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Le vocabulaire des discours d'investiture au Québec et en France (1995-2006)

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par Jean-Marie GIRIER
Institut de la communication - Université Lyon 2 - Master 1 en Sciences de l'Infomation et de la Communication 2006
  

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Une forme programmatique

La question de la forme du discours est également au coeur du processus de contrainte institutionnelle. Le XXe siècle a réellement sacralisé un discours très général et programmatique. Long, insistant sur des valeurs et offrant un catalogue de mesures, ce discours s'impose d'évoquer tous les groupes sociaux et leurs intérêts. Chacun souhaite entendre des propos allant en sa faveur, et comme le tiers secteur, les amis politiques, et tous les groupes d'influence sont nombreux, le discours prend parfois des proportions démesurées. D'ailleurs, c'est cet aspect programmatique qui lui donne sa forme. Celui-ci est long et il apparaît difficile de lui donner du rythme, même avec un bon fil conducteur. En réalité, balayer un horizon aussi vaste que celui des actions d'un gouvernement conduit à évoquer à la suite des objets aux antipodes les uns des autres. Raymond Barre résume parfaitement le poids de ces contraintes dans cette déclaration :

«  Le discours de politique générale, qui présente l'action d'un gouvernement devant le Parlement ne doit rien, absolument rien négliger. Ni personnes. Tout doit être dit, promis, daté, chiffré. Même si la précision peut s'accompagner de souplesse et de garde-fous notamment pour éviter plus tard de trop douloureux rappels d'engagement. Les priorités de l'exécutif doivent certes apparaître clairement mais chacun, chaque groupe voulant évidemment qu'on le considère comme prioritaire, il faut donner le sentiment de prêter attention à tout le monde73(*)». 

L'institution impose un modèle type, et il serait inimaginable de trouver un discours de propagande qui traiterait d'une thématique unique. De fait, une certaine longueur du propos est requise, tout comme un registre de vocabulaire riche. Ceci semble très valorisé, symbole d'une certaine érudition, à l'image des « gens de lettres » de l'époque des Lumières. Les écarts majeurs se retrouveront au Québec dans la mesure où le discours est plus fréquent qu'en France ; les Premiers ministres attacheront moins d'importance à un discours qui se situe au milieu d'un mandat. Par ailleurs, remarquons que les discours sont d'une longueur moyenne de 6398 formes graphiques en France contre 9628 au Québec. Il existe donc une réelle différence de longueur, mais les variations pour un même pays nous permettent d'obtenir des échantillons stables pour notre analyse lexicométrique.

Malgré la forte contrainte institutionnelle, il existe des petites évolutions quant au style discursif. Ces mutations interviennent dans le temps par des « mini-ruptures » inaugurant de nouvelles formes discursives. On ne se situe pas dans une continuité temporelle en terme de vocabulaire mais dans une reproduction des meilleures techniques des gouvernements précédents.

Pascal Marchand et Laurence Monnoyer-Smith ont effectué une analyse lexicométrique des discours de politique générale en France de 1974 à 199774(*). À travers leurs recherches sur les clivages politiques, ils ont fait émerger quatre formes de discours. En réalité, il s'agirait davantage d'une architecture principale et de trois variantes. Le discours classique est programmatique, il développe les actions futures du gouvernement, est marqué par les verbes d'action et se compose d'aspects relationnels et internationaux. Parmi les variantes, les auteurs attirent notre attention sur des formes développées par certains Premiers ministres. Ainsi, Pierre Mauroy a forgé son discours avec un bilan technique tout en insérant des termes militants politisant davantage ses propos. En effet, la déclaration de politique générale est habituellement peu enclin à exposer une démonstration de force mais adopte une démarche plus consensuelle. Son successeur, Laurent Fabius, a produit comme Jacques Chirac un discours personnalisé à outrance. En se dissociant de son auditoire, il favorise le « nous » commun ainsi que le « je » et tente l'introduction de thématiques nouvelles. Enfin, Michel Rocard, et ses successeurs dans les années 1990, ont fait évoluer le discours « vers un genre moins informatif et plus communicatif » qui privilégie l'apport de concepts nouveaux (exclusion, bataille pour l'emploi, pacte républicain...). Toutefois ces périodes ne reflètent aucune évolution majeure, il s'agirait plutôt d' « effets de mode ».

Par ailleurs, il est intéressant de voir un placement dans une continuité temporelle à des fins stratégiques : Jacques Chirac utilisa le discours de son prédécesseur Pierre Mauroy afin de l'inverser75(*). Il s'inspira de sa forme technique tout en y ajoutant une bonne part de personnalisation. De plus, on retrouvait un vocabulaire similaire utilisé pour offrir une analyse opposée au politicien lillois.

* 73 Emmanuel Faux, et al., Plumes de l'ombre, Les nègres des hommes politiques, Paris, Ramsay, 1991, page 46.

* 74 Pascal Marchand, Laurence Monnoyer-Smith, « Les discours de politique générale français : la fin des clivages idéologiques ? », in Le « programme de gouvernement » un genre discursif, Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000, 13 pages.

* 75 Dominique Labbé et Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada, Québec, France (1945-2000).

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand