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Habiter le nomadisme. L'exemple de l'habitat mobile des travellers du mouvement techno

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par Caroline SPAULT
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales - Master Recherche 2008
  

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b) Le pêle-mêle sociopolitique de la mise en habitat mobile.

Selon le code de la construction et de l'habitation, le logement principal ne peut être que sédentaire. Ainsi, la non-reconnaissance juridique de la résidence mobile comme logement est un frein pour l'accès aux prestations sociales. En outre, l'absence de reconnaissance juridique de l'habitat mobile comme logement permanent dans les documents d'urbanisme élaborés par les communes (Plan d'Occupation des Sols) empêche l'installation durable des véhicules aménagés sur des terrains privés, mettant les habitants dans des situations d'occupation parfois pr écaires. D'autre part, le déni de cette forme d'habitat exclue les usagers des aides sociales, notamment pour le logement mais aussi aux prêts bancaires préférentiels.

En ce sens, la mobilité des travellers est de facto qualifiée de pratique déviante, sa contrepartie, le stationnement ou la sédentarité temporaire pose également problème. En effet, les pratiques nomades sont, depuis le XVème siècle, visées par des textes réglementant la présence de vagabonds, de commerçants ambulants, d'itinérants, de routards susceptibles de perturber l'ordre public. Sous le régime de Vichy, c'est encore l'itinérance qui fait l'objet de rapports et de décrets relatifs à l'interdiction de circulation des nomades sur la totalité du territoire français.

46

La loi Bessondéterm ine les obligations d'accueil des gens du voyage incombant aux communes de plus de 5000 habitants. Elle prévoit d'une part, d'assurer la libre circulation des biens et des personnes et de répondre à l'aspiration des gens du voyage itinérants à séjourner dans des lieux d'accueil dans des conditions décentes. D'autre part, la loi répond au souci des élus locaux d'éviter les stationnements illicites. Mais l'installation prévue d'une aire d'accueil déclenche souvent le soulèvement de la population locale. Les discours communs autour des gens du voyage refont surface et donnent l'occasion aux élus de stopper leurs démarches, inquiets des répercutions électorales de ce choix.

On pourrait rapprocher cette tendance des autochtones au phénomène américain «NIMBY [Not In My Back Yard] », étudié par le politologue Arthur Jobert (Jobert, 1998). Ce phénomène traduisible textuellement par [Pas dans mon arrière -cour] caractérise initialement l'opposition des riverains à l'implantation d'équipements polluants. Cette théorie peut s'appliquer à de nombreux projets imposés au nom de l'intérêt général mais considérés comme porteurs de nuisances. Autrement dit, avec l'exemple des aires d'accueil, le syndrome NIMBY explique que les personnes «n'ont rien contre, mais qu'elle ne veulent pas de ça chez elles.» Pour le chercheur du CÉVIPOF47 : «La multiplication des conflits d'aménagement a un sens politique : elle traduit l'émergence d'un nouveau modèle de construction de l'intérêt général » (Jobert, 1999).

Or, de manière générale , bien qu'il existe des similarités entre travellers et les gens du voyage, les travellers techno ne se réclament pas comme faisant parti de cette communauté, si vaste soit-elle. Effectivement, les gens dit du voyage regroupent de multiples catégories de populations itinérantes. On compte parmi elle, les populations immigrées de l'Europe de l'Est, plus connues sous le nom de roms ou de tsiganes, mais aussi des itinérants venus d'Espagne (gipsy) ou encore des communautés familiales françaises. Parmi eux, nous ne trouvons donc pas la trace de travellers. Refusant la mise en ghetto que constitue les aires d'accueil des gens du voyage, les travellers optent pour le stationnement libre mais illicite.

46 Loi Besson du 5juillet2000.

47 Cévipof: Centre d'études de la vie politique française.

Cependant, le mode d'habiter des travellers est soumis aux mêmes législations. Juridiquement, vivre dans une résidence mobile terrestre implique, nous l'avons vu des restrictions spatiales, mais également des restrictions budgétaires. En effet,

par exemple, toute personne ayant élu domicile principal dans une résid ence mobile, doit s'acquitter d'une taxe d'habitation.48 De manière à égaliser les devoirs du contribuable à l'ensemble de la population, cette taxe vient désormais s'appliquer aux usagers d'habitation mobile. Or, aujourd'hui, élire domicile principal dans un logement ambulant ne donne pas droit aux prestations sociales en matière de logement et d'aide à l'habitat. L'acquittement de cette taxe pose alors problème aux populations résidant dans un logis mobile.

Néanmoins, pour les travellers, il est rare qu' ils s'acquittent de cette taxe puisqu'ils ne vivent réellement dans leur véhicule aménagé qu'une partie de l'année. En effet, nombreux sont les travellers qui possèdent une adresse postale fixée (chez les parents ou des amis) leur permettant ainsi de faire valoir une résidence principale sédentaire. Dès lors qu'un usager possède une adresse (par boîte postale ou par particulier), il peut prétendre à bénéficier des aides sociales, notamment en matière de logement.

Ceci étant dit, il n'en reste pas moins que les travellers, comme toutes les populations itinérantes, sont largement assimilés non seulement à la marginalité mais aussi à la précarité. Vivre dans un véhicule aménagé en logis représente pour la majorité des sédentaires un signe de grande précarité. Or, la question que les travellers posent à la société est celle de sa capacité à imaginer, concevoir, accepter des modes d'habiter divers, collectifs ou individuels, fixes ou mobiles.

Si la mobilité est comprise comme une activité productive plus que comme simple déplacement, et l'habitat mobile, comme une solution ad hoc face au mal-logement, alors nous pouvons concevoir le mode de vie des travellers techno comme une «mobilité socialement consacrée» (Clément, 2004: 175) et comme une forme de résistan ce face à l'injonction de sédentarité domiciliaire.

48 Loi des finances de 2006, du Code Général des Impôts.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon