., p25

88 Art.67 AUPCAP

89 V.BROU Kouakou Mathurin, op. cit., p308

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ce droit ne s'exerce pas sur tous les biens se trouvant dans le patrimoine du débiteur défaillant. Le créancier ne peut revendiquer que le bien objet de la clause de réserve de propriété (Paragraphe 1).

Si le bien réservé a été aliéné par le débiteur, l'assiette du droit de revendication du créancier peut s'étendre à la créance du prix de revente du bien réservé due par le sous-acquéreur ou à l'indemnité d'assurance (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le bien objet de la clause de réserve de propriété

Contrairement au droit antérieur, le nouvel AUPCAP, en matière de revendication de biens vendus avec une clause de réserve renvoie à l'AUS qui réglemente cette clause90.L'article 72 de cet acte uniforme précise, entre autres, la nature des biens pouvant faire l'objet de la réserve de propriété(A). Ces biens doivent exister au jour du jugement d'ouverture dans le patrimoine du débiteur(B).

A- La nature du bien

En ce qui concerne la nature du bien réservé, l'AUS en son article 72 et l'AUPCAP en son article 103 alinéa 3, se réfèrent tous deux au « bien mobilier » objet de la revendication. Le législateur s'est contenté des termes tels que « bien mobilier » ou « objet mobilier » et « marchandises » sans donner d'autres formes de précisions. Il a juste prévu que la réserve de propriété devait porter sur les biens meubles. S'agit-il de bien corporel ? De bien incorporel ? La loi n'est pas précise à ce niveau. La jurisprudence en revanche donne des éléments de réponse.

90 Les articles 72 à 78 AUS organisent la réserve de propriété

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Même si l'AUPCAP prévoit la revendication de « marchandises »91 avec clause de réserve de propriété, la jurisprudence a admis que la revendication des biens réservés ne devait pas être limitée qu'aux biens corporels92. Les biens incorporels pouvaient également faire l'objet de revendication. Cette position de la jurisprudence est défendable, d'autant plus qu'elle est favorable à ce que la revendication de bien dont la propriété est réservée, en application d'une clause contractuelle, soit exercée quelque soit la nature juridique du contrat considéré.

Ainsi, le fonds de commerce93 pouvait-il être revendiqué. Le juge décidé que pour la cession de parts sociales comportant une clause de réserve de propriété, les risques de la chose vendue (qui avait perdu toute valeur depuis la liquidation des biens de la société) restent à la charge du vendeur, toujours propriétaire en application de ladite clause94.

De même, il n'y a pas lieu d'exclure d'une demande en revendication des biens incorporels (logiciels etc.) dont le support est un bien corporel. La revendication est donc admise pour les droits incorporels sur les biens dont la propriété est réservée95.

La revendication de somme d'argent est-elle possible ? Il faut répondre par la négative. La revendication ne peut en principe concerner

91Art.103 al.3

92Com. 29 févr. 2000, no 97-14.575 V. legifrance.fr; Cass. Com. 22 oct.1996, n°94-17.768 V. LAMY

DROIT COMMERCIAL, op. cit. N°3735

93B. VÉRIGNON :la réserve de propriété est-elle devenue une sûreté applicable aux ventes de fonds

de commerce ?, JCP N 1995. I, p. 1037

94 Cass. Com. 01 jan. 2004, n°01-01.893 V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit. N°3735

95Rev. proc. coll. 2004. 379, obs. M.-H. Monsèrié-Bon

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une somme d'argent. La restitution de fonds ne peut être demandée par le créancier que par la voie de la déclaration de créance96.

Qu'en est-il des biens immeubles ? Sur ce point le législateur OHADA a été clair, quand il prévoit que « les biens meubles »97 comme susceptibles de faire l'objet de réserve de propriété. Il ne fait pas mention de biens immeubles dans ces dispositions concernant la réserve de propriété. Au vu des avantages qu'offre la réserve de propriété, une extension de son domaine aux biens immeubles ne serait-elle pas bénéfique pour les partenaires en affaires ? législateur français semble être favorable à cette hypothèse, puisqu'il pose dans une de ses dispositions que « la propriété de l'immeuble peut également être retenue en garantie »

(C. civ., art. 2373, al. 2). La doctrine quant à elle encourage les professionnels à avoir recours à la vente d'immeubles avec réserve de propriété.98

En tout état de cause, la revendication ne sera possible que si le bien réservé se trouve dans le patrimoine du débiteur au jour du jugement d'ouverture.

B- L'existence du bien au jour du jugement d'ouverture

Il est désormais admis que le législateur OHADA reconnait au créancier, le droit de revendication. Ce droit permet au créancier réservataire de s'extraire de l'emprise de la discipline collective imposé aux créanciers réunis dans la masse. Cette prérogative doit s'exercer sur le bien réservé dans le patrimoine du débiteur. Encore faut-il que le bien se

96Com. 4 févr. 2003, Act. proc. coll. 2003-10, no 128, obs. C. Regnaut-Moutier

97 Art. 72 AUS

98 F. DERRIDA, À propos de la clause de réserve de propriété dans les ventes immobilières à crédit, Defrénois 1989. 1089, art. 34590

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trouve dans le patrimoine du débiteur en difficulté au jour du jugement d'ouverture99. Le jugement d'ouverture est le point de départ de l'action en revendication du réservataire.

L'absence du bien dans le patrimoine du débiteur défaillant à cette date, peut être un obstacle au droit de revendication du créancier. Antérieurement, le législateur OHADA exigeait que le bien se trouvât en nature100 dans le patrimoine du débiteur. Ainsi, l'incorporation ou la transformation du bien constaté au jour du jugement d'ouverture était susceptible de faire perdre au réservataire son droit. Les nouveaux textes sur le droit des procédures collectives sont plus protecteurs. La transformation ou l'incorporation du bien réservé n'empêche plus le droit de revendication du créancier101. Le propriétaire doit simplement prouver l'existence de son bien dans le patrimoine de son débiteur à la date du jugement d'ouverture.

Cependant, l'AUS prévoit dans son article 78 la revendication du prix de revente du bien. Cette disposition est compréhensible dans la mesure où rien n'empêche le débiteur d'aliéner le bien réservé. Ainsi, le législateur autorise le créancier à revendiquer la créance de prix ou l'indemnité d'assurance en cas de vente du bien par le débiteur ou de destruction de celui-ci.

99 GUYON Yves, Droit des affaires, Entreprises en difficulté, Redressement judiciaire, Faillite,9e éd. Economica, septembre 2003, p405

100 AUPCAP ancien art.103 al.2

101 Art.76 al.1 AUS

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Paragraphe 2 : La créance du prix de revente du bien et l'indemnité

d'assurance

La revendication du bien réservé est liée à son existence dans le patrimoine du débiteur. Dans la procédure collective du débiteur, l'issue heureuse pour le créancier serait de retrouver son bien dans le patrimoine du créancier et de pouvoir le revendiquer. Mais, l'hypothèse est très souvent impossible dans la mesure où le débiteur ayant la possession du bien peut en disposer.

L'aliénation du bien pourrait donc empêcher sa revendication par son propriétaire. Ce dernier pourrait ainsi perdre sa garantie et se retrouver pénalisé dans la procédure collective. Le législateur OHADA, en vue de pallier cet inconvénient, énonce dans l'article 78 du droit des sûretés « lorsque le bien est vendu ou détruit, le droit de propriété se reporte selon le cas sur la créance du débiteur à l'égard du sous-acquéreur ou sur l'indemnité d'assurance subrogé à ce bien».

Cette disposition permet au créancier muni d'une clause de réserve de propriété de bénéficier du jeu de la subrogation réelle102.Le législateur a institué la subrogation réelle en vue de protéger le créancier réservataire soumis à la procédure collective du débiteur. La subrogation réelle est un avantage certain pour le créancier. Car, s'il ne bénéficiait pas de cette fiction légale, la remise du bien à un sous-acquéreur de bonne foi lui ferait perdre sa garantie. La subrogation a donc pour but de maintenir l'efficacité de la réserve de propriété en dépit de l'absence du bien dans le patrimoine du débiteur. Elle place le réservataire dans une position encore plus

102 Carole SOUWEINE, « la revendication du prix de revente par le bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété : à la recherche d'une cohérence du droit des entreprises en difficulté », D. 3 nov.2011, n°2617

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favorable que la revendication des marchandises elles-mêmes puisqu'elle lui permet d'obtenir directement la remise d'une somme d'argent.

La subrogation réelle implique que la réserve de propriété se reporte sur la créance du prix de revente(A) ou l'indemnité d'assurance (B)

A- La créance du prix de revente du bien réservé

En droit civil, la vente de la chose d'autrui est nulle103, de sorte que la question de la revente des biens réservés ne devrait pas se poser. Pourtant, la loi reconnait implicitement la possibilité de revente du bien réservé en réglementant la revendication du prix104 de revente des biens réservés.

Si le bien réservé a été revendu par le débiteur sans avoir payé le propriétaire, ce dernier peut tenter de revendiquer la chose chez le tiers acquéreur105. Son action en revendication peut prospérer s'il prouve que le sous-acquéreur avait connaissance de la clause, donc est de mauvaise foi. Cependant cette action risque d'être vaine, dans la mesure où le tiers possesseur peut opposer sa bonne foi au revendiquant en application de l'article 2279, alinéa 1106du code civil. Une possession exempte de vices permet au sous-acquéreur d'éviter la restitution du bien.

Le réservataire qui ne peut rapporter la preuve de la mauvaise foi du possesseur, n'est pas pour autant démuni de tout recours. Il peut en effet exercer contre le débiteur une action en revendication sur le prix de revente du bien. Il tient de la loi une prérogative non négligeable qui lui

103Cf, c.civ., art. 1599

104Art.78 AUS

105JCP E 1993. I. 277, no 15, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel

106L'article 2279 alinéa 1 dispose qu'« En fait de meuble possession vaut titre »

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permet, de reporter la revendication de la chose sur la créance du prix de revente du bien dû par le sous-acquéreur au débiteur défaillant.

Sur le plan procédural, la revendication du prix étant fondée sur la subrogation réelle, elle est soumise aux mêmes conditions et délai que l'action en revendication de la chose107.

Le réservataire qui souhaite revendiquer le prix de revente du bien réservé doit avoir exercé en premier lieu une action en revendication du bien contre le débiteur devant le tribunal compétent. En second lieu, il exerce une action en paiement à l'encontre du sous-acquéreur dans le tribunal de son domicile. La seconde action découle de la première. Ainsi, si les délais ont été respectés dans le cadre d'une action en revendication de la chose, la forclusion ne peut être opposée au créancier qui n'a pas pu revendiquer le prix108 dans les délais exigés. Le sous-acquéreur ne peut non plus opposer au vendeur initial (le réservataire) les exceptions109 qu'il pourrait faire valoir contre son propre vendeur (le débiteur en procédure collective).

Il découle de ce qui précède que l'aliénation du bien réservé ne fait pas obstacle à la réalisation de la garantie du créancier, elle semble plutôt renforcer l'efficacité de la réserve de propriété à l'égard du créancier. Cette efficacité se dénote aussi par l'indemnité d'assurance qui est due au réservataire lorsque le bien a été détruit.

107 Art.101 AUPCAP

108 Com. 15 fév. 2000, Act. proc. coll. 2000-7, no 75, RTD com. 2001. 517, obs. A. Martin-Serf. 109V.com.3 janv. 1995, Bull. civ. IV, no 3, D. 1996, somm. 221, obs. F. Pérochon.

B- L'indemnité d'assurance

La subrogation réelle est aussi possible dans les cas où le bien réservé a été détruit ou a disparu entre les mains du débiteur. Le créancier est autorisé à revendiquer l'indemnité d'assurance du bien sinistré. Cette indemnité n'entre donc pas dans le patrimoine du débiteur. Le droit de propriété du réservataire se reporte sur l'indemnité d'assurance due au débiteur par son assureur110. Il percevra l'indemnité d'assurance à proportion de sa créance.

Cette règle du report du droit de propriété sur une autre chose est évidemment de nature à renforcer l'efficacité de la réserve de propriété, puisqu'elle permet au titulaire de la sûreté de l'emporter sur les tiers, qui pensent avoir un droit sur la créance de prix ou d'indemnité du débiteur.

Le législateur OHADA, reconnait au créancier réservataire, dont le débiteur est en difficulté, le droit de revendiquer le bien réservé. Cette opposabilité de la clause de réserve de propriété aux procédures collectives n'est possible que si le réservataire a régulièrement publié la clause dont il se prévaut au RCCM. En outre, l'assiette de revendication est bien définie par le législateur et ne porte que sur le bien réservé ou sur le prix de revente de celui-ci ou sur l'indemnité d'assurance.

Le créancier réservataire doit mettre en oeuvre son droit de revendication, afin d'obtenir le recouvrement de sa créance ou la restitution de son bien.

110Com. 13 mars 2007, no 05-17.571, V. Répertoire droit commercial, Dalloz 2015

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CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DU DROIT DE REVENDICATION

Muni d'une clause de réserve de propriété valable et connu de tous, le créancier réservataire peut aisément procéder à la revendication du bien réservé.

Mais, cet avantage exceptionnel dont il bénéficie pourrait très bien compromettre la continuation de l'activité de son débiteur en difficulté en cas de redressement si le bien s'avère nécessaire à cet effet. On assiste dès lors à un conflit entre les intérêts du créancier réservataire qui souhaite récupérer son bien et ceux du débiteur en difficulté qui aurait besoin du bien réservé pour son exploitation. Ces termes antagonistes mettent en exergue le problème de la revendication du bien réservé dans la procédure de redressement judiciaire du débiteur.

Dans l'intention de trouver un équilibre entre les intérêts des parties concernées, le législateur OHADA soumet l'exercice du droit de revendication du réservataire à une réglementation stricte. Certes, il permet au créancier d'exercer son action en revendication (SECTION II), mais celui-ci doit au préalable, respecter certaines conditions (SECTION I).

Section 1 : Les conditions préalables à l'action en revendication

Comme toute action en justice, l'action en revendication du réservataire est soumise à une procédure réglementée par le législateur communautaire. Il subordonne l'exercice de l'action en revendication à la production de la créance par le revendiquant.

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Ainsi, le nouvel AUPCAP dispose en son article 78 que « à partir du jugement d'ouverture, et jusqu'à l'expiration d'un délai de (60) soixante jours suivant la deuxième dans le journal d'annonces légales de l'Etat partie, tous les créanciers composant la masse, à l'exception de créancier d'aliment, doivent, sous peine de forclusion produire leur créance auprès du syndic »

De cette disposition, il appert que le créancier réservataire doit obligatoirement produire la créance qui fonde son droit (Paragraphe 1), dans les délais prévus par la loi (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La production de la créance

Postérieurement au jugement d'ouverture, tous les créanciers du débiteur en procédure collective sont invités à produire leur créance. Cette règle s'applique à tous les créanciers sans exception, qu'ils soient munis de sûretés ou chirographaires. La production consiste pour le créancier à se faire connaitre des organes de la procédure collective en déclarant sa créance à l'égard du débiteur111. L'admission du créancier dans la procédure collective passe obligatoirement par l'étape de la production des créances112. C'est donc une procédure importante pour les créanciers qui espèrent en dépit des difficultés du créancier, recevoir paiement.

En ce qui concerne le créancier réservataire, en plus de la demande en revendication, il est également soumis à la procédure de production des créances (A). Le défaut de cette procédure pourrait entrainer sa forclusion (B).

111 SAWADOGO FILIGA Michel, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, Bruylant, Bruxelles 2002, p 202

112Idem

A- La procédure de production de la créance

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L'AUPCAP dispose en son article 78 que tous les créanciers composant la masse doivent produire leur créance auprès du syndic. La production consiste en une déclaration faite par les créanciers d'un débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation des biens. Les créanciers indiquent leur créance ainsi que leurs prétentions113. L'article 80 mentionne les composantes de la production.

En effet, le créancier réservataire comme tout autre créancier est tenu de remettre au syndic, par lettre au porteur contre récépissé, ou par lettre recommandée avec accusé de réception ou par tout autre moyen laissant trace écrite, une déclaration indiquant le montant de sa créance au jour de la décision d'ouverture, les sommes à échoir et les dates de leur échéances114. La déclaration doit également préciser la nature de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie. Dans le cas du créancier réservataire, il s'agit pour lui de faire mention dans sa déclaration de la réserve de propriété qui est une sûreté réelle.

En plus de ce qui précède, le créancier doit fournir tous les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de sa créance si elle ne résulte pas d'un titre, évaluer la créance si elle n'est pas liquide, mentionner la juridiction saisie si la créance a fait l'objet d'un litige. A cette déclaration sont aussi joints, sous bordereau, les documents justificatifs qui peuvent être produits en copie.

Dans l'ancien acte uniforme le créancier réservataire avait

l'obligation de faire sa déclaration d'intention de revendiquer son bien en

113SAWADOGO FILIGA Michel,Ibid. 114 V. Art. 80 al.1 AUPCAP

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même temps qu'il produisait sa créance115. A défaut de cette déclaration d'intention, le créancier perdait sa garantie et était considéré comme un créancier chirographaire. Cette disposition se révélait sévère pour le créancier qui pouvait ainsi perdre la propriété de son bien et être soumis à toutes les contraintes du créancier chirographaire116.

Cette sévérité n'a pas laissé le législateur indifférent, quant à la situation du créancier réservataire. C'est certainement la raison pour laquelle, le nouvel acte uniforme fait une dissociation entre la production de la créance et le droit de revendication du réservataire. Désormais, le créancier peut produire sa créance sans être obligé d'y manifester son intention de revendiquer son bien. Les deux procédures n'étant plus indissociables. Cette disposition renforce à n'en point douter la protection du créancier réservataire par le législateur OHADA.

En tout état de cause, la production de créance demeure une obligation pour tous les créanciers. A l'exception des créanciers postérieurs117 au jugement d'ouverture, tous les créanciers antérieurs c'est-à-dire ceux composant la masse sont astreints à la production des créances, sous peine de sanction.

B- La forclusion du créancier réservataire

L'article 78 en son alinéa 1 dispose que tous les créanciers sont tenus de produire leurs créances « sous peine de forclusion ». La forclusion, est la sanction qui frappe les créanciers astreints à la production, qui n'ont

115 Art. 78 al.3 AUPCAP ancien.

116 Les créanciers chirographaires sont les derniers dans l'ordre de paiement, de plus ils peuvent très souvent ne pas obtenir paiement dans la procédure de liquidation des en cas de clôture pour insuffisance d'actif.

117SAWADOGO FILIGA Michel, op. cit.,p 210

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pas produit leurs créances dans les délais exigés. Elle a pour conséquence de rendre les créances inopposables à la masse des créanciers, qu'il s'agisse d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. Les titulaires de ces créances pourront toutefois valablement réclamer leurs créances une fois que la procédure collective du débiteur sera clôturée118. Evidemment, cette réclamation ne sera opportune que si le débiteur défaillant revient à meilleure fortune. Sur ce point, le droit des procédures collectives antérieur était sévère avec les créanciers surtout en procédure de redressement judiciaire du débiteur.

En effet, « la forclusion éteint les créances, sauf clause de retour à meilleure fortune »119. En conséquence, même après le vote du concordat de redressement, le créancier ne pouvait pas réclamer sa créance. Cette règle était d'une particulière gravité à l'égard des créanciers négligents.

La nouvelle législation se montre plus souple en supprimant la disposition précitée. Cette suppression traduit la volonté du législateur de trouver un équilibre dans les intérêts des parties concernées. Car, si le débiteur négligent était frappé de forclusion, la loi devait au moins lui laisser la chance de retrouver ses droits personnels à la clôture de la procédure. La nouvelle loi se montre donc plus souple envers les créanciers frappés de forclusion.

L'AUPCAP nouveau, en son article 83 dispose que le relevé de forclusion est accordé par décision motivée du juge-commissaire à la demande des créanciers défaillants. Le juge-commissaire ne peut statuer sur la demande en relevé de forclusion que si l'état des créances n'a pas

118SAWADOGO Filiga Michel, op. cit. p 212 119 Art.83 al.2 AUPCAP ancien

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encore été arrêté et déposé dans les conditions prévues par l'article 86 de l'AUPCAP précité. La demande du créancier ne peut aboutir que s'il prouve120 que sa défaillance ne lui incombe pas. La défaillance du créancier doit donc résulter de circonstances extérieures à sa volonté par exemple un cas de force majeure.

Qu'en est-il des créanciers qui devaient être personnellement avertis par le syndic121 aux fins de production de leur créances, et qui ne l'a pas fait de sorte que ces créanciers sont forclos. Deux solutions peuvent être envisagées. Soit leur production tardive est recevable de plein droit, soit leur demande en relevé de forclusion est systématiquement accordée.

Une autre question qui mérite d'être posée est de savoir l'effet de la forclusion sur le droit de revendication du créancier réservataire. Sa forclusion peut-elle porter atteinte à son action en revendication ? Autrement le réservataire forclos peut-il valablement exercer son action en revendication ?

Dans l'ancien droit des procédures collectives, la réponse était négative. En effet, le législateur OHADA faisait obligation au réservataire de déclarer son droit de revendication au moment où il produisait sa créance122. Le propriétaire qui souhaitait récupérer son bien devait produire sa créance et déclarer son intention de revendiquer son bien. La seconde action ne pouvait intervenir sans la première (la production), de sorte que si le créancier était forclos, la revendication était paralysée. Par

120 Dans l'affaire n°847 du 8 avril 2005, PROFCOPE c/ Alliou Faye et Abdoulaye Dramé, liquidateur de la Nationale Assurance ès qualité, Tribunal Régulier Hors classe de Dakar, rejette une demande de relevé de forclusion au motif que la preuve exigé par l'art.83, à savoir que les défaillants doivent démontrer que leur défaillance n'est pas due à leur propre fait, n'est pas rapporté.

121 Art.79 al.1 AUPCAP nouveau

122 Art 78 AUPCAP ancien

conséquent, sous réserve de relevé de forclusion, le propriétaire négligent perdait-il sa garantie.

Le nouvel AUPCAP, adopte une posture différente, en dissociant les deux actions. Le créancier réservataire est astreint comme tous les créanciers antérieurs à la production de créance dans un délai123 précis. Mais, il dispose aussi du droit de revendication qu'il doit exercer dans un délai124 autre que celui de la production. Comment interpréter cette position du législateur ? La dissociation des deux actions signifie-t-elle que la forclusion ou le rejet de l'une n'a pas d'impact sur l'autre ?

L'on peut opter pour l'optimisme en voyant en cette nouvelle disposition la volonté du législateur OHADA de vouloir protéger le créancier réservataire. Par conséquent, la forclusion en cas de production ne devrait pas avoir d'impact sur le droit de revendication. La réaction de la jurisprudence sur la question permettra certainement de mieux comprendre l'interprétation à donner à cette disposition.

Pour l'heure, afin d'éviter la sanction de forclusion, le créancier réservataire doit observer les délais.

Paragraphe 2 : L'observation des délais de production

La procédure collective du débiteur est un moment délicat pour lui et ses créanciers. Si son désir est de voir ses difficultés se résoudre et revenir à meilleure fortune, ses créanciers, eux souhaitent se mettre à l'abri de ses difficultés. Le respect des règles imposées par le droit des procédures collectives s'avère pour ceux-ci la seule issue afin d'espérer obtenir paiement.

123 Art.78 al.1 AUPCAP nouveau.

124 Art. 101 AUPCAP nouveau.

Ainsi, le créancier réservataire doit, certes, la produire, mais, cette production ne sera utile que s'il la fait dans les délais impartis (A). Il doit aussi observer les délais de revendication, (B) s'il aspire à défaut récupérer son bien.

A- Les délais de production de la créance

La production est réglementée de façon stricte par la loi. Elle se déroule dans un temps limité que les créanciers se doivent de respecter. Les créanciers doivent produire leurs créances à partir du « jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, jusqu'à l'expiration d'un délai de soixante (60) jours suivant la deuxième insertion au journal d'annonces légales »125. Les textes ajoutent que seuls les créanciers d'aliment ne sont pas soumis à cette obligation. En ce qui concerne les créanciers vivant hors du territoire national où la procédure a été ouverte, ils ont quatre-vingt-dix (90) jours pour produire leurs créances.

D'entrée de jeu, on remarque que le législateur dans le nouvel AUPCAP a prorogé les délais de production. Ainsi, le délai qui était de trente (30) jours126pour les créanciers étant sur le territoire national, est passé à soixante (60) jours. Et, le délai de production des créanciers hors du territoire national, est passé de soixante (60) jours127 à quatre-vingt-dix (90) jours. Cette position du législateur est à saluer, car elle pourrait considérablement réduire les risques de forclusion pour non-respect des délais de production des créances.

125 Art.78 al.1 AUPCAP nouveau

126 Art.78 al.1 AUPCAP ancien 127Idem

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Le délai de production commence à courir à l'égard des créanciers dont la sûreté ou le contrat a fait l'objet de publicité, à partir de la notification d'avertissement du syndic par lettre au porteur ou tout autre moyen laissant trace écrite, adressée s'il y a lieu, au domicile élu128. Ainsi le créancier réservataire, dont la clause de réserve de propriété ou le contrat le liant au débiteur a été publié, ne sera fondé à agir que s'il a personnellement été averti par le syndic.

Tous les créanciers inscrits au bilan ou figurant sur la liste prévue à l'article 63 ci-dessus, doivent être avertis immédiatement, par lettre au porteur contre récépissé ou tout autre moyen laissant trace écrite par le syndic. Cet avertissement n'est fait que s'ils n'ont pas produit dans les quinze (15) jours de la première insertion de la décision d'ouverture au journal d'annonces légales de l'Etat partie concerné129.

La production des créances est d'une grande portée juridique. Elle interrompt la prescription extinctive de la créance130.

En somme, la production des créances est une étape importante pour les créanciers qui veulent faire valoir leurs droits dans la procédure collective de leur débiteur. Sans cette étape, les autres étapes c'est-à-dire la vérification et l'admission des créances ne peuvent se faire131. Le respect des délais est donc indispensable. L'inobservation des délais pourrait rendre la créance inopposable à la masse. Le réservataire n'échappe pas à ces règles établies par les textes. Il est tenu aussi de respecter les délais de revendication, s'il souhaite obtenir restitution du bien réservé.

128 Art.79 al.1 AUPCAP nouveau

129 Art.79 al.2 AUPCAP nouveau

130 Art.78 al.4 AUPCAP nouveau

131SAWADOGO Filiga Michel, op cit, p209

B- Les délais de revendication du bien réservé

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La demande en revendication du réservataire ne peut être exercée que dans le délai exigé par les textes. Sur ce point le nouvel Acte uniforme relatif aux procédures collectives est assez précis sur la question lorsqu'il dispose que « nonobstant toute disposition du présent Acte uniforme, la revendication des meubles ne peut être exercée que dans un délai de quatre-vingt-dix (90) jours suivant la deuxième insertion de la décision d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens dans un journal d'annonces légales de l'Etat partie concerné »132. Ce délai comprend-il le délai de production et de vérification des revendications ? Tout porte à croire que c'est bien le cas. Le législateur semble vouloir simplifier les choses aux créanciers bénéficiant de droit de revendication.

Dans l'ancienne législation relative aux procédures collectives, l'article 101 alinéa 2 prévoyait que le délai de revendication était de trois (03) mois. Mais, il fallait d'abord tenir compte du délai de production qui était de trente (30) ou soixante (60) jours suivant la deuxième insertion au journal d'annonces légales, selon que le revendiquant était ou non sur le territoire national de l'Etat partie concerné133. Ensuite, Il fallait également y ajouter le délai de vérification et d'admission des revendications qui était de trois (03) mois ( additionné des quinze (15) jours pour former l'opposition) suivant la décision d'ouverture de la procédure collective134.

Tous ces délais pouvaient créer des confusions dans l'esprit du créancier revendiquant, qui pouvait par une incompréhension être hors

132 Art.101 ancien 133Art.78, ibid.

134 Art.84 et 88, ibid.

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délai, par conséquent forclos. Cet état de fait, est certainement une des raisons qui a incité, le législateur a les simplifié en indiquant que toute revendication de biens meubles devait intervenir dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la seconde insertion de la décision d'ouverture dans un journal d'annonces légales du pays concerné.

Toutefois, ce délai invite à réflexion. Si l'on part du principe que ce délai doit comprendre les délais, de production des créances, de vérification et d'admission des demande en revendication, quel sera le sort du revendiquant s'il produit sa demande revendication dans les délais exigés et qu'avant l'admission, le délai de quatre-vingt-dix (90) jours expire ? Pourra-t-il être autorisé à exercer son action en revendication en dépit de sa forclusion ?

De notre avis, il devrait l'être du moment où il a produit dans les délais. En outre, qu'en est-il, s'il produit sa créance dans le délai imparti, et que l'admission intervient dans un laps de temps tel qu'il lui est impossible d'exercer son action en revendication dans les temps c'est-à-dire avant l'expiration du délai de quatre-vingt-dix (90) jours? Cette réflexion peut paraitre incongrue ou être taxée de pousser le pessimisme un peu loin, mais elle mérite d'être menée. Car, le revendiquant sera forclos, mais cette forclusion sera en quelque sorte de son fait. Pourra-t-il être relevé de forclusion ? Autant de questions sur lesquelles les juges devront se pencher pour rendre leurs décisions.

En tout état de cause, le défaut de revendication dans le délai exigé emporte forclusion. Cela signifie que le droit de propriété est inopposable à la procédure collective du débiteur. En revanche, le débiteur ne devient pas pour autant propriétaire. C'est la raison pour laquelle l'absence de

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revendication n'a pas d'effet dans les rapports entre un débiteur et un bailleur135. Si la forclusion empêche le propriétaire de revendiquer pendant la durée de la procédure, il peut en revanche faire valoir son droit de propriété dès la fin de la procédure136.

Lorsque la créance et la revendication ont été régulièrement produites, les organes compétents procèdent à leur vérification137. Apres la vérification, les créances et revendications conformes seront admises. Le réservataire pourra à partir de ce moment revendiquer son bien.

Section 2: L'exercice de l'action en revendication

L'action en revendication n'a de sens que dans l'hypothèse où le créancier titulaire d'une réserve de propriété s'est, d'une part, dépossédé de son bien au profit du débiteur et, d'autre part, n'est pas payé par ce même débiteur. Tel est le cas lorsque s'ouvre une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, puisqu'il est alors interdit au débiteur de payer des créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure ou alors des créances nées postérieurement, mais ne présentant pas d'utilité pour la procédure. On peut aussi observer que l'ouverture d'une procédure collective justifie à elle seule que le créancier titulaire d'une réserve de propriété réagisse sans attendre que sa créance soit devenue exigible, la loi lui accordant un

135Com. 4 janv. 2000, D. 2000. 533, note E. Le Corre-Broly

136Com. 30 oct. 2007, no 06-18.328, V. Répertoire droit commercial, Dalloz 2015 137 Voir les articles 84 et 101 du nouvel AUPCAP

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temps limité138, à peine de forclusion, pour exercer son action en revendication.

À l'inverse, il est évident que la revendication n'est pas justifiée si le créancier reçoit le paiement attendu. L'article 103 alinéa 4 du nouvel AUPCAP précise à cet égard qu'il n'y a pas lieu à revendication si, « le prix est payé immédiatement et intégralement par le syndic après autorisation du juge-commissaire ». Si le juge-commissaire autorise le paiement du prix, l'administrateur judiciaire commet une faute en ne procédant pas au paiement139.

Lorsqu'il n'a pas obtenu paiement du syndic sur décision du juge-commissaire, le créancier bénéficiant d'une clause de réserve de propriété est fondé à faire sa demande en revendication (Paragraphe 1). Il en est cependant dispensé (Paragraphe 2), s'il remplit certaines conditions.

Paragraphe 1 : La demande en revendication

Le créancier, dont la clause de réserve propriété n'a été contesté par les organes de la procédure, peut valablement revendiquer son bien. A la question de savoir s'il est le seul habilité à faire la demande en revendication, la jurisprudence répond par la négative. En effet, aussi bien le propriétaire du bien, que tout préposé ayant pouvoir ou mandataire de son choix peut exercer la demande en revendication.140

Sur le plan procédural, la revendication se déroule en deux phases. Il y a d'abord une phase amiable (A) et obligatoire suivie, le cas échéant, d'une phase judiciaire (B).

138 Art. 101 AUPCAP nouveau

139 CA Paris, 20 sept.1996, JCP E 1996, panor. 1147, Rev. proc. coll. 1998. 188, obs. Bernard Soinne.

140 Cass.com, du 5 juillet 2005, n°04-11.132

A- La demande amiable

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La demande amiable constitue un préalable obligatoire141. Il faut toutefois noter que la demande en revendication effectuée au cours de cette phase amiable ne constitue pas une demande en justice142. Il n'est donc pas nécessaire de vérifier si la personne à l'origine de la revendication est habilitée à agir en justice. Cette solution a été parfaitement justifiée par la doctrine 143 qui a mis en évidence la différence de traitement entre la déclaration de créance, qui « équivaut » à une demande en justice et la demande en revendication144.

Le créancier réservataire qui souhaite revendiquer son bien, doit saisir le mandataire de justice145 (1) qui n'est autre que le syndic. Ce dernier peut acquiescer à la demande (2).

1- La saisine du syndic

En vue de faire valoir son droit, le créancier réservataire doit saisir le syndic par une lettre au porteur contre récépissé ou tout autre moyen laissant trace écrite146, en vue de revendiquer son bien. La demande en revendication emporte de plein droit147 restitution du bien réservé.

Cette saisine vise à avoir l'accord du syndic pour la revendication. Il a été jugé qu'une lettre adressée au mandataire judiciaire, qui n'invite pas son destinataire à se prononcer sur le droit de propriété du créancier sur le

141 La cours de cassation française a déclaré irrecevable la saisine directe du juge commissaire ( cass. Com., 10 mai 2000 n°9715.476), V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit. n°3785, p1597

142 Com. 6 mars 2001, Bull. civ. IV, no 50, D. 2001, AJ 1099, obs. A. Lienhard, in Repertoire de Droit Commercial 2015.

143 M. CABRILLAC et Ph. PÉTEL, obs. JCP E 2001, p. 1472, no 12

144V. également Com. 5 nov. 2003, RJDA 2004, no 346, Rev. proc. coll. 2004. 379, obs. M.-H. Monsèrié-Bon.

145 V.art.1-3 al.10 AUPCAP nouveau

146 Art.101-1 al.1, ibid.

147 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3785, p1597

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bien, ne vaut pas demande en revendication148. La demande doit contenir les indications précises sur les biens revendiqués : leur localisation et leur identification, ainsi que les pièces justificatives nécessaire et les clauses contractuelles permettant l'action149.

Cette demande doit être faite dans les délais150 exigés par le législateur communautaire. Le non-respect de ce délai par le réservataire, conduirait inexorablement à la perte de sa garantie (sous réserve de relevé de forclusion). Si le créancier remplit toutes ces conditions de fond et le formalisme adapté, le syndic se prononce sur sa demande.

2- De l'acquiescement du syndic

Lorsqu'elle est réalisée, la demande de revendication, « peut»151 donner lieu à un acquiescement de la part du syndic. Le législateur OHADA, laisse donc au syndic une option. Il peut donner une réponse positive à cette demande ou la refuser. Si la demande du créancier remplit les conditions exigées par les textes et que la revendication du bien ne porte pas gravement atteinte152 aux espoirs de redressement de l'entreprise, le syndic acquiesce.

Cet acquiescement doit être donné dans un délai de trente (30) jours153 à compter de la réception de la demande. Le syndic notifie sa décision aux parties (le revendiquant et le débiteur) et en informe le juge-

148Com. 12 mars 2013, no 11-24.729, D. 2013. Actu. 768, obs. Lienhard

149 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit.,ibid.

150 Ce délai est quatre-vingt dix jours suivant la deuxième insertion de la décision d'ouverture de la procédure au journal d'annonces légales de l'Etat partie concerné, V. art.101 AUPCAP nouveau.

151 Art.101-1 al.2 AUPCAP nouveau

152 Sur ce point, il faut noter lorsque la revendication du bien porte atteinte au redressement de l'entreprise, le juge-commissaire peut autoriser le syndic avant toute restitution du bien réservé à payer intégralement et immédiatement la créance du débiteur, V. art 103 al.4 AUPCAP nouveau

153 Art.101-1 al.3 AUPCAP nouveau

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commissaire. Il prend toutes les mesures pour la remise du bien réservé au propriétaire mettant ainsi fin à la procédure engagée par ce dernier.

Il a été jugé que le créancier réservataire, qui a obtenu l'acquiescement du syndic dans le délai qui lui était imparti pour saisir le juge-commissaire, ne peut se voir opposer la forclusion attachée à l'absence de saisine de ce dernier dans le délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse du syndic154.

L'article 101-1 alinéa 3 du nouvel AUPCAP dispose que « à défaut de la réponse du syndic dans un délai de trente (30) jours à compter de la réception de la demande ou en cas de refus, le juge-commissaire peut être saisi à la diligence du revendiquant dans un délai de trente (30) jours à compter de l'expiration du premier délai ou de ce refus afin qu'il soit statué, au vu des observations du revendiquant, du débiteur et du syndic, sur le droit de ce revendiquant et sur le sort du contrat ».

Cette saisine du juge-commissaire marque le début de la phase judiciaire.

B- La demande contentieuse

À défaut d'acquiescement du syndic, le revendiquant doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire (1) qui statut sur sa demande (2).

154 Com. 7 févr. 2006, Bull. civ. IV, no 31, D. 2006, AJ 576, obs. A. Lienhard

1- La saisine du juge-commissaire

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La saisine du juge-commissaire est une demande en justice155

contrairement à la demande initiale adressée au syndic. Elle commence par une requête adressée au juge-commissaire156 « à défaut de réponse du syndic157 saisi» ou « de son refus » par le créancier réservataire dans le

délai de trente (30) jours à compter de l'expiration du délai donné au syndic pour répondre.

La requête contient l'exposé des prétentions, la justification des droits, et la réponse aux motifs du refus d'acquiescement. Le revendiquant sollicite du juge-commissaire, qu'il constate son droit de propriété et qu'il ordonne la restitution immédiate du bien sous la responsabilité du syndic158.

Lorsque le créancier revendiquant saisi régulièrement le juge-commissaire, ce dernier doit se prononcer sur la demande en revendication.

2- L'issue de la saisine

Le juge-commissaire saisi par le propriétaire « statue par voie d'ordonnance dans les huit (08) jours à compter de sa saisine »159. Etant

donné que l'action en revendication tend à la fois à la reconnaissance d'un droit de propriété opposable à la procédure collective et à la restitution

155C'est pourquoi, elle doit être effectuée, en ce qui concerne les personnes morales, par tout préposé régulièrement fondé, Cass. Com., 03 juin 1997 n°94-12.450, V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3788

156Cette autorité judiciaire a une compétence générale en matière de revendication (le juge des référés en est exclut) Com. 9 juill. 1991, RJDA 1991, no 746, V. Répertoire de droit commercial, Dalloz 2015

157 Art.101-1 al.3AUPCAP nouveau

158 V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3789

159 Art. Art.101-1 al.4 AUPCAP nouveau

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d'un bien détenu par le débiteur, elle donne lieu à un débat contradictoire. Le juge-commissaire doit réunir sur convocation, le demandeur, le débiteur, le ou les syndics ainsi qu'éventuellement toute personne160 intéressée par le sort bien concerné. Si le principe du contradictoire n'est pas respecté, la décision encourt la nullité161.

Le législateur OHADA reconnait aussi au juge-commissaire compétence pour se prononcer sur « le sort du contrat au vu des observations du créancier, du débiteur et du syndic saisi »162, allégeant ainsi les obligations procédurales du créancier revendiquant.

Lorsque le juge-commissaire, statue sur la demande en revendication, « son ordonnance est déposé sans délai au greffe qui la communique au syndic et la notifie aux parties. La décision est aussi communiquée sans délai au Ministère Public »163 à la demande du juge-commissaire. Mais il peut arriver que le juge ne se prononce pas dans les huit (08) jours de saisine. Quelle attitude doit adopter le revendiquant? Sur ce point, deux articles du nouvel Acte uniforme sur les procédures collectives donnent des réponses différentes.

D'un côté, l'article 40 alinéa 1 dispose que « si le juge-commissaire n'a pas statué dans le délai de huit (08) jours à compter de sa saisine, sur les contestations et revendications qui relèvent de sa compétence, le juge-commissaire est réputé avoir rendu une décision de rejet ». En d'autres termes, le silence du juge-commissaire doit être interprété comme une décision implicite de rejet. Cette disposition pourrait être désastreuse pour

160 C'est le cas lorsqu'un même bien est revendiqué par d'autres personnes

161Cf, Le Corre-Broly E. et Le Corre P.-M., L'analyse jurisprudentielle de le demande en acquiescement de revendication, D.2002, p 948.

162 Art.101-1 al.3AUPCAP nouveau

163 Art. Art.101-1 al.4 AUPCAP nouveau

le créancier revendiquant, qui perdrait sa garantie et ainsi toute chance de récupérer le bien réservé. On pourrait comme l'exprime Eloie SOUPGUI164, penser qu'il s'agit « d'un piège procédural » tendu au créancier réservataire. Sur ce point la rigueur des textes à l'égard du créancier revendiquant, est demeuré la même puisque l'article 40 de la loi antérieure relative aux procédures collectives, avait les mêmes dispositions.

De l'autre côté, l'article 101-2 alinéa 3 dispose que « si le juge-commissaire n'a pas statué à l'expiration du délai visé à l'alinéa 4 de l'article 101-1 ci-dessus, la juridiction compétente peut être saisi dans les mêmes conditions, à la demande de l'une des parties ou du Ministère public ». Cette disposition permet au créancier de ne pas être pénalisé par le silence du juge-commissaire. Elle s'avère plus souple pour le réservataire que celle de l'article 40. Le législateur aurait-il omis de sursoir à la disposition dudit article?

En tout état de cause, lorsque le juge-commissaire ne reste pas silencieux et qu'il statue, ses décisions sont immédiatement déposées au greffe qui les communique sans délai à la juridiction compétente et les notifie aux parties par lettre au porteur contre récépissé ou tout autre moyen laissant trace écrite165.

L'ordonnance du juge commissaire est susceptible de recours. Le créancier réservataire comme tout intéressé peut faire opposition 166 contre cette ordonnance dans les huit (08) jours qui suivent son dépôt ou sa notification ou suivant le délai prévu à l'article 40 alinéa 1 précité. Pendant

164 SOUPGUI Eloie, « la protection du créancier réservataire contre les difficultés de l'entreprise dans l'espace juridique OHADA », penant n° 870, janvier-mars 2010, p 75

165 Art.40 al.2 AUPCAP nouveau 166Art.40 al.3 AUPCAP nouveau

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ce même délai, la juridiction compétente peut se saisir d'office en vu reformer ou d'annuler les décisions du juge-commissaire167. La juridiction saisie, statue à la première audience utile168.

La demande de revendication emporte de plein droit demande en restitution169. Si elle est admise, le syndic et le débiteur doivent procéder sans délai à la restitution du bien réservé au réservataire. Mais dans certaines conditions, le propriétaire peut être dispensé de l'exercice de l'action en revendication.

Paragraphe 2: La dispense de la demande en revendication

Cette dispense est une innovation du nouvel Acte uniforme portant organisation des procédures collectives, qui prévoit en son article 101-3 que le propriétaire peut demander la restitution de son bien, sans procéder par une demande en revendication. Pour ce faire il doit remplir certaines conditions (A) qui produisent leurs effets à son égard (B).

A- Les conditions

« Le propriétaire d'un bien est dispensé de faire connaitre son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet de publicité », dispose l'article 103-1 al.1 du nouvel Acte uniforme relatif aux procédures collectives.

Cette disposition est une innovation du droit OHADA des procédures collectives d'autant plus que dans l'ancien texte, le créancier réservataire ne pouvait faire connaitre son droit de propriété que s'il engageait une action en revendication. L'action en revendication était la seule voie à suivre s'il voulait récupérer son bien. L'avènement du

167Idem

168Art.40 al.4 AUPCAP nouveau

169LAMY DROIT COMMERCIAL, op cit, n°3791

nouveau texte lui ouvre une deuxième voie en lui accordant la possibilité d'être dispensé de l'action en revendication. Il s'agit de la demande en restitution.

Pour se prévaloir de cette prérogative, le créancier réservataire doit avoir fait la publicité du contrat portant sur le bien réservé. Cette publicité doit pour des raisons d'opposabilité intervenir avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens.

B- Les effets

Sur le plan procédural, le propriétaire qui remplit les conditions requises, doit réclamer la restitution de son bien au syndic. Sa demande est adressée au syndic par lettre au porteur contre récépissé ou tout autre moyen laissant trace écrite170. Suite à la demande qui lui est adressée, le syndic « peut acquiescer »171. Cette option lui permet de faire ou non droit à la demande du réservataire. S'il acquiesce à la demande du propriétaire, il doit tout mettre en oeuvre afin de lui restituer son bien.

À défaut d'accord du syndic dans le délai de trente jours ou en cas de contestation de ses droits, le propriétaire peut saisir le juge-commissaire pour statuer sur la restitution172. Il a été prévu qu'à défaut de demande préalable en restitution du créancier réservataire, le juge-commissaire peut également être saisi à cette même fin par le syndic. Cette dernière disposition sécurise le créancier défaillant qui aurait omis de faire sa demande en restitution.

170 Article 101-3 al.2 AUPCAP nouveau 171Idem

172 Article 101-3 al.3 AUPCAP nouveau

La demande en restitution tout comme celle en revendication sont des procédures avantageuses pour le créancier réservataire, qui pourra obtenir restitution de son bien.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Au terme de cette partie, il convient de retenir que le législateur a pris des mesures importantes pour la protection du créancier réservataire. De l'ancien droit des procédures collectives qui reconnaissait au créancier réservataire son droit de revendication en cas de défaillance de débiteur, à la nouvelle qui consolide ce droit, on peut voir que le créancier bénéficie d'une protection qui le fait primer sur les autres créanciers du débiteur en difficulté.

En effet, sa clause de réserve de propriété173 est désormais opposable à la masse. Cette prérogative lui permet d'exercer son action en revendication ou sa demande en restitution afin d'obtenir son bien ainsi de se soustraire à la discipline collective imposé par le droit des procédures collectives.

Au vu de ce qui précède, on pourrait prétendre que le réservataire bénéficie d'une protection totale. Cependant une analyse approfondie de cette protection montre qu'elle comporte des failles, surtout dans sa mise en oeuvre.

173RIPERT G / ROBLOT R. par DELEBECQUE Philippe et GERMAIN Michel, op.cit., p.1164

SECONDE PARTIE : UNE

PROTECTION FRAGILISEE DANS

SA MISE EN OEUVRE

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L'ouverture d'une procédure collective, n'est plus un obstacle à la réalisation de la garantie du créancier muni d'une clause de réserve de propriété. Le créancier réservataire bénéficie d'une protection spéciale lui permettant de récupérer son bien par le biais du droit de revendication qui lui est reconnu.

Si le législateur OHADA reconnaît au créancier réservataire le droit de revendiquer son bien lorsque son débiteur est en difficulté, il subordonne néanmoins l'exercice de l'action en revendication à l'existence du bien dans le patrimoine du débiteur à l'ouverture de la procédure. Cette condition peut paralyser l'action du créancier.

En effet, rien n'empêche le débiteur de disposer du bien réservé, de sorte que le bien réservé peut ne plus se retrouver dans son patrimoine au moment où le créancier réservataire exerce son action en revendication ou sa demande en restitution. De plus, le bien réservé peut être altéré ou modifié par le débiteur, rendant ainsi difficile son individualisation. Ces situations constituent des obstacles à la revendication du bien réservé (Chapitre I) et à la revendication du prix de revente dudit bien (Chapitre II).

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CHAPITRE I : LES OBSTACLES A LA REVENDICATION DUBIEN RESERVE DANS LE PATRIMOINE DU DEBITEUR

Le créancier réservataire, en vertu de son droit de revendication, peut récupérer son bien, afin de le faire échapper à la convoitise des autres créanciers. Cependant cette revendication n'est possible que si le bien se trouve toujours dans le patrimoine du débiteur au moment de la revendication. Ce qui n'est pas évident. La difficulté du propriétaire réside dans le fait qu'il doit, à la fois établir que le bien réservé existe dans le patrimoine du débiteur en difficulté (Section 1) et pouvoir l'identifier (Section 2).

Section 1 : De l'existence du bien dans le patrimoine du débiteur

La revendication du bien réservé implique que ce bien puisse exister dans le patrimoine du débiteur. Pour apprécier l'existence du bien, il faut se placer au jour du jugement d'ouverture et non au moment de l'action en revendication174. La non- existence du bien dans le patrimoine du débiteur était un obstacle175 à la revendication du bien réservé. L'existence du bien se révélait donc une question délicate pour le créancier qui était susceptible de perdre son action. La notion d'existence du bien réservé dans le patrimoine du débiteur a évolué à la faveur des nouveaux textes relatifs aux procédures collectives176. Le législateur procède donc à l'élargissement du domaine du droit de revendication du propriétaire (Paragraphe 1). Cependant, cette évolution peut être source de contraintes pour le réservataire (Paragraphe 2).

174 Cass. com., 15 mars 2005 n°03-20.332, D.2005 p.641, obs. Lienbard A.

175 SOUPGUI Eloie, op. cit., p. 75

176 L'AUPCAP adopté le 15 septembre 2015 remplace l'AUPCAP adopté le 10 avril 1998

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Paragraphe 1 : De l'évolution la notion d'« existence du bien réservé dans le patrimoine du débiteur »

L'existence du bien réservé dans le patrimoine du débiteur, est une condition sine qua non177 à sa revendication. Dans l'AUPCAP antérieur, le législateur OHADA exigeait que les biens réservé, se trouvent en « nature » dans le patrimoine du débiteur pour pouvoir être revendiqués (A). Cette exigence était très souvent difficile à respecter dans la mesure où le bien réservé pouvait être modifié, transformé ou incorporé par le débiteur. Pour y remédier, le nouvel AUPCAP apporte dans son sillage des changements en supprimant le terme « en nature »(B).

A- La notion d'existence du bien en « nature » dans l'ancien droit des

procédures collectives

L'exigence de l'existence du bien réservé entre les mains178 du débiteur, comme condition de revendication des biens vendus avec une clause de réserve de propriété, est posée par l'article 103 alinéa 3 de l'ancien AUPCAP. Ce texte disposait que, le bien réservé ne peut faire l'objet de revendication que, « s'il se retrouve en nature » dans le patrimoine du débiteur en redressement judiciaire ou liquidation des biens. La condition d'existence en nature suppose que le bien n'a subi aucune altération. Il doit demeurer dans l'état initial depuis le moment de la vente jusqu'à la date du jugement d'ouverture. Ce qui pose très souvent problème179 dans la mesure où la condition d'existence du bien en nature peut être influencée par une éventuelle altération du bien réservé.

177RIPERT G / ROBLOT R. par DELEBECQUE Philippe et GERMAIN Michel, op. cit.,p.1167

178 Idem

179 SOUPGUI Eloie, op. cit.,p.76

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En effet, il est possible qu'entre les mains du débiteur, le bien dont la restitution est demandée ait subi une altération tellement grave que toute remise matérielle du bien réservé au propriétaire devient compromise180. Or, la condition d'existence en nature exige que les biens revendiqués n'aient été ni transformés ni incorporés. Toutefois de légères atteintes, comme l'usure181 ou une petite amélioration182, sont tolérées et n'influent pas sur la condition d'existence en nature du bien. La revendication reste alors possible tant qu'une modification substantielle n'est pas constatée. Sur ce point, une cour d'appel a relevé que les alevins, livrés entre dix mois et quelques jours avant l'ouverture de la procédure collective, ont pris du poids, sans que cette prise de poids en ait modifié la substance. L'arrêt a relevé encore que le cycle de maturation d'un alevin est de l'ordre de dix-huit à vingt-quatre mois et qu'une daurade est commercialisable au poids de 220 grammes, correspondant à dix-huit mois environ de maturation. Par conséquent cette transformation ne faisait pas obstacle à l'action en revendication de l'entreprise bénéficiant d'une clause de réserve de propriété183.

L'incorporation ou la transformation du bien empêchait sa revendication. Le droit de revendication du créancier était donc subordonné à l'existence du bien en nature. Cette situation a conduit certains auteurs à qualifier la réserve de propriété d'un « billet de loterie gratuit »184. Le créancier réservataire était gagnant quand il retrouvait ses biens en nature dans les locaux de son débiteur, ou dans d'autres lieux,

180 Cass. com. 22 mars 1994 (ne sont plus considérés comme présents en natures des boeufs livrés sur pied, abattus puis découpés par l'acquéreur), bull. civ. IV ,n°121

181 Cass. com. 29 janvier 1991, Rev. Poc. coll. 1991 n°2p. 255, obs. B. SIONNE. 182Cass. Com. 17 mai 1988, bull. civ. IV ,n°166

183Com. 11 juin 2014, no 12-28.761, D. 2014. Actu. 1325

184 CABRILLAC (M.) et MOULY (C.), cité par SOUPGUI Eloie, in, op. cit.,p.78

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détenus par son représentant légal185, le cas échéant il était perdant. L'exigence d'identité du bien réservé pouvait donc vouer à l'échec la revendication du réservataire.

Le noeud du problème186 étant déterminé, le législateur OHADA a essayé d'y remédier. La nouvelle législation du droit des procédures collectives ne fait plus état du terme « en nature »187 qui a été supprimé. Cette évolution de la loi, vise à rendre plus pratique le droit de revendication du propriétaire.

B- La notion d'existence du bien réservé dans les nouveaux textes relatifs aux procédures collectives

Le nouveau droit des procédures collectives élargit le champ de revendication du créancier réservataire en faisant référence à l'AUS pour la revendication des biens réservés. Ainsi l'article 103 alinéa 3 dispose que « peuvent également être revendiqués les marchandises et objets mobiliers faisant l'objet d'une clause de réserve selon les conditions et avec les effets prévus par l'Acte uniforme portant organisation des sûretés ».

Désormais, en vertu de l'AUS il est permis au créancier réservataire de revendiquer le bien réservé incorporé et aussi les biens fongibles.

En ce qui concerne les biens incorporés, l'AUS prévoit en son article 76 alinéa 1 que « l'incorporation d'un meuble faisant l'objet d'une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle aux droits du créancier

185Com. 10 mai 2012, no 11-17.626, V. Répertoire de droit commercial, D. 2015

186 L'existence du bien réservé « en nature » dans le patrimoine du débiteur.

187 AUPCAP nouveau, art.103 al.4

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lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage ». Cette disposition renforce le droit du créancier réservataire.

L'incorporation n'est donc plus, en principe, un obstacle à l'exercice de son droit de revendication. Le réservataire doit rapporter la preuve qu'au jour du jugement d'ouverture188, son bien existe dans le patrimoine du débiteur et qu'il est incorporé à un autre bien. La condition est que les deux biens puissent être dissociés sans dommage pour l'un comme pour l'autre. La loi n'est cependant pas précise sur que l'on doit comprendre par le terme « dommage ». Une interprétation très large du terme est à éviter. Car, la dissociation de certains meubles cause forcement de petits dommages aux biens auxquels ils sont rattachés189. C'est le cas par exemple d'un moteur monté dans un véhicule190. Le critère semble être une altération matérielle marquée du bien réservé191.

Qu'en est-il, si le bien réservé a été attaché par le débiteur à perpétuelle demeure, de sorte à devenir immeuble par destination ? Le créancier pourra-t-il valablement le revendiquer ? La jurisprudence donnait une réponse négative jusqu'à un récent arrêt de la cour de cassation française.

En effet, dans un arrêt de la cour de cassation française192, une société mise en redressement judiciaire avait au préalable acheté des éléments de cuisine professionnelle pour l'exploitation de son restaurant,

188REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, La notion d'existence « en nature » en matière de revendication de biens meubles, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 45, 6 Novembre 2014,1562, p.25

189 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3773

190REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit., p. 26

191F. PEROCHON, in, REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit., p. 26

192Cass. com., 10 mars 2015, pourvoi n° 13-23.424, commentaire de JULIETTE SENECHAL, in, Revue Trimestrielle de Droit Immobilier / RTDI N° 2 - 2015, p.50

éléments dont le prix n'avait été que partiellement payé. Le vendeur (réservataire) avait, de ce fait, revendiqué lesdits éléments dès lors que ceux-ci avaient été vendus avec réserve de propriété. La cour d'appel avait fait droit à cette demande et l'avait autorisé à récupérer les biens réservés.

Cependant, l'acquéreur (le débiteur) dans son pourvoi reprochait à la cour d'appel d'avoir violé les articles 524 du code civil193 et L. 62416194 du code de commerce relatif à la clause de réserve de propriété en procédure collective qui dispose que « l'incorporation d'un meuble faisant l'objet d'une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle au droit du créancier lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage ».

En effet, selon l'auteur du pourvoi, les matériels revendiqués portaient sur des éléments de cuisine professionnelle affectés à l'exploitation commerciale du restaurant. Des lors, ces éléments devaient perdre la qualification de meubles au profit de celle d'immeubles par destination. Cette nouvelle qualification, selon l'auteur du pourvoi, permettait alors de faire échec à l'action en revendication du vendeur, dès lors que celle-ci n'est admise que pour des meubles et non des immeubles. Mais, cette argumentation ne réussit pas à convaincre la cour de cassation qui rejette le pourvoi en refusant l'inclusion de la notion d'immeuble par destination dans le champ d'application de la revendication.

L'élargissement du champ d'application de l'action en revendication du réservataire soulage ce dernier dans les procédures collectives de son

193 Cet article fait référence aux immeubles par destination

194Cet article du code de commerce français est l'équivalent de l'article 76 alinéa 1 de l'AUS

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débiteur. Mais, ces changements apportés par les nouveaux textes ne sont pas sans risques.

Paragraphe 2 : Les contraintes de l'évolution de la notion d'existence du bien réservé dans les nouveaux textes relatifs aux procédures collectives

Les nouveaux textes relatifs aux procédures collectives sont porteurs d'espoir pour le créancier réservataire. Les obstacles qu'il rencontrait pendant la revendication de son bien semblent s'être amoindris. Le champ d'application de la revendication qui était restreint à l'existence du bien réservé« en nature » s'est désormais étendu. Toutefois, la pratique de ce nouveau droit pourrait être source de contraintes pour le créancier réservataire tant en matière des biens incorporés (A) que des biens transformés (B).

A- Les biens incorporés

L'AUS auquel l'AUPCAP fait référence195 en matière de revendication des biens réservés pose le principe de la revendication des biens incorporés. En effet, les biens incorporés peuvent être restitué au propriétaire si leur dissociation ne cause pas de dommages considérables196 au bien concerné ou meuble dans lequel il est incorporé. Si la disposition est avantageuse pour le propriétaire, sa condition de mise en oeuvre peut poser des difficultés. En effet, l'utilisation de certains équipements nécessite une solide implantation au sol ou une incorporation à d'autres appareils. Ces biens sont attachés à perpétuelle demeure formant avec le reste du matériel ou le fonds de commerce un bloc indivisible. Dans ces

195 AUPCAP nouveau art.103 al.3

196 REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit.,p.26

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conditions, quelle attitude doit adopter le propriétaire qui veut revendiquer son bien ?

L'article 76 AUS alinéa 2 répond en disposant qu'à défaut d'une séparation du bien sans dommage, « le tout appartient au propriétaire de la chose qui forme la partie principale, à charge pour lui de payer à l'autre la valeur, estimée à la date du paiement, de la chose qui y a été unie ». Cette solution du législateur OHADA ne pose pas de problème quand la partie principale appartient au débiteur. Le débiteur ou le syndic doit procéder au paiement du créancier. Toutefois, des difficultés peuvent naître lorsque la partie principale des biens incorporés appartient au réservataire ou à un tiers.

Lorsque la partie principale des biens incorporés appartient au créancier réservataire, il pourra certes récupérer son bien mais il devra payer au débiteur la partie secondaire. Il se retrouve donc à être contraint à verser une somme d'argent ou à garder un bien qui peut ne pas lui être utile.

De plus, une question qui se pose, est de déterminer la faisabilité de cette transaction pendant la procédure collective du débiteur. Le syndic qui doit veiller à l'égalité entre les créanciers197 réunis dans la masse permettra-t-il au créancier réservataire de récupérer plus que ce qui lui est dû ? En principe, c'est ce que les textes proposent, quitte au réservataire de payer à l'autre le surplus. La situation peut devenir critique quand le réservataire n'a pas de liquidité disponible pour payer. Dans ce cas, lui sera-t-il permis de payer en fonction d'un échéancier ? Autant de questions

197SAWADOGO FILIGA Michel, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, édition Bruylant, Bruxelles 2002, p.5

qui traduisent les difficultés que le créancier réservataire peut rencontrer du fait de l'incorporation de son bien à un autre bien.

Une autre difficulté peut apparaître, lorsque la partie principale du bien appartient à une personne autre que le débiteur c'est-à-dire un tiers et que ce dernier a déjà payé le bien au débiteur. Le créancier est ainsi exposé aux risques de perte de sa garantie. Quid les biens transformés ?

B- Les biens transformés

En se dessaisissant de son bien, un propriétaire ne prend pas seulement le risque de voir son bien incorporé, il l'expose aussi à une transformation suffisamment grave, empêchant ainsi sa revendication. La question de la transformation des biens réservés est une réalité à laquelle le créancier réservataire doit faire face lorsqu'il désire que son bien lui soit restitué.

La transformation résulte d'une modification substantielle du bien. Le bien ne se trouve plus dans son état initial, non en raison de son incorporation mais du fait d'un changement inhérent au bien ou émanant de l'utilisation fait par le débiteur. Le nouvel acte uniforme relatif aux procédures collectives ne prévoit pas la situation des biens réservés transformés. L'AUS auquel il renvoie en matière de revendication des biens objet de réserve de propriété, n'en fait pas non plus cas.

Ce silence des textes peut être compréhensible, la transformation des biens réservés étant délicate à déterminer et à définir. En effet, il s'agit très souvent de cas d'espèces198 tel que : le tissu transformé en vêtement,

198REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit.,p.25

de caoutchouc transformé en pneumatique. C'est la raison pour laquelle, elle est organisée par la jurisprudence qui y est abondante199.

En matière de revendication des biens transformés, la jurisprudence est formelle, « la revendication n'est pas possible en cas de transformation matérielle qui lui fait perdre sa nature c'est-à-dire lorsque ses caractères et ses propriétés ont été modifiés»200. Qu'en est-il lorsque la transformation du bien réservé est partielle? Ou encore lorsque la transformation résulte d'une évolution normale de la chose vendue avec réserve de propriété ?

Cette problématique a été posée pour la première fois, semble-t-il, en 1984, à la Cour d'Appel de Rennes au sujet de la revendication de poussins « d'un jour » et de poulettes dites « démarrées »201. La Cour a refusé la revendication des poussins « d'un jour », qui ont été élevés par l'acheteur pendant plusieurs semaines. Elle a considéré qu'il y a eu transformation desdits poussins, même si cette transformation était conforme au processus naturel de l'évolution de la vie. À l'inverse, la Cour d'Appel de Rennes a admis la revendication de poulettes dites « démarrées », car celles-ci étaient âgées de vingt-et-une semaines au moment de la livraison. La Cour a considéré que qu'il y avait eu une simple croissance desdites poulettes qui n'a pas changé sa nature.

Par la suite, la jurisprudence s'est montrée plus libérale en faveur du créancier revendiquant202. Ainsi, un viticulteur, qui avait livré des raisins à

199Com. 22 mars 1994, no 92-11.223 ; Cass. com., 27 mai 1986, n° 85-10.956 : Bull. civ. 1986, IV, n° 102.- CA Toulouse, 27 nov.1984 : D. 1985, inf. rap., p. 185, note J. Mestre ; Cass. com., 22 mars 1994, n° 92-11.223 : Bull. civ. 1994, IV, n° 121 ; D. 1996, p. 219, obs. F. Pérochon ; V. aussiRev. proc. coll. 1995, p. 206, obs. B. Soinne, V. REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit.,p.25

200Com. 22 mars 1994, no 92-11.223, V. ibid.

201CA Rennes, 12 sept. 1984 : D. 1986, inf. rap., p. 169, obs. F. Derrida

202F. Pérochon, Entreprises en difficulté : LDGJ, 9e éd., 2012, n° 1426

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une coopérative, a pu les revendiquer sous forme de vin en fin de vinification. La Cour de cassation française considérait que « l'incorporation des moûts les uns aux autres et le processus d'évolution et de vinification des récoltes apportées n'avaient pas transformé leur substance »203.

Un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de cassation française204 s'inscrit dans le prolongement de cette jurisprudence. En l'espèce, les alevins livrés, puis revendiqués, ont été transformés en poissons de poids plus importants par engraissement.

En effet, livrés en l'état de larves, ils ont acquis, au jour de l'ouverture de la procédure collective, un poids moyen de 292,21 grammes. Or un alevin peut être considéré comme ayant été transformé en une daurade royale commercialisable à partir d'un poids de 220 grammes. La Cour après avoir relevé que « le cycle de maturation d'un alevin est de l'ordre de dix-huit à vingt-quatre mois et qu'une daurade est commercialisable au poids de 220 grammes, correspondant à dix-huit mois environ de maturation », retient que « les alevins livrés entre dix mois et quelques jours avant l'ouverture de la procédure collective, ont pris du poids, sans que cette prise de poids, en ait modifié la substance ».

Etant entendu que l'exigence de l'existence du bien en nature a été supprimé par le législateur communautaire, peut-on en conclure que cela conduirait à la revendication des biens transformés? Si l'on se base sur le fait que, le droit OHADA ne fait plus obligation au propriétaire de

203Cass. com., 11 juill. 2006, n° 05-13.103

204 Cass. com., 11 juin 2014, n° 13-14.844, P+B, Sté Aquanord c/ Sté Ferme marine du Douhet : JurisData n° 2014-012799

retrouver son bien « en nature » dans le patrimoine du débiteur avant de le revendiquer, la réponse doit être affirmative. Mais, cette affirmation pourrait entrainer d'autres conséquences importantes pour le débiteur défaillant. L'interprétation que les juges communautaires feront en la matière permettra certainement une meilleure compréhension de ces dispositions.

Pour récupérer son bien, le revendiquant ne doit pas seulement établir que ce bien existe dans le patrimoine du débiteur, il doit l'identifier.

Section 2: De l'identification du bien réservé dans le patrimoine du débiteur

L'identification du bien réservé est une étape importante pour le propriétaire. Il s'agit pour lui de reconnaître son bien parmi les biens du débiteur. Cette épreuve peut être facile s'il arrive à individualiser son bien (Paragraphe 1) sans trop de difficultés. Les choses se compliquent lorsque ce bien est devenu une chose fongible dans le patrimoine de son débiteur. Comment reconnaître et identifier son bien parmi des biens fongibles ? C'est ce à quoi le réservataire doit faire face. La problématique des biens fongibles (Paragraphe 2) est toujours d'actualité même s'ils ne font plus obstacle205 à la revendication du propriétaire dans les procédures collectives.

Paragraphe 1: De l'individualisation des biens réservés

Pour pouvoir revendiquer ou demander la restitution de son bien, le propriétaire doit pouvoir reconnaître son bien parmi les autres biens présents dans le patrimoine du débiteur en difficulté. Sa tâche devient

205SOUPGUI Eloie,op. cit.,p.77

71

facile206 s'il a été établi un inventaire des biens du débiteur par le syndic (A).L'établissement de l'inventaire doit permettre de déterminer les biens se trouvant au jour du jugement d'ouverture dans le patrimoine du débiteur. L'absence d'inventaire (B) rendrait donc certainement plus difficile l'identification.

A- La nécessité d'un inventaire

L'inventaire consiste en général à faire une liste exhaustive des biens contenus dans le patrimoine du débiteur. Pour le créancier réservataire, cet inventaire lui permettra de faire la preuve de l'existence de son bien entre les mains du débiteur. En droit commun, en application de la règle actori incumbit probatio207, c'est en principe, le revendiquant qui supporte la charge de la preuve de l'existence du bien livré avec clause de réserve de propriété.

Cependant, en droit des procédures collectives, l'AUPCAP rend l'inventaire obligatoire208. Le débiteur doit remettre à la personne désignée pour dresser l'inventaire la liste de tous les biens qu'il détient, de sorte que la charge de la preuve devrait dépendre de l'existence ou non d'un inventaire. Cette répartition de la charge de la preuve est parfaitement compréhensible et doit s'appliquer en cas de livraison d'un corps certain individualisé.

Ainsi, le caractère obligatoire de l'inventaire dressé à l'ouverture de la procédure, est de nature à faciliter la tâche du revendiquant. Car, ce

206Pierre-Michel Le Corre, in, REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit.,p.27 207« La charge de la preuve incombe au demandeur »

208 Article 63 AUPCAP nouveau

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dernier n'a plus à établir que le bien revendiqué existait au jour de l'ouverture de la procédure dès lors que celui-ci figure à l'inventaire209.

Sur le plan procédural, c'est le syndic qui est chargé de faire l'inventaire. Dès la décision d'ouverture de la procédure collective du débiteur, en présence du débiteur ou de ses héritiers210 ou du ministère public, il dresse la liste des biens de ce dernier ainsi que les sûretés qui les grèvent211. Le syndic peut, sur autorisation du juge-commissaire, se faire assister par toute personne qu'il juge utile pour établir l'inventaire et réaliser la prisée des biens212. Il revient au débiteur de remettre au syndic la liste213 de ses créanciers indiquant le montant de leurs créances, leurs noms et adresses, et la liste des contrats en cours. Il l'informe des procédures judiciaires en cours auxquelles il est partie214.

Pendant qu'il est procédé à l'inventaire, il y a lieu de prendre en compte des objets mobiliers ayant échappé à l'apposition des scellés ou ayant été extraits de ceux-ci215.Les marchandises placées sous sujétion douanière font l'objet, si le syndic en a connaissance, d'une mention spéciale. L'inventaire est dressé en double exemplaire : l'un est immédiatement déposé au greffe de la juridiction compétente, l'autre reste entre les mains du syndic216.

209 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3733

210 Celui-ci ou ses héritiers doivent être dûment appelés par lettre au porteur contre récépissé ou tout autre moyen laissant trace écrite, cf., Art. 63 al.1 AUPCAP nouveau

211 Art. 63 al.1 AUPCAP nouveau

212 Art. 63 al.6, ibid.

213Ce point mérite qu'on s'y attarde. En effet, des difficultés pourraient subvenir, si le débiteur décide de donner une liste erronée au syndic. Le syndic dispose dans les faits de peu de prérogatives pour découvrir les biens que le débiteur ne serait pas disposé à laisser appréhender par des tiers, si bien que l'inventaire peut se révéler très souvent décevant. L'efficacité de l'inventaire serait donc tributaire du bon vouloir de débiteur et de sa bonne foi.

214 Art. 63 al.3, ibid.

215 Art. 63 al.4, ibid.

216 Art. 63 al.10, ibid.

73

74

S'il est régulièrement établi, l'inventaire doit permettre de connaître tous les biens du débiteur en particulier ceux qui sont grevés d'une réserve de propriété. L'inventaire est donc une opération importante pour le créancier réservataire car il conditionne la suite de la procédure à son égard. Son absence ne serait donc pas souhaitable.

B- L'absence de l'inventaire

L'inventaire est bénéfique pour le réservataire. Il facilite

l'indentification de son bien. C'est pourquoi dès l'ouverture de la procédure collective, le syndic, aidé par le débiteur, doit procéder à l'inventaire. Cet inventaire met en lumière tous les biens dont le débiteur est le détenteur précaire217. L'absence d'inventaire rendrait donc difficile la preuve de l'existence du bien du créancier, par conséquent son action en revendication.

Le législateur OHADA a remédié à cet état de fait dans ses dispositions relatives au droit des procédures collectives. Désormais, « l'absence d'inventaire ne fait pas obstacle à l'exercice des actions en revendication ou en restitution»218. Cette disposition protège le créancier contre la négligence du syndic ou du débiteur. Il appartiendra donc à ces derniers de prouver que le bien réservé n'existe pas dans les locaux du débiteur. C'est le principe qu'a retenu la cour de cassation quand elle indique que « la charge de prouver que les biens revendiqués, restés en la possession du débiteur lors du redressement judiciaire et de l'exécution du plan de continuation, n'existaient plus en nature au jour du prononcé de la liquidation judiciaire, incombait au liquidateur, représentant la société

217Marc Sénéchal, « L'effet réel de la procédure collective: Essai sur la saisie collective d'un gage commun des créanciers »,Bibliothèque de droit de l'entreprise, F.N.D.E., LITEC 2002, p. 44

218Art.63 al. dernier

débitrice, en l'absence de réalisation de la formalité obligatoire de l'inventaire»219. Un tel renversement de la charge de la preuve est très favorable pour le créancier revendiquant car les organes de la procédure doivent alors prouver un fait négatif220, ce qui est, par principe, difficile.

Il faut noter toutefois que même si l'absence d'inventaire ne présente pas un danger majeur pour le créancier réservataire, des contraintes surviennent souvent en dépit de l'inventaire. C'est le cas où il y a un inventaire mais le bien du créancier est difficile à identifier parce qu'il est une chose de genre. Comment individualiser son bien parmi les autres biens de même nature ?

Paragraphe 2 : La problématique des biens fongibles

L'identification du bien est nécessairement requise en matière de revendication car le propriétaire s'appuie sur un droit réel dont la caractéristique est d'avoir un effet direct et immédiat sur la chose221. La revendication peut s'avérer délicate pour le propriétaire d'une chose de genre. La situation du bien fongible a considérablement évolué dans la procédure collective. Pour mieux cerner cette évolution, il convient de voir d'abord, la situation antérieure des biens fongibles dans les procédures collectives(A), ensuite sa situation actuelle (B).

A- La situation antérieure des biens fongibles

Selon la Cour de Cassation, les biens sont fongibles lorsqu'ils sont interchangeables en raison de leur identité, nature, origine, conditionnement ou marque. Du fait de leur difficile individualisation, les

219 Cass. com., 1er déc. 2009, n° 08-13.187 : Bull. civ. 2009, IV, n° 156 ; RLDC 2010, n° 68 s., obs. J.-J. Ansault ; D. 2010, p. 12, obs. A. Lienhard ; RTD civ. 2010, p. 361, obs. P. Crocq

220 REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit.,p.28 221Marc Sénéchal, op. cit., p. 51

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biens fongibles constituaient un obstacle à la revendication222. On considérait alors que la remise d'une chose fongible entraînait la disparition de la propriété du remettant.

La fongibilité du bien modifiait la nature juridique de l'action du propriétaire: il ne disposait plus d'une action réelle, mais plutôt d'une action personnelle. Par conséquent, en cas de faillite du débiteur, ce dernier n'était qu'un simple créancier chirographaire soumis à la loi de concours. Le propriétaire dont le bien réservé était une chose de genre ne pouvait donc bénéficier du privilège que pouvait lui offrir la réserve de propriété. En cas de défaillance du débiteur, il perdait sa garantie et devait juste déclarer sa créance. A part quelques cas isolés, par exemple, des valeurs mobilières relevant d'une même série d'émission223, le législateur n'admettait pas la revendication des biens fongibles, de sorte que, même si le bien était identifié, la clause de réserve de propriété était inopposable à la masse en cas de procédures collectives.

Cette situation était très difficile pour le créancier réservataire qui perdait sa garantie et pouvait aussi ne pas obtenir paiement si la procédure collective se clôturait pour insuffisance d'actif. Les législations contemporaines ont pris en compte cette difficulté du créancier muni d'une clause de réserve de propriété et ont essayé d'y remédier.

B- La situation actuelle des biens fongibles

Désormais, fongibilité, individualisation et revendication sont compatibles224 dans les procédures collectives. Le législateur OHADA a renforcé la protection du créancier réservataire à ce niveau. La fongibilité

222 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3774

223 Idem

224Marc Sénéchal, op. cit., p.51

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étant opposable à la masse, le revendiquant peut valablement porter sur un bien fongible.

L'AUS dispose à cet effet que « la propriété réservée d'un bien fongible peut s'exercer, à concurrence de la créance restant due, sur des biens de même espèce et de même qualité détenus par le débiteur ou pour son compte »225. L'opposabilité de la fongibilité à la procédure collective est une innovation importante du législateur. Elle permet de protéger davantage le réservataire. La jurisprudence en la matière est abondante226 consolidant ainsi les intérêts du propriétaire.

Cependant, le fait que l'action en revendication du réservataire puisse porter sur n'importe quel bien du débiteur peut soulever d'autres difficultés. C'est le cas lorsqu'une pluralité de réservataires revendique le même bien fongible. Lequel d'entre eux sera reconnu le véritable propriétaire du bien ? Doit-t-on procéder par critère d'antériorité, étant entendu que le plus ancien créancier n'est pas forcément le véritable propriétaire du bien.

Ces questions démontrent, que même si le législateur OHADA a pris des mesures importantes afin que la revendication des biens fongibles soit opposable à la masse, il n'en demeure pas moins qu'elle n'est pas toujours aisée. Leur individualisation demeure un problème difficile à résoudre227.

225 Art. 75

226Com. 5 mars 2002, Bull. civ. IV, no 48, D. 2002, AJ 1139, obs. A. Lienhard; CA Rouen, 4 avr. 1996, RJDA 1996, no 1543 ; CA Paris, 26 juin 1998, D. 2000, somm. 69, obs. D. Mainguy ; CA Paris, 3 avr. 1998, D. 2000, somm. 69, obs. D. Mainguy, V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3774

227LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3775

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CHAPITRE II : L'INCIDENCE DE LA REVENTE DU BIEN RESERVE SUR LE DROIT DE REVENDICATION DU CREANCIER RESERVATAIRE

Dans la procédure collective de son débiteur, la clause de réserve de propriété est la principale garantie du propriétaire du bien réservé. A défaut d'obtenir son paiement, il espère pouvoir reprendre ses biens, à la suite d'une action en revendication ou d'une demande de restitution228.

En revanche, le bénéficiaire de la clause se trouve dans l'impossibilité de revendiquer les biens s'il en a perdu la propriété du fait de leur revente à un tiers de bonne foi qui en est devenu propriétaire en application de l'article 2279 du code civil. Mais, dans cette hypothèse, en pratique fréquente, il résulte de l'article 78 de l'AUS qu'il peut revendiquer «la créance du débiteur à l'égard du sous-acquéreur lorsque le bien est vendu». Si cette revendication du prix de revente aboutit, elle place le réservataire dans une situation très avantageuse par rapport aux autres créanciers de la procédure collective229.

Cependant, le report du droit du réservataire sur le prix de revente bien réservé, le confronte à des questions propres à ce nouvel objet. Sien vertu de la subrogation réelle, il est créancier du sous-acquéreur, il n'en demeure pas moins que celui-ci n'a de relations d'affaires qu'avec son fournisseur, l'acheteur-revendeur du bien réservé. Cette situation n'est pas sans incidence sur le droit du réservataire. La revendication de la créance du prix de revente du bien réservé peut donc s'avérer difficile pour le réservataire. La gravité de la difficulté varie selon que le sous-acquéreur

228Le propriétaire d'un bien est en effet dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a été publié (Art.101-1 AUPCAP nouveau).

229Marc Sénéchal,op. cit., p.68

78

est in bonis230(Section 1) ou qu'il se trouve en procédure collective (Section 2).

Section 1 : La difficile mise en oeuvre de la revendication du prix chez le sous-acquéreur in bonis

Par la revente du bien réservé par le débiteur, le réservataire est subrogé dans les droits ce dernier. Le sous-acquéreur ne saurait valablement évoquer à son égard les exceptions qu'il aurait soulevées contre l'acheteur-revendeur231.

L'inopposabilité des exceptions du sous-acquéreur relève de la volonté légitime du législateur de préserver la situation d'exclusivité du réservataire. Cependant, cette protection se trouve très souvent fragilisée dans la pratique, en raison des difficultés de recouvrement de la créance auxquelles le réservataire doit faire face (Paragraphe 1). D'autres contraintes se révèlent lorsque le sous-acquéreur bénéficie d'une sûreté grevant le bien initialement vendu avec une clause de réserve de propriété à l'acheteur-revendeur (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les difficultés dues aux modalités de recouvrement de la créance du prix de revente

La bonne foi du sous-acquéreur fait obstacle à la revendication du bien réservé par le créancier réservataire. En revanche, il lui est permis de revendiquer le prix de revente de ce bien232. Cette solution résultait de l'ancien AUPCAP qui prévoyait en son article 103 alinéa 4 qu'« en cas d'aliénation de ces marchandises et objets mobiliers, peut être revendiqué,

230 Idem

231 Carole SOUWEINE, op. cit., p.2621 232Idem

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contre le sous-acquéreur, le prix ou la partie du prix dû si celui-ci n'a été payé ni en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et le sous-acquéreur ». Cet article posait les conditions dans lesquelles la revendication du réservataire était impossible.

Le nouvel AUPCAP par contre, ne reprend plus les conditions sus-évoquées. L'AUS de son côté, se contente juste de dire qu'en cas de revente du bien réservé, le réservataire a droit au prix de revente qui devait revenir au débiteur. Qu'en est-il si le prix a déjà été payé ou compensé par le sous-acquéreur ? Comment interpréter ce silence du législateur OHADA ? S'agit-il d'un oubli, ou ce silence traduit que le sous-acquéreur qui a déjà valablement payé doit le faire deux fois? Opter pour la thèse de l'oubli est la meilleure des solutions pour le sous-acquéreur. Le cas échéant, ce dernier, qui ne peut déjà pas soulever les exceptions qu'il aurait normalement soulevées dans son contrat avec son débiteur, serait sévèrement désavantagé.

En tout état de cause, si le législateur OHADA reste silencieux sur la question, la jurisprudence en la matière est abondante233, et cette dernière s'aligne sur la thèse de l'ancien AUPCAP. L'on ne saurait occulter l'hypothèse des paiements effectués par le sous-acquéreur, car, il est admis que, de la même façon qu'il n'est pas interdit à l'acheteur de transformer les marchandises, ce qui prive pourtant le réservataire de la possibilité de les revendiquer, il ne lui est pas interdit d'encaisser la créance de leur prix de revente234. Ces paiements pourraient altérer la situation du réservataire et faire ainsi obstacle à son droit. Ces difficultés résultent souvent de la date

233Com. 17 mars 1998, Bull. civ. IV, no 108, JCP E 1998, p. 1398, no 13, obs. Ph. Pétel, Dalloz Affaires 1998. 803, obs. V.-A. R., D. 2000, somm. 75, obs. D. Mainguy,in,Carole SOUWEINE, op. cit., p.2621

234M. Cabrillac et B. Teyssié, obs. RTD com. 1988. 267, n° 9, ibid.

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du paiement effectué par le sous-acquéreur (A). En outre le réservataire pourrait se retrouver en conflit avec d'autres créanciers de l'acheteur-revendeur sur la même créance (B).

A- La date du paiement effectué par le sous-acquéreur

Le paiement effectué par le sous-acquéreur peut avoir des incidences plus ou moins grave, selon qu'il soit intervenu avant ou après la date du jugement d'ouverture de l'acheteur-revendeur. Cette solution ne résulte pas expressément de la loi, mais étant donné que par l'effet de la subrogation réelle, la créance est subrogée au bien réservé, elle jouit du même régime juridique que ce dernier dans les procédures collectives235. Le point de départ de la revendication ou de la demande en restitution est le jugement d'ouverture de la procédure collective.

La distinction entre paiements effectués avant et après le prononcé de la procédure collective de l'acheteur-revendeur se comprend aisément. D'une part, le jugement d'ouverture cristallise la situation des créanciers, qu'ils soient chirographaires ou titulaires de sûretés, ce qui est le cas du bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété. D'autre part, c'est à la date du jugement d'ouverture que les conditions de la revendication doivent s'apprécier, qu'elles portent sur les biens vendus ou sur la créance du prix de revente.

Si le prix a été versé à l'acquéreur avant la date d'ouverture de la procédure collective, la revendication n'est pas possible236. L'action du créancier réservataire ne pourra pas aboutir parce qu'elle n'aura pas

235 Laurent SAENKO, op. cit., p.25

236 Carole SOUWEINE, op. cit.,p.2622

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d'objet. Le paiement effectué par le sous-acquéreur aura donc pour conséquence de faire perdre au créancier sa garantie. A l'ouverture de la procédure collective du débiteur, il ne sera admis qu'en tant que créancier chirographaire.

Si donc le paiement n'a pas eu lieu avant l'ouverture, un paiement a posteriori ne saurait remettre en question le droit à revendication du réservataire237qui, en dehors de toute concurrence des autres créanciers, doit pouvoir effectuer un prélèvement dans l'actif de l'acheteur-revendeur. Cela signifie que les sommes payées par le sous-acquéreur après l'ouverture de la procédure doivent être versées par le débiteur au mandataire judiciaire238. Le syndic remet alors le prix versé au créancier revendiquant à concurrence de sa créance. Cette solution peut se comprendre dans la mesure où c'est le syndic qui est chargé du bon déroulement de la procédure collective du débiteur239. A ce titre, il assiste ou représente ce dernier et peut prendre des décisions idoines pour le bon déroulement de la procédure240.Ainsi, le paiement effectué par le sous-acquéreur, ne constitue pas un grand danger pour le réservataire qui peut obtenir cette créance des mains du syndic.

Outre les cas susmentionnés, il peut arriver que le bien n'ait pas été vendu au sous-acquéreur dans son état initial. C'est l'hypothèse où le bien réservé a été transformé avant sa revente. Dans ce cas, le vendeur initial est-il fondé à revendiquer la créance du prix de revente du bien réservé ?

237 C'est au vendeur exerçant l'action en revendication de la créance du prix de revente qu'il appartient de prouver que le paiement a été effectué après l'ouverture de la procédure collective. Com. 2 nov. 1993, Bull. civ. IV, n° 375

238Com. 20 sept. 2005, Bull. civ. IV, no 177, D. 2005, AJ 2445, obs. A. Lienhard

239 Art.43 AUPCA nouveau

240 Art.137 ibid.

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De notre avis, la revendication du prix de revente connaîtra le même dénouement que celle du bien transformé.

Par ailleurs, le créancier réservataire peut ne pas être le seul créancier du débiteur à revendiquer la créance de prix.

B- Le concours des tiers

Pendant la revendication du prix de revente contre le sous-acquéreur, le réservataire n'est pas à l'abri de situations où des tiers revendiquent la même créance du prix de revente du bien réservé. Le créancier titulaire d'une réserve de propriété peut entrer en conflit avec un autre créancier du débiteur auquel ce dernier a cédé sa créance de prix sur le sous-acquéreur. Deux hypothèses sont à distinguer :

La première est celle où, au jour de la revendication, le cessionnaire de la créance n'a pas été payé par le sous-acquéreur, mais le débiteur l'a été par le cessionnaire. Dans ce cas, la revendication est possible. En effet, la revendication s'exerce sur le prix qui se trouve subrogé aux biens réservés, de sorte que le droit acquis par le cessionnaire sur la créance ne peut faire échec à la revendication241.

La seconde est celle où, au jour de la revendication, le prix de revente des biens réservés a été payé par le sous-acquéreur entre les mains du cessionnaire : dans ce cas, il n'y a pas de revendication possible. Le réservataire ne peut donc plus obtenir paiement du sous-acquéreur242, peu importe que le paiement ait eu lieu avant ou après le jugement d'ouverture. Il faut toutefois réserver le cas où le paiement a eu lieu après le jugement

241 Com. 20 juin 1989, D. 1989. 431, note F. Pérochon, JCP E 1990. 15668, n° 15, obs. M. Cabrillac, Banque 1989.760, note J.-L. Rives-Lange.

242Com. 10 juill.2001, Bull. civ. IV, no131, 11 déc. 1990, Bull. civ. IV, no 322, JCP E 1991. I. 102, no 10, obs. M. Cabrillac, Rev. proc. coll. 1991, no 2, p. 229, obs. B. Soinne.

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d'ouverture de la procédure, le propriétaire pouvant revendiquer le prix auprès du cessionnaire de la créance. Il lui faut néanmoins prouver que le paiement a bien eu lieu après le jugement ouvrant la procédure collective243.

Le conflit avec les tiers risque de faire perdre au créancier réservataire son droit à la créance du prix de revente du bien réservé. Il doit donc user de prudence pour espérer obtenir paiement. D'autres, conflits peuvent intervenir lorsque le bien réservé a fait l'objet de sûreté en faveur du sous-acquéreur.

Paragraphe 2 : De la constitution de sûretés sur le bien réservé

Les relations entre le débiteur et le sous-acquéreur impliquant le bien objet de clause de réserve de propriété, ont très souvent des incidences graves sur le droit du réservataire. L'acheteur-revendeur dans ses relations d'affaires avec le sous-acquéreur peut lui consentir des sûretés ou garanties. L'objet de ces sûretés et garanties peut être le bien initialement vendu avec une clause de réserve de propriété. Dans ces conditions, il pourrait donc y avoir conflit entre le créancier réservataire qui revendique le prix et le sous-acquéreur qui entend faire jouer sa garantie. Ce conflit a pour conséquence de porter atteinte au droit du propriétaire, surtout lorsque le sous-acquéreur bénéficie d'un droit de rétention.

C'est l'hypothèse où le débiteur qui est le l'acheteur-revendeur, dans ses relations d'affaires avec un tiers qui est le sous-acquéreur, donne le bien initialement vendu avec une clause de réserve de propriété à ce dernier pour garantir son paiement. Le droit du réservataire pourra-t-il être

243 Com. 24 avr. 2007, no 06-10.599, Lexbase hebdo no 261, 23 mai 2007, N1642BBG, note E. Le Corre-Broly.

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opposable au rétenteur ? Les textes en la matière donnent une réponse négative.

En effet, l'AUS dispose en son article 67 alinéa1 que « le créancier qui détient légitimement un bien mobilier de son débiteur peut le retenir jusqu'au complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté...».

Selon le professeur Pierre CROCQ, le droit de rétention est une prérogative accordée par la loi à certains créanciers de conserver un objet mobilier qui leur a été remis en vue de l' exécution d'une prestation, et ce, jusqu'à ce qu'ils soient payés des sommes qui peuvent leur être dues en vertu du contrat à l'occasion de l'exécution duquel il est exercé244. Ce contrat peut être attaché à un gage avec dépossession245.

Lorsque le sous-acquéreur détient donc légitimement le bien, il bénéficie d'un privilège opposable aux créanciers qui ne peuvent faire valoir leurs droits sur la chose tant qu'elle reste entre les mains de la personne qui exerce son droit de rétention. Avec son droit, le rétenteur peut faire obstacle à toute autre sûreté246. Cette disposition s'applique aussi au droit de propriété du créancier réservataire. Le sous-acquéreur qui est ici le créancier rétenteur peut valablement opposer son droit de rétention au véritable propriétaire247 qui est le créancier réservataire. Cette

244 Pierre CROCQ,« Les sûretés fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de reforme de l'acte uniforme sur les sûretés », Dossier, bientôt un nouveau droit des sûretés dans l'OHADA, in Droit et Patrimoine n°197, novembre 2010, p.79

245 Ibid., p.80

246 « Sous réserve de l'application de l'article 107 alinéa 2, du présent Acte uniforme » V. art 67 al.1

247 ADJITA AKRAWATI Shamsidine,« Le droit de rétention comme sûreté en droit uniforme OHADA », Penant, n°844, juillet-septembre 2003, p.313

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prérogative reconnue au droit de rétention ouvre la brèche sur l'inefficacité de la réserve de propriété en face d'une autre propriété d'exclusion248.

Confronté au créancier rétenteur, le réservataire perd son droit de revendication du prix et par conséquence sa garantie à l'égard du sous-acquéreur. Le réservataire devra se retourner contre son débiteur pour obtenir paiement, ce qui pourrait être difficile si ce dernier est en procédure collective. Dans ces conditions, il sera considéré comme un créancier chirographaire.

La revendication du prix de revente à l'encontre du sous-acquéreur in bonis présente des contraintes pour le créancier réservataire. Son sort pourrait s'aggraver avec la procédure collective du sous-acquéreur.

Section 2 : L'incidence de la procédure collective du sous-acquéreur

La procédure collective du sous-acquéreur, est une étape très difficile pour le créancier réservataire. Si, pour la Cour de cassation, la revendication de la créance du prix de revente donne lieu à une dualité d'actions249, la nécessité de distinguer celle dirigée contre l'acheteur-revendeur de celle exercée à l'encontre du sous-acquéreur apparaît en particulier lorsque ce dernier est, lui aussi, soumis à une procédure collective. C'est en effet le régime de la revendication qui s'applique dans la procédure de l'acheteur-revendeur alors que, dans celle du sous-acquéreur, l'action, de nature personnelle, est assujettie aux contraintes applicables aux actions en paiement de somme d'argent. Le sort du

248 Pierre CROCQ, op. cit.

249 Carole SOUWEINE, op. cit., p.2623

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créancier sera différent selon que le sous-acquéreur est en redressement judicaire (Paragraphe 1) ou en liquidation des biens (Paragraphe2).

Paragraphe 1 : Le redressement judiciaire du sous-acquéreur

Dans la procédure de redressement judiciaire du sous-acquéreur, le créancier réservataire ne bénéficie pas de garantie. Cette solution résulte du fait qu'il n'est pas en relation directe avec le sous-acquéreur. La procédure collective du sous-acquéreur fait perdre au réservataire son droit de revendication. Il devient créancier titulaire d'une simple créance.

Soumis à la procédure collective du sous-acquéreur, le réservataire, qui avait un avantage considérable par rapport aux autres créanciers dans la procédure collective de son débiteur, ne bénéficie plus de cette prérogative. La créance du prix de revente étant antérieure au jugement d'ouverture, le réservataire est soumis tant à l'interdiction des paiements, qu'à l'arrêt des poursuites individuelles. Autant, le sous-acquéreur n'est pas autorisé à lui verser une quelconque somme d'argent, autant il lui est interdit de poursuivre personnellement ce dernier.

En outre, la créance doit être déclarée dans la procédure collective du sous-acquéreur. Cela lui permet de se faire connaître des organes de la procédure collective. Etant donné que le réservataire n'est pas personnellement en relation d'affaires avec le sous-acquéreur, il ne fait pas partie des créanciers connus que les organes de la procédure doivent informer de l'obligation de produire leurs créances. Parfois, il n'apprendra donc que tardivement et de façon simultanée l'existence de sa créance et de la procédure collective du sous-acquéreur250. Dans ce cas, il risque d'être

250 Idem

87

hors du délai251 de déclaration prévu par l'AUPCAP pour la déclaration des créances. Il sera par conséquent forclos. Cette situation serait d'autant plus contraignante dans la mesure où il risque de ne pas recouvrer sa créance. Cependant, il peut bénéficier d'un relevé de forclusion252 s'il démontre que sa défaillance n'est pas de son fait, mais du f ait du juge-commissaire. Il pourra sans doute obtenir ce relevé de forclusion s'il remplit les conditions posées par les textes en la matière253.

Par ailleurs, il a été jugé que les conséquences du défaut de déclaration par l'acheteur-revendeur ne peuvent être opposées au réservataire revendiquant le prix de revente254. A l'inverse, il ne devrait pas pouvoir bénéficier de la déclaration irrégulière effectuée par celui-ci. La décision du juge montre à quel point le réservataire est livré à lui-même dans la procédure collective du sous-acquéreur. La situation est doublement complexe pour le réservataire qui se trouve confronté à deux procédures collectives, celle de son débiteur et celle du sous-acquéreur. Cela est de nature à amenuiser les chances de recouvrement de sa créance.

Si le réservataire a pu passer outre ces contraintes et a réussi à produire sa créance dans la procédure de redressement judicaire du sous-acquéreur, il sera admis à la masse des créanciers de ce dernier. Etant donné qu'il a été admis in extremis à la procédure, il peut arriver que le concordat de redressement ait déjà été voté. Il sera certainement soumis aux mêmes délais consentis par les autres créanciers comme exigé par l'AUPCAP pour les créanciers qui n'ont pas fait connaitre leur délai pendant l'élaboration du concordat.

251 Art.78 al.1

252 Art.83 AUPCAP nouveau

253 Idem

254Com. 21 févr. 2006, Bull. civ. IV, n° 43 ; D. 2006 .718, obs. A. Lienhard.

88

Paragraphe 2 : La procédure de liquidation des biens du sous-acquéreur

La procédure de liquidation des biens du sous-acquéreur est une situation assez grave pour tous ceux qui sont concernés. En particulier le réservataire qui s'est retrouvé dans une procédure qui en principe ne devait pas le concerner directement. Etant devenu un simple créancier sans garantie dans la procédure collective du sous-acquéreur, il ne bénéficie pas d'une place enviable dans l'ordre de paiement des créanciers de ce dernier ce qui diminue les chances de recouvrement de sa créance (A). Le réservataire peut obtenir paiement si les deniers sont suffisants pour apurer le passif du sous-acquéreur. Il perdrait toutes les chances de recouvrement de sa créance si la procédure de liquidation des biens est clôturée pour insuffisance d'actif (B).

A- L'amenuisement des chances de recouvrement de créances du créancier réservataire

Soumis à la procédure de liquidation des biens du sous-acquéreur, le créancier réservataire perd sa garantie et devient par là un créancier chirographaire. En tant que tel il subit le sort qui est réservé aux créanciers chirographaires dans les procédures collectives : incertitude de recouvrement de leurs créances.

En effet, le réservataire comme les autres créanciers de sa catégorie sont les derniers à être payés, selon l'ordre de paiement255 établi par le législateur OHADA. Ils n'obtiennent paiement que si les créanciers munis de sûreté et de privilège ont obtenu paiement. Dans la plupart des cas, il ne reste plus assez de denier pour les créanciers chirographaires qui sont

255 Art.167 AUPCAP nouveau

89

payés au marc le franc. Le créancier réservataire n'obtiendra donc pas la totalité de la créance.

Cependant, son sort empire lorsque la procédure de liquidation des biens du sous-acquéreur est clôturée pour insuffisance d'actif.

B- L'aggravation du sort du créancier réservataire confronté au cas d'insuffisance d'actif du sous-acquéreur

La clôture pour insuffisance d'actif est l'une des pires choses qui puisse arriver à un créancier dont le débiteur est en procédure de liquidation des biens. Cela signifierait inéluctablement que l'entreprise débitrice disparaîtra et qu'il n'obtiendra pas de paiement, en tout cas, pas de si tôt256. Pour le créancier réservataire, il n'obtiendra pas de paiement de sa créance de la part du syndic.

De plus, s'il espérait par la clôture de la procédure recouvrer ses droits personnels à l'égard du débiteur, il ne le pourra pas. Le nouvel AUPCAP ne fait pas un lien direct entre clôture pour insuffisance d'actif et recouvrement des actions individuelles des créanciers qui n'ont pas obtenu paiement.

En effet, la loi antérieure relative aux procédures collectives disposait en son article 174 que « la décision de clôture pour insuffisance fait recouvrer à chaque créancier l'exercice individuel de ses actions ». Ainsi les créanciers n'ayant pas obtenu gain de cause, pouvaient tenter d'obtenir paiement en mettant en jeu leurs droits personnels. Cependant, plusieurs auteurs se sont interrogés sur la portée de cette disposition, parce que comme le nom l'indique, la clôture pour insuffisance d'actif signifie

256 Jl faudra pour cela que le débiteur revienne à meilleur fortune.

90

que le débiteur n'a plus de deniers pour désintéresser les créanciers restant. Il se trouve dans un état d'insolvabilité presqu'irrémédiable.

De plus, par la procédure de liquidation des biens l'entreprise débitrice a été dissoute. Il serait donc difficile d'exercer son droit personnel et de surcroît obtenir gain de cause. Quoi qu'il en soit, la volonté du législateur était de protéger le créancier en lui permettant de recouvrer ses droits personnels. Certainement, le législateur voulait lui laisser une chance, aussi infime soit-elle, de pouvoir recouvrer sa créance si d'aventure, le débiteur revenait à meilleure fortune.

Le nouveau droit des procédures collectives se veut plus rigoureux à l'égard des créanciers en cas de clôture pour insuffisance d'actif. Désormais, tous les créanciers ne sont pas admis à recouvrer leurs droits personnels à l'égard du débiteur. Seulement, certains créanciers, remplissant les conditions prévues par l'article 174 de l'AUPCAP le pourront. Le législateur opte donc pour l'effacement des dettes de certains créanciers257. Si par malchance le réservataire se retrouve parmi ces créanciers, il n'aura plus aucune chance de recouvrer sa créance par l'exercice de ses droits individuels à l'égard du sous-acquéreur et perdra donc sa créance.

Confronté à la malchance des procédures collectives en chaîne de son client et du sous-acquéreur, le créancier réservataire aura du mal à obtenir sa créance, du moins à bref délai. En effet, si la subrogation réelle maintient son droit exclusif face à la procédure collective de l'acheteur-revendeur, dans celle du sous-acquéreur, il perd sa sûreté et ne peut faire valoir qu'un simple droit de créance.

257 Les dettes de ceux qui ne remplissent pas les conditions de l'art. 174 AUPCAP nouveau

91

Conclusion de la deuxième partie

Le droit de revendication reconnu au réservataire protège le créancier de la loi de concours. Elle lui permet d'obtenir restitution de son bien ou le paiement de sa créance. Cependant, dans la mise en oeuvre de ce droit, le réservataire peut rencontrer des contraintes qui sont de nature à fragiliser sa garantie et même la lui faire perdre.

La première difficulté que le créancier réservataire peut rencontrer dans l'exercice de son droit concerne le bien réservé lui-même. En effet, le bien réservé peut subir des modifications ou transformations qui pourraient faire obstacle au droit de revendication du réservataire. Même si avec l'avènement du nouvel AUPCAP, les choses semblent s'améliorer pour lui, car il lui est désormais permis de revendiquer un bien incorporé et la question de la revendication des biens fongibles a été résolue. Il n'en demeure pas moins que des contraintes existent. La question des biens transformés reste en suspend et n'a pas été totalement résolue malgré les solutions de la jurisprudence258.

La seconde difficulté intervient lorsque le bien a été aliéné par le débiteur. La loi a certes admis que, par l'effet de la subrogation réelle, le créancier réservataire pouvait revendiquer la créance du prix de revente due par le sous-acquéreur au débiteur (l'acheteur-revendeur), cependant cette revendication se révèle très souvent difficile. Le créancier risque de ne pas obtenir paiement du sous-acquéreur si ce dernier a déjà payé la créance de prix au débiteur. Des tiers peuvent aussi réclamer la même

258REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO,« La notion d'existence en nature en matière de revendication de biens meubles », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 45, 6 Novembre 2014, 1562

92

créance voulue par le créancier réservataire rendant ainsi difficile le recouvrement de la créance de prix. La situation du créancier devient grave lorsque le sous-acquéreur se retrouve lui aussi en procédure collective. Il ne sera que titulaire d'une simple créance et devra se soumettre à la discipline collective en tant que créancier chirographaire. Cette situation se révèle très difficile pour le créancier réservataire qui pourrait perdre sa créance à l'issue de la procédure collective du sous-acquéreur.

Les difficultés que rencontre le créancier dans l'exercice de son droit de revendication sont de nature à rendre moins efficace sa garantie. C'est pourquoi, certains auteurs ont comparé la réserve de propriété à un « ticket de loterie gratuit »259. Le réservataire est gagnant lorsqu'il arrive à obtenir son bien chez le débiteur ou paiement.

259 SOUPGUI Eloie, « la protection du créancier réservataire contre les difficultés de l'entreprise dans l'espace juridique OHADA », penant n° 870, janvier-mars 2010, p.78

93

CONCLUSION GENERALE

Cette étude s'est proposée de faire une analyse sur l'efficacité de la clause de réserve de propriété dans les procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens. A la lumière des textes en vigueur, il convient de relever que le droit de revendication dont bénéficie le créancier réservataire lui permet d'être protégé et d'obtenir la restitution de son bien à l'issu d'une action en revendication ou d'une action en restitution.

Cette protection qui lui est accordé par le législateur OHADA, peut se justifier dans le sens où le créancier réservataire est demeuré propriétaire de son bien. C'est donc à juste titre qu'il peut revendiquer le bien réservé chez le débiteur en difficulté.

Cependant, la revendication du bien peut s'avérer difficile en raison, soit des changements ou modifications dont le bien réservé peut être sujet, soit de l'aliénation du bien par le débiteur. Ces situations ont très souvent pour conséquence de fragiliser et de mettre à mal la mise en oeuvre du droit du créancier réservataire allant jusqu'à lui faire perdre sa garantie dans les procédures collectives de son débiteur.

Certes, des difficultés de mise en oeuvre du droit de revendication subsistent, mais l'on ne peut nier la volonté du législateur de protéger le créancier bénéficiant d'une clause de réserve de propriété. Cette volonté du législateur OHADA se concrétise d'abord dans l'ancien Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives d'Apurement du Passif260 qui reconnaissait officiellement au créancier réservataire le droit de

260 Cet Acte Uniforme a été adopté le 10 Avril 1998

94

revendiquer son bien en cas de procédure collective de son débiteur. Ces textes apportaient une innovation qui était l'opposabilité de la clause de réserve de propriété à la procédure collective.

Ensuite, le législateur OHADA, à travers le nouvel Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives d'Apurement du Passif261, consolide et renforce les droits du créancier réservataire.

Toutefois, si ces nouveaux textes renforcent la protection du réservataire, certains changements qu'ils apportent pourraient poser problème dans la pratique surtout en ce qui concerne l'assiette de revendication.

En effet, article 103 alinéa 2 de l'ancien AUPCAP disposait que « Peuvent être également revendiqués les marchandises et les objets mobiliers, s'ils se retrouvent en nature, vendus avec une clause subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix, lorsque cette clause a été convenue entre les parties dans un écrit et a été régulièrement publiée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ». En vertu de cette disposition, le réservataire devait absolument retrouver son bien « en nature » dans le patrimoine du débiteur afin de pouvoir le revendiquer. Cette condition restreignait le champ d'application du droit de revendication du réservataire. Cela a certainement conduis le législateur communautaire à y remédier.

L'un des changements apportés par le nouvel AUPCAP est donc la suppression du terme « en nature » dans dispositions concernant la revendication des biens réservés. Cette suppression est certes bénéfique

261 Cet Acte Uniforme a été adopté le 10 Septembre 2015 à Grand Bassam (COTE D'IVOIRE) et a été publié dans le journal Officiel numéro spécial du 25 Septembre 2015

95

pour le créancier réservataire car elle élargie le champ d'application de son droit de revendication. Mais, il n'en demeure pas moins qu'elle puisse être source de polémique surtout en matière de revendication des biens transformés. Le créancier réservataire peut-il revendiquer valablement un bien réservé qui a été matériellement et profondément transformé?

BIBLIOGRAPHIE

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III-ARTICLES

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§ DAMMANN Reinhard, GALLO Benjamin,« La notion d'existence en

nature en matière de revendication de biens meubles », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 45, 6 Novembre 2014, p.1562

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§ SOUPGUI Eloie, « la protection du créancier réservataire contre les difficultés de l'entreprise dans l'espace juridique OHADA », penant n° 870, janvier-mars 2010, p.66

§ SOUWEINE Carole, « la revendication du prix de revente par le bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété : à la recherche d'une cohérence du droit des entreprises en difficulté », Dalloz du 3 nov.2011

IV-ARTICLES NUMERIQUES

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BROU Kouakou Mathurin, « le nouvel acte uniforme portant organisation des suretés et l'accès au crédit dans l'espace OHADA », Ohadata D-13-23.

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§ KANTE Alassane, « Réflexion sur le principe de l'égalité entre les créanciers dans le droit des procédures collectives d'apurement du passif (OHADA) », Ohadata D-06-47.

§ MEUKE Bérenger Yves, « quelques précision sur la notion de cessation des paiements dans l'OHADA », Ohadata D-08-13.

§ SOUOP Sylvain, « la réalisation des garanties : mission impossible ? », Ohadata D-08-11.

§ TSAGUE Donkeng Hubert, « Le traitement de l'insuffisance d'actif dans les procédures collectives OHADA », mémoire soutenu publiquement en vu de l'obtention du Diplôme d'Etude Approfondie (D.E.A), Ohadata D-09-01.

V-MEMOIRES ET THESES

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§ GROSSEMY Juliette, « le recouvrement de la créance face à la faillite du débiteur », mémoire soutenu en vue de l'obtention du Diplôme d'Etude Approfondie (DEA) en droit privé, université de Lille II, 2002.

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§

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§ SOUPGUI Eloie, « Les sûretés conventionnelles à l'épreuve des procédures collectives dans l'espace OHADA », thèse en vue de l'obtention du doctorat, 2008.

§ TSAGUE Donkeng Hubert, « le traitement de l'insuffisance d'actif en droit des procédures collectives OHADA », mémoire soutenu en vue de l'obtention du Diplôme d'Etude Approfondie (DEA) en droit privé, Université de Yaoundé II, 2006, Ohadata D-09-01.

VI-TEXTES

§ Actes Uniformes relatif aux Procédures Collectives Apurement du Passif adopté le 10 avril 1998

§ Actes Uniformes relatif aux Procédures Collectives Apurement du Passif adopté 15 septembre 2015

§ Actes Uniformes relatif aux Sûretés adopté le 15 décembre 2010

§ Code civil de 1804

VII- NOTES DE JURISPRUDENCE

§ CABRILLAC Michel et PETEL Philippe :

-Obs. Com. 13 mars 2007, no 05-17.571, Dalloz du 15 Mai 2014, p1083, n°18

-Obs. Cass.com, du 5 juillet 2005, n°04-11.132, Dalloz du 23 Janvier 2014 n°3

CROCQ Pierre :

-Obs. Cass. com., 1er déc. 2009, n° 08-13.187 : Bull. civ. 2009, IV, n° 156 ;

-Obs. Cass. com., 11 juin 2014, n° 13-14.844, Droit et Patrimoine n°197, novembre 2010

§

102

LE CORRE-Broly:

- Obs. Com. 4 janv.2000, Dalloz 2000. 533,

-Obs.Cass. Com. 01 jan. 2004, n°01-01.893

-Obs. Cass. Com. 22 oct.1996, n°94-17.768, Dalloz 2000, p.69

§ LIENHARD Alain

-Obs. Com. 12 mars 2013, no 11-24.729, D. 2013. Actu. 768,

-Obs. Cass. com., 15 mars 2005 n°03-20.332, D.2005 p.641,

-Obs. Cass. Com. 17 mai 1988, bull. civ. IV ,n°166

-Obs. Com. 10 mai 2012, no 11-17.626 D., du 15 Mai 2014, p1083, n°18

-Obs. Com. 6 mars 2001, Bull. civ. IV, no 50, D. 2001, AJ 1099

-Obs. Com. 7 févr. 2006, Bull. civ. IV, no 31, D. 2006, AJ 576

§ MAINGUY Daniel :

-Cass. Com., 11 juillet 1995, n°93-11.393, Dalloz 2000, p.69

-Cass. Com., 03 mai 2006, n°05-11.943, Dalloz du 23 Janvier 2014 n°3 -Com. 31 Janvier 2012, n°10-28.407, Dalloz 16 février 2012 n°7/75000e

§ MARTIN-SERF Arlette:

-obs. Com. 15 févr. 2000, Act. proc. coll. 2000-7, no 75, RTD com. 2001. 517

§ PEROCHON François:

-Obs. sous Cass. Com., 13 oct.1998, n°96-10.861,cah. D. aff. 2000, som., p.65

-Obs. com.3 janv. 1995, Bull. civ. IV, no 3, D. 1996, somm. 221

-note sous Com. 27 mai 2007, no 06-11.861, Gaz. Pal. 2007, no 202, p. 53

§ REGNAUT-MOUTIER Corinne :

-Obs. Com. 4 févr. 2003, Act. proc. coll. 2003-10, no 128 -Note Com. 20 sept.2005, JCP 2005.IV. 3240

§

103

SENECHAL Juliette :

-Com. Cass. com., 10 mars 2015, pourvoi n° 13-23.424, RTDI N° 2 - 2015

-Obs. Cass. com., 11 juill. 2006, n° 05-13.103, RTDI N° 2 - 2015

§ SAWADOGO FILIGA Michel :

-Com. De l'affaire n°847 du 8 avril 2005, PROFCOPE c/ Alliou Faye et Abdoulaye Dramé

§ SIONNE Bernard

-Obs. Cass. com. 29 janvier 1991, Rev. Poc. coll. 1991 n°2p. 255

-CA Paris, 20 sept.1996, JCP E 1996, panor. 1147, Rev. proc. coll. 1998. 188

§ CCJA, arrêt n°018/2008,24 avril 2008, Docteur Amon Anaud c/Distribution Pharmaceutique de Côte d'Ivoire dite DPCI-SA

VIII-SITES INTERNET VISITES

§ Le site internet de Légifrance, https://www.legifrance.gouv.fr

§ Le site internet de OHADA, http://www.ohada.com

§ Le site internet de Juriscope, http://www.juriscope.org

§ Le site internet de Ohada legis, http://www.ohadalegis.com

§ Le site internet de Unidroit, http://www.unidroit.org

§ Le site internet de Dalloz, http://www.dalloz-etudiant.fr

§ Le site internet du tribunal de commerce d'Abidjan, http://www.tribunalcommerceabidjan.org

104

TABLE DE MATIERES

Introduction 1

Première partie : Une protection particulière reconnue et organisée par le

législateur ohada 14

Chapitre I : La reconnaissance du droit de revendication du créancier

réservataire 15

Section 1 : les conditions d'acquisition du droit de revendication par le

créancier 16

Paragraphe 1 : L'existence d'une clause de réserve de propriété 16

A- Le consentement des parties 17

B- L'exigence d'un écrit ad probationem 19

Paragraphe 2 : L'obligation de publicité 23

A- La procédure de publicité au Registre du Commerce du Crédit

Mobilier 23

B- Les effets de cette publicité 25

Section 2 : L'assiette du droit de revendication du créancier 26

Paragraphe 1 : Le bien objet de la clause de réserve de propriété .... 27

A- La nature du bien 27

B- L'existence du bien au jour du jugement d'ouverture 29

Paragraphe 2 : La créance du prix de revente du bien et l'indemnité

d'assurance 31

A- La créance du prix de revente du bien réservé 32

105

B- L'indemnité d'assurance 34

Chapitre II : La mise en oeuvre du droit de revendication 35

Section 1 : Les conditions préalables à l'action en revendication 35

Paragraphe 1 : La production de la créance 36

A- La procédure de production de la créance 37

B- La forclusion du créancier réservataire 38

Paragraphe 2 : l'observation des délais de production 41

A- Les délais de production de la créance 42

B- Les délais de revendication du bien réservé 44

Section 2: L'exercice de l'action en revendication 46

Paragraphe 1 : La demande en revendication 47

A- La demande amiable 48

1- La saisine du syndic 48

2- De l'acquiescement du syndic 49

B- La demande contentieuse 50

1-La saisine du juge-commissaire 51

2-L'issue de la saisine 51

Paragraphe 2: La dispense de la demande en revendication 54

A- Les conditions 54

B- Les effets 55

Conclusion de la première partie 56

Deuxième partie : Une protection fragilisée dans sa mise en oeuvre 57

106

Chapitre I : Les obstacles à la revendication du bien réservé dans le patrimoine

du débiteur 59

Section 1 : De l'existence du bien dans le patrimoine du débiteur 59

Paragraphe 1 : De l'évolution la notion d'« existence du bien réservé

dans le patrimoine du débiteur » 60

A- La notion d'existence du bien en « nature » dans l'ancien droit

des procédures collectives 60

B- La notion d'existence du bien réservé dans les nouveaux

textes relatifs aux procédures collectives 62

Paragraphe 2 : Les contraintes de l'évolution de la notion d'existence du

bien réservé dans les nouveaux textes relatifs aux procédures collectives 65

A- Les biens incorporés 65

B- Les biens transformés 67

Section 2: De l'identification du bien réservé dans le patrimoine du débiteur 70

Paragraphe 1: De l'individualisation des biens réservés 70

A- La nécessité d'un inventaire 71

B- L'absence de l'inventaire 73

Paragraphe 2 : La problématique des biens fongibles 74

A- La situation antérieure des biens fongibles 74

B- La situation actuelle des biens fongibles 75

Chapitre II : L'incidence de la revente du bien réserve sur le droit de

revendication du créancier réservataire 77

Section 1 : La difficile mise en oeuvre de la revendication du prix chez le sous-

acquéreur in bonis 78

Paragraphe 1 : Les difficultés dues aux modalités de recouvrement de la

créance du prix de revente 78

A- La date du paiement effectué par le sous-acquéreur 80

107

B- Le concours des tiers 82

Paragraphe 2 : De la constitution de sûretés sur le bien réservé 83

Section 2 : L'incidence de la procédure collective du sous-acquéreur 85

Paragraphe 1 : Le redressement judiciaire du sous-acquéreur 86

Paragraphe 2 : La procédure de liquidation des biens du sous-

acquéreur 88

A- L'amenuisement des chances de recouvrement de créances

du créancier réservataire 88

B- L'aggravation du sort du créancier réservataire confronté au cas

d'insuffisance d'actif du sous-acquéreur 89

Conclusion de la deuxième partie 91

Conclusion générale 93

Bibliographie 96

Table de matières 104






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote