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Etude comparée de l'arbitrage international dans l'OHADA et en Suisse

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par Cassius Jean SOSSOU BIADJA
Université de Genève - DEA 2006
  

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B-. LES MESURES PROVISOIRES OU CONSERVATOIRES ET LES MESURES PROBATOIRES

Il est question ici pour nous, d'analyser les mesures qui dans un arbitrage de DIP permettent la conservation des preuves voire l'objet sur lequel porte le différend. Aussi, nous passerons en revue la preuve en elle-même et son régime juridique envisagés sous l'emprise de l'AU.A et du chapitre 12 LDIP.

1-. LES MESURES PROVISIONNELLES OU CONSERVATOIRES

DROIT COMPARE

Art. 13 al. 4 AU.A

"Toutefois, l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle à ce qu'à la demande d'une partie, une juridiction, en cas d'urgence reconnue et motivée ou lorsque la mesure devra s'exécuter dans un Etat non partie à l'OHADA, ordonne des mesures provisoires ou conservatoires, dès lors que ces mesures n'impliquent pas un examen du litige au fond, pour lequel seul le Tribunal arbitral est compétent".

Art.183 LDP

1) "Sauf convention contraire, le tribunal arbitral peut ordonner des mesures provisionnelles ou des mesures conservatoires à la demande d'une partie.

2) Si la partie concernée ne s'y soumet pas volontairement, le tribunal arbitral peut requérir le concours du juge compétent. Celui-ci applique son propre droit.

3) Le tribunal arbitral ou le juge peuvent subordonner les mesures provisionnelles ou les mesures conservatoires qu'ils ont été requis d'ordonner à la fourniture de sûretés appropriées".

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Aussi bien l'AU.A en droit OHADA que le chapitre 12 LDIP en droit suisse, ne donnent aucune définition des notions de mesures provisionnelles et conservatoires. Cette lacune, comme le disent si bien P. LALIVE, J-F POUDRET et C. REYMOND, peut trouver une explication dans le fait que l'évocation de ces deux mesures dans les textes et la pratique de l'arbitrage de DIP, constitue "un domaine nouveau pour la pratique arbitrale, pour lequel on ne peut aujourd'hui qu'esquisser des solutions"68(*). Pour la définition de ces mesures nous esquisserons donc des solutions.

Les mesures conservatoires préservent une situation ou les droits des parties, elles sont destinées à sauvegarder soit les preuves, soit l'objet litigieux en attendant qu'une décision sur le fond soit rendue. Les mesures provisoires quant à elles, elles peuvent soit avoir un but simplement conservatoire, soit viser à créer ou à modifier un certain état de fait, en vue d'assurer une exécution effective de la sentence, ou de limiter les effets négatifs que peut provoquer l'existence et la durée du procès arbitral. Ces dernières mesures, se caractérisent non pas par leur objet mais, par leur effet et de ce fait, elles ne lient pas l'autorité qui les a rendues a fortiori l'arbitre ou le juge appelé à statuer sur le fond69(*). Ceci étant, la double question récurrente qui se pose d'abord ici, est celle de la compétence du tribunal arbitral de DIP à pouvoir ordonner de telles mesures et, le cas échéant, la reconnaissance et l'exécution de ces mesures du tribunal conformément à la réglementation de l'arbitrage international OHADA et suisse.

a-. LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS ARBITRALES ET/OU ETATIQUES

D'une manière générale, les mesures conservatoires et provisoires peuvent être prises par le tribunal arbitral de DIP. Au titre du droit comparé, presque toutes les réglementations modernes sur le droit de l'arbitrage international autorisent le tribunal arbitral à prendre, s'il le juge nécessaire, ces mesures en ce qui concerne l'objet du litige. Il en est ainsi de l'art. 26 du règlement CNUDCI, de l'art. 17 de la loi-type CNUDCI, du § 1041 al. 1 ZPO en droit allemand, de l'art.1696 al. 1 CJB en droit belge, et l'art. 25 al. 4 SU en droit suédois, pour ne citer que ces textes. En droit positif français, le codificateur ne prévoit aucune disposition sur la prise de telles mesures dans un arbitrage de DIP, seules les références jurisprudentielles et doctrinales et qui, d'ailleurs, ont fait l'objet de controverses,70(*) légitiment la prise par le tribunal arbitral de telles mesures. Toutefois, le code de procédure civil italien est très restrictif et formel sur l'interdiction qui est faite aux arbitres d'autoriser des saisies et d'autres mesures conservatoires (art. 818 CPCI).

Les deux lois d'arbitrage que nous étudions, n'échappent pas à la généralisation de la tendance admettant la compétence du tribunal arbitral à ordonner de telles mesures. En effet, les réglementations OHADA et suisse de l'arbitrage international reconnaissent toutes deux, une compétence au tribunal arbitral en matière de mesures provisionnelles et conservatoires. Cependant, elles procèdent différemment aussi bien dans la formulation et le contenu de telles mesures que dans les conditions d'exercice de ces pouvoirs par les tribunaux arbitraux et étatiques au besoin.

En droit suisse de l'arbitrage international, l'art. 183 LDIP, contrairement au droit concordataire, donne au tribunal arbitral de DIP l'autorisation d'ordonner des mesures provisionnelles ou conservatoires sauf stipulation contraire. La formulation d'une telle autorisation légale est claire "sauf convention contraire, le tribunal arbitral peut ordonner des mesures provisionnelles ou des mesures conservatoires à la demande d'une partie". Si nous convenons de par cette disposition que, les parties peuvent exclure par convention ce droit légalement accordé au tribunal arbitral, ce dernier quant à lui ne peut exercer ce pouvoir légal que, si la demande est formulée par une des parties à l'arbitrage. Cependant, en dépit de sa compétence, le tribunal arbitral n'est pas autorisé à ordonner toutes sortes de mesures. Il en en ainsi, des mesures provisoires liées à une exécution forcée comme la saisie conservatoire, le séquestre des biens. Il a besoin pour ce faire, du concours d'une autorité qui détient l'imperium notamment le juge étatique. Dans ce cas, il sera légitimé dans sa démarche par les dispositions de l'art. 184 LDIP qui conclut que "si l'aide de l'autorité judiciaire est nécessaire dans d'autres cas, on requerra le concours du juge du siège du tribunal arbitral".

La prise de ces mesures en droit OHADA, n'est pas explicite dans la formulation du texte de l'art. 13 al. 4 AU.A. En effet, ce texte tel qu'il est formulé, laisse entrevoir l'interprétation selon laquelle, l'AU.A ne réserve que la compétence de la juridiction étatique pour l'octroi de telles mesures.

Ce qui peut paraître vraisemblable dans la mesure où, aucune trace d'une allusion à la possibilité pour un tribunal arbitral de rendre de telles mesures, n'est observable dans l'AU.A. Mais dans ce système rien, semble-t-il, ne permet de dénier au tribunal arbitral le pouvoir d'ordonner de telles mesures. Même si aucune disposition expresse de l'AU.A ne nous permet d'inférer une telle compétence du tribunal arbitral, la doctrine la lui reconnaît et y affirme d'ailleurs, une compétence concurrente avec les juridictions étatiques71(*). En effet, le contenu du texte de l'art. 13 al. 4 AU.A reconnaît aux parties le pouvoir de solliciter l'intervention du juge étatique ou juge d'appui pour prendre de telles mesures. La lecture entre les lignes de cette disposition, nous amène à conclure sur ce point que, la compétence reconnue à l'arbitre n'est pas exclusive de celle du juge. Les parties ont, en dépit de l'existence d'une convention d'arbitrage, la faculté de saisir directement le juge d'appui sans avoir l'obligation de recourir d'abord au tribunal arbitral. C'est tout le sens que donne le droit OHADA aux dispositions de l'art. 13 al. 4 de l'AU.A "l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle à ce qu'à la demande d'une partie, une juridiction [...] ordonne des mesures provisoires ou conservatoires". Ainsi, il est aisé de comprendre que l'AU.A en droit OHADA, bien qu'accordant au tribunal arbitral de telles compétences, évite à faire de sorte que la compétence du juge soit résiduelle, c'est-à-dire que son intervention ne soit requise que si la protection arbitrale se révèle insuffisante. Sa compétence pour prendre des mesures provisoires et conservatoires est alors concurrente de celle du juge et non subsidiaire. Si la tendance majoritaire admet, du point de vue de la loi et de la jurisprudence, que le tribunal arbitral peut ordonner des mesures conservatoires et provisoires, la doctrine est presque unanime à reconnaître une compétence concurrente du juge, nécessitant une "action complémentaire des juges et des arbitres en vue d'assurer l'efficacité de l'arbitrage commercial international"72(*). D'où l'impérieuse nécessité de clarifier les pouvoirs respectifs des juges et des arbitres en cette matière. L'enjeu à notre avis, d'une telle compétence concurrente serait de ne pas priver des procédures d'urgence, les parties à une convention d'arbitrage et, la doctrine le détaille si bien. Par rapport au droit suisse de l'arbitrage international, bien évidemment le chapitre 12 LDIP n'évoque pas la question de la compétence des tribunaux étatiques en matière de mesures provisionnelles et conservatoires. La doctrine suisse, quant à elle, est controversée sur la question de la compétence concurrente. En effet, une opinion minoritaire de cette doctrine considère que, la compétence du juge en la matière cesse dès lors que le tribunal arbitral est constitué. Fort heureusement, la doctrine majoritaire admet une compétence concurrente pleine aux juridictions arbitrales et étatiques73(*). En droit comparé, il y a lieu de faire remarquer que, le principe de la compétence concurrente est consacré par plusieurs dispositions légales et conventionnelles et, est "reconnu par la jurisprudence et la doctrine des différents États et rappelé dans de nombreuses sentences arbitrales"74(*). Le droit OHADA de l'arbitrage, tout comme la plupart des législations sur l'arbitrage, reconnaît donc aux juridictions étatiques et arbitrales une compétence en la matière et, du coup ne prive pas les parties, du droit de recourir aux procédures d'urgences prévues à cet égard devant les juges étatiques.

Cependant, deux conditions prévalent dans ce système à cette compétence des juridictions étatiques: l'urgence et l'examen du litige au fond.

L'urgence :

En effet, le juge étatique ne peut prendre une mesure provisoire ou conservatoire que s'il y a une urgence avérée et motivée. L'urgence en matière d'arbitrage, ne doit se justifier que lorsque le tribunal est déjà formé et saisi du fond du litige mais ne peut pas prendre les mesures qui s'imposent. À la condition d'urgence, s'adjoint celle du lieu de l'exécution de la mesure. En effet, si la mesure doit s'exécuter dans un Etat partie au Traité OHADA, le caractère urgent prend tout son sens. Autrement dit, la condition d'urgence est valable. Ce qui veut dire, qu'en dehors de la compétence du tribunal arbitral d'ordonner des mesures provisoires en droit OHADA, la loi reconnaît aux juridictions étatiques une compétence concurrente qu'à la seule condition qu'il y ait une mesure urgente avérée et motivée exécutable dans un Etat partie et non à l'extérieur de l'espace OHADA. A contrario, si la mesure devra s'exécuter dans un Etat non partie à l'OHADA, un Etat tiers par exemple, la mesure urgente n'est plus recevable. Mais cela n'empêche pas qu'une partie demande à une juridiction, en dépit de l'existence de la convention, la prise de mesures conservatoires ou provisoires. C'est ce que semble nous confirmer P. Meyer, qui pense que "la condition relative à l'urgence est écartée lorsque la mesure provisoire ou conservatoire devra s'exécuter dans un Etat non partie à l'OHADA".

L'examen du litige au fond :

La deuxième condition veut que ces mesures n'impliquent pas un examen du litige au fond. En effet, chaque fois que l'octroi des mesures suppose un examen au fond, le juge étatique doit se reconnaître incompétent et seul l'arbitre peut ordonner ladite mesure. Il s'agit ici, de la conséquence à l'incompétence des juridictions étatiques de statuer au fond en cas d'existence d'une convention d'arbitrage. Principe que plusieurs législations sur l'arbitrage international consacrent expressément (art. 13 al. 1 AU.A).

En résumé, le pouvoir du juge d'ordonner des mesures conservatoires et provisoires, qui ne doit pas être confondu au rôle d'assistance du juge, conjecture la possibilité pour les parties de recourir à sa compétence sans renoncer au bénéfice de la convention d'arbitrage. C'est tout le sens qu'a voulu donner le législateur OHADA à la compétence du juge en matière de mesures urgentes, nonobstant la convention d'arbitrage " toutefois, l'existence d'une convention d'arbitrage [...]".

Notons toutefois que, les mesures provisionnelles si elles sont admises, elles ne peuvent être ordonnées que dans les limites des demandes dont l'arbitre est saisi. Il en est également de même du juge sollicité dont la compétence est non seulement limitée à la demande des parties (aux mesures provisoires) mais il doit aussi veiller à ne pas prétériter à l'exclusivité accordée à l'arbitre par la loi quant à son pouvoir de statuer sur le fond du litige. D'où tout le sens de la seconde condition dont l'art. 13 al. 4 de l'AU.A fait cas en droit OHADA.

b-. LA PROBEDURE

Du point de vue procédural, les deux textes de loi ne disent rien quant à la procédure à suivre par les parties ou par les arbitres. À notre avis, la démarche prescrite par les dispositions des articles 14 AU.A en droit OHADA et 182 LDIP en droit suisse de l'arbitrage international seront applicables.

Si les lois de l'arbitrage, ici étudiées, reconnaissent au tribunal arbitral de DIP la faculté de rendre des mesures provisoires et conservatoires, la décision rendue par le tribunal dans ce cadre, ne doit pas être assimilée à une sentence au point d'en exiger un exequatur en cas d'insoumission. Cette décision est une ordonnance qui n'est pas directement exécutoire, elle ne peut pas non plus être munie d'une déclaration de force exécutoire par le juge selon la procédure appropriée. L'efficacité de telles mesures ordonnées, en vertu des dispositions des articles 183 LDIP et 13 al. 4 AU.A doit être limitée. Comme on peut le noter dans le texte du chapitre 12 LDIP, en cas de non soumission volontaire à l'ordonnance, le tribunal arbitral (et non la partie bénéficiaire de la mesure arbitrale) ne peut que requérir le concours du juge étatique. C'est tout le sens que donne le droit suisse de l'arbitrage international à l'al. 2 de l'art. 183 LDIP "si la partie concernée ne s'y soumet pas volontairement, le tribunal arbitral peut requérir le concours du juge compétent. Celui-ci applique son propre droit". Le juge compétent ici, peut ne pas être le juge du siège du tribunal arbitral mais le juge suisse compétent, ratione loci et ratione materiae, pour ordonner les mesures provisionnelles à l'égard de la partie ou du bien visé par la décision de l'arbitre. Il faut ici aussi regretter que, l'assistance du juge étatique en cas de non soumission à l'ordonnance du tribunal arbitral concernant ces mesures, n'ait pas été évoquée par le droit OHADA de l'arbitrage en l'occurrence l'AU.A. Cependant, on peut légitimement imaginer que, cette assistance peut être requise sur la base des dispositions de l'art.14 al. 7 de l'AU.A qui dispose que "si l'aide des autorités judiciaires est nécessaire à l'administration de la preuve, le tribunal arbitral peut d'office ou sur requête requérir le concours du juge compétent dans l'Etat-partie". Ainsi, si la requête est fondée sur la demande de mesures destinées, à la production ou la conservation de certaines preuves utiles au procès arbitral ou menacées de disparition, l'assistance du juge d'appui dans ce cas, est nécessaire et légitimée sur la base des dispositions légales précitées.

* 68 P. LALIVE, J-F POUDRET, C. REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse : édition annotée et commentée du Concordat sur l'arbitrage du 27 mars 1969 et des dispositions sur l'arbitrage international de la Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé, p. 363.

* 69 Un exemple type de cette mesure porte sur l'ordonnance judiciaire qui accorde au demandeur une provision sur sa créance.

* 70 J-F. POUDRET/S. BESSON, Droit comparé de l'arbitrage international, Bruylant, L.G.D.J., Schulthess 2002, note 606, p. 552. Ces auteurs estiment que la compétence implicite admise par une certaine doctrine sur le pouvoir de l'arbitre d'ordonner des mesures provisoires et conservatoires en dépit du fait que la législation française ne prévoit aucune disposition dans sa loi d'arbitrage au sujet de telles mesures est contestable. Ils soutiennent à l'appui de cette position que le pouvoir de rendre des mesures provisoires n'est pas une question de « procédure » au sens de l'art. 1494 NCPC mais de « compétence ».

* 71 P. Meyer, OHADA Droit de l'arbitrage, Bruylant 2002, p. 183.

* 72 Cf. B. GOLDNAN, in : 60 ans après, regard vers l'avenir, Publication CCI n. 412, Paris 1984 p. 271-299.

* 73 J-F. POUDRET/S. BESSON, Droit comparé de l'arbitrage international, Bruylant, L.G.D.J., Schulthess 2002, note 618, p. 561. On note que RUEDE/HADENFELDT, p. 252, BUCHER, p. 74 N° 208, p.76 N°213 et p. 56 N°143 font partie du groupe minoritaire. Par contre KSP-BERT, P. 1539 N°5, ad art.183; LALIVE/POUDRET/REYMOND, p. 369 N°15 ad art. 183 LDIP font partie de la tendance majoritaire.

* 74 Ibidem, note 611, p. 554.

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