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Les collections "femmes" de Jeanne Lanvin 1909 -1946 et leurs inspirations artistiques.

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par Clémentine BROSSEAU
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 1 recherche dà¢â‚¬â„¢histoire de là¢â‚¬â„¢art 2014
  

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A.3 -- La création sans dessins.

L'absence de dessins est l'une des caractéristiques de Jeanne Lanvin et de son travail89. Ce détail est parfois présent chez les créateurs de mode. Si Jeanne Lanvin ne dessine pas, comment crée-t-elle ses modèles ? Comment fait-elle pour expliquer ses modèles à ses couturières ? Jeanne Lanvin explique elle-même son processus de création dans cette citation :

« Quand il me vient une idée de robe, j'appelle tout de suite ma dessinatrice. J'aimerais bien exécuter le croquis moi-même, mais j'enrage de n'avoir jamais su me servir assez bien d'un crayon. J'explique donc le modèle. Et tandis qu'elle l'esquisse, je le rectifie jusqu'à ce qu'il soit conforme à mon aspiration. Une première vient chercher le croquis, taille la toile, l'épingle sur le mannequin et descend me la montrer. Je critique, je corrige, je modifie. Et quand le mannequin s'en va, plusieurs robes sont nées de ces tâtonnements. »90.

À chaque fois, Jeanne Lanvin a une idée très précise de ses modèles. C'est un processus de création très personnelle, parfois difficile à comprendre pour les modistes. Tout se passe dans l'esprit de Jeanne Lanvin, où sont rassemblées des centaines d'images, d'impressions, de ressentis qu'elle a pu accumuler. Les images choisies ont été la plupart du temps puisées, découpées et recollées par Jeanne Lanvin elle-même91. Elle tenait de grands cahiers remplis d'images en tout genre92. La couturière pouvait passer des heures dans son bureau à collecter ces images et les organiser à sa façon (ill. 4 et 7). Et de tous ces souvenirs, ces images se forme un modèle, elle explique elle-même ce processus dans ces deux extraits :

« Je travaille sans arrêt... Toute ma vie est dirigée vers un but unique : ma maison de couture... Quand j'ai un instant de liberté, quand je n'ai pas de robe à examiner sur le dos d'un mannequin, pas de conférences avec une vendeuse, avec une dessinatrice, je prends au hasard, un de ces ouvrages, de ces albums que vous voyez -- là... Je regarde des estampes, des photographies... L'image s'enregistre dans mon cerveau et en rejoint beaucoup d'autres que j'ai puisés au cours de mes voyages, au cours de mes promenades dans les musées et dans les livres... Elle va vivre dans le subconscient d'une vie indolente, végétative... Et puis au bon moment, quand il s'agit de mettre la collection sur pied, il y a des souvenirs qui surgissent impérieusement et qu'on croyait oubliés... »93 ;

« Je vous dirais donc également que je crée avec des ciseaux, des étoffes, mon imagination et aussi mon inspiration »94.

89 PICON, Jérôme, Op. Cit., p. 97.

90 BIEZVILLE de, Gisèle, et BROMBERGER, Merry, « La lady de la couture », 15 novembre 1938, coupure de presse sans indication de source, Paris, Patrimoine Lanvin. PICON, Jérôme, Op. Cit., p. 211.

91 PICON, Jérôme, Op. Cit., p. 97.

92 Ibid.

93 DARYS, Gaston, En devisant avec Madame Jeanne Lanvin, Minerva, 1938, 16 janvier 1938. Pages inconnues.

94 BOUDET, Jacques, Le monde des affaires en France de 1830 à nos jours, Paris, Société d'Édition de Dictionnaire et Encyclopédies, 1952, p. 637.

