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Le processus décisionnel dans la politique étrangère du cameroun: le cas du recours au règlement judiciaire dans le conflit de Bakassi


par Zoulica RANE MKPOUWOUPIEKO
Institut des Relations Internationales du Cameroun/Université de Yaoundé II - Master en Relations Internationales 2011
  

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B. Le code opérationnel du Chef de l'Etat

Afin de saisir le système de croyances ou code opérationnel du Président Paul BIYA, il convient de répondre aux dix questions proposées par Alexander GEORGE et, se rapportant aux principales croyances politiques d'ordre philosophique (1) et instrumental (2) du décideur ultime.

1. Les croyances philosophiques

Les dix questions susmentionnées se divisent en deux groupes composés de cinq questions. Le premier groupe permet de saisir les croyances du Président Camerounais à l'égard des problèmes philosophiques ci-après :

· Quelle est la nature essentielle de la vie politique ? Quel est le caractère fondamental des opposants politiques de quelqu'un ?

De son expérience dans les arcanes du pouvoir, il tire la leçon selon laquelle, dans la vie comme en politique, les hommes sont capables du meilleur, comme du pire. La responsabilité des dirigeants à quelque niveau qu'ils soient dans l'appareil de l'Etat étant, selon lui, de faire en sorte que le pire n'advienne pas299, et cela commence à son avis par la promotion de l'éthique dans la vie politique ; d'où son credo « rigueur et moralisation ». Selon lui, « il n'y a pas de société viable sans une éthique acceptée »300.

Il perçoit le monde comme étant de plus en plus interdépendant, mais encore marqué par les appétits de domination et d'exploitation des nations puissantes sur les nations faibles et par des affrontements idéologiques de plus en plus meurtriers ; d'où la nécessité d'oeuvrer pour l'avènement d'une humanité plus solidaire301.

· Quelle est la probabilité pour quelqu'un de réaliser ses valeurs et aspirations politiques fondamentales ? Peut-on être optimiste ou doit-on être pessimiste à ce sujet ?

Le Président Paul BIYA est un homme politique optimiste. Dans son action extérieure comme dans le domaine de la politique intérieure, son « pari fondamental demeure le rejet de la fatalité : en effet, selon lui, à l'image de l'individu, le Cameroun ne peut s'affirmer et s'épanouir que dans un environnement équilibré et profondément marqué par la paix. Or, les conditions premières de celle-ci sont aujourd'hui la consolidation de l'indépendance des Etats et l'impulsion de leur coopération »302. Il croit ainsi que ces modalités exigent des nations la promotion des

299 Propos du Président Paul BIYA, extrait de François MATTEI, 2009, op. cit., p. 118.

300 Propos du Président Paul BIYA devant le Conseil national de l'UNC, en novembre 1982, extrait de François MATTEI, 2009, op. cit., p. 230.

301 Paul BIYA, 1987, op cit., p.19.

302 Ibid., pp. 19-20.

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principes tels que la tolérance, le respect des différences culturelles et idéologiques, l'abstention de recourir à la force en vue d'imposer une vision du monde ou un système sociopolitique303.

· Le futur politique peut-il être prévu ?

A l'analyse de son parcours et de ses discours, on peut affirmer qu'il ne croit pas en l'existence d'un chemin, tout tracé et prédestiné, qui conduise un acteur individuel ou collectif à ses aspirations. Pour lui, la capacité de réussite de tout un chacun dépend de son acharnement. Tout n'est pas acquis. La vie se caractérise par l'imprévisibilité ; d'où la nécessité de se fixer des objectifs et de se donner les moyens de les atteindre. A titre illustratif, s'adressant à la jeunesse camerounaise, il affirme : « rappelez-vous (...) qu'à l'échelle individuelle et collective, rien de grand ne peut se faire sans dépassement, sans sacrifices, sans victoire sur soi même, finalement sans une certaine ascèse »304.

· A quel point peut-on contrôler ou dominer le développement historique?

Comme il a été susmentionné, le Président Paul BIYA est un homme politique optimiste. Il a la conviction ferme que « dans un pays, en toutes circonstances, on trouve toujours les ressources du sursaut et du renouveau »305. Il pense ainsi, qu'en tant que dirigeant, il a un grand rôle à jouer dans l'infléchissement ou l'orientation de l'histoire dans des directions salutaires au Cameroun. A titre illustratif, il déclare le 21 juillet 1990 dans une interview accordée à Yves MOUROUSI sur Radio Monte Carlo qu'il « souhaiterait entrer dans l'histoire comme celui qui a apporté la démocratie et la prospérité au Cameroun ».

· Quel est le rôle de la chance dans les affaires humaines ?

Il n'accorde pas grand rôle à la chance dans les affaires humaines. Pour lui, tout est question de dépassement de soi, de travail et de sérieux. A titre illustratif, François MATTEI, qui a écrit une biographie du Président Paul BIYA, raconte comment ses camarades d'université se souviennent de son ironie envers ceux qui jouaient sur la chance en faisant des impasses sur les programmes306. Pour lui, rien de durable, et encore moins d'efficace, ne peut se faire dans l'improvisation et le manque d'engagement307.

303 Paul BIYA, 1987, op cit., p. 21.

304 Voir Discours du Président Paul BIYA à la jeunesse camerounaise à l'occasion de l'édition du 11 février 1983 de la Fête de la jeunesse, cité par François MATTEI, 2009, op. cit., p. 233.

305 Propos du Président Paul BIYA, extrait de François MATTEI, 2009, op. cit., p. 115.

306 François MATTEI, ibid., p. 136.

307 Ibid., p. 121.

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2. Les croyances instrumentales

Le deuxième groupe de questions se rapporte aux croyances relatives aux moyens de l'action politique, encore appelées « croyances instrumentales » :

· Quelle est la meilleure façon d'arrêter les objectifs de l'action politique ?

Pour lui, les objectifs de l'action politique doivent correspondre aux réalités de la société vers laquelle ils sont orientés. Toute décision avant d'être prise doit avoir été suffisamment mûries et confrontées aux réalités. Il reste persuadé que la science politique est une science de la réalité quotidienne telle que vécue dans une cité donnée, et qu'une théorie politique n'est digne d'attention que si elle surmonte l'épreuve de cette réalité vécue dans la cité308. Il affirme ainsi que : « la cité camerounaise a ses valeurs et ses particularités. C'est de celle-ci que nous tentons de tirer les enseignements nécessaires à notre action, plutôt que d'emprunter à d'autres cités des règles de conduite et d'action mal adaptées à la vie nationale camerounaise »309.

· Quelle est la façon la plus efficace de poursuivre ces objectifs ?

Selon lui, le légalisme, la patience, le pragmatisme, la paix et la discrétion sont les conditions d'une poursuite efficace des objectifs de l'action politique.

S'agissant du légalisme, son passage au séminaire lui a permis d'intégrer pour sa vie entière le commandement : « custodi regulam, et regula custodiet » (« garde la règle, et la règle te gardera »)310. Ainsi, le respect des normes dans la poursuite des objectifs de l'action politique constitue pour lui une garantie d'efficacité et de sécurité. Quant à la patience, elle est pour lui une vertu. Elle s'accompagne chez lui du silence, ce qui le rend totalement imprévisible. François MATTEI relève à ce propos que : « la Bible et les grands philosophes n'ont fait que nourrir et renforcer chez lui une tendance innée à réfléchir longtemps avant d'agir »311.

Il croit qu'en politique, il est parfois nécessaire d'être pragmatique. Il affirme à ce propos que : « la politique de conduite d'une nation nécessairement est obligée d'être par moments, pragmatique. Car ici, à un moment donné, les nécessités de l'action ou de la réussite de l'action appellent non pas l'abandon, mais l'oubli momentané de certains aspects idéologiques. On n'a pas à choisir. La primauté, c'est la réussite de l'action politique »312. Ainsi, tout en ne s'opposant à aucune idéologie, il ne garde que les vertus de chacune. « Il prend ce qui est bon à droite et à

308 Paul BIYA, 1987, op cit., p. 13.

309 Idem.

310 François MATTEI, 2009, op. cit., p. 80.

311 Ibid., p. 245.

312 Propos du Président Paul au Club de la Presse de RFI (Radio France Internationale) à ses débuts dans la carrière de Président, extrait de François MATTEI, 2009, op. cit., pp. 319-320.

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gauche, et rejette ce qui est mauvais, pour en faire une politique idéale »313. Sa conception de la politique de non alignement est une parfaite illustration de ce pragmatisme. En effet, pour lui, le non alignement ne signifie ni le rejet de tout partenaire, ni le refus de toute alliance, mais, il consiste plutôt à sauvegarder en permanence la possibilité et la liberté de négocier de nouvelles alliances ou de dénoncer les anciennes314.

Le Président Paul BIYA a en répulsion toutes les formes de violence. En effet, la paix est pour lui le meilleur moyen d'atteindre les objectifs de l'action politique. Il s'agit d'un concept très présent dans son discours politique ; au point où, certains observateurs parlent d'une véritable « obsession de la paix »315. Le Chef de l'Etat camerounais considère ce concept comme une finalité et un préalable à la construction nationale, mais également comme un facilitateur, et le socle des relations entre les États316.

Enfin, pour lui, la discrétion est un gage de succès de toute entreprise politique. Il affirme à ce propos qu' « un Chef d'Etat doit être discret. La gesticulation n'est pas un signe de vitalité. L'important n'est pas le verbe. C'est l'action méthodique et rationnelle »317.

· Comment les risques de l'action politique sont-ils calculés, contrôlés et acceptés ?

Dans la réalisation des objectifs de l'action politique, il fait preuve « d'une prudence pragmatique »318. Face à un problème, avant de prendre une décision, il discerne parmi les différentes solutions proposées celle qui présente le moins d'inconvénients, car il est convaincu « qu'aucune solution n'est parfaite. Seul le temps contraint à choisir la moins mauvaise »319. Bien qu'il ne cherche pas les situations à risque, face à elles, il les accepte et s'applique à les vivre sans céder à leur pression320.

· Quelle est la meilleure chronologie à suivre dans la poursuite des objectifs ?

Le Président Paul BIYA n'est pas un impulsif. Pour lui, il est mieux d'attendre le temps opportun pour agir ; c'est-à-dire lorsqu'on sait que son action ne génère plus d'inconvénients ou d'effets secondaires. « Dans l'urgence, il se hâte de donner au temps, le temps...de digérer tout ou partie du problème, de lui permettre d'avoir une vision lucide de tous les paramètres qui composent

313 François MATTEI, Ibid., p. 319.

314 Paul BIYA, 1987, op cit., p. 147-148.

315 Lire à ce sujet Marc OMBOUI, « Paul BIYA : l'obsession de la paix », in http://cameroun2010.info/fr/politique-cameroun-paul-biya.html, consulté le 9 juillet 2011.

316 Voir idem.

317 Interview accordé à l'hebdomadaire Jeune Afrique, en septembre 2004, extrait de François MATTEI, 2009, op. cit., p. 33.

318 NKOBENA Boniface FONTEM, 2008, op cit., p. 102.

319 François MATTEI, 2009, op. cit., p. 319-320.

320 Pour des illustrations, lire François MATTEI, Ibid., p. 286.

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ce problème, et ensuite seulement, d'introduire les aménagements, de formuler les propositions, de prendre les décisions. Bref de reprendre la main »321.

· Quels sont l'utilité et le rôle des divers moyens aptes à une telle poursuite ?

Il convient de rappeler qu'il privilégie dans une telle poursuite, la paix, le légalisme, la patience, la discrétion et le pragmatisme.

Pour lui, la paix est utile dans la mesure où elle offre les conditions propices à la réalisation des objectifs de l'action politique. A titre illustratif, il a la conviction indubitable que c'est dans la paix et la stabilité que le Cameroun peut espérer développer ses richesses et en jouir322. S'agissant du légalisme, le respect des normes dans la poursuite des objectifs de l'action politique est pour lui une condition d'efficacité et de sécurité. Quant à la patience, son utilité réside dans le fait qu'elle permet de garder son sang froid et de résister aux difficultés, quelle que soit leur gravité apparente, tout en étant capable de prendre une décision rapide et ferme au moment le plus approprié ; la patience favorise ainsi la rationalité dans la prise de décision323. Pour ce qui est de la discrétion, il s'agit selon lui d'une qualité nécessaire au succès de l'action politique. C'est pour cette raison que dans ce domaine, « il a toujours préféré voir qu'être vu »324. En ce qui concerne le pragmatisme, tout en appréciant la liberté qu'il confère dans la poursuite des objectifs de l'action politique, le Président Camerounais affirme la nécessité d'essayer de maintenir la balance égale entre l'exigence momentanée de pragmatisme (pour la réussite de ladite action), et l'exigence d'idéologie325.

L'analyse du code opérationnel du Président Paul BIYA révèle la centralité du pacifisme dans son système de croyances. En effet, la paix est pour lui non seulement un idéal et une valeur dont la construction doit être permanente (ce constat découle de l'analyse de ses croyances philosophiques), mais aussi, un moyen et un objectif de l'action politique (ce constat découle de l'analyse de ses croyances instrumentales).

Le système de croyances du Chef de l'Etat ainsi dégagé, il convient de ressortir son impact sur la décision de saisir la C.I.J., pour un règlement judiciaire du conflit de Bakassi.

321 François MATTEI, 2009, op. cit., p. 327.

322 Paul BIYA, 1987, op. cit., p. 11.

323 NKOBENA Boniface FONTEM, 2008, op cit., p. 100.

324 François MATTEI, 2009, op. cit., p. 9.

325 Propos du Président Paul au Club de la Presse de RFI (Radio France Internationale) à ses débuts dans la carrière de Président, extrait de François MATTEI, 2009, op. cit., pp. 319-320.

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Paragraphe II : L'impact du système de croyances du Chef de l'Etat sur la prise de décision

Le système de croyances du Président Paul BIYA a influencé le comportement international du Cameroun de deux manières. A travers la persévérance dans la voie du pacifisme (A), et la prudence pragmatique dont le recours à la C.I.J. est le reflet (B).

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