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Compréhension du processus d'engagement écologique - l'importance du collectif, des connaissances et des émotions pour une transformation intérieure et extérieure de nos représentations


par Laurie Benisti
Institut Catholique de Paris - Politiques environnementales et management du développement durable 2018
  

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Annexe 7 : Retranscription - Gaëlle

J'ai 22 ans, je suis née à Orléans, j'ai vécu à Lyon, j'ai fait une prépa scientifique, puis j'ai été en école d'ingé-nieur à l'Ensta en région parisienne. Je suis partie pour un double diplôme pour faire mon master à Vienne parce que j'avais envie de voir autre chose. Entre l'ensta et le double diplôme, j'ai fait mon stage de recherche pendant 3 mois à Cardiff au Royaume-Uni. Puis j'ai fait 1 an et demi à Vienne où j'ai commencé à m'intéresser à ces enjeux. En ce moment je suis en stage en France au laboratoire des sciences du climat et de l'environne-ment (LSCE) et au laboratoire de météorologie dynamique. J'ai été prise en thèse pour l'année prochaine au LSCE, sur les modélisations du cycle du carbone et l'impact sur les calottes glaciaires.

Connaissance des enjeux et sources d'information :

Par rapport à la population générale, oui, très clairement. Après, je pense qu'il y a toujours des choses qu'on ignore. Je m'informe sur internet, en faisant des recherches. Je lis des livres en rapport. J'ai eu une grosse phase en mode binge watching d'informations, et maintenant je n'ai pas l'impression de m'informer au quotidien, de lire des articles déprimants au quotidien... J'ai un peu l'impression que j'en connais assez globalement, je suis plus trop dans la phase de recherche d'informations même si je le fais encore quand je veux me renseigner sur quelque chose de spécifique.

Gravité des crises :

Typiquement, sur la biodiversité, j'ai du mal à me rendre compte. De ce que je comprends de la biodiversité, c'est plein de choses qui interagissent, et t'en enlèves, t'en enlèves, t'en enlèves, et ça tient encore, jusqu'à un moment où il y a un effet de seuil. Donc ça j'ai du mal à m'en rendre compte, avec ces effets de seuil, on ne se rendra pas compte jusqu'à être devant le fait accompli. Je sais que c'est grave, 6ème extinction... mais en quoi ça nous affecte et à quel point ça va nous affecter... je pense beaucoup, mais j'ai du mal à me le représenter.

Pour ce qui est changement climatique, j'ai aussi du mal à me le représenter, ça va dépendre tellement de ce qu'on fait dans le futur. 1,5, 2 degrés, je n'y crois pas trop. Mais il y a quand même de grosses différences avec les pires scénarios où c'est au moins +4 de moyenne. En fait, je ne me le représente pas par un truc de concret. J'ai capté que c'était la merde, mais j'ai du mal à la visualiser concrètement.

Engagement quotidien :

Pour les déplacements, j'ai arrêté l'avion. Pour l'alimentation, je suis végétalienne. Je mange des produits majoritairement bio, locaux, de saison et en vrac. Je fais pas mal de zéro déchet, je ne suis pas à 100% mais j'essaie de limiter au max. Pour la consommation, je n'achète plus grand-chose de neuf. Ça fait un an et quelques que je n'ai rien acheté de neuf. Après, typiquement, quand j'ai emménagé, j'ai voulu trouver de l'occasion mais j'ai dû acheter du neuf.

Engagement métier/études :

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C'est central, c'est une condition. Mais je suis clairement en dilemme intérieur en ce moment. Je voulais faire un stage orienté climat. La recherche pour moi c'était un moins pire par rapport aux métiers que j'aurais pu faire après une école d'ingé.

La recherche en climat ça me permet d'apprendre des trucs, ça aide la recherche dans le domaine, ça a un impact carbone neutre, je ne me lève pas pour aider des entreprises à s'enrichir. Pour ma thèse, c'est partagé. Je me dis que chaque temps compte, et que les 8h par jour que je passe au bureau je pourrais les passer à autre chose. Est-ce que je ne ferais pas mieux de faire autre chose pendant ce temps ? Parce que certes je vais apprendre plein de choses sur mon sujet, mais la recherche c'est pas mal de temps devant un ordi à coder des trucs, à faire tourner des simulations, et pendant ce temps tu ne sensibilises pas grand monde.

Chaque année compte. J'ai envie d'utiliser ce que je fais en thèse à l'extérieur.

Engagement associatif :

A Avenir climatique je suis engagée dans un projet qui d'appelle EduClimat, qui développe des outils pédagogiques autour des enjeux énergie-climat pour les jeunes de primaire, collège et lycée. Ça me prend beaucoup de temps.

Engagement collectif :

Non. Je suis allée une fois à la marche pour le climat. J'aimerais bien participer à une action de désobéissance civile, mais je n'ai pas encore eu l'occasion notamment par manque de temps et de disponibilité.

Je pense que les petits pas et les actions personnelles ne suffisent pas. Je crois beaucoup dans l'éducation, et notamment chez les jeunes qui n'ont pas encore des années d'habitudes derrière eux. Il y a plus de gens végétariens autour de la vingtaine que de la trentaine. Cette petite dizaine d'années d'habitudes en plus fait la différence. Donc j'ai beaucoup confiance en l'éducation, en le fait que les jeunes peuvent changer en étant bien informés, et aussi faire changer leurs parents et leurs proches.

Cheminement :

Au début, je voulais travailler dans les énergies renouvelables, mais sans plus de connaissances sur le sujet. Ce qui a fait que j'ai commencé à vraiment m'intéresser à tout ça, c'est la viande. Une amie végétarienne m'avait expliqué pourquoi elle ne mangeait plus de viande. J'ai essayé d'arrêter, j'ai vu que ce n'était pas compliqué. Puis j'ai commencé à m'informer sur la question, à regarder des documentaires... Puis un peu plus sur l'environnement. Dans le groupe d'amis où j'étais, on parlait très peu de ces enjeux, ce n'était pas vraiment nos préoccupations. J'ai commencé à comprendre les effets des changements climatiques. Je suis allée calculer mon bilan carbone, et changé quelques petites choses.

Je n'avais pas encore vraiment conscience des interconnexions, de toutes les crises. Au début de mon stage à Vienne j'ai arrêté de prendre l'avion en réalisant l'impact que ça avait.

Puis j'ai lu le fameux bouquin de Pablo Servigne, d'autres sources, et j'ai commencé à comprendre que ce n'était pas juste un problème, que tout était connecté, que ce n'est pas juste un problème mais que toute la société, tout le système va mal. Pourquoi on travaille pour enrichir des grosses boites qui polluent, le côté de sens en général...

J'étais avec des amis peu sensibilisés, je me sentais un peu seule. Ce n'était ni dur ni facile. J'ai l'impression que je me posais plein de questions intenses et assez dures pendant mes temps libres, mais à côté, le fait d'être avec des gens peu sensibilisés ça me permettait de me vider le cerveau. Donc finalement ça ne m'a pas tant pesé. Mais j'ai quand même ressenti le besoin de me rapprocher de personnes, de milieux qui me comprennent. J'ai cherché tout ce qui existait sur internet, et je suis tombée sur la page d'Avenir Climatique, et je me suis inscrit pour l'université d'été. C'était génial, parce que j'ai passé quand même 6 bons mois à être consciente de tout ça et à en parler à personne sauf à ma mère, et à mon copain, mais avec qui on n'était pas

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forcément d'accord sur tout. Là, rencontrer que des gens où tu n'as pas besoin de te justifier sur ce que tu fais, où toutes les discussions t'intéressent... Ca a créé une émulsion. Et je me suis engagée dans EduClimat. Ensuite j'ai réussi à faire mon stage en lien avec ces enjeux. Mais je me pose encore des questions sur si c'est le plus utile.

Donc pour résumer, j'ai d'abord eu une période « je peux faire des trucs pour protéger la planète et ça ne me demande pas trop d'effort, pourquoi pas le faire ». Donc je les ai faits, et j'ai eu besoin de convaincre les gens de les faire ce qui m'a menée à plus me renseigner et donc à prendre conscience notamment du changement climatique. Ensuite il y a eu l'étape où j'ai compris que tout était interconnecté, que c'était un énorme problème de société. Puis je suis passée de l'engagement personnel à l'engagement associatif. Enfin, mon engagement au sein du boulot est en cours et en cours de réflexion !

Blocages :

C'est compliqué à dire, mais les amis. On avançait plus du tout dans la même direction. La période où je m'in-téressais à ça et j'étais un peu la seule à m'intéresser à tout ça, ça m'a forcément « retardée » dans mon engagement. Il y a aussi le boulot, le manque de temps.

Théories de l'effondrement :

Je ne sais plus ce que j'en ai pensé au début. Mais sur le coup, je n'ai pas fini le bouquin, ça veut tout dire... Ca a un peu été un effondrement personnel. Une perte de sens. On t'a toujours dit il faut faire ça, avoir tel métier... Et en fait, tu réalises que ça n'a pas de sens, que notre société telle qu'elle est ne pourra pas continuer bien longtemps. Sans dire que je sois collapsologue, parce que je ne sais pas trop où me situer par rapport à ça, je ne suis pas en mode collapso à 100%. Mais c'est plus que ça permet d'avoir une prise de conscience que la société telle qu'elle est actuellement n'a pas beaucoup de sens et ne peut pas continuer indéfiniment comme ça, alors que c'est toujours ce qu'on nous a vendu. Donc ça a été un effondrement de mes propres convictions.

Changement personnel :

Je pense que des valeurs qui étaient déjà là se sont affirmées. La compassion, l'affirmation de mes convictions notamment.

Emotions :

Le fait d'avoir rencontré d'autres personnes ça a beaucoup enlevé les émotions négatives. Je pense que j'ai une visualisation dans ma tête du fait que ça ne va pas et qu'il faut agir. En agissant au max ça enlève bcp d'aspects négatifs. Depuis mon boulot, j'ai de nouveau des questionnements sur le sens qu'il a. Un sentiment de frustration. D'impuissance face à la norme sociale, car j'aimerais bien, mais ne me sens pas prête à tout quitter.

Le fait de sentir mon impact fait se sentir mieux. Les moments où ça ne va pas, c'est plus sur des trucs précis et spécifiques. Par exemple à l'élection de Bolsonaro (président brésilien), je me suis sentie mal, je me suis dit « ah ouais on n'y arrivera jamais ». Ça arrive parfois. Mais j'arrive à être positive pas mon engagement et les proches. Il y a aussi la satisfaction de voir son impact sur les proches qui commencent à être sensibilisés et à changer.

Il y a le côté humain et social de l'engagement associatif qui apporte beaucoup. D'un point de vue plus personnel, ça me permet d'apprendre plein de choses sur moi, sur le monde... C'est super enrichissant.

Optimiste ou pessimiste :

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Plutôt pessimiste. Ça dépend par rapport à quoi. On sait qu'il y aura forcément des problèmes, mais à voir jusqu'à quel point. Je pense qu'on peut changer bcp de choses par l'éducation des jeunes. Pour les gens de 30 ans et plus, j'y crois moins, et là je suis un peu plus pessimiste. Il y a un peu des deux.

On a fait un week-end de travail avec EduClimat, où on a été à un festival. La question « Qui est-ce qui croit qu'on va s'en sortir ? » a été posée, et on est 2 à ne pas avoir levé la main. Pourtant on est le deux plus investis sur le projet. Au fond de nous, on n'y croit peut-être pas, mais on a peut-être d'autant plus envie d'agir.

Et pour le futur j'ai peur de me mettre dans le moule alors que je n'ai pas envie. Pourquoi pas monter une ferme, vivre en autonomie, mais actuellement je ne serais pas prête à faire les démarches, j'attends plus que ça me « tombe » dessus, je serai facile à motiver ! J'envisage une vie pas classique, je ne sais pas encore ce que ça veut dire mais j'espère que je ne me laisserai pas prendre dans le moule.

Vision dans 30 ans

C'est compliqué de savoir à quel point les changements vont aller vite, ça dépend de ce qu'on va faire à très court terme. Je me vois vivre à la campagne, dans un écovillage, dans une communauté.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams