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L'assomption en Provence au XVIIème siècle.

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par Charlotte Siat
Université d'Aix-Marseille  - Master II Histoire de là¢â‚¬â„¢Art moderne spécialité Art moderne et contemporain 2013
  

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b. La question des copies.

Il convient d'aborder la question des copies à ce stade de notre étude. En effet parmi notre catalogue d'oeuvres qui en compte vingt et une, anonymes et attribuées, nous rencontrons une copie d'une Assomption d'un peintre parisien et trois toiles dont le registre inférieur est similaire ou quasi similaire.

Nous traiterons en premier le cas de ces trois oeuvres : il s'agit de l'Assomption de François Mimault à Senez221, de celle de Jacques Macadré à Gréoux-les-Bains (Fig.3)222 et d'une toile anonyme conservée au Luc (Fig.20)223. Cette dernière se trouve au sein de l'église Notre-Dame-du-Mont-Carmel. La composition se présente en deux registres, séparés par une bande de ciel bleu. Dans la partie supérieure, un nuage s'étend sur toute la largeur de la toile, la Vierge est assise au milieu, avec de part et d'autre une nuée d'angelots vêtus de drapés rouges, jaunes et bleus. Marie, elle, porte une robe rouge et un drapé bleu, le visage légèrement tourné ; ses bras grand ouverts délimitent l'auréole qui entoure toute la partie supérieure du corps de la Vierge.

La question de la copie se pose donc pour le registre inférieur, le groupe des apôtres de l'Assomption du Luc est quasi- exactement le même que celui de Mimault à Senez. Ici la disposition des personnages est calquée à l'inverse, les seules différences se trouvent dans les coloris des vêtements, qui pour le reste sont strictement similaires. Nous remarquons aussi l'absence d'un apôtre. Si l'oeuvre de Mimault en compte douze, au Luc nous en trouvons seulement onze. À ce sujet nous pouvons nous demander si l'oeuvre n'a pas été coupée sur le côté droit pour rentrer dans un cadre à postériori224. Si nous ne connaissons ni l'auteur, ni la

221 Voir dans ce mémoire, II.), c., p. 35.

222 Idem, II.), c., p.38.

223Anonyme, Assomption, 17e siècle, Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Le Luc.

224 L'Assomption du Luc est aujourd'hui encadrée d'une frise de quadrilobes peinte sur le mur, qui délimite au-dessus un tympan à l'intérieur duquel sont figurés une myrte, un rameau et un livre en médaillon. Ces peintures

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date de l'exécution de l'oeuvre, nous pouvons supposer qu'elle fut réalisée après celle de Mimault, sans pour autant en être certains. En effet, deux hypothèses s'offrent à nous : la plus probable serait que ces artistes eurent tous deux connaissance d'une gravure qui circulait dans la région et qui offrait un modèle de composition dédié au groupe des apôtres. La seconde, plus discutable voudrait que l'artiste du Luc ait consciemment copié une partie de l'oeuvre de Mimault. Le peintre aurait dans ce cas bénéficié d'une fort bonne réputation dans la région, au point que ses oeuvres soient prisent comme « références » par d'autres peintres provençaux.

De plus, nous retrouvons également de nombreuses similitudes entre le groupe des apôtres de Senez et celui de l'oeuvre de Jacques Macadré réalisée en 1615, une année après celle de François Mimault. Bien que la composition ne soit pas tout à fait la même, chez Macadré, les trois apôtres derrière et à droite du tombeau sont plus espacés les uns des autres. Notons aussi que le commanditaire présent dans l'oeuvre de Mimault est ici remplacé par un apôtre225. La gestuelle est tout autant identique, un seul apôtre à gauche ne lève pas la main dans la composition du Luc, le peintre a également rajouté une clé à la main de saint Pierre sans en changer la position. Cependant là aussi la couleur des vêtements des douze apôtres varie d'une oeuvre à l'autre et les coloris dans l'ensemble sont un peu plus ternes dans l'Assomption du Luc. Dans ce cas, la question se pose encore : Jacques Macadré a-t-il puisé son inspiration chez Mimault, ou ont-ils eu le même modèle de gravure ?

Quoi qu'il en soit, il faut aussi prendre en compte une remarque pertinente de Marie-Claude Homet à propos de la copie :

« Le peintre lui-même n'a pas toujours la perception de ses sources. La part d'inspiration et celle de transcription, et même d'imitation, restent du domaine de l'inconscient bien plus que

murales sont attribuées au peintre D. Dechiffre, dit Il pintore, elles sont datées de 1898. Avant de recevoir ce décor l'oeuvre a donc pu être encadrée durant les siècles précédents.

Inventaire général du patrimoine culturel, dossier n° 83001046.

225 Chez Mimault, l'apôtre est présent au dernier plan, derrière le tombeau.

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du conscient. Il n'y a que la copie conforme qui traduise vraiment l'admiration, la volonté de faire comme l'autre »226.

Cette dernière phrase pourrait définir l'ultime oeuvre de notre catalogue, l'Assomption (Fig.21)227 anonyme conservée au sein de la chapelle Saint-Symphorien de Vernègues228.Il s'agit en effet de la copie inversée de l'Assomption229 de Simon Vouet conservée au musée des Beaux-arts de Reims et réalisée en 1644 pour l'oratoire de la chapelle d'Anne d'Autriche au Palais Royal. L'oeuvre présente au bas les apôtres, de part et d'autre de quelques marches au premier plan qui mènent au tombeau. Juste au-dessus la Vierge s'élève debout sur les nuages accompagnée par plusieurs anges. Vouet la représente le visage quasiment de profil. Le mouvement ascensionnel est particulièrement mis en avant par l'agitation des drapés du manteau bleu de Marie. Derrière la scène figure un décor architectural composé de colonnes corinthiennes, révélant chez Simon Vouet un rapprochement vers le classicisme, amorcé dès 1640. Cette oeuvre est également caractérisée par la finesse du dessin et des coloris. En effet l'oeuvre de la chapelle Saint-Symphorien, bien que le sens soit inversé, présente une composition identique. Le peintre ne fait cependant pas figurer les colonnes corinthiennes et « comble » le fond de la scène par une masse nuageuse. Les personnages se trouvent dans les mêmes postures, rendant une dynamique similaire à l'oeuvre de Vouet. Si la lumière vient de la même source sur les deux toiles, nous remarquons que dans la copie celle-ci est plus intense. Un rayon illumine la Vierge jusqu'à son tombeau et tranche ainsi d'avantage les volumes.

226HOMET, Marie-Claude, Michel Serre et la peinture baroque en Provence (1658-1733), Aix-en-Provence, 1987, p.37.

227 Anonyme, Assomption, 17ème siècle, 173 x 120 cm, chapelle Saint-Symphorien, Vernègues.

228 Dans l'actuel département des Bouches-du-Rhône.

229Simon VOUET, Assomption de la Vierge, 196 x 129cm, 1644, musée des Beaux-arts, Reims. Annexe 14.

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Pour le reste, le peintre de Vernègues a largement copié l'Assomption de Vouet, qui fut reproduite par la gravure en 1647 par Michel Dorigny230. L'oeuvre de la chapelle Saint-Symphorien est donc très certainement postérieure à 1647. Bien que le peintre demeure inconnu, la présence au bas à gauche de l'oeuvre d'un blason231 pose la question du commanditaire. La halle voutée dans laquelle se trouve l'oeuvre aujourd'hui, était au XVIIème ouverte sur l'extérieur. L'Assomption a donc probablement été destinée à un autre emplacement au sein de l'édifice. Selon les informations connues, cette halle voutée fut offerte par la dame d'Oppède, certainement Marie-Thérèse de Pontevès232, épouse233 d'Henri de Forbin-Mainier234, baron d'Oppède. La halle ayant été intégrée au volume intérieur de la chapelle seulement en 1767, il n'est cependant pas impossible que Marie-Thérèse de Pontevès ait offert cette toile au même titre que son mécénat envers l'architecture. Les armoiries présentes sur l'oeuvre rappellent celle de la famille noble provençale des Agoult235 dont sont issus les Pontevès. Ainsi nous retrouvons des armoiries où figurent les deux familles236. De plus l'oeuvre a été datée par la DRAC237 de la deuxième moitié du XVIIème siècle, ce qui correspondrait au mécénat pour la halle de 1650 émanant de Marie-Thérèse de Pontevès. Elle aurait pu également offrir cette oeuvre à une date postérieure. Il s'agit là d'une hypothèse, car aucun prix fait existant ne vient confirmer avec certitude cette information.

230 Michel Dorigny était le gendre et l'élève de Simon Vouet, c'est un peintre et un graveur qui réalisa de nombreuses oeuvres.

Voir DUMESNIL, Robert, Catalogue raisonné des estampes gravées par les peintres et dessinateurs de l'école française, Tome 4, Allouard Libraire, Paris, 1839, p.247 à p.300.

231 Ces armoiries se présentent sous la forme d'un blason bleu portant un loup sur la diagonale. Voir détail (Fig.21).

232 Marie-Thérèse de Pontevès (1626 - 1699).

233 Le mariage eu lieu en juin1637.

CHENAYE-DESBOIS, M. de la, Dictionnaire de la noblesse, Tome 6, Antoine Boudet Libraire, Paris, 1773, p. 528.

234 Henri de Forbin-Mainier fut baron d'Oppède, « seigneur de la Fare, du Rouvet, de Peyroles et en partie de Varage, fut connu, comme son père, conseiller, puis président, et enfin premier président du Parlement de Provence, par provisions du 19 septembre 1655. »

Idem

235 Voir CHENAYE-DESBOIS, M. de la, Dictionnaire de la noblesse, Tome 1er, Antoine Boudet Libraire, Paris, 1770, p.74.

236 Voir (Fig.21).

237 Dossier DRAC n° PM13002600

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Par ailleurs, nous avons connaissance d'une autre copie inversée de l'oeuvre de Simon Vouet, conservée au sein de l'église paroissiale Saint-Michel de Bordeaux, cette Assomption238 anonyme est néanmoins datée239 et porte les armoiries du commanditaire, qui là aussi n'ont pas pu être identifiées avec certitude.

L'exemple de la copie de Vernègues prouve la rapidité de diffusion en Provence des oeuvres des grands maitres parisiens, mais pas seulement. Bien que le peintre reproduise la composition exacte de Vouet, le traitement de la lumière et des coloris nous indique une maitrise certaine de son art, et dénote un trait stylistique propre aux artistes provençaux. Si nous n'avons qu'un exemple dans notre catalogue de réplique exacte comme celle-ci, nous remarquons ici que la réponse de l'artiste à la question de la copie est double. La notion d'admiration, liée à Simon Vouet peintre tout autant parisien qu'italien, devait être présente chez le commanditaire et chez l'artiste. Cependant ce dernier, s'il répond à la demande en reproduisant la composition, ne tourne pas le dos à une tradition ancrée en Provence où la vivacité des coloris est prédominante. Mais il ne faut pas oublier un paramètre important, notre peintre était peut être copiste, ce qui est certain c'est que le fait qu'il soit choisi par le commanditaire pour ce type de travail révèle un aspect de son art. Cela démontre que l'artiste était alors considéré comme digne et assez talentueux pour reproduire au mieux la manière du maître.

Au XVIIème siècle, la notion de copie, de reproduction n'était donc absolument pas considérée de manière dépréciative comme aujourd'hui. Nous le savions pour sa fonction d'enseignement, lorsque les peintres au cours de leur apprentissage reproduisaient les oeuvres de grands maîtres de la Renaissance ou les modèles antiques. La copie avait une réelle fonction d'enseignement, et était considérée comme une règle inhérente à la pédagogie

238Anonyme, Assomption, 1652, 211x151 cm, d'après Simon Vouet, église Saint-Michel, Bordeaux. Annexe 15. 239 La date, 1652, se trouve en bas au gauche de l'oeuvre.

Inventaire général du patrimoine culturel, région Aquitaine, dossier n° IM33002195.

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artistique. Outre cette fonction que nous connaissons bien, elle permettait donc la diffusion d'oeuvres prestigieuses dans tout le royaume dont la Provence.

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