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La neknomination : défi d'expression de soi et culture du « share ».

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par Clémence CORDEAU
Institut Français de Presse (Paris 2) - Master 1, Sciences politiques et sociales, mention médias, information et communication 2015
  

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CHAPITRE 6 : CONTAGION ET PROPAGATION DE LA NEKNOMINATION

La Neknomination est une combinaison de la tendance du Social Bragging et du concept des Chaînes de lettres. Ce phénomène est, par définition, une réalisation collective, si une personne brise la chaîne, l'oeuvre en marche est inachevée. Nous verrons dans ce chapitre comment ces chaînes prennent forme sur Facebook et quelques unes de leurs caractéristiques. Selon Dominique Cardon, ce genre de phénomène montre des modes de collaborations inédits entre internautes, c'est une articulation originale entre individualisme et solidarité. Ce faisant, ces pratiques ont toujours pour objectif de se sentir reconnu par ses pairs. Ils répondent à un besoin de reconnaissance exprimé de manière implicite, parfois inconsciente de la part des internautes mais ceux-là attendent toujours des retours sur leurs publications. La volonté de susciter des réactions positives à des qualités identitaires exprimées.

A/ Une réalisation collective

La culture du « Share » existait avant que les réseaux sociaux n'arrivent, les chaînes que l'on a vu défiler sur notre fil d'actualités Facebook ne sont pas nées avec ce réseau. Sa genèse est celle des « chaînes de lettres ». « Une chaîne de lettres est un courrier (postal ou électronique) demandant au destinataire d'en envoyer une copie à chacun de ses proches ou s'il ne l'envoie pas, un « malheur » lui arrivera »67. La première apparition de cette pratique remonte au Moyen Âge, des lettres qui, sous motifs religieux, incitaient le destinataire à faire copie et envoi de la lettre reçue. Ce phénomène s'est cependant fortement développé au XX° siècle avec l'apparition des

67 Définition de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Chaîne de lettres

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

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courriers électroniques. Dans le cas de la Neknomination, aucun malheur68 n'arrive au nominé mais le processus s'inspire de cette pratique.

Schéma théorique et utopique d'une chaîne sur Facebook

La personne n'est pas dépossédée de son libre-arbitre, elle a le choix ou non de continuer la chaîne. Néanmoins, on l'a vu, une certaine pression sociale peut exister pour inciter les nominés à relever le défi et, comme l'a fait remarquer Olivier Glassey, le propre d'une chaîne est de créer une réalisation collective, si la personne brise la chaîne, il n'achève pas l'oeuvre en marche. « Les nouveaux usages des plateformes relationnelles du web 2.0 font ainsi apparaître des modes de collaboration

68 « Si vous n'envoyez pas cette chaîne à tous vos contacts, vous allez mourir »

 

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inédits entre utilisateurs »69, « (É) elles favorisent l'émergence d'une dynamique de bien commun à partir de logiques d'intérêt personnel en articulant de façon originale individualisme et solidarité »70. Le schéma ci-dessus illustre une chaîne idéale et parfaite au sens où elle sera suivie par toutes les personnes nominées qui nomineront à leur tour trois autres personnes, et ce, à l'infini. Bien sûr, empiriquement, ce schéma n'est jamais validé, il y a, dans tous les cas, au moins une personne qui rompt la chaîne à un moment et brise donc la dynamique de la collaboration. D'ailleurs le caractère éphémère de ces chaînes trouvent son explication dans le fait que tous les nominés ne la suivent pas, à chaque fois, le nombre de participants diminue, soit parce qu'ils ne souhaitent pas y participer, soit parce que l'effet de mode, qui doit être pris également en compte, est passé.

Cependant, ce schéma, même s'il illustre le concept des chaînes sur les réseaux sociaux, et notamment Facebook, est trop simpliste et présente des inexactitudes. Puisque ces chaînes fonctionnent selon un réseau d'interconnaissances proches, il est facilement possible d'imaginer qu'A1 peut être également B2 voire même C1, se faisant, la personne a été nominée trois fois par trois personnes différentes qu'elle connaît. Empiriquement, lorsque ce cas se présente, les trois vidéos des Neknomineurs se retrouvent toutes sur le journal du Neknominé mais ce dernier fait d'une pierre deux coups en répondant par une vidéo à ses trois amis, et en les remerciant tous les trois en bon et du forme.

Une autre caractéristique de ce genre de chaîne est le flou du « patient zéro », effectivement, il est quasiment impossible de remonter jusqu'à la personne qui a lancé la chaîne, on ne sait jamais pourquoi elle a d'ailleurs été suivi, c'est le « nobody knows », quelque chose prend ou ne prend pas et si la chaîne fait buzz, elle est toujours éphémère, remplacée par une autre presque immédiatement, comme si des chaînes étaient fabriquées à la chaîne.

On observe dans le cas de la Neknomination une sorte de buzz collectif. Ceci est une des conséquences directes de cette culture du « Share », aucune des vidéos du

69 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Revue Réseaux, 152, 2008, p. 131

70 Ibid.

 

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phénomène de Neknomination n'a fait un véritable buzz71 mais c'est bel et bien une masse de vidéos, toute les chaînes qui ont fait le buzz, le processus lui-même et non quelques vidéos particulières. La Neknomination est cependant un cas atypique de la viralité d'Internet, effectivement, cette viralité repose sur un principe, devenu une maxime du numérique, celle du « public par défaut ». Ce caractère favorise une circulation massive des contenus sur le web et par là même, leur succès. Dans le cas de la Neknomination, on l'a vu, aucune n'a réellement fait le tour du monde, de cette pratique, nous retenons un succès collectif, suivi par des milliers d'internautes, le « public par défaut » ne fonctionne pas systématiquement pour ces vidéos, d'ailleurs beaucoup de Neknominés n'ont permis le visionnage de leur vidéo qu'à leurs seuls amis Facebook.

Une vidéo est virale si « elle est caractérisée par une montée, puis par une baisse, progressives, de l'audience quotidienne avant, et après, le pic de popularité »72. Il est toutefois impossible de mesurer l'audience d'une vidéo de Neknomination, dans la mesure où la plupart d'entre elles ont été publié directement sur Facebook, via l'outil partage de fichier vidéo. Sur le site, il n'y a pas de possibilité de vérifier combien de fois la vidéo a été visionnée comme ce serait le cas sur You Tube, ni quand elle a été visionnée. Le seul indicateur de l'audience est le nombre de likes et de commentaires laissés par les amis, une vision donc incomplète du public que la vidéo a réussi à capter. Ce qui permet de qualifier ce genre de vidéo de « virale » est le fait que cette tendance a été suivie un mois durant et qu'elle ne l'a plus été du jour au lendemain. Selon Crane et Sornette repris dans l'article de Thomas Beauvisage et al., ce type de trajectoire d'un contenu est « le produit d'une influence exercée par le biais du bouche à oreille », et quoi de mieux que les notifications pour recréer ce mode de transmission orale ? La Neknomination relève donc plus de la contagion que du buzz à proprement parler, comme un virus, la chaîne s'est propagée, allant de profil en profil pour s'éteindre et laisser place à une autre.

71 Sauf la reprise par un Sud Africain mais il change le principe pour faire ce qui lui semble être une bonne action

72 Thomas Beauvisage et al., « Le succès sur Internet repose-t-il sur la contagion ? Une analyse des recherches sur la viralité », Tracés, n° 21, 2/ 2011, p. 156

 

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Réplication et réappropriation des vidéos virales

« La plupart du temps, les messages ne circulent pas selon un strict mécanisme de réplication, contrairement à ce que la métaphore virale laisse entendre : ils sont retravaillés, remixés, distordus voire détournés. Cette perspective conduit ainsi (É) à mettre l'accent sur les contenus culturels, pour comprendre ce qui les rend si perméables Jenkins utilise le terme « spreadable media ». Jenkins présente ainsi l'exemple des LOLcats, les photographies de chats, accompagnées d'une légende humoristique en mauvais anglais. Pour lui, ce qui circule n'est pas le contenu de l'image (la photographie et le texte qui l'accompagne), mais la structure permanente, à savoir la juxtaposition d'une photographie de chat avec une phrase comique, et la succession des LOLcats qui sont partagés les uns après les autres. Ainsi, la circulation virale s'accompagne d'une transformation de l'objet et d'une prolifération des contenus. »73

Il en est de même pour la Neknomination, les vidéos suivent toutes, comme évoqué auparavant, un schéma narratif strict adopté par mimétisme mais retouché paradoxalement par chaque internaute dans la mise en scène de la vidéo. Ainsi, les paroles et le but sont les mêmes mais les images changent pour toujours plus d'originalité. Ce schéma ainsi adopté est une sorte de contrat inconscient respecté par chaque Neknominé et signe l'appartenance à une communauté.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius