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Etude comparée de l'arbitrage international dans l'OHADA et en Suisse

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par Cassius Jean SOSSOU BIADJA
Université de Genève - DEA 2006
  

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2-. LA PROBLEMATIQUE DES PREUVES EN DROIT OHADA ET EN DROIT SUISSE DE L'ARBITRAGE INTERNATIONAL

DROIT COMPARE

Art. 14 al. 4 et 7 AU.A

4. "Les arbitres peuvent inviter les parties à leur fournir les explications de fait, et à leur présenter, par tout moyen légalement admissible, les preuves qu'ils estiment nécessaires à la solution du litige.

7. Si l'aide des autorités judiciaires est nécessaire à l'administration de la preuve, le tribunal arbitral peut d'office ou sur requête requérir le concours du juge compétent dans l'Etat-partie".

Art 184 LDIP

1) "Le tribunal arbitral procède lui-même à l'administration des preuves.

2) Si l'aide des autorités judiciaires de l'Etat est nécessaire à l'administration de la preuve, le tribunal arbitral, ou les parties d'entente avec lui, peuvent requérir le concours du juge du siège du tribunal arbitral; ce juge applique son propre droit".

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Dans un arbitrage de DIP, la preuve a pour objet de couvrir tout élément d'information qu'une partie invoque à l'appui de sa prétention ou comme moyen de défense. Les lois d'arbitrage, il faut le remarquer, dans leur quasi majorité (et ce ne sont pas les deux textes légaux que nous étudions qui font exception) ne réglementent pas de façon exhaustive, la problématique de l'administration de la preuve devant le tribunal arbitral. Celle-ci soulève indubitablement, les questions relatives au choix des modes de preuves, à leur admissibilité, au pouvoir d'appréciation du juge et à la charge de la preuve.

Dans un arbitrage de DIP, c'est prioritairement l'autonomie des parties et subsidiairement celle du tribunal arbitral qui gouverne l'admissibilité des moyens de preuve et la procédure d'administration de ces preuves. Les parties sont ainsi libres d'administrer la preuve d'un acte par tous les moyens. Cette liberté des parties, trouve son fondement dans le principe d'autonomie qui gouverne l'arbitrage en général. La problématique de la preuve relevant des questions de procédure, elle ne lui échappe guère. Ceci étant, les dispositions de l'AU.A et du chapitre 12 LDIP ne dénient pas au tribunal arbitral sa compétence en matière d'administration de preuves. Elles instruisent chacune, dans leurs dispositions respectives, le tribunal arbitral lui-même à prescrire la manière dont les preuves seront administrées. En effet, l'alinéa 1er de l'art. 184 LDIP est explicite dans sa formulation du principe "le tribunal arbitral procède lui-même à l'administration des preuves". Cette loi reconnaît donc au tribunal arbitral, la compétence de pouvoir statuer sur l'admissibilité, la pertinence et le fardeau des preuves fournies par les parties. Le droit OHADA ne s'exempte pas non plus de ce principe lorsqu'il affirme, dans les dispositions de l'art. 14 al. 4 que, "les arbitres peuvent inviter les parties à leur fournir [...], les preuves qu'ils estiment nécessaires à la solution du litige". De cette compétence légale reconnue aux tribunaux arbitraux d'administrer les preuves, résultent les conséquences suivantes :

- c'est devant tout le corps arbitral que les preuves doivent être rapportées,

- la délégation à un seul arbitre n'est admise qu'avec l'accord des parties,

- l'arbitre ne peut pas déléguer son pouvoir à un tiers (pouvoir d'administrer des preuves).

Le caractère laconique des dispositions des deux lois d'arbitrage, sur le droit des tribunaux arbitraux à se prononcer sur l'administration des preuves d'une part, et le défaut d'énumération des preuves susceptibles d'être admises devant les tribunaux arbitraux d'autre part, ne sont guère surprenants. Cela va de soi d'autant plus que, l'arbitrage international répondant par essence aux besoins du commerce international, c'est le principe de la liberté de preuve en matière commerciale75(*) qui y est admis. Ce manque d'énumération, laisse envisager a priori l'admission de toutes formes de preuve quelles qu'elles soient.

Sans pour autant rentrer dans les détails, sur la catégorisation et la définition des preuves usuelles dans chacun des systèmes relatifs aux lois d'arbitrage que nous étudions, nous faisons remarquer, somme toute que, les deux législations n'abordent pas les questions essentielles relatives à la nature des preuves et à la procédure adéquate.

- Par rapport à la nature des preuves susceptibles d'être admises, les preuves les plus usitées dans la pratique de l'arbitrage de DIP sont en général, la preuve par pièce, la preuve par témoins, la preuve par expertise. D'autres modes de preuve à l'instar de la comparution personnelle, de l'interrogatoire des parties, ou de l'inspection locale existent mais ne sont guère utilisées dans l'arbitrage de DIP. Leur évocation ne suscite aucun intérêt pour cette étude comparée, c'est pourquoi nous ne nous appesantirons pas sur elles. Quant à la question de savoir si les autres preuves sont admissibles dans un arbitrage de DIP OHADA et suisse, seules la jurisprudence et la doctrine, relatives à la problématique de la preuve peuvent nous y renseigner dans la mesure où, les deux lois d'arbitrages ne nous y renseignent guère. Nous ne voyons cependant pas, les raisons pour lesquelles certaines catégories de preuves peuvent être admises et d'autres pas.

- Par rapport à la procédure, il revient prioritairement aux parties de définir le cadre procédural qui permettra au tribunal arbitral de statuer sur l'admissibilité et la pertinence des preuves fournies par elles. À défaut, c'est-à-dire si les parties n'ont pas réglé la question directement ou par référence conformément aux dispositions des articles 14 al. 1er AU.A et 182 al. 1er LDIP, le tribunal arbitral est légitimé pour ce faire par les alinéas 2, des deux articles précédemment cités. Cette légitimité est renforcée par les dispositions des articles 14 al. 4 et 7 AU.A et 184 al. 1 et 2 LDIP. Pour ce faire, le tribunal arbitral de DIP n'est pas appelé à suivre les règles de procédure de la juridiction étatique du siège. Le droit de la preuve n'étant pas impératif, le tribunal arbitral en vertu du principe d'autonomie en matière d'arbitrage peut, à défaut de précision de la convention d'arbitrage, se permettre de régler la procédure comme il l'entend pour autant qu'elle relève de la loi de procédure (lex fori) et non de la loi régissant le fond (lex causae). Cela ne signifie pas pour autant que, les dispositions de la lex causae relatives au fardeau de la preuve doivent être totalement ignorées par le tribunal arbitral de DIP. En effet, comme le renchérissent si bien J-F. POUDRET et S. BESSON "le choix de l'arbitrage n'implique pas la volonté implicite des parties d'écarter les règles de preuve relevant du droit matériel, notamment celles régissant la répartition du fardeau de la preuve et ses diverses exceptions (présomptions légales)"76(*). Cette autonomie du tribunal arbitral de DIP peut même lui permettre, de recourir aux règles de l'International Bar Association (IBA) du 1er juin 1999, lesquelles jouent un rôle non moins négligeable dans la pratique de l'arbitrage international. Ces règles constituent une authentique source référentielle, fréquemment utilisée par les arbitres même si les parties ne s'y sont pas soumises. Véritable nomenclature des principes, elles ont l'avantage d'être plus détaillées et constituent de ce fait, un code de dispositions précises en matière de preuve régissant non seulement la procédure d'administration mais encore l'admissibilité d'une preuve dans un arbitrage de DIP.

Même s'il faut reconnaître que, les réglementations sur l'arbitrage international OHADA et suisse donnent compétence aux tribunaux arbitraux d'administrer les preuves, c'est-à-dire qu'ils disposent d'une autonomie en la matière, l'illusion n'est guère permise sur l'étendue de cette liberté qui a des limites.

Une première limite porte sur l'accord particulier des parties, nécessaire avant toute recherche de la loi appropriée à la procédure probatoire. En effet, si le tribunal arbitral de DIP, dans la détermination du droit applicable aux preuves, peut se permettre, fort du principe d'autonomie, de choisir selon son bon vouloir le droit qu'il juge approprié, il faut avouer qu'il ne peut le faire que sur accord particulier des parties. Ainsi, le principe d'autonomie dont il est légalement récipiendaire ne le libère pas totalement de la convention des parties et de l'accord de celles-ci en cas de défaut de convention.

Une deuxième limite porte sur la nécessité de requérir l'aide d'une autorité compétente en cas de blocage dans l'administration de la preuve. Sur ce, il conviendrait de dire que le tribunal arbitral, nonobstant sa liberté légale en matière probatoire, peut se voir dans certains cas, astreint à la coopération avec le juge d'appui. Cette hypothèse est envisagée lorsque, le tribunal arbitral se retrouve dans des situations de difficultés dans l'administration des preuves, l'obligeant à requérir le concours du juge d'appui au siège du tribunal arbitral.

En effet, l'absence d'imperium de l'arbitre ne lui facilite pas la tâche lorsqu'une des parties ou une tierce personne, détentrice d'une preuve nécessaire à l'issue du procès arbitral, se montre récalcitrante ou ne participe pas volontiers à l'administration des preuves. C'est à ce stade que, tout le mécanisme de l'assistance judiciaire en matière probatoire en droit de l'arbitrage international revêt tout son sens. Ceci nous conduit à constater à la suite de P. LALIVE que, le concours du juge, en dépit de la liberté légale du tribunal arbitral, n'est pas moins requis dans un arbitrage de DIP. Comme on peut le constater, dans leur formulation respective, l'AU.A et le chapitre 12 LDIP ne privent pas, les tribunaux arbitraux, du droit de solliciter l'assistance judiciaire en matière probatoire. Le droit communautaire OHADA dans les dispositions de son art. 14 al. 7 AU.A dispose sur cette question de requête en vue d'un soutien à l'administration de la preuve que "si l'aide des autorités judiciaires est nécessaire à l'administration de la preuve, le tribunal arbitral peut d'office ou sur requête requérir le concours du juge compétent dans l'Etat-partie". En droit suisse de l'arbitrage international, c'est dans les dispositions de l'art. 184 al. 2 LDIP qu'on infère une telle requête d'assistance à la preuve "si l'aide des autorités judiciaires de l'Etat est nécessaire à l'administration de la preuve, le tribunal arbitral, ou les parties d'entente avec lui, peuvent requérir le concours du juge du siège du tribunal arbitral; ce juge applique son propre droit". Relevons en dernière position que, même si le juge n'intervient qu'à titre subsidiaire, le tribunal arbitral ne sollicitera pas systématiquement son assistance en cas de défaillance d'une des parties. Evidemment, il lui reviendra d'interpréter ce défaut de collaboration dans le cadre de l'appréciation des preuves. Par ailleurs, il n'est pas superflu de noter que la collaboration du juge se révèle d'une importance singulière dans le cadre de mesures probatoires touchant des tiers ou lorsqu'il s'agit de procéder par voie de commissions rogatoire.

En guise de petite conclusion, nous pouvons dire que les limites à la liberté du tribunal arbitral à administrer les preuves sont reconnues par les systèmes OHADA et suisse qui, prévoient tous deux un mécanisme général d'assistance du juge dans le cadre de l'obtention des preuves devant le tribunal arbitral. Du point de vue du droit comparé, presque toutes les législations modernes sur l'arbitrage international le prévoient à l'exception toutefois, du droit italien et plus spécifiquement le droit français qui ne contient pas expressément de telles dispositions. Cependant, la jurisprudence française reconnaît au juge étatique une large compétence pour la sauvegarde de la preuve sur la base de la disposition de l'art. 145 NCPC qui dispose que "s'il existe des motifs légitimes de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé". On constate que le recours au juge sur la base de cette disposition n'est possible que jusqu'à la saisine du tribunal arbitral, la condition de l'urgence évoquée par le droit OHADA pour justifier la prise de mesures conservatoires ou provisoires n'est pas exigée. Bref, la coopération du juge étatique évoquée aux articles 184 l'al. 2 LDIP et 14 al. 7 AU.A accordent au tribunal une compétence générale, lui permettant de prendre toute mesure d'assistance indispensable pour l'obtention ou l'administration d'une preuve devant le tribunal arbitral. La formulation des deux dispositions est quasi identique seulement que leur lecture attentive fait apparaître des remarques à deux différences près.

La première porte sur le pouvoir des parties, à cette étape de la procédure, à requérir l'aide des autorités judiciaires.

L'expression le tribunal arbitral peut [...] sur requête requérir... du texte OHADA suppose, à notre avis, que la demande peut être formulée aussi bien par les parties (le cas n'est pas contestable et parait évident d'ailleurs) que les tiers qui ont, pour une raison ou pour une autre, un intérêt particulier à intervenir dans le procès arbitral. A la différence de la formulation du texte de l'al. 2 de l'art. 184 qui a le mérite de la précision [...] le tribunal arbitral, ou les parties d'entente avec lui, peuvent requérir..., le droit OHADA ouvre la brèche pour que sur requête d'un tiers à la demande d'une partie et à des fins dilatoires, le juge soit amené à intervenir dans la procédure probatoire.

La deuxième porte sur le droit applicable par l'autorité judiciaire saisie. Il s'agit d'une autre précision du droit suisse qui ne manque pas d'importance dans le contexte particulier du droit de l'arbitrage international. La question qui se pose ici est celle de savoir si le juge saisi d'une requête en vue de l'administration de la preuve doit appliquer son propre droit ou rattacher le droit applicable à la preuve à un autre droit ?

En précisant que le juge saisi applique son propre droit, tout équivoque est levée sur le droit applicable à la problématique de la preuve par le juge étatique qui, dispose contrairement à l'arbitre d'un for. Il se voit ainsi astreint par l'al. 2 in fine du texte de l'art. 184 LDIP à ne pas s'écarter des mesures d'instruction prévues par sa loi de procédure civile. Cette précision du droit suisse a le mérite de définir du point de vue de la norme procédurale, le droit que le juge étatique se doit d'appliquer. Ce qui n'est pas le cas dans le texte de loi d'arbitrage du droit OHADA en l'occurrence l'AU.A. Ce faisant, la loi helvétique est plus concise que ne l'est le droit OHADA. Elle se démarque du vide juridique qu'on observe dans la législation OHADA. Mais enfin, tout comme dans la procédure prévue à l'art. 14 AU.A, il est clair que le juge OHADA sollicité appliquera son propre droit dans le cadre de la procédure probatoire.

Notons pour toute fin de précisions, qu'en droit international privé le choix des modes de preuve, leur admissibilité et le pouvoir d'appréciation du juge sont rattachés à la loi de procédure (lex fori), celle-ci cède devant la lex causae en ce qui concerne la charge de la preuve et les différentes présomptions légales pouvant les renverser sur des points particuliers.

Nous avons vu que, la liberté du tribunal arbitral en matière d'administration de la preuve dans un procès arbitral de DIP est contingentée par la coopération du juge étatique, pour assistance en vue de l'obtention ou de l'administration d'une preuve devant ce tribunal arbitral. Ceci étant, cette compétence du juge étatique en matière probatoire est tout aussi doublement limitée. D'un côté, certains droits ne l'admettent que pour les arbitrages ayant leur siège dans l'Etat dont relève le juge saisi, c'est le cas du droit suisse de l'arbitrage international et du droit OHADA de l'arbitrage. De l'autre côté, le juge ne peut valablement intervenir que si la mesure sollicitée entre dans le cadre de sa compétence international. En cas de blocage, seule l'entraide judiciaire internationale selon le système de la convention de la Haye de 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale pourra permettre de lever cet obstacle.

* 75 La liberté de la preuve est un principe admis en matière commerciale selon lequel, il n'y a pas de hiérarchie entre les différents modes de preuve, les parties sont donc libres d'administrer la preuve d'un acte par tous moyens.

* 76 J-F. POUDRET/S. BESSON, Droit comparé de l'arbitrage international, Bruylant, L.G.D.J., Schulthess 2002, note 618, n° 645, p.582.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus