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La gestation pour autrui : etude comparative entre la france et les etats-unis

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par Geoffrey WATRIN
Université de Strasbourg - Master 2 - Droit comparé 2015
  

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b. Les fondements nationaux

Les deux pays ont chacun leur propre appréciation concernant la dignité humaine.

Du côtéde la France, cette notion est fondamentale, en ce sens qu'elle est la source de nombreux autres droits de même nature138(*) visant à la protection de l'être humain. Pourtant, elle ne fut édictée que tardivement au sein de l'arsenal législatif français. En effet, si les premières traces de la dignité humaine apparaissent lors de l'adhésion de la France à la Charte des Nations-Unies et à la DUDH, il faudra néanmoins attendre 1994 pour qu'elle soit réellement consacrée par le législateur139(*), au travers des lois dites bioéthiques140(*).

C'est également à cette occasion qu'est intervenu un événement majeur en droit français, à savoir la consécration de la dignité des êtres humains au rang de droit fondamental. En effet, le Conseil constitutionnel, par une décision du 27 juillet 1994, a reconnu que cette notion devait bénéficier de la protection de la Constitution. Pour ce faire, les conseillers ont décidé de rapprocher le principe de dignité au premier aliéna du Préambule de la Constitution de 1946141(*), en ce qu'il renvoie entre autre aux expériences inhumaines perpétrées par les nazis pendant la guerre142(*).

Si cette décision constitue un grand pas dans l'avancée de la protection accordée à la dignité humaine, la France ne s'arrête pour autant pas là. En effet, parmi les lois bioéthiques, il en est une qui est consacrée à la protection du corps humain143(*). Cette dernière aura pour effet notamment de créer un nouveau chapitre dans le Code civil, dans lequel vont figurer notamment deux articles importants à ce sujet, à savoir les 16 et 16-9 du code civil.

Le premier vient protéger la personne humaine, en réaffirmant l'interdiction des atteintes faites à sa dignité. Le deuxième fait quant à lui de ce principe une disposition d'ordre public, qui lui offre de facto une protection supérieure, la dérogation étant rendue impossible.

A cela, il faut ajouter la protection incluse à l'article 16-1-1 du Code civil, qui étend le champ d'application de la dignité au corps d'une personne décédée, cette disposition étant également d'ordre public.

Dans le cas des Etats-Unis, les premières référencesà la dignité humaine interviennent plus tôt qu'en France, et avant même la signature des deux textes internationaux précités. En effet, dès 1942, différents juges de la Cour suprême invoquent ce principe dans leurs opinions publiées à l'occasion de quelques décisions. Dans cette optique, le juge Frankfurter fut le précurseur de l'établissement de ce droit, lorsqu'il expliquera dans son dissentsurGlasser v. UnitedStates144(*), que l'ensemble des garanties incluses dans le Bill of Rights étaient « des clauses de sauvegarde de la liberté et de la dignité ».

La même année, le juge Jackson fera également référence à ce principe dans le dissent qu'il publie à l'occasion de Skinner v. Oklahoma. Ici, il rappelle que les pouvoirs de l'Etat sont limités, de façon telle qu'il ne peut exercer d'expériences biologiques au détriment de la « dignité d'une minorité ».

Il faudra toutefois attendre 1952 et Rochin v. California pour que la Cour suprême fasse mention de la dignité humaine dans une de ses décisions. Dans cette affaire ayant trait à une saisie déraisonnable, les Justices estiment que tous les moyens ne sont pas bons pour recueillir des preuves lors d'une enquête, en ce qu'elles ne doivent pas être « brutales ni choquantes à l'encontre de la dignité humaine ». Pour fonder cet arrêt, la Cour se basera sur les Quatrième, Cinquième et Quatorzième Amendements, relatifs notamment aux perquisitions et saisies déraisonnables, ainsi qu'au due process of law145(*).

La Cour suprême rapprochera également cette notion du Huitième Amendement dans Trop v. Dulles146(*). A cette occasion, le Chief Justice Warren, assistés par les juges Black, Douglas et Whittaker, déclarera que le fondement même de cette disposition « n'est rien de moins que la dignité humaine ».

Par la suite, plusieurs autres arrêts de la Cour suprême confirmeront cette tendance, et ce jusqu'à ce jour147(*), faisant de cette notion un droit protégé par la Constitution américaine.

Ceci permet à première vue de penser que les Etats-Unis considèrent la dignité humaine comme un principe central, à l'instar de la France. La réalité reste néanmoins plus mitigée, et ceci pour principalement deux raisons.

La première concerne la matière même des arrêts. En effet, la majorité de la jurisprudence de la Cour suprême faisant référence à la dignité humaine de manière autonome, porte sur des affaires pénales148(*). Ceci ne correspond donc pas à une application généralisée du principe.

La deuxième cause concerne quant à elle l'utilisation réduite de cette notion, et par là-même sa portée. Ainsi, en dehors de la matière criminelle, la Cour suprême n'invoque pas la dignité humaine en tant que principe fondamental, mais comme une notion complémentaire149(*). En d'autres termes, elle n'existerait qu'en étant apposée aux côtés d'un autre droit.

La Cour suprêmetend en effet à confirmer cette orientation de plusieurs manières. La première réside dans les fondements mêmes qu'elle donne à la dignité humaine, à savoir les Cinquième et Quatorzième Amendements, qui sont également ceux du right of privacy150(*).On peut trouver une illustration de cela dans PlannedParenthood v. Casey151(*), où le juge Brennanjuxtapose le droit à l'autonomie de la personne découlant du right of privacy et la dignité humaine.

Cette tendance de la Cour se reflète également au travers de l'utilisation d'un autre droit, à savoir celui à l'égale protection de la loi (equal protection of law). Si au départ la juxtaposition de ce droit à la dignité humaine n'a pas su convaincre les juges de la Cour suprême, leur avis a changé au cours d'un long cheminement s'échelonnant de 1944 à 2000. C'est en effet au cours de cette année que les Justices ont eu à se prononcer sur Rice v. Cayetano152(*). Dans cette affaire où il était question notamment de l'interprétation de l'interdiction d'utilisation de la « race » comme d'un critère de classement, la Cour indique qu'une telle pratique « rabaisse la dignité et la valeur d'une personne et son droit à être traitée selon ses qualités intrinsèques et ses mérites, non selon ses ancêtres ».

Après ces constatations, et en comparaison avec le droit français, il est relativement aisé de cerner la différence qui règne entre les deux systèmes. En effet, la dignité humaine, si elle existe bel et bien en France et aux Etats-Unis, ne dispose pas de la même puissance Outre-Atlantique, en ce qu'elle n'est pas appliquée de manière autonome, en dehors de l'adoucissement de la répression pénale.

De fait, son champ d'application est grandement réduit par rapport à la France, pour qui ce principe apparaît comme étant l'un des plus importants, en ce qu'il vient fonder plusieurs grandes notions propres au droit français, comme notamment la protection du corps humain.

Ainsi, il n'est pas exclu de penser que cette différence puisse avoir des conséquences quant à la situation de la gestation pour autrui dans chacun de ces deux pays.

* 138P. COSSALTER, « La dignité humaine en droit public français : l'ultime recours», Revue générale du droit, Etudes et réflexions 2014, numéro 4.

* 139On trouvait toutefois une occurrence discrète de la dignité humaine dans l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (dite Loi Léotard).

* 140Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, et loi n°94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

* 141Cons. Const., n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, 2ème considérant.

* 142D. TISSIER, op. cit., p. 51.

* 143Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain.

* 144Glasser v. United States, 315 U.S. 60 (1942).

* 145E. ZOLLER, op cit.

* 146Trop v. Dulles, 356 U.S. 86 (1958).

* 147Voir par exemple Atkins v. Virginia, 536 U.S. 304 (2002), ou encore Hall v. Florida, 572 U.S. _ (2014).

* 148E. ZOLLER, op cit.

* 149 Ibidem

* 150D. TISSIER, op cit., p.63.

* 151PlannedParenthood v. Casey, 505 U.S. 833 (1992).

* 152Rice v. Cayetano, 528 U.S. 495 (2000).

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci