WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'assomption en Provence au XVIIème siècle.

( Télécharger le fichier original )
par Charlotte Siat
Université d'Aix-Marseille  - Master II Histoire de là¢â‚¬â„¢Art moderne spécialité Art moderne et contemporain 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II. L'ART EN PROVENCE, LES REPRÉSENTATIONS DE L'ASSOMPTION.

a. L'Assomption en France, règlements académiques et préceptes ecclésiastiques.

Alors qu'en Italie, les premières années du XVIIème siècle sont marquées par la controversée Mort de la Vierge du Caravage80, la théorie artistique en France crée de vifs débats, et l'Église impose un règlement ecclésiastique strict concernant les oeuvres religieuses. Le tableau du Caravage symbolisant à lui seul toutes les erreurs condamnables à ne pas commettre81, la théorie artistique du Grand Siècle est rythmée par de nombreuses exigences. Fréart de Chambray les résume dans son ouvrage de 1662, Idée de la perfection de la peinture (...)82, pour la peinture religieuse. Le profane ne devait pas se mélanger avec le sacré, les artistes devaient respecter la vérité historique. Pour l'auteur, la question de la bienséance est primordiale, l'oeuvre doit être considérée en fonction de son lieu de réception. Pour cela les artistes devaient veiller à ne jamais représenter les parties du corps « qui ne se peuvent montrer honnêtement »83, ils devaient conserver une idée de justesse et surtout sauvegarder la moralité de leurs représentations.

Dès le milieu du siècle, les exigences des ecclésiastiques rejoignent pour la plupart les préoccupations des artistes, et ce pour plusieurs raisons. Nous pouvons le mesurer dans les sujets abordés lors des nombreuses conférences tenues au sein de l'Académie royale de

80Le CARAVAGE, La Mort de la Vierge, 1601-1605, 369x245cm, Musée du Louvre, Paris, voir Annexe 7. Cette oeuvre fut commandée au Caravage par Laerzio Cherubini pour l'église Santa Maria Scala in Trastevere à Rome. À sa réception, l'oeuvre fut refusée par les moines, qui ne la trouvèrent pas digne du lieu. En effet, dans la représentation de ce moment qui précède de peu l'Assomption de la Vierge, le Caravage choisi de ne pas employer d'éléments reflétant le fondement divin de la scène, en renversant l'iconographie traditionnelle où la Vierge était sacralisée. Il la représente allongée sur son lit de mort, la tête penchée sur le côté, presque dans la position d'un corps à l'abandon, vision très éloignée des oeuvres de dévotion, alors très respectueuses des conventions. Le choix du peintre provoqua de vives réactions, le refus du clergé mais aussi les critiques acerbes de ses contemporains.

81 La Vierge dans l'oeuvre du Caravage est étendue, les pieds découverts, rien dans cette position ne rappelle le caractère divin de ce moment. Aucun personnage présent ne regarde vers le haut, la composition sombre n'annonce pas la future assomption de la Vierge.

82Fréart, de CHAMBRAY, Idée de la perfection de la peinture démontrée par les principes de l'art , et par des exemples conformes aux observations que Pline et Quintilien ont faites sur les plus célèbres tableaux des anciens peintres, mis en parallèle à quelques ouvrages de nos meilleurs peintres modernes, 1662, p.71 83Idem

27

peinture et de sculpture. La question de la vérité historique y est centrale, l'artiste devait être fidèle aux Écritures saintes pour les oeuvres religieuses, à l'Histoire ou à la Tradition. Cette notion de respect liée au contexte contemporain de la scène représentée comprend aussi l'exactitude du costume. Il ne devait résider aucun anachronisme dans les vêtements et attributs.

Ainsi les exigences énoncées par la théorie artistique du XVIIème font écho aux préceptes iconographiques du concile de Trente84et rejoignent donc un enjeu religieux. Le concile déclare que les oeuvres religieuses devaient éviter les impuretés85, ce qui se traduit au siècle suivant par l'interdiction de mélanger profane et sacré dans un même tableau. Il y est aussi question de bienséance, l'art religieux devant se garder d'avoir des attraits provocants ou, tout du moins, pouvant suggérer le mauvais message à un public qui ne serait pas instruit.

Mais les intérêts que partagent l'art et la religion sont aussi et avant tout une nécessité pour les artistes du Grand Siècle, car il est vrai que nous pourrions penser à une subordination de la théorie artistique aux préceptes de l'Église. Il s'agit aussi de relier ces convergences à la place que les artistes entendaient tenir dans la société ; pour revendiquer leur statut intellectuel, celui d'hommes érudits, ils devaient posséder diverses connaissances. L'artiste devait maîtriser plusieurs sujets, de l'Histoire à la Théologie en passant par les sciences, afin d'atteindre une clientèle privilégiée qui serait à même de partager cette culture.

Mais parmi ces considérations ecclésiastiques, se détachent des règles propres à la peinture, que nous illustrerons par trois exemples majeurs du Grand Siècle, à savoir : Laurent de La Hyre, Nicolas Poussin et Charles Le Brun. Ce dernier énonce dans ses conférences plusieurs éléments fondamentaux, dont l'idée de clarté dans la composition, passant par une hiérarchisation des éléments. Chaque élément devait servir la composition et non l'alourdir,

84 La 25e session du concile de Trente se déroula de 1545 à 1563.

85 Entendons tout ce qui n'est pas à caractère divin, ou indigne de l'être.

28

pour en faciliter la compréhension. Le superflu ou les détails qui n'avaient pas de fonction précise étaient alors déconseillés.

Pour la première partie du siècle, nous pouvons citer l'Assomption86 réalisée par Laurent de La Hyre en 1635. Cette oeuvre s'inscrit à un moment charnière de la carrière de l'artiste car il s'agit de sa première commande de grande ampleur, puisque outre l'Assomption, les Capucins commandèrent au peintre tout un ensemble de tableaux87.La composition de cette oeuvre, claire et ordonnée, respecte tous les éléments iconographiques que la tradition des écrits rapporte. Le registre inférieur présente les apôtres attroupés autour du tombeau, chacun dans une attitude différente qui rend compte de leur étonnement et de leur joie. Nous pouvons néanmoins noter une particularité : bien souvent le tombeau se trouve rempli de fleurs, alors qu'ici, nous pouvons voir un des apôtres tenir délicatement le linceul blanc qui enveloppait le corps de Marie. La partie supérieure de l'oeuvre est emplie d'un vaste nuage sur lequel la Vierge est assise, une multitude d'angelots représentés à demi-nus, semblent tournoyer autour d'elle dans un mouvement ascensionnel.

Antérieure donc à l'introduction en France du goût classique par Poussin, auquel Laurent de La Hyre adhèrera dès les années 1640, cette Assomption offre une vision colorée et réaliste du thème.

Nous passons ensuite à l'exemple phare de l'Assomption88 par Poussin. Bien que cette oeuvre fût réalisée à Rome, elle est immédiatement connue par la gravure, et fait figure de modèle de justesse en France. Alors que l'iconographie de l'Assomption semble définie, avec les éléments qui la caractérisent, l'oeuvre de Nicolas Poussin fait figure d'exception dans le

86 Laurent, DE LA HYRE, Assomption de la Vierge, 1635, 425 x 368 cm, Musée du Louvre, Paris, Annexe 8. L'oeuvre fut commandée au peintre par l'ordre des Capucins, pour l'église de leur couvent, rue Saint-Honoré à Paris. Grâce aux inventaires révolutionnaires, nous savons que ce tableau était agrémenté d'un retable de bois sculpté, et qu'il ornait le maître-autel. Le tout était surmonté d'un Christ portant sa croix de forme circulaire, du même artiste, aujourd'hui disparu.

87 L'Assomption venait couronner un ensemble de tableaux représentant des épisodes de la vie de saint François. 88Nicolas, POUSSIN, L'Assomption de la Vierge, 1649-50, 57x40cm, Musée du Louvre, Paris, voir Annexe 9.

29

moment choisi. Dans la plupart des compositions que nous avons vues, la présence des apôtres étonnés, voire affolés, et du tombeau signale le commencement de l'Assomption, et rappelle le caractère terrestre de la vie de Marie avant sa montée au ciel. Dans la composition de Poussin, aucun de ces éléments n'est présent : la Vierge est représentée dans les airs, sur un nuage, et entourée de quatre anges89. Le groupe est au centre du tableau et parait être déjà loin du monde terrestre, qui est, ici, symbolisé par une fine bande de paysage au bas de la composition, créant ainsi une perspective. La Vierge lève les bras et tous les regards y compris ceux des anges sont dirigés vers le ciel. Les drapés semblent animés par le vent provoqué lors de l'ascension.

L'Assomption de Poussin respecte les principes de convenance de son époque. Le choix du peintre pour des couleurs sobres, variées et douces fut loué auprès de ses contemporains, ainsi que la finesse des traits des personnages, qui expriment crainte et amour. C'est une oeuvre qui revêt une forte dévotion, qui s'apparente à une vision, sans toutefois outrepasser la Tradition, ni enfreindre la bienséance. Quelques années auparavant, le peintre avait d'ailleurs représenté le Ravissement de saint Paul90 avec la même composition.

Une décennie plus tard Charles Le Brun réalise une Assomption91 pour l'oratoire de l'appartement d'Anne d'Autriche92. Tout comme dans l'oeuvre de Poussin, les principaux attributs de l'Assomption ne sont pas représentés. Ici, aucun élément ne rappelle la vie terrestre de Marie qui vient de s'achever : elle est représentée s'élevant sur un nuage parmi une nuée d'anges. Certains regardent la Vierge et semblent exprimer « le ravissement et la

89 Ici les anges sont représentés adolescents, et vêtus d'un drapé.

90 Nicolas, POUSSIN, le Ravissement de saint Paul, 1643, 41,6 x 30,2 cm, John and Mable Ringling Museum of Art, Floride, voir Annexe 10.

91 Charles, LE BRUN, Assomption, 1661-1662, 136,5 x 193 cm, musée Thomas Henry, Cherbourg, Annexe 11.

92 L'Assomption de Le Brun figurait dans l'oratoire d'Anne d'Autriche, ainsi que deux autres oeuvres de la main du maitre, Le Crucifix aux anges et l'Ascension. L'oeuvre était à l'origine cintrée et peinte sur bois, à une date inconnue mais vraisemblablement ancienne, elle aurait été transposée sur toile et complétée pour s'adapter à un format rectangulaire.

30

vénération »93, tandis que ceux au premier plan sont tournés vers le spectateur. Mais pour rappeler les textes dédiés à ce sujet, nous apercevons derrière la Vierge, un ange tenant une harpe, certainement pour rappeler au public, le rôle actif qu'ils ont eu selon la croyance populaire. Charles Le Brun livre une Assomption qui plait à l'oeil tout en suivant les prescriptions de l'art religieux, pour inspirer la dévotion requise par ce sujet.

Au travers de ces trois exemples emblématiques, nous pouvons entrevoir toute l'importance de ce sujet religieux au XVIIème siècle. Un tel succès, s'il peut s'expliquer par le contexte politique et la piété du roi Louis XIII, est aussi dû à une raison propre à sa valeur artistique. Cette image rassurante de Marie, où elle est représentée heureuse et dans toute sa gloire, constitue un sujet plaisant et pieux. Les commanditaires ne s'en lassent pas ; l'Assomption revêt un esthétisme agréable. Rappelons que l'iconographie mariale a presque toujours représenté la Vierge malheureuse, comme en attestent les épisodes de la Passion du Christ94. Mais ce thème plaît également à l'esprit car il est à même d'inspirer aux fidèles une dévotion particulière, notamment par le biais d'une douceur propre aux représentations de la Vierge.

Cet engouement pour l'Assomption propre au XVIIème s'étend jusqu'en Provence. Cela s'explique en partie par la reproduction en gravure des tableaux de grands maîtres, permettant leur diffusion dans l'ensemble du royaume. Nous en avons eu l'exemple avec l'Assomption de Poussin, reproduite la même année que son exécution.

Nous allons justement nous intéresser à la Provence, où l'Assomption est particulièrement présente, et à la place particulière que cette région occupe au XVIIème siècle.

93Notices des tableaux composant le musée de Cherbourg, imprimerie de Dezauche, Paris, 1835, p.30.

94 L'art représente la Vierge dans de nombreux épisodes de la Passion, le Portement de Croix, la Crucifixion, le Calvaire, la Descente de croix, et la Pietà.

31

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon