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La souveraineté de l'état en période de conflits déstructurés.

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par Paul Mystère Léonnel NTAMACK BATH
Université de Douala - Master II Recherche Droit international public 2010
  

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CHAPITRE II :

LES VIOLATIONS MASSIVES ET SYSTEMATIQUES DES DROITS FONDAMENTAUX DE LA PERSONNE HUMAINE CONSECUTIVES A L'AFFAIBLISSEMENT DE LA SOUVERAINETE DE L'ETAT 

Le droit international a érigé les droits de l'homme en normes impératives de jus Cogens, leur respect en toute circonstance s'impose à tous. Ainsi, les violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l'homme en période de conflits déstructurés vont à l'encontre des principes du droit international et traduisent l'échec de l'Etat dans sa mission de respect et de protection des droits humains fondamentaux. De plus, la multiplication des conflits internes, lors desquels le respect des droits de l'homme et l'assistance humanitaire sont encore plus directement dépendants de la volonté d'un seul Etat est révolu180(*). Car, malgré tout, le droit international a évolué181(*). Là où, il reposait naguère essentiellement sur la volonté des Etats et où il ne pouvait y avoir intervention dans les affaires intérieures d'un Etat sans son accord, actuellement, différents facteurs, dont le développement des droits de l'homme et du droit international humanitaire, ont tempéré cet exclusivisme182(*). Ce qui a permis une progression de la protection de l'individu, dans le sens où, elle ne dépend plus uniquement de la seule autorité de l'Etat dont il est ressortissant183(*). D'autres entités veillent également à le défendre éventuellement contre son propre Etat184(*).

Cette évolution se manifeste dans les objectifs déclarés des conventions concernant les droits de l'homme sur le plan régional ou universel, mais aussi dans ceux des conventions internationales du droit humanitaire185(*). Nous notons également que, depuis un certain temps déjà, nombre de résolutions des Nations Unies ont permis un assouplissement de l'interprétation de l'article 2§7 de la charte186(*). Ainsi, il semble que le respect des droits fondamentaux, dans certaines conditions, ne saurait relever exclusivement de la compétence nationale, ce qui prévaudrait, en définitive, ce serait la protection des individus et la possibilité d'un « droit » de regard pour la communauté internationale187(*). L'individu n'est plus fait pour l'Etat, l'Etat est désormais au service de l'individu et face à la souveraineté étatique, la souveraineté individuelle l'emporte188(*). Cela ne signifie pas que l'Etat national n'est plus l'élément de base de l'ordre international, mais qu'il peut sans doute moins facilement s'abriter derrière sa souveraineté pour refuser toute explication quant à la situation de ses ressortissants189(*). Car, ce qui fonde l'ingérence c'est que l'« intérieur » et l'« extérieur » sont en interaction : en se comportant « mal », l'Etat ne frappe pas seulement sa population, il menace l'ordre international justifiant ainsi l'intervention extérieure190(*).

L'affaiblissement de la souveraineté de l'Etat se mesure à l'aune des violations latentes et flagrantes des droits de l'homme en période conflits déstructurés dans la mesure où, c'est à l'Etat que revient la responsabilité principale de respecter et de protéger les droits humains essentiels des personnes sur son territoire sans aucune distinction. En faisant cela, il s'acquitte des obligations erga omnes de protection de la personne humaine en toute circonstance. Puisque les violations flagrantes massives et systématiques des droits de l'homme vont à l'encontre des principes du droit des gens191(*), cette situation, conséquence de l'affaiblissement de la souveraineté de l'Etat en période de conflits déstructurés, est une menace pour la paix et la sécurité internationales (section 1). Elle conduira inéluctablement à l'application à l'encontre de l'Etat défaillant de mesures coercitives du maintien de la paix et de la sécurité internationales (section 2).

SECTION I : UNE SITUATION DE MENACE POUR LA PAIX ET LA SECURITE INTERNATIONALES

Les conflits déstructurés et de surcroît les violations flagrantes de droit de l'homme (Paragraphe 1) qui en sont l'une des conséquences directes, constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales, car ils mettent en péril la vie humaine et la stabilité de la société internationale. En période de conflits déstructurés, l'Etat devient le lieu par excellence de commission de pires atrocités telles que le viol, le meurtre, le nettoyage ethnique. Dans ce contexte, la responsabilité de protéger vise à remédier la défaillance de l'Etat par l'application de normes de protection des droits de l'homme qui consacrent ainsi la fin de la souveraineté bouclier de l'Etat face aux violations des droits fondamentaux192(*) (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LES VIOLATIONS FLAGRANTES DES DROITS DE L'HOMME

Les violations graves des droits humains essentiels vont étroitement en contradiction avec les règles de protection des droits fondamentaux en toute circonstance. Les violations flagrantes des droits de l'homme sont une négation de la nouvelle règle d'obligation internationale de protection qu'est la responsabilité de protéger. A cet effet, le Secrétaire Général Kofi Annan affirme que : « Le droit à la souveraineté des Etats est actuellement redéfini [...]. En même temps, la souveraineté de la personne ... a été renforcée par une prise de conscience accrue des droits de l'homme »193(*).

En période de conflits déstructurés, il est notoire la violation des obligations de protection incombant à l'Etat en charge du contrôle du territoire qui s'imposèrent, il y a plus de cent ans, dans le droit de La Haye relatives aux obligations désormais coutumières de la puissance occupante194(*). La Cour internationale de justice le rappelle d'ailleurs dans l'affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (Congo C. Ouganda)195(*) :

« L'obligation, énoncée à l'article 43 du règlement de la Haye de 1907 comprend le devoir de veiller au respect des règles applicables du droit international relatif aux droits de l'homme et du droit international humanitaire, de protéger les habitants du territoire occupé contre les actes de violence et de ne pas tolérer de tels actes de la part d'une quelconque tierce partie »196(*). Le droit de Genève est évidemment pertinent, en ce qu'il établit sans contexte des obligations de protection au profit de certaines catégories de personnes (civils, blessés, malades), obligations qui reposent au premier chef sur les Etats au pouvoir desquels elles se trouvent197(*).

De ce fait, « L'Etat concerné ne peut plus agir en maître absolu de son territoire et de sa population »198(*). Le périmètre de souveraineté a été redéfini et en sus des droits anciens d'ordre politique et territoriaux, l'Etat possède maintenant des devoirs envers sa population199(*). L'Etat se doit dorénavant d'agir en responsable et devient le garant du bien-être de sa population ; aucune violence à l'encontre de celle-ci ne peut être tolérée, et ceci pour éviter tout crime de génocide, crime contre l'humanité200(*), crime de guerre. En période de conflits armés déstructurés, les obligations des Etats de respecter (A) et de faire respecter (B) en toutes circonstances les droits fondamentaux consacrés dans les conventions de Genève 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977 ainsi que dans les Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme sont bafoués.

A- La violation de l'obligation fondamentale de l'Etat de respecter les droits fondamentaux de la personne humaine en toutes circonstances

Cette obligation clairement énoncée dans l'article premier commun des conventions de Genève et l'article premier § 1 du protocole 1 implique un certain comportement de la part des Etats, qu'ils soient ou non parties à un conflit201(*). Ce comportement découle d'une règle fondamentale du droit international, Pacta sunt servanda, énoncée dans l'article 26 de la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, qui impose aux Etats d'appliquer de bonne foi leurs engagements conventionnels202(*). Le caractère erga omnes de l'obligation des Etats parties de « respecter et faire respecter » le DIH ne « découle pas seulement des conventions elles-mêmes mais des principes généraux du droit humanitaire dont les conventions ne sont que l'expression concrète »203(*).

La convention sur la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, comme celle contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants du 12 décembre 1984 en offrent deux illustrations. Les Etats parties s'y engagent à prévenir, puis à réprimer, certains actes perpétrés contre les personnes qui sont sous leur responsabilité, et donc à les en protéger204(*). S'agissant de la première, la Cour internationale de Justice a du reste déjà constaté qu'elle :

« Vise d'une part à sauvegarder l'existence même de certains groupes humains, d'autre part à confirmer et à sanctionner les principes de morale les plus élémentaires »205(*). Lorsqu'un Etat n'est plus capable d'assurer cette obligation, son échec témoigne de l'affaiblissement de sa souveraineté.

Le droit international conventionnel, ou même coutumier si l'on prend les exemples du droit humanitaire, ou même celui du droit des minorités reconnu comme « cogens » par la Commission d'arbitrage pour l'ex-Yougoslavie, est loin d'être exempt d' « obligations de protéger »206(*). Pourtant, la Commission Evans-Sahnoun soutient dans son rapport que l'idée qu'elle s'en fait découle d'une « acceptation moderne de la souveraineté »207(*) laquelle serait au demeurant d'évidence208(*). Selon elle « Même chez les plus fervents partisans de la souveraineté des Etats, la défense de cette souveraineté ne saurait, pour l'Etat, aller jusqu'à prétendre qu'il dispose d'un pouvoir illimité de faire ce qu'il veut de sa propre population ... Il est communément admis que la souveraineté implique une double responsabilité : externe - respecter la souveraineté des autres Etats - et interne - respecter la dignité et les droits fondamentaux de toute personne vivant sur le territoire de l'Etat »209(*).

Par ailleurs, les participants à la première conférence des Nations Unies sur les droits de l'homme réunie à Téhéran (1968) reconnaissaient que la mise en oeuvre du DIH constitue la meilleure garantie de protection des droits fondamentaux dans les situations de conflits armé210(*). De plus, l'obligation de respecter le DIH a pour effet de préserver les droits fondamentaux de l'individu, il est à voir que tous les éléments juridiques caractérisant la « responsabilité de protéger » tels qu'ils figurent dans le document final du Sommet de 2005, étaient déjà bien présents dans le principe « respecter et faire respecter211(*). Il est désormais claire que l'obligation de « respecter et faire respecter » trouve également application face à toute violation grave et massive des droits de l'homme212(*) qui est une menace pour la paix et la sécurité internationales.

* 180 Patricia BUIRETTE / Philippe LAGRANGE, Droit International Humanitaire, Paris, La Découverte, 2008, p. 83

* 181 Ibid.

* 182 Ibid.

* 183 Ibid.

* 184 Ibid.

* 185 Ibid.

* 186 Patricia BUIRETTE / Philippe LAGRANGE, Droit international humanitaire, Paris, La Découverte, 2008, p. 83

* 187 Ibid.

* 188 Philippe MOREAU DEFARGES, « Souveraineté et ingérence », RAMSES 2001, p. 174

* 189 Patricia BUIRETTE / Philippe LAGRANGE, Droit international humanitaire, op. cit., p. 83

* 190 Philippe MOREAU DEFARGES, « Souveraineté et ingérence », op. cit., p. 176

* 191 Compris comme Droit international public

* 192 Patricia BUIRETTE / Philippe LAGRANGE, Droit international humanitaire, Paris, La Découverte, 2008, p. 88

* 193 Jean DHOMMEAUX, « Souveraineté face au droit international des droits de l'homme », in I.C.E.S., La souveraineté dans tous ses états, Colloque du Centre de Recherches Hannah Arendt, Paris, Cujas, 2011, p. 118.

* 194 Jean-Marc THOUVENIN, « Genèse de l'idée de responsabilité de protéger », in S.F.D.I., la responsabilité de protéger, Colloque de Nanterre, Paris, Pedone, 2008, p. 28

* 195 Ibid.

* 196 Ibid., CIJ, Affaire des Activités armées sur le territoire du Congo, Arrêt du 19 décembre 2005, Par. 178. Pour un commentaire récent de l'article 43 du règlement de La Haye de 1907, voir M. SASSOLI, « Législation and Maintenance of Public Order and Civil Life by Occupying Powers », EJIL, 2005, Vol. 16, 661-694

* 197 Ibid., p. 29.

* 198 Audrey GRATADOUR, « La responsabilité de protéger à l'épreuve de la réalité internationale », Sécurité mondiale, P.S.I., n°55, Janvier - Février 2012, p. 2

* 199 Ibid.

* 200 Ibid.

* 201 Abdelwahab BIAD, Droit international humanitaire, Paris, Ellipses, 2006, p. 83

* 202 Ibid.

* 203 Ibid., voir CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, CIJ Recueil 1986, § 118.

* 204 Ibid.

* 205 Ibid., CIJ, Affaire des Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, Rec., 1951, p. 23

* 206 Jean-Marc THOUVENIN, « Genèse de l'idée de responsabilité de protéger », op.cit., p. 30

* 207 Ibid., voir Rapport de la Commission internationale à l'intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE), « La responsabilité de protéger », Centre de recherches pour le développement international, OTTAWA, décembre 2001, p. 17, par. 1. 35.

* 208 Ibid., c'est aussi l'avis du Groupe de personnalité de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, réussir par le secrétariat général pour établir le rapport Un monde plus sûr notre affaire à tous, P. 23, Par. 29

* 209 Jean-Marc THOUVENIN, « Genèse de l'idée de responsabilité de protéger », op.cit., p.30, voir Rapport de la Commission Internationale de l'Intervention et de la Souveraineté des Etats (CIISE), op.cit., p. 17, Par. 1. 35.

* 210 Ibid., p. 41

* 211 Laurance BOISSON DE CHAZOURNES, Luigi CONDORELLI, « De la `` responsabilité de protéger'', ou d'une parure pour une notion déjà bien établie », R.G.D.I.P., 2006 n°1, p. 16

* 212 Ibid.

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