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L'investisseur victime d'une infraction boursière en zone CEMAC.

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par francois xavier Bandolo
Université de Yaoundé II - Master II Droit des affaires 2015
  

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2. LES DIRIGEANTS DE L'EMETTEUR, AUTEURS D'UNE FAUTE BOURSIERE EN ZONE CEMAC

L'analyse de la faute commise par les dirigeants de la société émettrice rend nécessaire d'exposer les conditions de responsabilité de ceux-ci avant d'envisager le traitement jurisprudentiel du caractère détachable de la faute des dirigeants sociaux.

Les dirigeants occupent une place centrale et particulière au sein de l'organisation de la société. En effet, ils sont tout d'abord nommés par les associés dans le but de gérer la société, mais également dans le but de représenter celle-ci à l'extérieur. La société étant une personne morale, elle doit êtrereprésentée par un organe agissant en son nom et pour son compte : le dirigeant. Cette fonction aurait pu être endossée par les associés, mais au vu de leur nombre, parfois important, cela n'aurait mené qu'à une paralysie dans le fonctionnement de la société. La loi a donc opté pour un système de représentation.

En effet, « le dirigeant des sociétés commerciales est investi d'un pouvoir légal de représentation générale »204(*). Ainsi, en contrepartie de leurs pouvoirs étendus, les dirigeants sociaux qu'ils soient de Droit ou de fait205(*) engagent leur responsabilité. Dans un souci de protection de la personne morale, législateur et jurisprudence ont élaboré des règles permettant de contrôler l'action des dirigeants sociaux, ceux-ci devant agir dans l'intérêt de la société.L'étude de l'évolution de la responsabilité du dirigeant social laisse apparaitre une tendance à une plus grande sévérité à leur encontre dans le but de dissuader, ou à postériori de sanctionner le dirigeant qui n'agirait pas dans l'intérêt de la société, qu'il agisse par volonté, par omission ou par négligence.

Parlant de la qualité de dirigeant, il est important de relever qu'il ne sera pas tenu compte dans cette analyse de la qualité de dirigeant de sociétés commerciales autres que ceux de la société anonyme puis que faisant seule appel public à l'épargne206(*) . En Droit OHADA207(*), la société anonyme joue un rôle économique de premier plan208(*) et apparait même comme « la forme sociétaire la plus importante »209(*) en Droit OHADA. Ainsi, les dirigeants des sociétés commerciales en zone CEMAC ont une obligation de loyauté aussi bien envers les actionnaires qu'à l'égard de l'entreprise. Il en ressort que ces dirigeants répondent des manquements aux dispositions légales, réglementaires applicables aux sociétés.

En ce qui concerne la faute proprement dite des dirigeants, notons qu'il s'agit de tout agissement reprochable pouvant avoir une incidence négative sur l'intégrité du marché ainsi que sur les intérêts des investisseurs dans le cadre d'une opération de bourse. Concernant la violation des dispositions légales ou statutaires par les dirigeants, on peut citer, l'utilisation des fonds sociaux à des fins illicites, de la violation des pouvoirs du conseil d'administration ou encore, du non exercice par les administrateurs des pouvoirs qui leur sont dévolus par les statuts210(*). La jurisprudence estime d'ailleurs que l'inaction de l'administrateur, loin de constituer une cause d'exonération de responsabilité est considérée comme une faute211(*). La responsabilité des dirigeants ainsi invoquée peut être individuelle ou solidaire, car les dirigeants qui violeraient d'un commun accord les dispositions statutaires ou légales, engagent ainsi leur responsabilité solidaire.

A cet effet, les Articles 740 et suivants de l'AUSC & GIE précisent le régime de responsabilité des administrateurs. Au nombre des faits générateurs figurent les infractions aux dispositions législatives ou règlementaires. Un administrateur qui viole ainsi les dispositions de la loi camerounaise n°99/015 du 22 décembre 1999, ainsi que celles du Règlement général de la COSUMAF, qui instituent les principales infractions boursières à savoir le délit d'initié, la manipulation de cours, ou enfin de la diffusion des informations fausses ou trompeuses, doit réparer le préjudice qu'il fait subir à l'investisseur.

Concernant la faute de gestion commise par les dirigeants, celle-ci doit également violer une disposition boursière impérative en agissant significativement sur le fonctionnement normal du marché. Cette faute est souvent « la conséquence des abus dont ils sont responsables (les dirigeant) dans le cadre de la gestion sociale »212(*). On peut ainsi lister comme faute de gestion, le détournement des dividendes dus aux actionnaires, la présentation des comptes inexacts ou de renseignements erronés fournis volontairement par le conseil d'administration sur une prospérité fictive de la société.

C'est cette solution qui est également retenue dans la jurisprudence, car dans les affaires SIDEL et REGINA RUBENS213(*) où l'action civile se greffait sur une action publique, ont été condamnés un mandataire social et deux préposés pour la première ; les deux mandataires sociales solidairement pour la seconde. L'action civile autonome intentée dans l'affaire GAUDRIOT a débouché, elle, sur la condamnation in solidum des administrateurs. Dans cette espèce, les jugent déclarent : «  mais attendus que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'absence de sincérité des comptes, liée à l'adoption d'une méthode inadaptée dès le départ à la nature de l'activité de la société, ne pouvait échapper au principal dirigeant, ni aux administrateurs avertis ».

Dans la zone CEMAC, la détermination de la faute des dirigeants et administrateurs est importante car, elle permet de sanctionner le dirigeant fautif. Une sanction cependant symbolique au regard de l'insolvabilité souvent constatée du dirigeant social. Cette insolvabilité constante des dirigeants place les investisseurs lésés dans une situation peu confortable. Cette solution reste cependant louable dans la mesure où elle rompt avec l'impunité des dirigeants sociaux. Ceux-ci devant désormais répondre de leurs actes.

La punition des dirigeants sociaux se poursuit également sur le terrain du rejet du caractère détachable de leur faute dans la jurisprudence.

La faute détachable du dirigeant est une faute intentionnelle d'une particulière gravité et incompatible avec l'exercice normal des fonctions de dirigeant214(*) et donc insusceptible d'engager la responsabilité civile de la société. Elle est fondée sur le fait que le dirigeant, représentant légal de la société, agit en son nom et pour son compte, y compris lorsqu'il commet une faute, sauf à se rendre coupable d'agissements dépassant les bornes de ses attributions.

En effet, l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation en date du 9 mars 2010, STE EPF PARTNERS ET AUTRES C/ ABELA ET AUTRES DIT ARRET GAUDRIOT, ainsi que L'ARRET CREDIT MARTINIQUAIS215(*) renforcent très substantiellement la responsabilité de l'administrateur. Dans ces arrêts, la cour de cassation consacre qu'  il n'est pas nécessaire que la faute commise par l'administrateur soit séparable de ses fonctions pour engager sa responsabilité civile envers les actionnaires ; et qu'il revient à chaque administrateur de démontrer qu'il n'a pas participé à la décision fautive pour s'abstraire de la responsabilité in solidum. Dans un attendu majeur, les juges affirment :« attendu que la mise en oeuvre de la responsabilité des administrateurs et du directeurs général à l'égard des actionnaires, agissant en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi, n'est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ces dirigeants, soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales »216(*).

De plus, les juges de la cour de cassation font désormais peser sur les administrateurs, une présomption de responsabilité et de dissimulation. Dans l'affaire CREDIT MARTINIQUAIS, ils décident que :« commet une faute individuelle, chacun des membres du conseil d'administration ou du directoire d'une société anonyme qui, par son action ou son abstention, participe à la prise d'une décision fautive de cet organe, sauf à démontrer qu'il s'est comporté en administrateur prudent et diligent, notamment en s'opposant à cette décision ». Il s'agit néanmoins d'une présomption simple de la faute de l'administrateur qui tombe sous le coup de la preuve contraire.

Ce rejet jurisprudentiel de la faute détachable du dirigeant est louable, mais pose quand même un problème. En effet, ne pouvait-on pas considérer que la faute du dirigeant qui, sciemment, publie une information trompeuse sur le marché, est une faute séparable de ses fonctions, en ce qu'elle constitue une faute intentionnelle, d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ?

En zone CEMAC, cette évolution jurisprudentielle parait bénéfique pour un investisseur lésé car, la reconnaissance de la présomption de responsabilité aux dirigeants sociaux cadre avec l'actualité de cette sous région à savoir, une lutte acharnée contre les détournements de fonds ainsi que de multiples fautes de gestion, sans oublier la flambée du phénomène de la corruption217(*). Cette situation dénote souvent la mauvaise volonté des dirigeants sociaux qui préfèrent servir leurs propres intérêts au détriment de l'intérêt social. Désormais, ces dirigeants véreux sont placés face à leurs responsabilités, à charger pour eux de fournir la preuve de leur non implication dans le phénomène délictuel incriminé. Une mesure bénéfique donc pour l'investisseur lésé car, la responsabilité des administrateursest désormais clairement affirmée. Une mesure bénéfique également pour la sous région qui doit rassurer ses investisseurs en pourchassant coûte que vaille l'impunité dans les principales places boursières de la zone CEMAC.

L'objectif de réparation ainsi décliné exige également que soit apportée la preuve d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

PARAGRAPHE 2 : LA JUSTIFICATION D'UN LIEN DE CAUSALITE ENTRE LA FAUTE ET LE PREJUDICE

Dans le domaine juridique, le lien de causalité entre le fait générateur de responsabilité et le préjudice est une question aussi essentielle que délicate à trancher.En doctrine, deux conceptions s'affrontent. Pour la première, la théorie de l'équivalence des conditions, tous les évènements qui ont contribué au dommage doivent être considérés comme ayant causé celui-ci. Un évènement est une cause du préjudice chaque fois que, sans lui, le dommage ne se serait pas produit. Cette théorie a le mérite de la simplicité mais, elle est difficilement applicable en pratique car, elle aboutirait à reconnaitre un rôle causal à des événements n'ayant qu'un rapport très lointain avec le préjudice. Selon la deuxième théorie dite de la causalité adéquate, ne seront considérés comme ayant joué un rôle causal, que les événements ayant directement participé à la réalisation du préjudice. Cette théorie implique de pouvoir déterminer quels événements ont joué un rôle déterminant et quels sont ceux qui ont joué un rôle secondaire.

La jurisprudence est divisée entre ces deux théories mais d'une manière implicite, la théorie de l'équivalence des conditions semble être préférée car elle affirme constamment que le lien de causalité existe, dès lors qu'en l'absence de survenance du fait retenu contre le défendeur, le préjudice ne se sera pas produit218(*).

Ces règles générales s'appliquent en matière boursière avec de nombreuses spécificités liées à la complexité du milieu boursier (A). La perte de chance apparait cependant comme une issue bénéfique dans la détermination de la causalité boursière (B)

A. LA COMPLEXITE DE LA DETERMINATION DE LA CAUSALITE EN MATIERE BOURSIERE

La détermination de la causalité boursière nécessite la mobilisation de certaines techniques (1) qui font malheureusement face à de nombreux obstacles (2).

* 204 KUASSI DECKON (F), les pouvoirs du dirigeant de société commerciale en Droit uniforme OHADA, disponible sur OHADA.com «ohadata D-13-47 », p 1.

* 205 « Personne qui exerce la direction, la gestion ou l'administration de la société alors que ce pouvoir ne lui a pas été régulièrement attribué », NZE NDONG dit MBELE (J.R), le dirigeant de fait en Droit privé français, Thèse, Université de Nancy 2, 2008, p 16.

* 206 Articles 823 à 853 AUSC & GIE Société anonyme faisant APE.

* 207 Tous les Etats de la zone CEMAC sont partie au traité OHADA, et donc ce sont les dispositions de l'AUSC & GIE qui s'appliquent en matière de droit des sociétés.

* 208ANOUKAHA (F), CISSE (A), DIOUF (N), NGUEBOU TOUKAM (J), POUGOUE (P-G) et MOUSSA SAMB, sociétés commerciales et GIE, juriscope, 2002, op.cit.

* 209 NGOUE (W.J), la mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants de sociétés anonymes en droit OHADA, op.cit. p 2.

* 210 NGOUE (W.J), la mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants op.cit. p 4.

* 211 Cass.com., 25 mars 1997, RJDA 7/97 n°966 et Cass.com., 31 janvier, 1995, RJDA 7 /95 n° 902.

* 212 NGOUE (W.J), la mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants op.cit. p 4.

* 213T.Corr. Paris, 22 janvier 2007, inédit.

* 214 Arrêt SEUSSE, cass.com. 20 mai 2003, juris data, n°2003-019081, Dr. Des sociétés 2003 comm.148, obs. J. Monet.

* 215 Cass.com,. 30 mars 2010 n°405 FR, fonds de garantie des dépôts c/ société caribéenne de conseil et d'audit, dit arrêt crédit martiniquais.

* 216 Arrêt Gaudriot, op.cit.

* 217 Le Cameroun s'est particulièrement démarqué dans le domaine de la corruption puis que plusieurs fois cible de TRANSPARENCY INTERNATIONAL dans le cadre du classement des pays les plus corrompus au monde.

* 218 Civ. 2è, 27 mars 2003, JCP 2004, I, 101, n°3, obs. G. VINEY.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard