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Le dessin du bonhomme chez des enfants autistes : quatre études de cas à  l'association burkinabè d'accompagnement psychologique et d'aide à  l'enfance (abape).

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par Wendpanga Daniel OUEDRAOGO
Université Ouaga 1 Professeur Joseph Ki-ZERBO - Maitrise en psychologie clinique et pathologique 2015
  

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1.1.2 Définition, critères nosographiques et évolution de l'autisme

§ Définition

L'autisme est désormais appelétrouble du spectre de l'autisme(TSA)dans le DSM-5. Il y est défini comme « un trouble d'origine neurobiologique caractérisé par un développement anormal ou déficient de l'interaction sociale et de la communication ainsi qu'un répertoire considérablement restreint d'activités et d'intérêts »(DSM-5, 2013 ; cité par Psychomedia, 2013).

§ Critères nosographiques

Le trouble du spectre de l'autisme regroupe le trouble autistique, le syndrome d'Asperger, le trouble désintégratif de l'enfance et le trouble envahissant du développement non spécifié(DSM-5, 2013 ; cité par Psychomedia, 2013). Ces quatre troubles sont considérés comme différents niveaux de sévérité d'une même condition.

Les critères diagnostiques sont :

A. Déficits persistants dans la communication sociale et les interactions sociales dans de multiples contextes, comme en témoigne ce qui suit:

1. Déficits de la réciprocité socio-émotionnelle, allant par exemple, de l'approche sociale anormale et l'incapacité d'échanger dans une conversation; au partage réduit d'intérêts, d'émotions, ou de l'affect; à l'échec d'engager ou de répondre à des interactions sociales.

2. Déficits dans les comportements de communication non verbaux utilisés pour l'interaction sociale, allant par exemple, de la communication verbale et non verbale mal intégrées ; à des anomalies dans le contact visuel et le langage du corps ou des déficits dans la compréhension et l'utilisation de gestes; à un manque total d'expressions faciales et de communication non verbale.

3. Déficits dans le développement, le maintien et la compréhension des relations, allant par exemple, de difficultés à adapter le comportement en fonction de divers contextes sociaux; à des difficultés à partager les jeux imaginatifs ou à se faire des amis; à l'absence d'intérêt pour les pairs.

B. Modes restreints, répétitifs de comportements, d'intérêts ou d'activités, comme en témoigne au moins deux des éléments suivants, actuellement ou précédemment :

1. Mouvements moteurs, utilisation d'objets, ou paroles stéréotypés ou répétitifs (par exemple, stéréotypies motrices simples, aligner des jouets ou retourner des objets, écholalie, phrases idiosyncrasiques c'est-à-dire « hors contexte »).

2. Insistance sur l'adhésion inflexible à des habitudes ou modes ritualisés de comportement verbaux ou non verbaux (par exemple, une détresse extrême en cas de petits changements, difficultés avec les transitions, modes de pensée rigide, rituels de salutation, besoin de prendre le même itinéraire ou de manger la même nourriture tous les jours).

3. Intérêts très restreints et circonscrits qui sont anormaux dans leur intensité ou leur orientation (par exemple, un fort attachement à des objets inhabituels, des intérêts excessivement circonscrits ou poursuivis avec une persévération excessive).

4. Hyper- ou hypo-réactivité à des inputs sensoriels ou niveau d'intérêt inhabituel pour les aspects sensoriels de l'environnement (par exemple, indifférence apparente à la douleur/température, réaction négative à des sons ou des textures spécifiques, sentir ou toucher des objets excessivement, fascination visuelle pour des lumières ou des mouvements).

C. Les symptômes doivent être présents dans la période de développement précoce (mais peuvent ne devenir pleinement manifestes qu'après que les exigences sociales dépassent les capacités limitées, ou peuvent être masqués par des stratégies apprises plus tard dans la vie).

D. Les symptômes causent une altération cliniquement significative du fonctionnement actuel dans les domaines sociaux, scolaires ou professionnels, ou d'autres domaines importants.

E. Ces perturbations ne sont pas mieux expliquées par la déficience intellectuelle ou un retard global de développement. La déficience intellectuelle et le trouble du spectre de l'autisme surviennent fréquemment ensemble; pour poser les deux diagnostics de trouble du spectre de l'autisme et de déficience intellectuelle, la communication sociale devrait être inférieure à celle prévue pour le niveau de développement général (DSM-5, 2013 ; cité par Psychomedia, 2013).

Les progrès réalisés au niveau des critères de diagnostic ont eu comme incidence la facilitation des échanges et la communication entre les cliniciens2(*), les chercheurs, les parents et les personnes qui militent en faveur des personnes handicapées.

D'une manière générale, la nécessité d'un diagnostic précoce est reconnue par tous les professionnels car il conditionne l'évolution ultérieure. En outre, il ouvre la voie à l'intervention précoce qui permet une amélioration de la santé mentale de l'enfant. Cette amélioration est le plus souvent perceptible au niveau des capacités d'adaptation aux structures scolaires ordinaires ou spécialisées (Rogé, 2003).

§ Évolution de l'autisme

Nous reprenons ici les observations que Lebovici a faites par rapport à l'évolution de l'autisme :

- il peut persister, rester inchangé jusqu'à l'âge adulte n'aboutissant pas à l'acquisition d'un langage bien structuré, compréhensible ni à une bonne interaction sociale ;

- il peut « guérir » assez tôt sans laisser d'autres traces que quelques rituels, une rigidité narcissique et quelques originalités de caractère ;

- il peut se transformer en une déficience qui reste atypique (Lebovici, 1978 cité par Bergeret et al. 2008).

Quand l'autisme évolue vers un retard important, on peut observer deux cas de figure (Lenoir, Malvy &Bodier-Rethore, 2007) :

- l'autisme reste présent et l'hypothèse est que l'isolement a entrainé une perte de la curiosité et des capacités d'acquisition;

- l'autisme s'améliore : soit l'autisme était au premier plan et s'est amélioré mais le retard reste, soit l'autisme était une expression comportementale passagère contenue dans un autre trouble envahissant du développement.

Pour mieux comprendre les processus en jeu dans l'autisme, il nous est indispensable de présenter les principales théories qui ont amplement abordé la question.

1.1.2.1 Théories explicatives de l'autisme

Des modèles explicatifs de l'autisme se sont développés dans les différents domaines scientifiques. Il s'agit principalement des théories neurobiologiques, cognitives et psychanalytiques.

· La neurobiologie de l'autisme

Beaucoup d'arguments ont été avancés pour rendre compte de l'implication des facteurs génétiques dans l'étiologie de l'autisme (Rogé, 2003). Pour Rogé, les études familiales ont révélé un risque de récurrence d'environ 3 à 5 % chez les frères et soeurs. En outre, beaucoup de recherches ont été menées sur des groupes de jumeaux monozygotes dits « vrais jumeaux » et de jumeaux dizygote dits « faux jumeaux ».

Une première étude a été menée sur vingt et une paire de jumeaux et a révélé une concordance d'environ 36 % chez les monozygotes alors qu'aucune des paires de jumeaux dizygotes n'était concordante. Par ailleurs, le suivi des jumeaux des paires monozygotes non concordantes3(*) a révélé que parvenus à l'âge adulte, les jumeaux non atteints présentaient des déficits sociaux importants, ce qui indique le fait que la dimension héritée est sociale et cognitive.

Une étude menée par des chercheurs (Freeman, Ritvo,Guthrie& Schroth, 1978 ; cité par Rogé, 2003) sur quarante paires de jumeaux (23 monozygotes et 17 dizygotes) ont montré une concordance de 96 % chez les monozygotes contre 24 % chez les dizygotes. Bien que cette dernière étude ait été critiquée au niveau de la constitution de l'échantillon, les recherches tendent à confirmer la concordance élevée chez les jumeaux monozygotes et l'absence de concordance chez les jumeaux dizygotes.Le mode de transmission reste encore aujourd'hui un sujet et suggère l'implication de plusieurs gènes.

Il existe une hypothèse biochimique qui rend compte d'une possible désorganisation de certains neuromédiateurs chez les personnes autistes. C'est ainsi qu'on a constaté une élévation de près de 50 % de la sérotonine4(*) chez des patients autistes. Ce neuromédiateur est impliqué dans les émotions, la régulation de l'humeur et dans l'anxiété. La dopamine5(*) serait aussi impliquée dans l'autisme car les substances qui bloquent ses récepteurs entrainent une réduction de certains symptômes tels que les stéréotypies alors que les substances qui stimulent ces mêmes récepteurs entrainent une aggravation des symptômes (Rogé,op.cit.).

L'hypothèse neurologiquequant à elle est apparue suite aux observations de cas cliniques. En effet, les neurologues ont constaté que de nombreuses maladies ou anomalies neurologiques s'associent généralement à l'autisme. En outre, quelques études post-mortem ont révélé un poids généralement élevé de la masse cérébrale, ce qui correspond aux données concernant le périmètre crânien supérieur à la moyenne. Des anomalies touchant particulièrement le système limbique, le cervelet et les connexions complexes existant à ce niveau ont été décelées. Ces découvertes ont donc suggéré l'existence d'une perturbation du développement cellulaire dans les trente premières semaines de la gestation(Rogé, 2003).

Les premières observations réalisées par la pneumo-encéphalographie et le scanner ont privilégié l'hypothèse d'une pathologie de l'hémisphère gauche. Les troubles du langage sont alors considérés comme étant à la base du syndrome autistique (Rogé, op.cit.).

Sur le plan radiologique, l'asymétrie des ventricules et de certaines zones hémisphériques a ensuite été identifiée comme étant la caractéristique essentielle de l'autisme.

Plus récemment, des études réalisées chez de très jeunes enfants ont montré que le tronc cérébral, le vermis cérébelleux dans sa globalité et tous leurs composants étaient plus petits chez les enfants autistes comparativement au groupe contrôle.

L'amélioration des techniques a par la suite permis de déceler une diminution du débit sanguin cérébral au niveau des deux lobes temporaux sur une population d'enfants atteints d'autisme (Zilboviciuset al., 2000 ; Ohnishiet al., 2000 ; cité par Rogé, op.cit.).

Bien de découvertes continuent d'être faites par les neurologues et les spécialistes des neurosciences dans le champ de l'autisme, cependant, elles ne permettent pas encore d'élaborer un modèle cohérent, intégrant tous les aspects du fonctionnement autistique.

· Approches cognitives de l'autisme

Pour les cognitivistes, les problèmes liés au déficit intellectuel, au retard dans le développement du langage et aux anomalies d'intégration des informations conditionnent les réponses de la personne autiste et entravent ses possibilités d'apprentissage et d'adaptation.

- Un déficit de théorie de l'esprit

Le concept de théorie de l'esprit a été introduit par Premack et Woodruff dans un article intitulé : Does the chimpanzee have atheorie of Mind. Leur travaux ont porté sur un chimpanzé capable de résoudre des problèmes en inférant des buts ou des intentions à un personnage (Premack&Woodruff, 1978, cité par Labruyere, op.cit.). Cette théorie de l'esprit est définie comme la capacité à comprendre, à inférer et à attribuer des états mentaux (désirs, pensées, croyances) à soi-même et à autrui afin de comprendre et de prédire les comportements. C'est une capacité de mentalisation qui permet de comprendre ce qu'une personne pense, croit, désire dans une situation donnée et donc d'anticiper sur ce que cette personne va dire ou faire (Labruyère, 2006).

Des difficultés de théorie de l'esprit chez les enfants autistes ont été démontrées à la suite d'une série de travaux expérimentaux réalisées par des chercheurs(Baron-Cohen, Leslie &Frith, 1995 ; cité par Gueniche, 2011). C'est ainsi que ce déficit de théorie de l'esprit empêcherait l'autiste de pouvoir distinguer les évènements physiques et mentaux, à comprendre la tromperie, à inférer des états mentaux par la direction et l'expression du regard. En outre, ils ne sont pas capables de faire des jeux symboliques, de faire semblant ou d'utiliser des termes renvoyant à des états mentaux (penser, espérer, souhaiter, etc.). L'hypothèse d'un déficit spécifique et primaire dans la capacité de théorie de l'esprit chez l'enfant autiste constitue actuellement (dans les sciences cognitives) une piste importante qui permettrait de rendre compte des troubles des relations sociales, de la communication et de la symbolisation à l'oeuvre dans l'autisme.

- Un déficit des fonctions exécutives

Les fonctions exécutives renvoient à un ensemble complexe de mécanismes cognitifs qui permettent d'organiser, de contrôler, de réaliser des actions et des pensées. Elles impliquent la planification des séquences d'actions, l'inhibition des réponses routinières, la flexibilité et l'ajustement de l'attention en fonction du contexte, l'organisation des procédures en mémoire de travail (Labruyère, 2006).

D'une manière générale, les fonctions exécutives font appel à l'attention, au raisonnement et à la résolution de problèmes. Leur rôle est de faciliter l'adaptation du sujet aux situations nouvelles dans lesquelles la mise en oeuvre de processus contrôlés est indispensable.

Pour Labruyere, les recherches en neuropsychologie ont permis d'attribuer cette fonction aux structures du cortex préfrontal. L'hypothèse d'un déficit des fonctions exécutives chez les enfants autistes est apparue suite à l'observation de leurs déficits et de leurs comportements proches de ceux des patients fronto-lésés.

Certains travaux se sont intéressés au traitement de l'information chez la personne autiste.

- Les difficultés dans la saisie de l'information

Les signaux en provenance des récepteurs sensoriels (vision, audition, toucher, odorat, goût) sont perturbés dans l'autisme. C'est ainsi que l'information peut être atténuée, exagérée ou être enregistrée tardivement. Cette perturbation dans le domaine perceptif et le manque de liaison des informations qui en résultent font que l'enfant autiste perçoit une certaine incohérence dans son environnement. L'enfant autiste se comporte alors d'une manière désorganisée en fonction de ce qu'il arrive à percevoir dans son environnement. Le manque de cohérence de l'environnement perçu a donc engendré des comportements incohérents et imprévisibles chez l'enfant autiste. Les apprentissages peuvent s'avérer difficiles voire improbables du fait des perturbations dans la gestion des informations sensorielles (Rogé, 2003).

Certains auteurs (Hermelin&O'Connor, 1970, cité par Rogé, op.cit.) ont avancé l'hypothèse d'un déficit de l'encodage sémantique de l'information. Les expériences qui sous-tendaient cette hypothèse portaient sur la mémorisation et le rappel en fonction du type de matériel. Ils sont arrivés à la conclusion que les performances des enfants autistes dans le domaine du rappel d'une information verbale ne sont pas améliorées par l'organisation des mots, ce qui suppose que les données sont stockées sous forme brute et ne font pas l'objet d'une organisation en fonction du sens.

D'autres recherches (2003) ont souligné le fait que le déficit pouvait toucher la saisie d'autres informations et qu'il ne se limitait pas uniquement au langage. Les autistes utiliseraient directement une information sans la recoder. Le matériel ainsi intégré est plus facilement restitué avec une fidélité car il n'est pas organisé en fonction d'une structure plus élaborée qui permet d'interpréter et de donner un sens à l'information. C'est ainsi qu'on peut rencontrer des personnes autistes ayant des capacités de reproduction quasi photographique par le dessin, de restitution très exacte des mélodies, de mémorisation des calendriers et d'hyperlexie6(*).

PourRogé (op.cit.), certains auteurs ont retenu l'hypothèse de modalités sensorielles privilégiées comme le toucher, le goût, et l'odorat chez les autistes.

Ces théories cognitives demeurent étroitement liées à un modèle organiciste de l'autisme. Les psychanalystes, tout en ne remettant pas en cause la totalité de ces théories, apportent une conception très fructueuse sur l'autisme.

· Approches psychanalytiques de l'autisme

Le point de vue psychanalytique se réfère principalement à la vie affective, émotionnelle et fantasmatique pour expliquer l'autisme. L'autisme est l'effet d'une réaction à une situation d'angoisse majeure et précoce. Toutefois, ce point de vue n'exclut pas la réalité biologique.

D'une manière générale, les psychanalystes considèrent l'autisme comme une mesure de protection devant un danger vécu comme catastrophique. Cette défense est cependant défaillante car l'enfant autiste est obligé d'employer des manoeuvres (manoeuvre autistique) qui sont une sorte de compensation aux faibles défenses dont il dispose.

- Approche de l'autisme par Tustin

Les conceptions de Tustin (1986) sur l'autisme ont une place prépondérante dans l'approche psychanalytique de l'autisme. Elle emploie le terme « autisme » pour désigner des états normaux ainsi que des états pathologiques de l'enfance. Elle distingue alors l'autisme primaire normal de l'autisme pathologique. Elle suggère ensuite de réserver les termes « autisme » et « autistique » aux états pathologiques. En ce qui concerne les états normaux, elle propose d'employer les termes « autosensualité » et « autosensuel ».Elle n'a cependant pas exclu dans sa conception de potentiels troubles organiques à l'origine de certaines formes d'autismes. La prédisposition génétique ou la vie intra-utérine ne sont pas ignorées.

L'autisme primaire normal est défini comme un état où règne la sensualité auto-induite et où toute l'attention du bébé est portée sur les sensations et les rythmes corporels. Les objets extérieurs sont vécus comme faisant partie de son corps ou comme un prolongement de l'activité corporelle. Tustin (op.cit.) les qualifie de « sensations-objets » qui, bien qu'au départ ne sont pas reconnues comme distincts du corps favoriseront par la suite avec le concours des soins maternels, la perception du non-moi. La mère elle aussi est vécue comme « sensation-objet ».Les sensations que produisent ces « sensations-objets » donnent à l'enfant un sentiment d'existence. C'est une forme d'illusion qui protège l'appareil neuropsychique de l'enfant en développement contre les expériences pouvant révéler la séparation. Cette phase est qualifiée de « matrice postnatale » protectrice.

Tustin (op.cit.) considère qu'il n'y a pas d'autisme normal absolu. L'autisme primaire normal n'est pas complet car il y a des instants de conscience vacillante du monde extérieur. Au terme de cette phase, le bébé devient conscient de sa séparation d'avec la mère et ajuste alors ses comportements pour s'adapter aux intentions à elle. Le bébé basculera dans l'autisme pathologique lorsqu'il prendra prématurément conscience de la séparation d'avec la mère à une période où son appareil neuropsychique n'est pas suffisamment solide pour lui permettre de faire face à cette expérience.

Si la mère n'arrive pas à contenir les expériences de séparation corporelles qui confrontent le bébé à un environnement hostile alors celui-ci se retrouvera à utiliser les sensations de son propre corps, à manipuler et à engendrer des objets autistiques7(*). L'utilisation de ces objets autistiques donnent à l'enfant l'illusion d'une parfaite satisfaction et d'un sentiment d'intégrité du corps. Il s'en suit alors une négation de l'objet maternant du fait de son indisponibilité.

À une étape du développement de l'enfant, la mère doit s'absenter mais jamais avant que cette séparation ne soit supportable. Pour Ciccone et Lhopital (2001), le sevrage ne devient maturatif que lorsque le sein a suffisamment bien nourri l'enfant. C'est ainsi que le monde extérieur au lieu d'être un facteur stimulant pour le développement du bébé, devient un objet de négation ou de confusion avec la sensation-objet.Ciccone et Lhopital (op.cit., p.38) affirment : « cette prématurité psychologique nait d'une rencontre entre un enfant hypersensible et un environnement maternant en difficulté pour amortir les chocs dus à la prise de conscience de la séparation corporelle ». L'enfant pense alors qu'il a perdu une partie de son corps et est envahi par des terreurs primitives comme le sentiment de se vider, d'exploser ou detomber.

En définitive, Tustin considère l'autisme pathologique comme étant le signe d'un échec dans l'établissement du premier contact humain, un contact qui aurait pu soulager l'enfant de toutes les terreurs normales auxquelles sont confrontés tous les enfants dans les premiers instants de la vie postnatale. L'enfant autiste se retrouve alors comme encapsulé et son fonctionnement psychique (cognitif et affectif) est mis en arrêt. Celui-ci est alors en proie à des angoisses archaïques insupportables.Tustin n'apporte pas beaucoup de précision sur l'apparition de l'autisme dans le processus de la psychogenèse contrairement à Anzieu (1995).

- Approche de l'autisme par Anzieu

Pour Anzieu (op.cit.), le bébé dans sa relation indifférenciée à la mère fait l'expérience d'importantes stimulations tactiles par le fait d'être tenu, porté, manipulé et serré contre le corps de la mère, le tout dans un bain de paroles. Si ces expériences répondent aux conditions satisfaisantes de la pulsion d'attachement, elles conduiront le bébé à différencier une surface (interface) comportant une face externe et une face interne, distinguant le dehors et le dedans et un volume dans lequel il se sent baigner. Cette interface et ce volume donne au bébé la sensation d'un contenant.

Ainsi, à travers les expériences de contact corporel et la relation sécurisante avec la mère, le bébé acquiert la perception d'une peau qui se trouve à la limite d'un extérieur et d'un intérieur. Le bébé acquiert alors un sentiment d'intégrité de l'enveloppe corporelle et comme le dit Albert Ciccone : « Ce sentiment d'intégrité de l'enveloppe corporelle donne au moi une enveloppe narcissique et à l'appareil psychique un bien être de base,... »(Ciccone&Lhopital, 2001, p. 132).Lorsque tout se passe bien la personnalité du nourrisson commence à se rattacher au corps et aux fonctions corporelles.

Anzieu (1995) attribue à la peau trois principales fonctions :

- c'est un sac qui contient et retient à l'intérieur le bon et le plein que l'allaitement, les soins, le bain de paroles y ont accumulés ;

- c'est une interface qui marque la limite avec le dehors et maintient celui-ci à l'extérieur. Il constitue une barrière qui protège de la pénétration par les agressions et les avidités provenant des autres êtres ou objets.

- C'est le lieu et le moyen primaire de communication avec autrui, d'établissement de relations signifiantes et une surface d'inscriptions des traces laissées par ceux-ci.

L'origine épidermique et proprioceptive du moi lui confère la double possibilité d'établir des barrières que sont les mécanismes de défense psychiques et de filtrer les échanges avec le ça, le surmoi et le monde extérieur.

Anzieu (op.cit.) distingue trois étapes dans la psychogenèse d'un moi-peau. Les deux premières étapes sont respectivement caractérisées par un fantasme « intra-utérin » et un fantasme de « peau commune ». C'est danscette étape que l'enfant acquiert un moi-peau qui lui est propre à travers une double intériorisation : une intériorisationde l'interface qui constituera l'enveloppe psychique contenant les contenus psychiques (pulsions) et une intériorisation de l'entourage maternant qui devient le mondeintérieur (pensées, images, affects).

D'un point de vue structural, le moi-peau est perçu comme une enveloppe constituée d'un feuillet externe et d'un feuillet interne. Le feuillet externe (le pare-excitation) interpose un écran protecteur entre le monde extérieur et la réalité psychique et joue un rôle de filtre quantitatif.Le feuillet interne (la surface d'inscription) est la membrane la plus sensible de l'appareil psychique. C'est un écran optique où sont enregistrées les expériences tactiles, visuelles, sonores kinesthésiques. Ce dernier a une fonction de filtre qualitatif au service de la communication (Ciccone &Lhopital, 2001).

La fixation à la première étape de la psychogenèse du moi-peau est à l'origine des enveloppes autistiques dans lesquelles le bébé se retire et se protège face au monde extérieur. L'enveloppe autistique est décrite comme un système fermé, un oeuf qui n'éclot pas.D'un point de vue de la structure du moi-peau, l'absence des deux feuillets caractérise l'autisme primaire tandis que l'absence du feuillet externe (le pare-excitation) associé à une rigidification du feuillet interne pour combler le manque caractérise l'autisme secondaire.

- La métapsychologie de l'enfant autiste

Une approche métapsychologique permet de faire un aperçu sur le fonctionnement psychique de l'enfant autiste à plusieurs niveaux. On peut alors constater que la vie psychique de l'enfant autiste est déterminée par le caractère primitif de ses mouvements pulsionnels et défensifs. Ce monde dans lequel l'enfant autiste est plongé n'a ni repères ni limites, de ce fait, celui-ci va développer des mécanismes restreints mais d'une efficacité redoutable pour faire face à ce sentiment de vide et d'anéantissement. Ces mécanismes d'adaptation pathologiques vont empêcher sa pensée de se déployer, de croitre et aboutira à l'impossibilité pour l'enfant à établir un lien avec les objets extérieurs.

Au niveau du rapport à la réalité, l'enfant autiste éprouve des difficultés à établir un lien avec le monde extérieur car celui-ci est source d'une grande angoisse. L'autisme qui est du point de vue psycho-dynamique une organisation défensive permet alors de le mettre à distance et à s'en couper. Cependant bien que la forteresse dans laquelle vit l'enfant autiste est difficilement accessible, elle n'est pas hermétiquement fermée.

Boutinaud considère que : «Quel qu'en soit son caractère plus ou moins inaccessible, cette forteresse ne nous apparait pas ni vide ni exemptes d'ouvertures et d'aménagements vers l'extérieur. Ces fenêtres aménagées de façon furtive, précaire, restreinte ou ritualisée viennent nous montrer que l'autisme ne débouche pas sur une désobjectalisation totale,... » (Boutinaud, 2013, p. 124). Ainsi, selon lui, les troubles comportementaux des enfants autistes sont considérés comme une tentative d'établissement d'un lien avec la réalité qui le plus souvent n'a pas aboutie. L'enfant désespérément en souffrance essaie de rétablir ce lien par ses comportements stéréotypés, il est donc possible de l'aider à émerger.

Au niveau de la relation d'objet, l'enfant autiste peut tendre à :

- un repli derrière la muraille qu'il s'est construit,

- une observation du monde extérieur à travers les meurtrières qu'il aménage,

- une émergence et à une tentative d'établissement d'un lien aux objets du monde extérieur (Boutinaud, 2013).

Hochmann (2005) affirme que l'enfant autiste reproduit avec tous ceux qu'il rencontre un même mode relationnel caractérisé par le collage et l'interpénétration donc sur un mode indifférencié. L'enfant autiste établit une relation avec des objets partiels8(*) qu'il perçoit comme n'étant pas différenciés de son corps. Ces objets sont le plus souvent investis pour les qualités sensorielles qu'ils procurent. Il s'agit d'un besoin de stimulation corporelle qui renvoie à un stade primitif du développement normal de l'enfant où l'accrochage sensoriel prédomine.

Tustin (1986) décrit deux types d'objets couramment utilisés par l'enfant autiste d'une manière obsessionnelle et idiosyncrasique. Il s'agit des objets autistiques qui sont durs et des objets confusionnels qui sont mous. Ces objets sont manipulés par l'enfant car ils permettent de maintenir un sentiment de sécurité corporelle. L'enfant veut ainsi éviter la prise de conscience de la présence de trous et de béances dans l'enveloppe corporelle caractéristiques du Moi poreux (Anzieu, 1995).

Selon Tustin (op.cit.), la relation d'objet de l'enfant autiste n'est associée à aucun fantasme sinon qu'à des sensations corporelles. Ainsi, on considère que la relation d'objet dans l'autisme est caractérisée par une absence d'affect qui donne l'impression que l'enfant autiste investit mécaniquement les objets partiels et sans ressenti. Bien souvent, l'enfant autiste peut présenter une excitation extrême (Cris, rires, agitations psychomotrices, etc.) qui peut renvoyer à des affects primitifs et indifférenciés : ces proto-affects se situant à la limite du plaisir et de l'angoisse. Sur le plan de la communication, les mots et les phrases acquis ne permettent pas d'établir une bonne interaction avec l'entourage et sont utilisés sans une association affective. Ces éléments sont le plus souvent manipulés comme les objets concrets à l'exemple des écholalies.

Houzel (1997) affirme que l'enfant autiste est très sensible ou même trop sensible au désir et à l'attente d'autrui mais, cela étant pour lui, une source d'angoisse du fait de la défaillance de la fonction de pare-excitation. En outre, l'expérience clinique a montré que certains enfants autistes sont extrêmement sensibles à l'ambiance familiale ou institutionnelle et changeaient leurs comportements.

L'autisme se développe essentiellement autour d'une défaillance précoce dans l'établissement du moi-corporel de l'enfant. S. Freud (1923) affirme que le psychisme s'étaye sur le corporel et que le moi est avant tout un moi corporel. Ainsi, sur le plan clinique, l'absence de constitution, la perte ou la fragilité des fondements de l'image corporelle caractérisent de l'autisme.

Boutinaud (2013) résume trois (3) états dans lesquels l'enfant autiste peut se retrouver dans la relation avec son corps :

- un état dans lequel l'activité mentale est absente et où la représentation du corps laisse place à un vécu corporel brut fait de jaillissement d'excitations qui n'arrivent pas à se traduire en affects et en angoisses ;

- un état où l'activité mentale devient « balbutiante » s'appuyant sur l'identification adhésive pour parvenir à la figuration d'un espace corporel à deux dimensions. C'est à ce niveau que les angoisses corporelles de déchirement ou de perforation commencent à se spécifier. Dans ce contexte, l'enfant peut mobiliser des mécanismes de défense qui risquent d'empêcher l'élaboration de l'image du corps ;

- un état où l'activité mentale commence à s'enrichir et le Moi corporel est perçu dans sa fonction de contenance. Les mécanismes d'identification projective et l'introjection commencent à être utilisés. Cependant, certains enfants construisent à ce niveau des néo-contenants psychiques qui les enferment dans une sorte de coquille.

Pour ce dernier, la plupart des enfants autistes se trouvent dans les deux (2) premiers états avec une possibilité d'évolution vers le troisième état. L'image du corps n'arrive donc pas à se stabiliser du fait des allers retours possibles entre ces différents états.Par ailleurs, Tustin parle d'une auto-sensualité qui peine à se mettre en place car le corps, ses parties, ses orifices et ses organes ne sont pas investis libidinalement.

Les angoisses impensables vécues par l'enfant autiste peuvent être envisagées dans le cadre de la théorie du Moi-peau. En effet, les perturbations de certaines fonctions du Moi-peau font état de l'expérience vécu par l'enfant autiste (Anzieu, 1995).

Boutinaud (op.cit.) parle d'une angoisse de l'épanchement à la façon dont un liquide se répandrait, le corps n'étant pas perçu par l'enfant autiste comme un contenant capable de retenir les parties du self envisagées comme un ensemble de particules liquéfiées. Ces angoisses s'associent à un sentiment de chûte interminable car les repères spatiaux sont abolis.

Tustin (1986) affirme que l'enfant autiste à l'impression que son corps est un morceau de rocher qui s'est détaché du haut d'une paroi rocheuse. Toutes ces terreurs qualifiées par Winnicott d'agonies primitives sont liées à l'impossibilité pour l'enfant autiste de trouver un contenant interne et externe, secourable qui puisse lui permettre de se repérer.

Les mécanismes de défense présents dans l'autisme sont primitifs et leurs déploiements par l'enfant autiste ne peuvent que contribuer à le renfermer dans son monde. L'utilisation répétée de ces stratégies primitives en vue de contenir l'activité pulsionnelle généralement vécue comme des terreurs sans nom, empêche l'enfant autiste d'avoir accès à des mécanismes plus élaborés et donc d'émerger.

* 2 Une étude d'Opinion Way de 2010 révèle que seulement un médecin français sur trois sait faire un diagnostic correct de l'autisme.

* 3 On désigne ainsi de vrais jumeaux dont un seul est atteint par l'autisme.

* 4La sérotonine est un neurotransmetteur intervenant notamment dans la régulation de l'humeur, du sommeil, de l'appétit et de la température du corps.

* 5La dopamine est un neurotransmetteur du cerveau intervenant notamment dans la motivation, la motricité et les addictions.

* 6 Il s'agit d'un trouble du langage écrit. Les personnes hyperlexiques ont une bonne capacité à déchiffrer les mots mais n'ont pas accès à leurs sens. C'est ainsi que certains enfants autistes apprennent à lire avant même de savoir parler.

* 7Selon Tustin, l'enfant autiste utilise répétitivement des objets statiques. L'utilisation de ces objets n'est pas associée à aucun fantasme mais aux sensations corporelles qu'ils procurent par exemple les jouets en métal.

* 8 Il peut s'agir de certaines parties du corps de l'enfant, de l'adulte, d'objets, etc.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams