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Réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. Discours, représentations et processus d'entrée en résistance.

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par Elise LABYE
Université de Toulouse-Le-Mirail - Master 1 Anthropologie Sociale et Historique 2009
  

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CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE

De l'opposition au projet de réintroduction est né une association, l'Aspap, qui a mis en oeuvre différents moyens pour défendre la cause des éleveurs et faire entendre leur point de vue

notamment en utilisant un moyen de communication qui est en pleine expansion, une fête ayant

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pour thème la ruralité et la transhumance. La réutilisation de termes tels que développement durable ou biodiversité, à leur compte, semble également être un moyen de se faire comprendre et de revendiquer leur utilité pour le territoire. Et l'on a pu remarquer que des discours scientifiques en adéquation avec leurs arguments sont mis en avant afin d'apporter une légitimité à leur combat.

On a pu voir également comment le projet de réintroduction de l'ours a eu des effets plutôt inattendus. L'opposition d'une part de la population a favorisé en son sein plus de cohésion et plus de lien social. Avoir un « ennemi commun »: ceux qui veulent « prendre le contrôle du territoire » et un but commun: faire cesser le plan-ours, a resserré les liens d'un groupe (les éleveurs), et l'a rapproché d'un autre avec lequel les relations étaient jusqu'alors plutôt conflictuelles: les chasseurs. Mais, en contrepartie, cela a encore accentué l'altérité construite avec ceux qui soutiennent le projet de réintroduction.

Je n'ai pas parlé des implications politiques qui sont à l'oeuvre dans un tel mouvement et qui pourraient aussi être l'objet d'une étude. De même en ce qui concerne les stratégies individuelles des personnes impliquées dans le mouvement et qui pourtant doivent jouer un rôle important surtout en ce qui concerne certaines personnalités politiques. Il me paraît évident que des luttes de pouvoir et des quêtes personnelles sont également en jeu dans ce qui passe71.

Néanmoins, il apparaît clairement que l'opposition qui s'est mise en place contre le projet de réintroduction a enclenché un processus qui a abouti à une structuration apparemment solide du mouvement, dont l'action et l'influence vont au delà du contexte de la réintroduction. C'est comme une sorte de contre-pouvoir qui se serait progressivement mis en place avec un projet global

différent pour le territoire.

CONCLUSION GENERALE

Le traitement des données que j'ai recueillies m'a permis de constater qu'il existe dans ce contexte de réintroduction de l'ours différents groupes sociaux qui ont des façons très différentes et même parfois contradictoires de concevoir la nature qui les entoure et le territoire sur lequel ils

71 Farid Benhammou (2003), géographe, a décrit au sujet des opposants à la réintroduction de l'ours ce qui lui semble relever d'« une stratégie socio-professionnelle et politique pour le maillage et le contrôle du territoire, pour l'appropriation et la maîtrise de postes de pouvoir institutionnel et de ressources financières publiques ».

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vivent. Au delà des nombreuses nuances existantes m'ont semblé apparaître deux grandes tendances dont découlent deux conceptions de ce que sont l'écologie et le patrimoine naturel des Pyrénées à préserver; et par conséquent une approbation ou un rejet du plan ours. Dans ce contexte, le concept de protection de la biodiversité semble perdre son sens et nécessiter un débat éthique. Il en est de même en ce qui concerne la gestion des territoires de montagne et la notion de développement durable pour le territoire des Pyrénées, également liés à une certaine conception de l'écologie.

Dans le cas présent, des divergences d'opinions à propos d'un projet écologique de conservation de la nature ont donné lieu à de telles dissensions que dans les Pyrénées, ou en tout cas en Ariège, il semblerait qu'une sorte de contre-pouvoir soit à l' euvre, ce qui n'est pas dénué de conséquences dans le monde politique du département. Un sujet qui rassemble à ce point une bonne part de la population peut représenter une aubaine électorale afin de pérenniser une « place politique », et, d'un autre côté, les partis écologistes ariègeois risquent de perdre des voix dans leur propres effectifs.

Au delà de l'arrêt des réintroductions, c'est qui est revendiqué c'est donc le droit à gérer eux-mêmes le territoire sur lequel ils vivent et dont ils estiment qu'ils le gèrent comme il faut. C'est pour cela qu'ils se revendiquent comme des écologistes, non reconnus par le reste de la société. Et ils s'insurgent contre le fait que des écologistes dont ils ne partagent pas la vision de la nature souhaitent que certaines zones ne soient plus destinées aux activités humaines (comme la chasse ou l'élevage). Ils redoutent que le territoire sur lequel ils ont leurs activités soit géré par des personnes qui les considèrent comme nuisibles pour les espèces végétales et animales qui composent les espaces naturels du territoire pyrénéen. Selon les opposants au plan ours, avec un tel projet, on cherche à exclure l'homme de la nature.

L'enquête de terrain que j'ai réalisée ne m'a pas permis de déterminer de façon catégorique si la valorisation de la nature dans sa dimension humanisée, et la diffusion d'une telle conception des espaces naturels sont uniquement le fruit du discours des associations d'opposants. Mais je pense toutefois que l'on peut dire qu'elles y ont contribués. De même en ce qui concerne la mobilisation d'éléments identitaires qui permettent de revendiquer collectivement l'arrêt du projet de réintroduction et la valorisation en parallèle d'un patrimoine culturel comme « produit d'une histoire et d'expériences de la vie quotidienne »(Chevallier D. et Morel A. 1985).

Concernant les limites de ce travail, je dirai que les réflexions présentées dans ce mémoire sont principalement issues des témoignages que j'ai récoltés et qu'ils ne sont pas forcément représentatifs de tous les types de discours qui peuvent être faits sur cette situation. De plus,

accompagner les personnes en montagne aurait également permis d'autres observations et d'avoir une idée plus précise de leurs pratiques en lien au territoire. Et, la principale faille de ce travail est certainement le fait que l'enquête de terrain a été réalisée principalement dans le camp des opposants. Il serait, je pense, très intéressant de réaliser une enquête auprès des personnes qui vivent dans les villages de montagne, et recueillir leurs points de vue. Mais aussi auprès des personnes qui en Ariège oeuvrent en faveur de la cohabitation72 ou font partie d'associations écologistes, défendant le programme de réintroduction. Cela permettrait de voir si la situation évolue, si d'autres voies sont à l'oeuvre entre ce qui apparaît comme deux points de vue extrêmes sur une même d'une situation.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci