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L'assomption en Provence au XVIIème siècle.

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par Charlotte Siat
Université d'Aix-Marseille  - Master II Histoire de là¢â‚¬â„¢Art moderne spécialité Art moderne et contemporain 2013
  

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c. Des écrits aux oeuvres figurées : iconographie de l'Assomption.

La tradition écrite de l'Assomption remonte donc au VIème siècle. Sa représentation figurée, du moins l'étape qui suivit, le Couronnement de la Vierge, serait attestée dès le IXème siècle en Italie, avec la mosaïque absidale de Sainte Marie in Domnica57. Il est toutefois important de souligner l'absence de l'Assomption dans les représentations byzantines, nous retrouvons la dormition ou la mort de la Vierge et son couronnement, mais le moment intermédiaire, celui de sa montée au ciel, n'est pas représenté.

vie, et qu'il était capable de la consommer, si elle n'eu été extraordinairement soutenue de Dieu, voila enfin que toute languissante et consommée, elle a été abandonnée à la souveraineté de cet amour qui l'a réduite à la mort . », BOURGOING, François, Les Vérités et excellences de Jésus Christ N. S. communiquées à sa sainte mère, et aux saints : disposées par méditations sur les mystères et fêtes de la sainte vierge & des saints, Quatrième et dernière partie, Lyon, 1649, p.221.

57 La mosaïque porte le nom de l'église-basilique romaine dans laquelle elle est toujours conservée. L'ensemble de ces mosaïques date de la reconstruction de l'édifice par le pape Pascal Ier entre 818 et 822.

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En peinture, c'est à la toute fin du Moyen-âge que la mort de la Vierge commence à être représentée en Italie, et l'Assomption commence à être suggérée.

Nous avons l'exemple de La mort de Marie par Bartolo di Fredi58 datant de la fin du XIVème siècle. La Vierge est représentée sur son lit de mort entourée par les apôtres, le Saint-Esprit placé dans la partie supérieure du tableau tient l'enfant Jésus dans ses bras, et est assis sur les ailes de six angelots dont seule la tête est figurée.

Pour les prémices de ce qui sera l'iconographie traditionnelle de l'Assomption nous citerons l'oeuvre de Don Silvestro dei Gherarducci réalisée vers 136559 où nous pouvons voir une expression de pure dévotion. Cette oeuvre réunit les critères iconographiques des premières représentations. La Vierge porte une robe blanche qui lui recouvre les pieds, elle est voilée, les mains jointes, et les anges qui l'entourent soutiennent l'auréole de gloire dans laquelle elle est assise.

Au XVème siècle, l'Assomption se retrouve plus largement suggérée en peinture, et nous voyons apparaitre plusieurs éléments de composition qui deviendront, au siècle suivant puis au XVIIème, le schéma classique de représentation de cet épisode. Pour les premières décennies du XVème siècle, nous avons l'exemple d'une Assomption60 réalisée par un maître siennois inconnu qui fut actif entre 1410 et 1430. Il n'y a pas de séparation à proprement parler entre le registre terrestre et le registre divin. Cette oeuvre présente plus la séparation entre le registre céleste, celui où la Vierge Marie s'élève entourée d'anges musiciens, et le registre divin, qui se trouve dans le quart supérieur. Le Christ sur un nuage surplombe la scène de l'Assomption, les bras ouverts et auréolé de gloire.

58Bartolo DI FREDI, Mort et Assomption de Marie, fin XIVème siècle, Montalcino.

59 Voir Annexe 1.

60 Maître siennois inconnu, Assomption de la Vierge, huile sur panneau de peuplier, 65x42cm, Berlin, Gemäldegalerie, voir Annexe 2.

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Vers le milieu du siècle, l'iconographie de l'Assomption tend à se développer, nous voyons apparaître le tombeau vide de la Vierge, mais le registre céleste est toujours nettement privilégié, en atteste la peinture sur bois de Sano di Pietro61, datant des années 1450. La composition est encore très géométrique, la Vierge au centre avec neuf anges de chaque côté, et laisse très peu de place au registre terrestre : le tombeau et le saint qui se trouvent devant paraissent minuscules, de même que la colline62 en arrière-plan.

De façon plus générale, nous retrouvons deux éléments iconographiques qui se développent au XVème siècle, à savoir : la présence du tombeau, rempli ou non de fleurs, et la présence obligatoire des anges, et des saints ou apôtres. Ces deux constantes sont de plus en plus réunies dans les oeuvres italiennes du dernier quart du XVème siècle, avec par exemple l'Assomption de Bartolomeo della Gatta63. Il y a là les deux registres clairement distincts :les apôtres sont réunis autour du tombeau rempli de lys, certains regardent à l'intérieur tandis que d'autres lèvent la tête avec étonnement vers la Vierge qui s'élève accompagnée de nombreux anges. Une particularité est à noter dans la scène : saint Thomas au premier plan est vu de dos, il lève la tête pour regarder la Vierge qui lui tend sa ceinture en gage de témoignage de sa résurrection. Par sa composition l'oeuvre de Bartolomeo della Gatta annonce le célèbre Couronnement de la Vierge64 de Raphaël qui prévaudra comme modèle de justesse au XVIIème siècle.

Pourtant l'oeuvre du maitre de Raphaël, le Pérugin, consacrée à ce thème diffère sur plusieurs points. Son Assomption65 peinte aux alentours de 1500, ne fait pas figurer le tombeau de la

61 Ansano di Pietro dit San di Pietro, Assomption de la Vierge, vers 1450, tempera sur bois, 32x47cm, Altenburg, Lindenau-Museum, Allemagne, voir Annexe 3.

62 Il s'agit probablement du mont Sion près de Jérusalem, lieu que les écritures ont mentionné comme étant l'endroit où l'Assomption de Marie s'est produite.

63 Bartolomeo della Gatta, Assomption, vers 1475, tempera sur bois, 317x221cm, Cortone, Musée diocésain.

64 Raphaël, Couronnement de la Vierge (dit Retable Oddi), 1502-1504, Peinture grasse à tempera sur bois transférée sur toile, 272x162cm, Pinacothèque du Vatican, Rome. Voir Annexe 4.

65 Pietro Perugino dit le Pérugin, Assomption de la Vierge avec quatre Saints, vers 1500, huile sur bois, 415x246cm, Galerie des Offices, Florence, voir Annexe 5.

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Vierge, l'oeuvre est séparée en trois registres. Dans la partie inférieure les quatre personnages, saint Bernardo degli Uberti, saint Giovanni Gualberto, saint Benoît et l'archange Michel, se tiennent debout66. Deux d'entre eux67 regardent la Vierge portée par plusieurs têtes d'angelots et accompagnée d'anges musiciens qui se tiennent dans la partie centrale du tableau.

Le registre supérieur est celui du divin, Dieu regarde en direction de la Vierge qui elle-même lève la tête vers Lui. La composition distingue nettement les trois registres, en mettant en scène la correspondance des regards, mais reste relativement statique.

Seulement trois ou quatre ans après l'Assomption de son maître, Raphaël peint le Couronnement de la Vierge. Il est nécessaire de se pencher quelques instants sur cette oeuvre, bien que très connue et étudiée à de multiples reprises, carelle constitue pour les représentations de l'Assomption postérieures, un véritable modèle pour les peintres. La composition est plus simple que celle du Pérugin, il n'y a que deux registres, mais deux épisodes sont représentés.

Dans la partie inférieure, le tombeau ouvert dans lequel poussent des fleurs de lys et des roses, entouré par les apôtres, évoque l'Assomption, tandis que dans le registre céleste est représenté le couronnement de la Vierge. Elle est assise à côté du Christ les mains jointes, il la couronne accompagné d'anges musiciens.

Au XVIème siècle l'Assomption ne cessera d'être représentée par les plus grands noms : celle du Titien après Raphaël retient l'attention. L'Assomption du Titien68 présente la Vierge dans un flot de lumière, les bras tendus vers la figure de Dieu au-dessus d'elle. Le mouvement est nettement visible dans les vêtements de celle-ci, sa robe cramoisie et son voile bleu semblent

66 Le Pérugin n'a pas représenté le tombeau vide de la Vierge.

67 Saint Benoît et saint Giovanni Gualberto sont les seuls à regarder l'Assomption.

68 Le Titien, L'Assomption de la Vierge, vers 1516-18, huile sur bois, 690x360cm, Venise, basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari, voir Annexe 6.

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tournoyer et lui découvrent les pieds. Dans le registre inférieur les apôtres sont attroupés, certains lèvent les bras au ciel, d'autres penchent la tête probablement au-dessus du tombeau vide, que l'on ne voit pas ici, caché par la foule.

Au travers de ces oeuvres italiennes emblématiques, nous pouvons entrevoir ce que seront les codes de représentation assignés à l'Assomption au XVIIème siècle en France. Outre les apôtres et autres personnages présents sur terre, la présence systématique des anges n'est pas à négliger. Ils69 sont donc obligatoirement présents dans les représentations de l'Assomption :les anges sont les messagers de Dieu et présents tout au long de la vie du Christ70. D'après les écritures saintes les anges ne sont pas humains, ils appartiennent au monde céleste et sont de « purs esprits »71. L'art a donc dû les représenter, leur donner forme humaine. Les anges ne sont jamais figurés adultes, ce sont des adolescents ou des enfants. Ils prennent d'ailleurs, à partir du XVIème siècle, presque exclusivement l'apparence d'enfants. Ils symbolisent ainsi l'innocence, la jeunesse éternelle, permise par leur immatérialité.

De façon générale, dans l'iconographie chrétienne, la fonction des anges est relative aux âmes : leur mission est de les transporter au ciel, puis de les présenter au Jugement Dernier, au cours duquel sont séparées les bonnes âmes des mauvaises. Pour les élus, ce sont eux qui souvent donnent les couronnes, et les conduisent au paradis.

Tout comme son fils, la Vierge bénéficie de l'aide des anges envoyés par Dieu : ils sont présents lors de sa Présentation au temple72, mais surtout lors de son Assomption et de son Couronnement où la croyance leur a donné un rôle prépondérant. Ils participent et

69 Du latin angelus, signifie envoyé, messager.

70 Dans la bible le Christ dit « Penses-tu que je ne puisse faire appel à mon Père, qui mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d'anges ? », Matthieu, 26,53.

71BARBIER DE MONTAULT, Xavier, Traité d'iconographie chrétienne, 1 vol, Société de librairie ecclésiastique et religieuse, Paris, 1898, p.2

72 Tout comme l'Assomption, la Présentation de Marie au temple est un épisode connu par la tradition, et non par les Ecritures saintes. Ce passage de la vie de Marie n'apparaît pas dans le Nouveau Testament.

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accompagnent la Vierge durant son Assomption, accomplissant la volonté divine. Parfois représentés entièrement, ils sont dans de nombreuses oeuvres, réduits à une tête ailée73 ; cette tendance bien présente au XVème siècle s'accentue à la Renaissance. En privant les anges de leurs corps, les artistes symbolisent leur vie immatérielle, qui n'est en aucun cas terrestre. Comme nous l'avons vu dans ces quelques oeuvres antérieures au XVIIème siècle, la Vierge est très souvent accompagnée d'anges musiciens ; c'est un de leurs rôles74. Les nombreux instruments de musique dont ils sont dotés donnent l'idée de la joie de ce moment. Sur ce point, les oeuvres picturales et écrites se répondent : en effet dans les ouvrages du XVIIème le rôle des anges est également explicité :

« Les Anges qui l'accompagnaient à divers choeurs, étaient tous ravis d'étonnement et d'admiration de tant de lumières, d'une si grande beauté, et d'une suavité d'odeurs célestes si ineffables, les uns allaient devant, qui chantaient : quelle est celle-là qui s'avance comme une aurore (...), belle comme la Lune, choisie comme le Soleil ? »75

Si les anges, par l'intervention divine, accompagnent la Vierge lors de son Assomption, ils lui doivent obéissance après son Couronnement :

73 Parmi les oeuvres déjà citées, trois têtes d'anges soutiennent l'assise de la Vierge dans .l'Assomption de Bartolomeo della Gatta, chez le Pérugin (Assomption de la Vierge avec quatre Saints, vers 1500) une multitude de têtes ailées parsèment l'oeuvre.

A l'inverse chez le Titien, les anges sont représentés le corps entier, nus pour la plupart, ce qui dans l'iconographie des anges commence à se développer au début du XVIème siècle avec la Renaissance. Dans l'art du XVème siècle les anges sont toujours revêtus d'une longue robe blanche ou d'une tunique brodée (appelées dans la liturgie aube et dalmatique, voir Annexe 3). Cela s'explique par la fonction qu'on leur porte, ils sont pour les fidèles les ministres de Dieu, les représentations leurs donnent alors les vêtements des ministres sur terre, les évêques et les diacres.

74 Avant le moment de l'Assomption, les écrits prêtent un autre rôle aux anges, tout aussi important mais qui n'est pas figuré en peinture, ils auraient fait se réunir tous les apôtres : « (...) qui par la volonté divine se trouvèrent tous en la sainte montagne de Sion, où Jésus avait fait la dernière Cène avec ses disciples, et y furent transportés de divers lieux bien éloignés par le ministère des Anges (...) », BOURGOING, François, Les Vérités et excellences de Jésus Christ N. S. communiquées à sa sainte mère, et aux saints : disposées par méditations sur les mystères et fêtes de la sainte vierge & des saints, Quatrième et dernière partie, Lyon, 1649, p.223. 75BOURGOING, François, Les Vérités et excellences de Jésus Christ N. S. communiquées à sa sainte mère, et aux saints : disposées par méditations sur les mystères et fêtes de la sainte vierge & des saints, Paris, 1634, p.4243.

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« (...) en effet le Père la couronne comme sa fille pour être la Reine de tous les Anges qui lui obéissent, en faveur de tous les mortels, qui attendent l'héritage du Salut. »76

Ainsi l'iconographie de l'Assomption est, à la fin du XVIème siècle, assez constante, avec une composition en deux ou trois registres77. Les éléments récurrents sont la présence des apôtres, tout du moins de plusieurs spectateurs, le tombeau vide78, les anges en nombre souvent important.

L'Assomption désigne un moment précis, qui se déroule après la mort de la Vierge mais avant son couronnement aux cieux. Pourtant comme nous l'avons vu plus haut, l'Assomption et le Couronnement sont parfois représentés dans une même oeuvre79, où la Vierge portée par des anges peut figurée seule au centre de la composition, comme nous allons le voir au siècle suivant en France.

76CAMBOUNET DE LA MOTHE, Jeanne de (ou Jeanne de Sainte-Ursule), Journal des illustres religieuses de l'ordre de Sainte-Ursule, avec leurs maximes, pratiques spirituelle, monastère de Bourg-en-Bresse, 1684-1690, p.324.

77 Terrestre, céleste et divin.

78 Le tombeau peut être vide ou remplis de fleurs, roses ou lys.

79 RAPHAËL, Couronnement de la Vierge (dit Retable Oddi), 1502-1504, Peinture grasse à tempera sur bois transférée sur toile, 272x162cm, Pinacothèque du Vatican, Rome, Annexe 4.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein