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L'évolution des politiques agricoles et leur incidence sur l'économie et le développement rural au Cameroun (1960-2014).

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par ARSENE GUY DAVY MEBA
UNIVERSITE DE YAOUNDE I, ENS YAOUNDE - DIPPES II 2014
  

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CHAPITRE I : HISTORIQUE DES POLITIQUES AGRICOLES AU CAMEROUN JUSQU'EN 1960

La politique agricole ne fut pas une réalité apparue au Cameroun en 1960. Elle fut instaurée par les Occidentaux et passa par un processus essentiellement évolutif selon les différentes périodes de la présence européenne au Cameroun. Ainsi, pour mieux cerner l'évolution des politiques agricoles au Cameroun entre 1960 et 2014, il faudrait comprendre comment elles se sont mises en place sur le territoire avant l'acquisition de la souveraineté et les différentes transformations qu'elles ont subit. Ce regard rétrospectif permet d'appréhender de manière globale les choix stratégiques des systèmes politiques en place en montrant leur application à l'agriculture ; choix stratégiques dont héritera le Cameroun au lendemain de son indépendance. Ce chapitre, s'intéresse ainsi à la genèse des politiques agricoles au Cameroun pendant la période allemande et des politiques agricoles françaises.

I. L'INSTAURATION DES POLITIQUES AGRICOLES PAR LES ALLEMANDS AU CAMEROUN

C'est avec la signature du traité germano-douala en 1884 que le territoire qui devait devenir le Cameroun change de statut. C'est au lendemain de cette date qu'officiellement le drapeau allemand est fixé sur le plateau Joss à Douala pour matérialiser la présence d'un pouvoir légitime, somme toute étranger, qui prend possession du territoire et qui engage des mesures d'extension de son autorité à l'intérieur du pays, pour finalement développer à partir de la fin des années 189045(*), les premières mesures agricoles. Au vue de cette décennie qui marque véritablement le début de l'action publique de l'administration allemande dans le secteur agricole, l'on se pose la question de savoir pourquoi avoir attendue la dernière décennie des années 1800 pour débuter l'action publique agricole ? Ceci nous amène ainsi à nous interroger sur les mobiles de l'instauration d'une politique agricole au Cameroun.

A. Les mobiles de l'instauration des politiques agricoles au Cameroun

La politique agricole ne naquit pas ex-nihilo au Cameroun. Elle fut l'aboutissement d'une conjonction de plusieurs facteurs externes et internes. Sous ce rapport, l'Allemagne traverse une situation économique dominée par un secteur agricole morose au 19ième siècle. Cette situation favorise l'annexion du Cameroun qui présente des potentialités économiques favorables pour les investissements allemands46(*).

1. La crise agricole de l'empire allemand du 19ième siècle et l'annexion du Cameroun

L'Allemagne est touchée dès le début des années 1870 par une grande dépression causée par la révolution industrielle. En effet, la révolution industrielle provoqua une forte augmentation de la production agricole qui devait aboutir à une surproduction dans un marché européen où l'industrie avait considérablement évolué favorisant ainsi l'installation d'une concurrence internationale. La dépression qui touche ainsi touts les pays européens est caractérisée pardes surcapacités et une déflation importante47(*).Cette dépression, survenue dans toutes les économies industrialisées, est en fait une restructuration des économies nationales dans un marché en train de se mondialiser grâce aux progrès rapides dans le secteur des transports et de la communication. L'appareil productif économique en générale et agricole en particulier, avait grandi trop rapidement dans un marché où s'installait la concurrence internationale car la plus part des pays européens sont déjà fortement industrialisés et leurs produits sont déjà à mesure de concurrencer ceux des puissances industrielles. Les entreprises nationales furent de plus en plus forcées à s'organiser, à se concentrer horizontalement et verticalement et à se transformer en de grandes entreprises opérant à un niveau mondial48(*).La baisse des prix parut cruelle aux entreprises habituées à la facilité de la poussée industrielle des années 50 et 60.

En outre,Après la guerre de sécession aux Etats-Unis, une grande partie du nouveau monde était devenu un territoire agricole. Grâce à la mondialisation qui entraîna une forte diminution des coûts, des grandes quantités de blé et d'autres productions furent exportées vers le marché européen qui devenait de plus en plus saturé, et contribuèrent à la baisse des prix des produits agricoles, qui était déjà amorcée à cause de la crise de méventes des produits agricoles qui sévissaient déjà en Europe49(*). De plus, la déflation alourdissait les dettes du secteur agricole européen qui devait compenser cette dette par une augmentation de la productivité.

Dans cette situation, les colonies semblaient ouvrir une porte de secours, en offrant non seulement des ressources bon marché, mais aussi des débouchés importants pour la production abondante. Ainsi une dynamique de course aux colonies s'installa en Europe dans les années 80. Chaque puissance voulut s'assurer une partie des potentiels fournisseurs de matières premières et marchés pour les surproductions des industries européennes, de peur qu'une autre puissance ne puisse la devancer. En Allemagne, les effets liés à la crise agricole renforcèrent l'opinion selon laquelle la colonisation devenait un dérivatif à touts les soucis agricoles que connaissait l'Allemagne. Par la suite, ils renforcèrent l'idée selon laquelle l'Allemagne devait plus s'investir dans l'exploitation de son protectorat du Cameroun50(*).

Cette situation amena l'Allemagne à abandonner le libre-échange prôné jusqu'alors en Europe pour le protectionnisme qui se caractérise par une augmentation des tarifs douaniers, la signature de plusieurs traités commerciaux avec d'autres pays51(*). Ces différents traités jetèrent les bases de la politique agricole allemande. Ce protectionnisme favorise également l'avènement de l'impérialisme colonial allemand. C'est ainsi qu'on observera une exportation des capitaux privés allemands vers de nouveaux territoires. Dans la recherche de ces nouveaux territoires où investir leurs capitaux, des hommes d'affaire Allemands seront amenés à installer quelques unes de leurs firmes sur les côtes camerounaises. Ils constitueront un poids décisif dans le revirement de Bismarck en faveur de l'impérialisme colonial52(*).

Parmi ceux qui influencèrent le plus sur l'annexion du Cameroun furent des hommes d'affaires ayant pour la plupart des intérêts économiques dans la région. Il s'agit entre autre des hommes comme Adolphe Woermann, Thormahlen, Jantzen etc.53(*) La raison principale de la colonisation allemande du Cameroun était donc la recherche du profit pour palier aux problèmes économiques de l'Allemagne. Les premiers colons qui arrivèrent au Cameroun voulaient placer leurs capitaux et réaliser des bénéfices54(*). Du fait de la grande dépression économique subsistant dans l'Allemagne des années 1870-1880 et provoquée par des investissements au-delà de la demande et une forte spéculation boursière, les colonies semblaient donc ouvrir une porte de secours en offrant non seulement des ressources bon marché mais aussi des débouchés à la surproduction agricole de l'Allemagne.

2. Des potentialités camerounaises favorables au développement de l'agriculture

Le Cameroun, tel que nous le connaissons actuellement, c'est-à-dire comme une entité territoriale, humaine et politique ayant des contours et des frontières bien définis, est purement une création allemande55(*).

Avant l'arrivée des Allemands, la région qui devait devenir le Cameroun était un territoire morcelé par des sociétés centralisés et décentralisées. Certaines sociétés entretenaient déjà des rapports commerciaux avec les européens au niveau de la côte.

En effet, depuis le quinzième siècle, la côte camerounaise entretenait des relations commerciales avec des Portugais. Jusqu'à la fin du seizième siècle, le commerce d'esclaves y prit une place prédominante. Les Européens ne pénétrèrent pas dans le pays, mais achetaient à des intermédiaires africains. Après l'abolition du commerce d'esclaves par les Anglais, l'estuaire du Wouri se développa en un centre du commerce d'ivoire et d'huile de palme entre les Européens et le peuple des Doualas.

Là encore les Européens n'avaient pas de bases sur la côte et restaient dépendants de la bonne volonté des chefs doualas qui obtenaient un droit de douane sur le commerce. Ce commerce fit prospérer les Doualas qui pouvaient affirmer leur position de monopole grâce aux armes à feux acquises dans ce commerce56(*). Devant l'abondance des produits vendus par les Duala et que ceux-ci supposaient être récoltés à l'état sauvage, les Allemands vont conclure que l'acquisition de la région s'imposait du fait que celle-ci se prêtait fort bien à la création des plantations. La richesse de la brousse en épices, caoutchouc, noix de palme et autres fournissait un indéniable témoignage de la fertilité des sols et montrait combien ces ressources pourraient être accrues par la culture57(*). La plus part des témoignages provenaient des récits des explorateurs et des missionnaires qui ont toujours été une force de pénétration de l'impérialisme coloniale en Afrique58(*). C'est dans ce sillage que la région fertile du Mont Cameroun figura dans une série de récits et des rapports des explorateurs basés à Fernando-Pô, tels que nous livre celui de l'aventurier Rogozinsky :

Le sol de ce massif, sain et pittoresque ne fournit aujourd'hui au commerce qu'un peu d'huile de palme et du caoutchouc. Mais si l'on commence par introduire dans ces belles régions de véritables travailleurs, le Cameroun pourra un jour exporter les mêmes articles que Fernando-Pô et rivaliser de prospérité avec cette île59(*)

II n'est donc pas étonnant que les milieux de Hambourg, qui poussèrent Bismarck à l'intervention, se soient intéressés très tôt au Mont Cameroun pour mettre en marche la machine agricole au Cameroun:

L'acquisition de la dite région s'impose tout particulièrement pour la raison qu'elle se prête très bien à l'installation de plantations, estimait la Chambre de Commerce en juillet 1883. La richesse de la brousse en épices, caoutchouc, café, etc., donne un témoignage indéniable de la fertilité des sols60(*).

Les Allemands étaient donc déjà en possession d'une série d'information sur la richesse du Cameroun. Le territoire devenait ainsi un débouché pour la surproduction, une amélioration de leur condition d'approvisionnement des produits agricoles et cela à des coûts aussi faibles que possible. L'attitude hostile du parlement obligea l'administration allemande au Cameroun à se procurer une grande partie des ressources nécessaires pour la mise en place des politiques agricoles.

* 45 F. EtogaEily, Sur les chemin du développement ; essai d'histoire des faits économiques du Cameroun, Yaoundé, CEPMAE, 1971, p. 181.

* 46 C. S. TagneKommegne «L'imposition des cultures de rente dans le processus de formation de l'Etat au Cameroun (1884-1914)» Mémoire de Master en Science Politique, Université de Yaoundé II, 2007, p.19.

* 47 H.Rosenberg, Grosse Depression und Bismarckzeit.Wirtschaftsablauf,Gesellschaft und Politik in Mitteleuropa. Frankfurt/Berlin, Wien, Ullstein 1967, p. 42. Cité par M. Fark-Grüninger, «La transition économique à l'ouest du Cameroun, 1880-1990, jeux et enjeux», Thèse de doctorat, Université de Neuchâtel, Zurich, 1995, p.43.

* 48 H. U.Wehler, Bismarck und der Imperialismus, Köln/Berlin, Kiepenheuer und Witsch, pp.65-66, 1969. Cité par M. Fark-Grüninger «La transition économique à l'ouest du Cameroun», p. 43.

* 49 R. Aldenhoff-Hübinger, «Le protectionnisme en France et Allemagne», Histoire et sociétés rurales, Vol. 23, 2005, pp.65-87.

* 50 C. S. TagneKommegne, «L'imposition des cultures de rente», p. 20.

* 51 Le chancelier Léo von Caprivi, conclut en 1892 et 1894 une série de traités pour les exportations industrielles avec l'Autriche-Hongrie, l'Italie, la Belgique, la Suisse, la Roumanie, la Serbie et la Russie. Ces traités furent en vigueur jusqu'à la fin de 1903 et portaient principalement sur l'abaissement des droits sur le blé et le seigle.

* 52 Le Reichskanzler Bismarck était d'abord un adversaire décidé du colonialisme. Ceci était la conséquence tout autant de sa politique extérieure qu'intérieure. Après une période marquée par de nombreuses guerres, Bismarck suivait une politique d'équilibre, que des conquêtes coloniales auraient mise en danger. De plus, à son avis les coûts d'une colonisation dépassaient largement ses bénéfices et ne valaient donc pas la peine. Mais une pression de plus en plus forte l'obligea finalement à changer de politique.

* 53 F. EtogaEily, Sur les chemin du développement, p. 139.

* 54 L. Kaptue, Travail et main-d'oeuvre au Cameroun sous régime Français, Paris, Harmattan, 1986, p.10

* 55 A. Owona, La naissance du Cameroun, 1884-1914, Paris, L'Harmattan, 1996, p. 62.

* 56 T. Eyongetah, et R. Brain, A History of the Cameroon, London, Longman, 1974, p.53.

* 57 F. EtogaEily, Sur les chemin du développement, p.128.

* 58 Barth pour les régions du Nord-Cameroun dès 1850. Son travail fut poursuivi de 1869 à 1873 par Gustav Nachtigal. Un peu plus tard, de 1882 à 1883, Flegel qui était à la fois explorateur et commerçant, pénétra dans l'Adamaoua par le Niger et la Bénoué.

* 59 S. Rogozinsky, «Voyage à la côte occidentale d'Afrique dans la région des Cameroons», conférence faite à la Société de Géographie du Havre, le 24 novembre 1885 sur le rôle de Rogozinsky, in H. Rudin, Germans in the Cameroons, A case study in modem imperialism, New Heaven,Yale, 1938, pp. 43-59.

* 60 Chambre de Commerce de Hambourg, Mémoire du 6 juillet 1883, n° 8271 cité par M. Michel, «Les plantations allemandes du mont Cameroun (1885-1914)» Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 57, n°207, 2e trimestre 1970, pp. 183-213.

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