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La couturière choisit un certain nombre d'idées dans ses livres personnels et l'indique à son équipe de dessinateur, dirigé par Monsieur Ochipenti95. Les dessins sont ensuite soumis à Jeanne Lanvin et confiés à la modéliste ainsi qu'à la première d'atelier. La modéliste se charge de créer le patronage d'un vêtement alors que la première d'atelier supervise la confection du vêtement en atelier et le présente au couturier une fois terminé. Chacune exécute une robe et un croquis, ce qui amène parfois à deux interprétations totalement différentes96. Malgré ce manque de dessins et parfois de compréhensions des modistes, Jeanne Lanvin sait très exactement ce qu'elle veut dans ses créations, ayant en tête un modèle très précis. Comme le prouve cette citation : « Elle est, nous dit-elle, guidée par une inspiration extrêmement précise. Elle voit ses robes avant de les réaliser... »97. La couturière est aussi très attentive à la culture dans le choix de ses collaborateurs. En 1925, elle recrute Odette Puigaudeau (1894-1991) pour s'occuper des dessins colorés des modèles, mais cette femme n'est pas choisie au hasard98. Elle est aussi reconnue pour être une savante des fonds marins et avoir une grande connaissance de la peinture. Le goût de l'art de Jeanne Lanvin va encore plus loin, car cette dernière se compare très souvent à un artiste peintre. Ce qui n'est pas anodin dans l'idée qu'elle se fait du processus créatif. Cette citation le démontre bien :

« Si vous demandez à un peintre comment peignez-vous ? Il serait fort embarrassé, il est possible qu'il vous dise simplement, mais avec des pinceaux, de la couleur, une toile, l'inspiration est cette force qui est en moi et qui m'oblige à m'exprimer »99.

Cette citation est une réponse de Jeanne Lanvin à un journaliste lui demandant de décrire, d'analyser son processus créatif. Elle répond que, comme un peintre, elle peut expliquer son inspiration en partie, mais qu'ensuite elle en est incapable. De manière générale, Jeanne Lanvin se voit comme une artiste peintre, pour elle une large jupe est comme une toile de peinture. Alors que l'artiste peintre compose sa toile de couleurs, de reliefs ; la créatrice compose son vêtement avec une coupe spéciale ou des motifs brodés, perlés ou appliqués. La couturière crée à partir d'images qu'elle collectionne, ou qu'elle garde en tête. Ses sources d'inspirations sont nombreuses, mais surtout variées. Ses collections se définissent au grès de ses goûts et envies personnels. Par conséquent, l'idée d'un style Lanvin est complexe à définir, bien que certaines caractéristiques comme un grand travail de finition

95 DELPIERRE, Madeleine, L'atelier Nadar et la mode : costumes, Cat. Expo, (Palais Galliera, Musée de la Mode de la Ville de Paris, 15 mars 1977- 6 mai 1977, Paris), Paris, Palais Galliera, Musée de la Mode de la Ville de Paris, 1977, réed, 1979. Propos rapportés par Madame Buhler, p. 61.

96 DELPIERRE, Madeleine, Op. Cit., Propos rapportés par Madame Buhler, p. 61.

97 Auteur inconnu, « Minerva vous parle », Minerva, 16 Octobre 1938.

98 PICON, Jérôme, Op. Cit., p. 214.

99 BOUDET, Jacques, Op. Cit., p. 637.

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ou un goût pour les broderies permettent de reconnaître la griffe Lanvin100. La couturière en a totalement conscience, mais défend un style Lanvin qui se définit selon elle par l'ensemble de ses créations, comme le démontre cette citation :

« Depuis des années, le public de mes collections s'est plu à reconnaître un style Lanvin. Je sais que l'on en a beaucoup parlé, et cependant je ne me suis jamais attachée à un genre et n'ai jamais cherché à accentuer un certain style déterminé. Je m'efforce au contraire, chaque saison, de saisir l'impondérable qui vogue dans l'air, influencée par les

événements, et d'en tirer d'après ma conception personnelle, une réalisation traduisant mon idéal passager. [...] Le style « Lanvin » est donc simplement l'ensemble des grandes

lignes qui caractérisent mes modèles et que l'on retrouve chaque saison, mais dissimulé

sous un rythme nouveau, sous un mode imprévu qui est d'ailleurs simplement la mode dont la recherche et l'embellissement ont rempli ma vie »101.

Jeanne Lanvin à la tête d'une maison de couture influente, ose redéfinir son style en permanence. C'est une initiative, mais aussi presque une obligation. La couturière n'arrive à créer que dans une recherche d'inspiration constante. Ses inspirations ne s'expriment pas par croquis, mais par sa voix et les descriptions qu'elle en donne aux modistes. Ainsi, il est naturel que son processus de création passe par des images. La créatrice éprise de culture puise son inspiration de partout, et notamment dans des livres qu'elle collectionne de manière abondante. La maison Lanvin fait la différence dans la Haute Couture française par sa fondatrice, un personnage énigmatique, qui suit ses propres goûts, dictés par des inspirations variées.

B -- Les origines de ses inspirations.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci