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Le micro-crédit en droit français et en droit cambodgien

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par Vannak NHEAN
Université Jean Moulin Lyon 3 - DEA de Droit des affaires 2006
  

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§1. - Le statut juridique des opérateurs du micro-crédit

107. - Une approche différente de la réglementation relative au statut juridique des opérateurs du micro-crédit dans les deux systèmes juridiques. Les opérateurs du microcrédit ont de statuts ou des formes de reconnaissance diverses184 : les mutuels, les coopératives, les ONG, les associations etc. Le choix de statut juridique est encadré par loi. Quels sont les statuts juridiques des opérateurs du micro-crédit admis par ces deux systèmes juridiques ?

Bien qu'ils adoptent tous les deux une réglementation spécifique, le statut juridique des opérateurs du micro-crédit dans les deux droits n'est pas le même185. L'un prône l'unique statut juridique d'association de la loi de 1901, et l'autre préfère admettre une grande souplesse du choix des formes juridiques. Ce choix de politique législative de forme juridique des opérateurs du micro-crédit suscite deux remarques. La première concerne une différente perception de la notion de la micro-finance par ces deux droits, et la seconde montre la stratégie du choix de forme juridique qui peut offrir des avantages non négligeables. Cela nous conduit à étudier le statut juridique des opérateurs du microcrédit en droit cambodgien (A) différemment de celui en droit français (B).

A. Le statut juridique des opérateurs du micro-crédit en droit cambodgien

108. - Une distinction entre les IMF supervisées et les IMF reconnues. En droit cambodgien, la loi articule de manière pragmatique la réglementation bancaire et des textes

184 . Jaques ATTALI, préc., p. 154.

185 . Laurent LHERIAU, Tome I, préc., n° 43-88, p. 50-92 : Selon cet auteur, il existe quatre catégories des pays du monde qui réglementent différemment les statuts juridiques des IMF. Ces pays peuvent être regroupés en quatre groupes. Le premier groupe adopte une approche mutualiste et décentralisée des réglementations intégrées des coopératives d'épargne et de crédit. Les pays du premier groupe se sont concentrés sur le développement de réseaux financiers mutualistes. Le deuxième groupe retient une approche sectorielle de l'activité de micro-finance. Dans ce groupe, les pays conçoivent la micro-finance comme un secteur à part entière et ont élaboré une réglementation ayant vocation à englober l'ensemble des IMF, mutualistes ou non. Le troisième groupe dont fait parti le Cambodge adopte une approche mixte articulant loi bancaire et réglementation dérogatoire. Enfin, le dernier groupe préconise une approche de réglementation qui considère la micro-finance comme une activité bancaire résiduelle. Ce groupe 4 limite la micro-finance à des associations de micro-crédit spécialisées. La France adopte cette dernière approche.

spécifiques des IMF dérogatoires à la loi bancaire. La réglementation des IMF est confiée à la BNC qui adopte des règles sous forme de Prakas « règlement ». La BNC a pris la responsabilité de la supervision du secteur au travers son Bureau de supervision des systèmes bancaires décentralisées (BSSBD), créé en 1997 au sein du département de la supervision bancaire. Le BSSBD a contribué activement à la mise en place d'une réglementation spécifique aux IMF. Selon les Prakas pris par la BNC, on peut trouver une dichotomie de statuts juridiques des IMF : les IMF supervisée qui doivent se faire agréer auprès de la BNC et les IMF reconnues qui doivent se faire simplement enregistrer auprès de la même autorité. Les critères de distinction sont imposés par le Prakas de 2002 qui vient remplacer celui de 2000. L'article 1er du Prakas de 2000 prévoyait que « La Banque Nationale du Cambodge est habilitée à accorder l 'agrément pour exercer des opérations de la micro-finance à des institutions de micro-finance, ci-après dénommées établissements, qui remplissent les conditions posées par les dispositions de ce Prakas. Les autres ONG, associations, entités ou établissements qui ne remplissent pas les conditions d 'octroi de l 'agrément mais qui continuent à offrir des services de crédit individuel ou solidaire, doivent se faire enregistrer auprès de la Banque nationale du Cambodge». Ainsi, toutes les IMF qui ne sont pas agréées sont des IMF reconnues à condition qu'il y ait un enregistrement auprès de la BNC. Malgré une bonne intention de ce Prakas qui voulait simplifier la distinction entre les deux catégories d'IMF, les critères d'octroi d'agrément qui caractérisaient évidemment une telle distinction n'étaient pas posées par les autres dispositions du même Prakas, de telle sorte que l'on ne savait pas dans quels cas les opérateurs en place devaient se faire agréer. En revanche, les établissements qui devaient se faire enregistrer étaient ceux qui offrent des services de crédit. Pour combler ce vide juridique, un nouvel Prakas de 2002 a été pris et est venu supprimer l'article 1er du Prakas de 2000. Ce nouvel Prakas précise expressément les cas où les IMF doivent se faire agréer et les cas où les IMF doivent se faire tout simplement enregistrer auprès de la BNC.

109. - Le cas où les IMF doivent se faire agréer. Les IMF dont le niveau d'activité atteint un des seuils déterminés par le Prakas de 2002 sont obligées de se faire agréer. Cela veut dire que les ONG, les associations ou toutes autres entités en place doivent se transformer en IMF agréées dès lors que l'une des conditions imposées est respectée. L'article 8 du Prakas prévoit que « la demande d'agrément est une obligation pour les institutions de micro-finance qui remplissent l'une des conditions suivantes :

1. Pour les institutions offrant des crédits

- Le portefeuille de crédit s'élève à un montant au moins égal à 1 000 millions riels - Ou le nombre des emprunteurs s'élève au moins à 1 000 personnes

2. Pour les institutions collectant des épargnes

- Le montant d'épargne volontaire du public s'élève au moins à 100 millions riels - Ou le nombre des déposants s'élève au moins à 1 000 personnes

Deux remarques peuvent être tirées de cette disposition.

109-1. - D'abord, le droit cambodgien subdivise les IMF supervisées en deux sous catégories distinctes : les IMF offrant des crédits et les IMF mobilisant des épargnes. Cette subdivision est conforme à la disposition de l'article 2 du Prakas de 2000 prévoit que « les IMF agréées doivent exercer les opérations de banque prévues par l'article 2 de la loi sur les institutions bancaires et financières. Les services de crédit et d'épargne sont autorisés s'ils ne sont pas interdits par ce Prakas ou dans l'agrément ». Toutes les opérations de banques peuvent être exercées par les IMF agréées. La micro-finance est ainsi considérée dans son acception large comme les activités de banques classiques. Toutefois, il existe une double limite à l'exercice de leur activité. La première limite concerne les services de crédit et d'épargnes. L'article 2 alinéa 1 prévoit que les services de crédit ou d'épargne peuvent être autorisés s'ils ne sont pas interdits par les dispositions de ce Prakas ou dans l'acte d'agrément. Cette disposition paraît assez générale. Or, l'interdiction de mobiliser les épargnes ne doit concerner que les IMF offrant les crédits. En plus, l'interdiction aux IMF recueillant des épargnes de faire du crédit est irréaliste puisque leur activité principale est l'octroi des micro-crédits. En effet, il vaut mieux dire que les IMF agréées en raison du volume de crédit peuvent être autorisées à faire des épargnes. En effet, la subdivision entre les IMF offrant des crédits et celles collectant des épargnes est en elle-même irréaliste. S'il existe évidemment des IMF qui n'offrent que des services de micro-crédit (les ONG, les associations etc.), il est difficile d'imaginer l'existence des IMF qui n'offrent que des services d'épargne sans activité de crédit. Théoriquement, les IMF recueillent les épargnes et les dépôts du public en vue d'assurer leur financement, de les transformer en prêts. Si elles ne mobilisent pas cet argent, comment peuvent-elles gérer de façon suffisamment rentables pour rémunérer ces épargnes et dépôts ? Il serait donc souhaitable de supprimer la subdivision entre les IMF offrant des crédits et les IMF collectant des épargnes, mais de

distinguer les IMF offrant uniquement des crédits des IMF qui offrent la totalité des services de la micro-finance dans son acception large. Une autre limite concerne notamment l'interdiction des opérations sur instrument financier, le négoce au comptant ou à terme des pierres et des métaux précieux, des matières premières ou marchandises.

109-2. - Ensuite, la BNC a retenu trois critères : le volume du crédit, le volume des épargnes et le nombre des déposants. Ce dernier critère est tout à fait convenable du fait que l'un des objectifs de la réglementation prudentielle des IMF agréées est de protéger les déposants186. La lecture des dispositions de l'article 8 du Prakas de 2002 nous donne l'impression que le droit cambodgien se veut pragmatique. L'explication approfondie de ce pragmatisme sera ultérieurement abordée à propos de l'étude sur le champ d'application de la réglementation prudentielle. Il est simplement nécessaire de remarquer ici que la loi n'impose l'agrément qu'à des IMF de taille importante. Les petites IMF qui mobilisent les épargnes ou les dépôts du public ne sont pas obligées à demander l'agrément et donc à se soumettre à des règles prudentielles résultant de l'agrément. Elles peuvent continuer à exercer leur activité à condition que le volume de l'activité ne doive pas dépasser l'un des seuils fixés et qu'elles se fassent enregistrer. Au regard de ces seuils, on se demande si une IMF agréée peut être créée à partir de rien. La loi oblige les ONG, associations ou autres entités à se transformer si l'un des trois seuils est franchi. Cela veut dire que l'agrément est facultatif dans les autres cas. Or, lorsqu'elles décident de se faire agréer, elles doivent respecter les règles imposées pour les IMF agréées notamment le capital minimum, la forme juridique et les autres règles prudentielles. Rien n'empêche donc qu'une IMF nouvelle puisse demander l'agrément. En effet, cette possibilité est indirectement prévue par l'article 5 alinéa 10 du Prakas de 2000 qui prévoit que « si une personne morale qui demande l 'agrément est une entité déjà créée, elle doit fournir des informations sur leur activité ainsi que le bilan d'activité des trois dernières années certifié par le commissaire aux comptes ».

Ainsi, une nouvelle IMF agréée peut être effectivement créée à partir de rien, et les petites IMF existantes peuvent continuer à exercer leur activité à condition qu'il y ait l'enregistrement. Cette possibilité est prévue expressément par l'article 9 du même Prakas. Les établissements qui n'ont pas demandé l'agrément doivent réduire le volume de leur activité à la limite exigée pour l'obligation d'enregistrement prévue par l'article 3 du

186 . V. infra, n° 117-120.

même Prakas.

110. - Les cas où les IMF doivent se faire enregistrer. L'article 3 du Prakas de 2002 prévoit que « l'enregistrement est une obligation pour les opérateurs de la micro-fiance qui sont les ONG, les associations et toutes entités, exerçant des opérations de la micro-finance et qui remplissent l'une des conditions suivantes :

1. Pour les établissements offrant des crédits

- le portefeuille de crédit atteint un montant d'au moins de 100 millions riels

2. Pour les établissements mobilisant des épargnes

- l'épargne volontaire du public atteint un montant d'au moins de 1 million riels - ou 100 déposants ou plus »

La même remarque concernant la subdivision des IMF agréées est retrouvée pour les IMF enregistrées, ce qui ne mérite donc pas plus de développement. La suggestion énoncée précédemment demeure valable pour cette catégorie d'IMF qui sont simplement reconnues au moyen de leur enregistrement auprès de la BNC. Le problème important est relatif à l'évolution des dispositions du Prakas de la BNC. L'article 1er du Prakas de 2000 prévoyait que les ONG, les associations et les autres entités qui ne remplissent pas les conditions pour demander l'agrément doivent se faire enregistrer. Aucun seuil n'était pas fixé pour obliger ces institutions à demander leur enregistrement. Cependant, des seuils minimums sont fixés par le Prakas de 2002. Vu que l'enregistrement constitue une condition de reconnaissance de ces opérateurs, on peut donc se demander si les opérateurs dont le volume d'activité ne dépassent pas l'un des seuils fixés par ce Prakas pour la demande d'enregistrement peuvent continuer à exercer légalement leur activité.

La lecture du seul article 3 et l'évolution des dispositions des deux Prakas permettraient de donner une réponse affirmative. L'enregistrement est une obligation dès lors l'un des seuils fixé est dépassé. Cela veut dire que l'enregistrement est facultatif pour les autres opérateurs dont le volume d'activité reste en dessous de l'un de ces seuils. C'est une interprétation donnée par la BNC187. Les très petites IMF peuvent exercer librement leur activité en dehors de la réglementation et supervision de l'autorité de tutelle. Cette tendance résulte de la constatation de coût élevé des mesures de réglementation et supervision. Toutefois, il faut comprendre que l'objectif premier de la mise en place de la

187 . National Bank of Cambodia, «Micro finance of Cambodia», 2006, p. 14.

réglementation des IMF en droit cambodgien est de rendre légitime les activités des opérateurs du micro-crédit. Il ne serait donc plus possible de laisser les IMF qui ne se sont pas enregistrées de continuer d'exercer leur activité hors du cadre légal. En plus, la lecture combinée des deux dispositions des articles 5 et 6 du même Prakas nous amène à affirmer que ces opérateurs doivent cesser leur activité. L'article 5 prévoit que « la Banque Nationale du Cambodge donne un certificat d'enregistrement à un opérateur de la micro-finance qui remplit le standard et les critères en se munissant des documents et informations exigés. Ce certificat peut être retiré, et l 'enregistrement est supprimé si l 'opérateur ne respecte pas les conditions imposées par la Banque National du Cambodge». Prolongeant cette disposition, l'article 6 prévoit que « l'opérateur de la micro-finance dont l 'enregistrement est refusé ou supprimé par la BNC doit cesser ses activités pendant un délai de trois mois à compter de la notification de la décision de la Banque Nationale du Cambodge ». Ainsi, si les opérateurs dont l'enregistrement est refusé ou supprimé doivent mettre fin à leur activité, il n'est pas logique de laisser les opérateurs qui ne remplissent pas l'un des seuils imposés pour une obligation d'enregistrement de continuer leur activité en dehors du cadre légal. Vu le nombre déjà important des opérateurs enregistrés, cette évolution illustre la volonté de la BNC de réduire des coûts liés à l'exercice de contrôle non prudentiel des très petites IMF et donc de restreindre la création de nouvelles IMF. La BNC, sous l'influence des bailleurs de fonds, veut renforcer le contrôle des opérateurs de la micro-finance et pousser les IMF existantes à s'efforcer d'améliorer la qualité de leur service.

111. - Les formes légales prévues pour les IMF agréées. Il faut enfin rappeler que les IMF agréées doivent exercer les opérations de banque prévues par l'article 2 de la loi bancaire de 1999. Elles sont donc considérées comme une catégorie de banques qui bénéficient d'un régime dérogatoire à la loi bancaire. Cette articulation entre la réglementation bancaire et les textes spécifiques permet de comprendre le choix des formes juridiques admises pour les IMF agréées. Elles doivent prendre l'une des deux formes juridiques : la coopérative ou la société par action. Bien qu'il existe des IMF qui prennent la forme d'une société par action188, la forme coopérative est la plus répandue. Le droit cambodgien laisse donc une place ouverte au choix des formes juridiques. Toutefois, cette possibilité semble être strictement restreinte par le droit français qui privilégie le statut

188 . EMT est une société à responsabilité limitée. Elle est devenue AMRET.

d'une association de la loi de 1901. Ce choix politique législatif traduit une vision restrictive qu'a le droit français de la notion de micro-finance. Cela peut être illustrée au travers de l'étude du statut juridique des opérateurs du micro-crédit en droit français.

B. Le statut juridique des opérateurs du micro-crédit en droit français

112. - Le statut spécifique des opérateurs du micro-crédit par rapport à la loi bancaire. L'impulsion du micro-crédit en droit français se traduit par l'adoption de l'article 19 de la loi du 15 mai 2001 modifiant l'article L.51 1-6 du Code monétaire et financier. Une interrogation sur le statut juridique des opérateurs du micro-crédit s'est faite jour à la suite de l'adoption de cet article189. En effet, avant cette loi, on avait le sentiment que le micro-crédit s'intégrait dans la réglementation bancaire au travers de l'article L.5 11- 1 du même Code qui prévoit que l'interdiction ne s'applique pas aux « organismes sans but lucratif qui, dans le cadre de leur mission et pour des motifs d'ordre social, accordent, sur leur ressources propres, des prêts à conditions préférentielles à certains de leurs ressortissants ». Le micro-crédit constitue bien une action sociale de lutte contre le chômage et l'exclusion financière. Toutefois, la notion de motif social du crédit semble restrictive par rapport à la notion du micro-crédit à des fins productives. En plus, la possibilité de prêter uniquement sur les ressources propres restreint fortement le développement du micro-crédit. C'est la raison pour laquelle le législateur français préfère, selon l'article 19 de la loi du 15 mai 2001, accorder un statut spécifique à l'association de micro-crédit. Ce choix d'un statut spécifique se traduit par la mise en place d'une forme d'habilitation spéciale qui sera développée ultérieurement. Il peut entraîner une difficulté d'intégration des institutions financières existantes dans le domaine du micro-crédit. Pour éviter cette situation, un autre article 7 de la même loi modifiant l'article 15 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 a été adopté. Selon cette disposition « pour fixer les conditions de son agrément, le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement peut prendre en compte la spécificité de certains établissements de crédit appartenant au secteur de l 'économie sociale et solidaire. Il apprécie notamment l 'intérêt de leur action au regard des missions d'intérêt général relevant de lutte contre les exclusions ou de la reconnaissance effective d'un droit au crédit ». On peut plaider que le micro-crédit, en tant

189 . Jean-Michel SERVET, « La microfinance et la lutte contre l'exclusion financière en France », in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, 2001, p. 5-12.

qu'outil privilégié de lutte contre le chômage, l'exclusion financière, remplit une mission d'intérêt général qui entre bien dans le champ d'activité de cet article. Un auteur évoque que l'opération de micro-crédit n'est pas seulement une opération de nature financière, c'est aussi une action sociale dont l'objectif est la réinsertion de l'emprunteur dans le circuit économique normal190. Bien que d'autres alternatives soient possibles, on observe que la majorité des actions du crédit social se fait dans le cadre d'exception au monopole bancaire. Plusieurs facteurs favorisent le choix de la forme associative par les opérateurs du micro-crédit191.

113. - Le choix de statut d'association de la loi de 1901. Le choix du statut d'association traduit deux volontés du législateur français : la manière du législateur de percevoir la notion du concept de micro-finance et les raisons du choix de statut d'association par les opérateurs du micro-crédit.

D'abord, il s'agit de la volonté du législateur de limiter la micro-finance à des associations de micro-crédit spécialisées. La micro-finance se résume pratiquement au micro-crédit pour les montants, les activités que la banque classique ne veut pas ou ne peut pas assurer. Ces associations ne peuvent jamais collecter d'épargne du public et ne peuvent consentir que certains crédits à certaines catégories socioprofessionnelles restrictivement définies (art. L.51 1-6 al. 5 C. monét. fin). Les autres services, composant la notion large de la micro-finance, ne peuvent qu'être offerts par les banques classiques. Cela n'est pas étonnant du fait qu'il existe un droit aux comptes et aux services bancaires de base. L'adoption de l'article 19 de la loi du 15 mai 2001 traduit également la volonté du législateur de favoriser l'action de l'association en place, spécialement l'ADIE. Ainsi, l'offre du micro-crédit ne remplace pas un service bancaire mais prépare les bénéficiaires potentiels au financement bancaire.

Ensuite, le législateur français reconnaît la vocation sociale du micro-crédit. Il en fait d'une action sociale de lutte contre le chômage et l'exclusion financière. Ainsi, le choix du statut d'association permet aux opérateurs du micro-crédit de bénéficier des divers avantages qui en résultent. Sachant qu'en France les opérateurs du micro-crédit ne peuvent pas fonctionner en toute indépendance sans aides publiques. Le coût

190. Maurie BENHUSILO, « Comment créer un cadre institutionnel et réglementaire favorable au développement du microcrédit ? », Colloque, microcrédit, microentreprise, éd. Bercy, Paris 2001, p. 8 5-89. 191 . Cyrill FERRATON, « Les opérations de finance solidaire et la loi du 1er juillet 1901 au contrat d'association », in Exclusion et liens financiers/Rapport du Centre Walras 2001 sous la direction de J-M SERVET, Economica, 2001, p. 299-3 08.

d'accompagnement rend l'autonomie financière difficilement envisageable, sinon impossible. Le statut d'association leur permet donc de bénéficier légitimement192 des subventions publiques de manière permanente afin de pouvoir lutter efficacement contre la paupérisation de certaines classes sociales. En outre, le caractère non lucratif de l'association permet de ne pas concurrencer le secteur bancaire193. En plus, les associations peuvent bénéficier d'un statut fiscal favorable. Si on fait une comparaison avec le statut fiscal des sociétés de capitaux, il semble qu'il n'existe pas de disposition fiscale spécifique aux opérateurs constituées sous forme de sociétés de capitaux qui sont en principe soumises au droit commun. En revanche, la fiscalité des associations du micro-crédit peut être considéré comme faible dans la mesure où ces opérateurs du micro-crédit ne sont pas soumises à la TVA (art. 261 C 1° a du CGI), ni à l'impôt sur les bénéfices si elles ne réalisent pas d'activités lucratives sur un secteur concurrentiel. Pour pouvoir exercer ses activités et bénéficier de ces avantages, l'association de micro-crédit doit être légitimement habilitée.

114. - L'habilitation de l'association de micro-crédit. L'habilitation de l'association est confiée à un comité placé sous l'autorité du ministre de l'économie. La composition de ce comité est déterminée par l'article 1 er du décret et son arrêté d'application du 3 juillet 2002 portant nomination au comité d'habilitation des associations sans but lucratif mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 511-6 du Code monétaire et financier194. L'habilitation sera admise à condition que l'association remplisse les conditions imposées par l'article 4 du décret. Ces conditions sont les suivantes :

- Une ancienneté d'au moins trois ans dans l'activité d'accompagnement de projets financés par des prêts d'honneur consentis par elles ou par des crédits bancaire ;

- Le traitement, à ce titre, d'un nombre minimum de dossiers par an, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. Il est fixé à 50 par l'article premier de l'arrêté pris en application du décret n° 2002-652 du 3 juillet 2002 relatif à l'habilitation des associations sans but lucratif mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 511-6 du Code monétaire et financier195.

192 . Isabelle GUERIN, Bernd BALKENHOL, « Microfinance : quelle intervention publique », in Le rapport moral morale sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, 2002, p. 397.

193 . Pour le détail ce gens de médiation et les conséquences indésirables de concurrence entre les banques et les opérateurs du micro-crédit. V. infra, n° 1 30-131.

194 . J.O numéro 161 du 12 juillet 2002 (NOR : ECOT02142541).

195 . J.O numéro 161 du 12 juillet 2002 (NOR : ECOT0214255A).

- La compétence requise appréciée par le comité au vu, notamment, des réalisations passées, des résultats de l'activité d'accompagnement, du taux de remboursement des crédits et de l'aptitude à contrôler les risques et la gestion ;

- L'adhésion à la charte de qualité du Conseil national de la création d'entreprise et l'engagement d'adopter les indicateurs de performance définis par le comité ;

- La signature d'une convention de garantie appropriée des emprunts contractés par l'association. Les dirigeants de l'association doivent posséder l'honorabilité, la compétence et l'expérience nécessaires à l'exercice de leurs fonctions.

Toutes ces conditions permettent de vérifier la capacité de l'association à intervenir dans ce domaine. La procédure de la demande d'habilitation est prévue à l'article 3 du décret de 2002. Elle doit être faite auprès du secrétariat du comité. La demande donne lieu à la délivrance d'un récépissé dès la réception de l'ensemble des documents nécessaires à l'instruction de la demande. Le comité doit décider dans un délai maximal de quatre mois suivant la date de délivrance du récépissé. Le silence pendant ce délai vaut l'acceptation. L'habilitation est valable pour trois ans196. Elle peut être retirée pendant ce délai ou renouvelée à son expiration.

115. - Quelle que soit la forme juridique des opérateurs du micro-crédit, l'essentiel est que les deux systèmes juridiques privilégient une réglementation spécifique de ces opérateurs. Le coeur du problème est de savoir quel est le contenu d'une telle réglementation. L'accent est mis plutôt sur la réglementation de nature prudentielle que sur celle non prudentielle.

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