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Analyse cognitive de la pratique du roller street en milieu urbain.

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par Mathieu LE BRUN
Université LILLE 3 - Master Ergonomie et conception des systèmes de travail - UFR Psychologie du travail 2014
  

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I.2.4. Le Roller Street, une activité à risque

Afin de permettre la compréhension de cette analyse de pratique dite « à risque », il apparaît essentiel de définir, dès maintenant le « risque ». Nous présenterons de manière synthétique ses concepts tels qu'ils sont considérés dans la littérature scientifique.

I.2.4.1. Définition du risque

Comme nous venons de le souligner, la notion de risque est intégrée à la pratique. Le sens commun connote le risque de façon négative, comme le précise Douglas2 en 1992. La représentation du risque est synonyme de « danger ».

I.2.4.2. Définition de la prise de risque

La prise de risque est une extension du risque. Dans le sens commun, la prise de risque « tient à désigner une mise en danger volontaire de la santé physique et/ou mentale » précise Luption & Tulloch3. Les études scientifiques sur lesquelles nous nous sommes penchés visent à identifier notamment les facteurs contextuels qui motivent un individu à volontairement mettre son intégrité en danger alors qu'il pourrait ne pas faire ce choix.

L'analyse cognitive de l'activité experte n'a pas pour objectif de comprendre pourquoi un individu, à priori rationnel, peut prendre des décisions « irrationnelles » (Barberies & Thaler, 2002 ; Lupton & Tulloch, 2002) mais plutôt de comprendre le processus cognitif de prise de décision du Rider expert dans lequel est intégrée la composante d'évaluation du risque en situation.

En effet, la notion de risque est au coeur de la pratique et notamment du fait que le Roller Street s'opère souvent dans les lieux animés de la ville. Ainsi se pose la question des risques associés à l'environnement et la question du partage de l'espace avec les autres usagers: piétons, commerçants ou encore automobilistes.

2 Donglas, «Risk and Blame», Essays in cultury theory , 1992.

3 Luption & Tulloch Risk and everyday life, 2002

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? Une co-activité à risque

La pratique du Roller Street s'effectue dans les centres villes urbains constitués de mobiliers urbains aux formes et matières singulières. Ce milieu est partagé par un nombre important d'usagers. Les caractéristiques des spots (hauteur, matière, formes), les caractéristiques de la pratique (vitesse, glisse, saut) et les caractéristiques de l'environnement urbain forment des variables qui favorisent le risque d'accident.

? Risque pour les usagers piétons

Partageant le même territoire, les usagers et les Riders sont confrontés à des situations à risque. Nous nous sommes intéressés au risque perçu de la pratique du Roller Street par les usagers des centres villes en intervenant sur le terrain. Nous constatons que des stratégies sont mises en place par les usagers pour se préserver des risques. Par exemple, nous avons observé une modification des circuits des usagers dans les espaces à la fois publiques et à la fois espaces sportifs. Nous sommes allés à la rencontre d'usagers, que nous avons interviewés dans la rue, pour mieux comprendre le phénomène (Cf. Partie II.3.1. Les sujets de l'étude, tableau : Caractéristique des sujets).

Sujet interviewé 1 : habitant de Bordeaux centre.

Fréquence moyenne de passage sur la Place de l'Hôtel de Ville = 3 fois par semaine

Interviewer : Que pensez-vous de la pratique du roller sur la Place de l'Hôtel de Ville ?

Interviewé1 : « Depuis quelques années, il y a un espace prévu à la pratique du roller sur les Quais des Chartrons, je ne vois pas pourquoi ça a été construit pour que tous ces jeunes se retrouvent ici et abiment la place. »

Interviewer : Selon vous, ils abiment la place ?

Interviewé1 : « Tout à fait, il abime tout sur leur passage avec leurs patins. On ne peut même plus s'asseoir sur les bancs. En plus de ça, ils font du bruit, ils ne regardent pas où ils vont, ils sont vraiment dans leur monde. »

Interviewer : Vous dîtes, ils ne regardent pas où ils vont ?

Interviewé1 : « Oui, oui, une fois, j'ai failli m'en prendre un, à la vitesse où ils vont. Ils ne se soucient pas des passants. »

Interviewer : Ce presque accident a-t-il provoqué une modification d'attitude lorsque vous marchez sur la place de l'Hôtel de Ville ?

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Interviewé1 : « Oui, disons que je continue à passer par cette place. Mais maintenant, je devine leur trajectoire. Je n'ai pas envie de m'en prendre un ou de me faire bousculer. Donc je suis vigilant. »

Interviewer : Vous sentez vous en sécurité lorsque vous traversez la place, et qu'il y a des rollers ?

Interviewé1 : Je me sens plutôt gêné, entre le bruit, les bousculements, la dégradation du mobilier ...

L'interview souligne la dimension conflictuelle du partage de ces espaces entre pratiquants et non pratiquants. La représentation du risque perçu est très différente du Rider à l'usager. Traditionnellement, le risque perçu est considérablement dominé par l'idée fondamentale que le pratiquant n'a pas conscience du risque. Nous soumettons alors l'idée que cet écart de perception est source de risque.

Nous nous proposons de faire le point sur la base des travaux sur le risque en psychologie. En effet, dans son ouvrage, « Perception of Risk Posed by Extreme Events » en 2002, Slovic et al. proposent trois traitements possibles du risque:

- par les sentiments :

Ce traitement relève des réactions émotionnelles face à un danger.

- par l'analyse :

Le risque s'appuie sur les représentations, les différentes logiques pour gérer l'aléatoire.

- par la politique :

Dans le sens de la gestion du risque.

Les traitements du risque sont réalisés par deux types de personnes : pratiquant et non-pratiquant. Les usagers non pratiquants, évaluent le niveau de danger inhérent à une activité sportive perçue et non connue. Ils sont alors d'avantages sensibles aux conséquences des risques encourus et ainsi perçoivent la pratique du Roller comme une confrontation à un danger réel.

En revanche, pour les pratiquants, la perception du risque est tout autre. En associant la probabilité, l'exigence de la tâche à effectuer et la gravité de cette tâche dans l'environnement, les Riders semblent évaluer le niveau de danger et adapter leurs actions. Un des Rider que nous avons rencontré, que nous nommerons Rider1, explique : « le risque de collision avec les passants est faible pour moi. Je n'ai jamais foncé dans un passant. Avant même de se lancer dans une figure, on regarde toujours s'il y a du monde sur notre circuit. Si oui, alors, on attend qu'il s'éloigne pour se mettre à patiner, on n'a pas le choix. C'est comme une condition. Puis,

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déjà que le risque de tomber, tout seul (rire) est élevé quand on fait un tricks (figure en anglais), alors tomber à cause d'un passant, c'est vraiment noob (débutant en anglais) ».

? Risque pour les usagers cyclistes

La pratique du Roller Street est aussi utilisée, nous l'avons évoqué, comme un moyen de déplacement. Cette co-activité urbaine entre Roller et cyclisme génère un risque de collision.

Selon l'article R. 412-34 du Code de la route, « les pratiquants de patins à roulettes, lorsqu'ils circulent sur une voie publique, sont assimilés à des piétons ». La vitesse moyenne réalisée par un individu circulant à roller est de 12 km/h contre 4 km/h à pied. En référence au code de la route, nous faisons l'hypothèse que le risque de collision entre un cycliste et un "piéton" peut augmenter selon la variable "vitesse de circulation", relative aux deux pratiquants. Ces deux pratiques peuvent représenter un degré de risque certain, sachant qu'un "piéton" en Roller se déplace trois fois plus vite qu'un "piéton" se déplaçant à pied.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams