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Theme : la vie communautaire et le problème de la déscolarisation des filles dans la commune de Sinendé.

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par Moussa TAMOU YATAOU
Université Nationale dà¢â‚¬â„¢Abomey-Calavi Bénin - Maîtrise es sociologie-anthropologie 2006
  

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3-APPROCHE ANALYTIQUE

La commune de Sinendé appartient à l'aire socioculturelle `'baatonu `'. C'est une société paysanne au sein de laquelle les comportements sociaux sont fortement influencés par les habitudes et pratiques traditionnelles. Cette situation inculque à la communauté des formes de pensées et d'actions collectives qui sont des références symboliques des comportements quotidiens. Pour être plus explicite on parlera de représentations sociales. De façon plus précise c'est « le savoir du sens commun, socialement élaboré et partagé, construit pour et par la pratique et qui concourt à la structuration de notre réalité. Connaissance du réel qu'elles contribuent à édifier, les représentations sociales sont donc produits et processus d'une élaboration tant psychologique que sociale. » (Gilles Ferréol/Dictionnaire de sociologie p-242). Cette définition permet de dire que les représentations sociales influencent l'éducation de membre de la communauté. Elles demeurent les supports cognitifs dans l'éducation traditionnelle des enfants en marge de l'éducation scolaire. Ce sont ces représentions qui déterminent les perceptions communautaires évoquées plus haut par rapport à la fille/femme et aussi par rapport à l'école.

La représentation sociale de la communauté sur la femme se fonde sur le faite que les collectivités paysannes sont des sociétés d'interconnaissance. La structure sociale de ces sociétés reste dominée par les relations de parenté. Dans ces types de relations, la fille/femme constitue un enjeu majeur de part son rôle social d'épouse. Ce rôle social de la femme est lié au principe de l'exogamie qui est réalisé par le biais du "kuro kparu" chez les baatombu. Le "kuro kparu" unit ou réconcilie des familles, des clans et des lignages. La communauté et aussi les parents, accordent beaucoup plus d'intérêt à cette fonction du "kuro kparu" et n'hésitent pas pour cela d'interrompre la scolarité de leur fille afin satisfaire ce besoins social.

Le `'Kouro-Kinrou'' (don de femme) est un fait social qui mobilise toute la communauté environnante en ressources humaine, financière et matérielle jusqu'à la célébration du mariage proprement dite. La famille donneuse reçoit en retour et à vie, par le biais de ce mariage les avantages honorifiques et matériels : respect total à tous les membres de la belle famille, serviabilité et solidarité inconditionnelles à cette famille, don d'objets et d'aliments divers à chaque cérémonie et à l'occasion de chaque fête pour la belle famille. Ces avantages du mariage confèrent à la fille / femme un rôle social qui la prédestine au ménage et à la procréation. Cette représentation sociale de la population sur la fille / femme ne tient pas compte des normes de l'éducation scolaire. Ainsi, les avances des prétendants et les premières négociations des parents commencent quand la fille a un âge compris entre 9 et 12 ans. C'est ce qui explique cette déperdition massive des filles à partir de la classe CE2. La communauté intervient à ce moment précis pour leur imposer leur futur rôle d'épouse mettant ainsi en évidence leur retrait du système scolaire.

Il est également important de rappeler que la population de Sinendé est majoritairement rurale. Et que l'agriculture est l'unique et principale source de revenu des habitants. La main d'oeuvre familiale est généralement le seul recours pour la réalisation des activités champêtres. Tous les enfants, filles comme garçons participent équitablement aux travaux champêtres. Mais, lorsqu'il s'agit des travaux ménagers, seules les filles sont concernées. Le mode traditionnel de division du travail surcharge les filles de multiples et importantes tâches dans les ménages. Elles peuvent supporter cette condition et tenir jusqu'en classe de C.E2. Mais à partir du C.M1 où les leçons deviennent plus nombreuses et relativement plus complexes, nécessitant de ce fait des exercices personnels, la fille se trouve accablée par les activités de production de biens et de services. Cette situation met en exergue l'influence et la prééminence de la culture traditionnelle sur la scolarité des filles. Les éducateurs des écoles coraniques dans ces localités ont bien compris ces principes des sociétés communautaires. Et c'est pour quoi ils programment leurs cours les soirs et très tôt les matins. Aussi ils encouragent la communauté dans l'entretien et le renforcement des représentations sociales et participent au processus des mariages. Ils sont ceux qui enseignent les vertus du mariage et de ses bienfaits au paradis pour les filles qui y accèdent à temps (dès la puberté) en respectant les comportements de bonne épouse. Ils favorisent de ce fait la déscolarisation des filles au profit de la vie conjugale.

En abordant cette analyse par rapport au système scolaire béninois, on retient qu'il est fondamentalement calqué sur la culture occidentale. Les diverses réformes pour l'adapter à nos réalités socio-culturelles n'ont jusque-là pas été concluantes. Au départ, on allait à l'école pour servir dans l'administration coloniale. Le recrutement était généralement forcé. Sauf cas exceptionnel, on n'offrait aux blancs rien que des garçons en situation d'adoption ou de servitude. On notait déjà une quasi absence des filles dans le système. Les rares filles scolarisées étaient issues de parents ayant déjà adopté à l'époque, la culture scolaire. Les enquêtes ont révélé que l'entrée des filles dans le système scolaire souffrait déjà d'un retard originel par rapport aux garçons. C'est ce qui explique l'absence de modèle de réussite scolaire pour les femmes en milieu rural. Ensuite, avec l'avènement de la crise des années quatre-vingt, le chômage, la recrudescence des violences scolaires et la délinquance juvénile ont réduit chez les parents les quelques élans à la scolarisation et au maintien des filles dans le système. A cela s'ajoute le coût actuel de la scolarité qui au départ était entièrement gratuite.

On retiendra d'une façon globale que la déperdition scolaire des filles dans la commune de Sinendé est dû à plusieurs facteurs qui trouvent leur fondement premier dans les traditions culturelles `'baatonu''. Cette situation se traduit dans la vie quotidienne à travers des comportements collectifs à l'égard des filles en apprentissage de la culture scolaire. Le phénomène de déperdition scolaire des fille nous situe donc dans la dynamique du changement socioculturel issu du brassage entre la culture `'baatonu'' et la culture scolaire française visant le développement des communautés. Or dans le contexte actuel du développement local décentralisé, toutes les compétences et ressources disponibles doivent être prises en compte. Car un développement n'est jamais sectoriel ni exclusif. Un vrai développement induit tous les domaines de la vie quotidienne avec la participation et un véritable épanouissement de toutes les couches et catégories socioprofessionnelles de la population qui en est la garante.

Aussi, le niveau de développement est très dépendant du niveau d'instruction globale des populations dans la gestion des ressources et des compétences locales. A ce niveau l'éducation scolaire joue un rôle de premier rang et par conséquent universellement indispensable.

Dans cette perspective, le faible niveau d'instruction des femmes ne peut que rendre difficile leur participation au processus de développement. Dans le domaine de la santé par exemple, il a été constaté que le niveau d'instruction de la mère influe sur le taux de la mortalité infantile. « On a ainsi constaté au Bénin, que le décès des enfants était plus fréquent chez les mères analphabètes, en milieu rural (autres facteurs : mères jeunes, faible poids à la naissance). » selon UNICEF: (Laetitia BAZZI-VEIL). Les enquêtes ont aussi révélé que les femmes analphabètes sont plus réticentes aux prescriptions des programmes de santé communautaire. Car elles restent attachées aux valeurs traditionnelles qui sont leurs seules références cognitives.

Sur plusieurs plans, les conséquences de cette logique sociale sont préjudiciables au développement local :

-Au plan social, le très faible niveau de scolarisation des filles précipite l'âge au premier mariage, réduit les probabilités pour une femme d'être dans une union monogamique. Cela entraîne une réduction de son pouvoir de négociation et de décision au sein de son ménage.

-Sur le plan économique, la gestion de leurs divers projets leur échappent parce qu'elles sont contraintes de solliciter l'assistance des hommes. Et cette assistance n'est jamais ni aisée ni désintéressée. Cette situation diminue considérablement leurs capacités à produire des richesses ainsi que leur nécessaire participation aux importantes prises de décision en faveur du développement de la localité.

Enfin, et eu égard à tout ce qui a été évoqué plus haut, il faut signaler que le non maintien de la scolarisation des filles réduit de façon globale leur potentialité de participation au développement local et affecte négativement leurs conditions de vie et / ou leur statut à cause de la non maîtrise et/ou la méconnaissance des outils actuels de développement. Alors que l'exigence de soutenir la participation des femmes au processus de développement a été reconnue par l'ensemble des gouvernements africains comme un objectif national de nature économique et social, une priorité dans la lutte contre la pauvreté et la dégradation de l'environnement. Elle est désormais considérée comme une exigence majeure pour faire face à la crise socio-économique que traverse le continent. C'est ainsi que "le Plan d'Action de Lagos de 1980, adopté par l'ensemble des Chefs d'Etats africains et le Programme Prioritaire pour le Redressement Economique de l'Afrique ont recommandé la pleine intégration des femmes dans les efforts de développement et la suppression des entraves limitant cette participation. Par la suite, la Déclaration de Khartoum, en 1988, a vivement préconisé qu'une attention particulière soit accordée aux questions de genre (féminin/masculin) dans la conception des programmes d'ajustement structurel."(OUA ? Addis-Ababa, 1980). Cela n'est possible que si l'on participe activement au rehaussement du niveau d'instruction des femmes qui présente actuellement un tableau alarmant.

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