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Le recours des individus auprès du panel d'inspection de la banque mondiale.

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par Jean-Eric FONKOU CHANOU
Université Yaoundé II-Soa - Master II en Relations Internationales, Filière Diplomatie, Spécialité Contentieux International 2012
  

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Conclusion Chapitre II :

Le recours permet de renforcer la protection des droits humains en ce sens qu'il dispose d' apports certains en terme substantiels (justiciabilté des droits humains, solutions concertées, priorités accordée à la protection des droits humains plutôt qu'au contrôle de conformité aux politiques opérationnelles) et non substantiels (célérité, inexistence de la règle de non épuisement des voies de recours internes et de la clause du consentement préalable de l'Etat). Le recours n'est cependant pas exempt de toute controverse sur l'impact qu'il peut avoir sur la souveraineté des Etats et des limites qui freinent l'exécution de la décision du Panel.

Conclusion Première partie :

Au regard de ce qui précède, on doit souligner qu'il est souhaitable de réfléchir autour des rapports entre l'opérationnalité du Panel et la souveraineté des Etats pour être à même d'apprécier véritablement l'efficacité de ce mécanisme. D'ailleurs, étant donné qu'on assiste à une juridictionnalisation de la scène internationale, laquelle constitue selon la formule du Président M. BEDJAOUI « la bonne fortune du droit des gens »211(*), ne peut-on pas songer à transformer Panel en une véritable juridiction ?

SECONDE PARTIE : UN EFFET OPERATOIRE PROBLEMATIQUE SUR LA PROTECTION DES DROITS HUMAINS

Le recours en tant que matérialisation du droit à l'accès à la justice et du droit au juge en général est sujet à d'importantes controverses et faiblesses (Chapitre I) qui nécessitent que des pistes de solutions soient envisagées afin d'y porter remède (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES FAIBLESSES DU RECOURS

Certaines faiblesses du recours émanent de la remise en cause de l'indépendance du Panel. Les plus radicales considèrent qu'en tant qu'institution interne à la BM, le rôle de cette structure est automatiquement biaisé. « Le Panel ne pourrait agir sans prendre en compte les intérêts de l'organisation dont elle fait partie, et ce nécessairement au détriment des populations affectées par les projets en jeu »212(*). D'autres ont des objections idéologiques qui consistent à soutenir que s'engager formellement dans une institution qu'ils considèrent comme illégitime213(*) n'est pas possible. Aussi, il existe assez souvent un risque réel de représailles de la part du Gouvernement emprunteur à l'égard des plaignants214(*). Dès lors, pourquoi peut-on affirmer que le mécanisme du recours des individus n'est pas véritablement efficace pour la protection des droits humains ? Deux pistes de réflexion sont envisageables pour répondre à cette préoccupation. La première est celle de la confrontation du recours aux principes de souveraineté et de spécialité (Section I), et la seconde est liée à la remise en cause du droit au juge (Section II).

Section I : La confrontation du recours aux principes de souveraineté et de spécialité

Le recours auprès du Panel dans l'affaire de l'oléoduc Tchad-Cameroun nous servira de boussole pour illustrer nos développements. Pour cela on commencera par présenter la procédure et la décision du panel dans cette affaire (§I) et suivra l'analyse de la décision du Panel à l'aune de l'étude des conséquences des violations des droits de l'homme sur la souveraineté et le principe de spécialité (§II).

§I- Le recours dans l'affaire de l'oléoduc Tchad-Cameroun auprès du Panel

Le Projet d'oléoduc Tchad-Cameroun est la réalisation la plus importante sur le continent africain en matière d'infrastructure énergétique. D'un montant estimé à 3,7 milliards de dollars, il est en grande partie financé par le secteur privé. Ce projet comporte le forage de 300 puits dans trois champs pétroliers dans la région de Doba, au sud du Tchad et la construction d'un oléoduc de transport à l'export long de plus de 1 100 km, traversant le Cameroun pour aboutir à une plate-forme offshore de chargements. Avec des réserves de pétrole estimées à 917 millions de barils et une capacité de production estimée à 225 000 barils jour, il est attendu du projet qu'il fournisse au Tchad des revenus d'environ 2 milliards de dollars sur une période d'exploitation de 28 ans. La BM participe au projet, par le biais de prêts s'élevant respectivement à 39,5 et 100 millions de dollars. La participation de la BM a permis au consortium de production pétrolière et au Gouvernement du Tchad de se mettre d'accord sur un « Plan de gestion des revenus » et, de ce fait, la Banque attend que les recettes pétrolières servent au financement de programmes de réduction de la pauvreté215(*) supervisés par un conseil de surveillance indépendant constitué de représentants du gouvernement et de la société civile. Ceci étant, le traitement du recours avant (A) pendant et après l'enquête feront l'objet d'étude dans ce paragraphe (B).

A) Le traitement du recours avant l'enquête

On examinera successivement l'enregistrement de la demande et la Réponse de la Direction dans une première articulation (1) et le Rapport du Panel dans une seconde articulation (2).

1) L'enregistrement de la demande et la Réponse de la Direction

Le Panel a suivi cette procédure à la suite d'une demande d'enquête adressée le 22 mars 2001216(*) par M. Ngarlejy Yorongar, membre élu à l'Assemblée nationale du Tchad et leader actif de l'opposition, agissant au nom de plus de 100 habitants217(*) vivant à proximité des trois champs pétroliers de la zone du Projet d'oléoduc (cantons de Miandoum, Komé, Béro, Mbikou, Bébédjia et Béboni, dans la sous-préfecture de Bébédjia au Sud du Tchad). Les demandeurs déclaraient qu'ils avaient, à maintes reprises, tenté d'attirer l'attention des responsables de la Banque sur les problèmes associés au Projet, sans résultats satisfaisants. Ils soulignaient en particulier, que le développement des activités pétrolières, comprenant l'exploitation des gisements pétroliers du Tchad méridional et la construction de l'oléoduc entre le Tchad et le Cameroun, représentaient une menace pour les communautés locales, leur patrimoine culturel et l'environnement. Les demandeurs estimaient en outre que, l'absence de compensation et d'évaluation environnementale, ou leur inadéquation, était préjudiciable aux populations vivant dans le bassin de Doba ou risquait de leur causer du tort. Ils ajoutaient qu'aucune véritable consultation des populations locales n'avait eu lieu, encore moins une diffusion de l'information. Les allégations formulées par les demandeurs portaient ainsi sur d'éventuelles violations des politiques et procédures de la Banque suivantes : Évaluation Environnementale (DO 4.01), Réinstallation Involontaire, (DO 4.30), Habitats Naturels (PO/PB 4.04), Lutte Antiparasitaire (PO 4.09), Réduction de la Pauvreté, (DO 4.15), Populations Autochtones (DO 4.20), Forêts (PO 4.36), Diffusion de l'Information (PB 17.50), Évaluation Economique des Opérations d'Investissement (PO 10.04), Suivi et Evaluation des Projets (DO 10.70), Gestion du Patrimoine Culturel dans les Projets Financés par la Banque (NPO 11.03), et Supervision de Projet (DO 13.05). Le 11 avril 2001, le Panel d'Inspection a enregistré la demande et envoyé une notification d'enregistrement au Président, à l'Administrateur représentant le Tchad ainsi qu'à tous les autres Administrateurs, et, enfin, aux demandeurs. La notification d'enregistrement a été également mise sur le site Internet du Panel d'inspection.

Le 10 mai 2001, le Panel a reçu la réponse de la Direction. La réponse comprenait un résumé et une justification du cadre global du projet ainsi que du rôle de la Banque dans la conception, la mise en oeuvre et la supervision du Projet d'oléoduc et des Projets associés d'économie pétrolière et de renforcement des capacités. Dans sa réponse, la Direction soutenait que la Banque s'était conformée à ses politiques et procédures opérationnelles au regard des problèmes environnementaux, sociaux, culturels et procéduraux soulevés dans la demande. La Direction exprimait également l'opinion que la Banque avait pris toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les populations de la zone du projet n'aient pas à subir des conséquences directes ou négatives du fait de la conception du Projet et de sa mise en oeuvre. Pour finir, la Direction n'était pas d'avis que les demandeurs seraient négativement affectés par la mise en oeuvre du projet dans le futur, mentionnant que les dispositifs pouvant garantir que les points de vue et préoccupations de ces derniers seraient convenablement identifiés et traités étaient en place. Le Rapport du Panel a été rendu sur la base de ces considérations.

2) Le Rapport du Panel

Dans le but de déterminer l'éligibilité de la demande et des demandeurs, le Panel a examiné cette demande ainsi que la réponse de la Direction et s'est rendu, en août 2001, à N'Djaména et sur les lieux concernés par le Projet, y compris Komé Base, Doba, Bébédjia, Béro (I et II), Miandoum et Moundou. Avant et après la visite au Tchad, le Panel s'est concerté avec l'Administrateur et l'Administrateur suppléant représentant le Tchad ainsi qu'avec leur personnel. Pendant la phase de détermination de l'éligibilité, Edward S. Ayensu (chef de l'enquête) et Maartje Van Putten, membres du Panel ont, lors de la visite sur le terrain, rencontré les représentants d'un certain nombre d'ONG du Tchad, de même que des fonctionnaires locaux et des habitants vivant autour ou dans les zones concernées par le Projet. Le Panel a également rencontré des membres de la Direction de la Banque et du personnel au siège et à N'Djaména, et a procédé à un échange de vues avec le Gouvernement tchadien et des fonctionnaires responsables du Projet à N'Djaména ainsi que dans les zones concernées par le Projet. Le Panel a passé en revue les critères techniques d'éligibilité applicables à une demande d'examen et a convenu que tous correspondaient à la présente requête. En conséquence, il a recommandé qu'il soit procédé à une enquête sur les faits présumés dans la demande adressée au Conseil d'administration.

En outre, aux allégations relatives aux violations des Directives sur la bonne gouvernance et les droits de l'homme, la Direction affirme que l'amélioration de la gouvernance est l'un des objectifs clés de la Stratégie d'aide au Tchad et que les cas de mauvaise gouvernance sont un grave sujet de préoccupation pour la Banque. S'agissant des droits de l'homme, la Direction dit que la Banque, tout en respectant les Statuts de l'Institution, s'inquiète de leur violation au Tchad comme ailleurs, mais que, dans le cas présent, elle pense que le Projet peut remplir ses objectifs de développement. Le Panel qui reconnaît l'existence de plusieurs institutions (y compris les agences des NU) spécialement responsables de ces questions, n'a pas pour mandat d'évaluer la situation de la gouvernance et des droits de l'homme au Tchad, en général ou pour certains aspects isolés. Toutefois, le Panel s'est senti obligé d'analyser si les entorses à la bonne gouvernance ou les violations des droits de l'homme au Tchad étaient telles qu'elles représentaient une entrave à la mise en oeuvre du Projet d'une manière compatible avec les politiques de la Banque.

Pour ce qui est de la bonne gouvernance, le Panel reconnaît qu'il s'agit là d'un processus en pleine évolution en Afrique comme ailleurs dans le monde en développement et que plusieurs projets financés par la Banque, y compris le Projet de renforcement des capacités qui fait l'objet d'une enquête, sont assortis de composantes conçues pour améliorer l'état et la performance du pays. S'agissant des droits de l'homme, le Panel a examiné plusieurs rapports traitant de la situation au Tchad ainsi que les nombreux échanges de correspondance entre la Direction de la Banque et des ONG nationales et étrangères. Le Panel prend aussi bonne note du fait qu'à plus d'une occasion, lorsque la répression politique au Tchad paraissait sévère, le Président de la Banque est intervenu personnellement pour aider à la libération des leaders locaux de l'opposition, y compris le représentant des Demandeurs, M. Yorongar, dont il était dit qu'il était soumis à la torture. Au cours de sa visite au Tchad, le Panel n'a pas cherché à rencontrer, à N'Djaména, les autres leaders d'opposition qui avaient été arrêtés. Sur le terrain, toutefois, plusieurs organisations et leaders locaux ont dit aux membres du Panel que, même s'ils s'étaient parfois sentis harcelés par les autorités, ils avaient pu exprimer leurs opinions sur le projet sans encourir de violence physique. Le Panel observe que la situation est loin d'être idéale ; elle soulève des questions sur le respect des politiques de la Banque, celles notamment, ayant trait à la consultation ouverte et fondée sur une information juste, et justifie un suivi accru de la part de la Banque218(*).

* 211 « Conclusions générales - La multiplication des tribunaux internationaux ou la bonne fortune du droit des gens », colloque de Lille, S.F.D.l., pp. 529-545 cité par A. PELLET, « Remarques sur l' (in)efficacité de la cour internationale de justice et d'autres juridictions internationales », www.alainpellet.fr, consulté le 09 décembre 2011.

* 212 E. R. CARRASCO, A. K. GUERNSEY, The World bank Inspection Panel: promoting true accountability through arbitration, Cornell intl L. J., 2008, p.32, cité par FOSSARD (R), L'institution du Panel d'inspection, fer de lance de la « Banque Mondiale accountable » ou archaïsme dans la gouvernance globale ?, Mémoire de Master en « Analystes Politiques et Sociaux », Spécialité Organisation internationale, OIG, ONG, Institut d'Etudes Politiques de Grenoble, 2008, p.49.

* 213 J. FOX, « The World bank Inspection Panel : lessons from the first five years », Global Governance, 2004, p.7. cité par FOSSARD (R), L'institution du Panel d'inspection, fer de lance de la « Banque Mondiale accountable » ou archaïsme dans la gouvernance globale ?, Mémoire de Master en « Analystes Politiques et Sociaux », Spécialité Organisation internationale, OIG, ONG, Institut d'Etudes Politiques de Grenoble, 2008, p.52.

* 214 Pour un témoignage concernant ce risque de « backlash »voir le rapport The Jamuna Bridge : Whose Benefits HUQ, Majibul , 2002, p12.

* 215 Par exemple, des améliorations dans le domaine des infrastructures, de l'éducation et de la santé.

* 216 Pour la chronologie de cette procédure : Le 11 avril 2001, le Panel enregistre la demande ; 10 mai 2001 le Panel reçoit la Réponse de la Direction ; 27 juin 2001 le Panel demande au Conseil d'administration de différer la sortie du rapport d'éligibilité pour une période de 90 jours en raison d'émeutes à la suite des élections tchadiennes, 24 août - 4 septembre 2001, Mission du Panel au Tchad - Éligibilité, 12 septembre 2001 la Demande d'enquête est soumise au Conseil d'administration. 10-19 décembre 2001 Mission du Panel au Tchad - Enquête (centrage sur les aspects sociaux). 7-11 janvier 2002 rencontres du Panel avec le personnel de la Banque et d'Exxon Mobil ; 13-20 janvier 2002 Mission du Panel au Tchad - Enquête ; 25 janvier 2002 le Panel pose des questions supplémentaires à Exxon Mobil ; 8 février 2002, le Panel pose des questions supplémentaires à la Banque ; 14 février 2002, le Panel envoie un second jeu de questions à ExxonMobil ; le18 février 2002, Exxon Mobil répond au premier jeu des questions posées par le Panel. 15 mars 2002 ExxonMobil répond au un second jeu de questions ; 28 mars 2002, la Banque répond aux questions supplémentaires posées par le Panel ; 17 juillet 2002, le Panel remet son Rapport d'enquête au Conseil d'administration.

* 217 Ci-après appelés collectivement « demandeurs ».

* 218 Voir Rapport d'enquête p. 16.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard