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Le pronom personnel de la troisième personne: Place et référence en français classique et en français moderne

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par Rose SENE
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master 2006
  

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CHAPITRE II.

Le pronom personnel objet / complément :

Comme nous l'avons vu antérieurement, les pronoms personnels objets atones le, la, les, se, leur et lui (non précédés d'une proposition) sont généralement antéposés au verbe sauf quand celui-ci est à l'impératif. Parmi ces pronoms personnels objets de la troisième personne, il existe ceux qui sont directs et ceux qui sont indirects, et leurs emplacements ont été essentiellement fixés dès l'origine. Selon A. Dauzat : « Lorsque deux personnels atones se suivent, l'un au régime direct, l'autre indirect, l'ancien français plaçait toujours le premier en tête. »20

« Il la vangera 

Se Damedex le li consant »21

Et concernant les adverbes en et y, il ajoute que s'ils « se trouvent en présence d'un pronom personnel, celui-ci occupe le premier rang car il s'élide. »22

« Et quant il ot reconté son songe, si prie le preudome qu'il l'en die la senefiance. »23

(20), (22) Dauzat (A), Historique de la langue française, Paris, Payot, 1930, p 429

(21), (23) Exemples cités par Lucien Foulet, Petite syntaxe de l'ancien français, 3e ed. Paris, Champion, 1982, pp. 147 et 157

Ces règles très tôt établies dans la langue, ont été conservées dans l'usage jusqu'en français moderne.

Mais la langue classique a tenu à faire précéder le pronom personnel objet indirect de la première et de la deuxième personne de celui direct de la troisième personne comme l'exige Vaugelas qui, parlant des pronoms le, la, les transposés veut que l'on dise : « je vous le promet et non je le vous promet, comme le disent tous les anciens écrivains et plusieurs modernes encore. »24

En effet, plusieurs classiques ont tenu à conserver la tournure ancienne objet direct suivi de objet indirect. Spillebout le confirme ainsi : « on trouve encore dans la première partie du XVIIe siècle l'ordre ancien complément direct troisième personne + objet secondaire deuxième personne », et donne l'exemple suivant : « Dieu qui nous l'a donné le nous peut conserver. »25

Montchrestien, Hector, 101 (1604)

En dehors de ces emplois, qui ont fini par disparaître dans l'usage à la fin du XVIIe siècle -- puisqu'ils étaient quasiment inexistants dans Les femmes savantes (texte très illustratif des traits de la langue classique.) - il n'y a pas eu de changement entre la fin de l'époque classique et le français moderne concernant la place d'un ou de deux pronoms personnels objets auprès du verbe.

Néanmoins, l'ordre dans lequel se place le (ou les) pronom (s) personnel (s) objets par rapport au verbe dans la construction phrastique présente des divergences entre la langue classique et la langue moderne, du fait de la mobilité de celui-là dans cette première époque.

(24) Vaugelas (C.F), 1647, Remarques sur la langue française, Edition Champs libres, 1981, P.58

(25) Spillebout (Gabriel), Grammaire de la langue française du XVIIe siècle, Paris, Picard, 1985, .P.406

I. Le pronom personnel objet employé avec deux verbes successifs :

Lorsque le pronom personnel objet est construit avec deux verbes qui se suivent, le second étant à l'infinitif, il est le complément de ce dernier. Et dès l'ancien français, il s'est placé devant les deux verbes. En effet, pour Marcel Galliot : « l'ancienne langue considère alors le groupe (auxillaire + infinitif) comme un groupe verbal indissociable (verbe : venir accoster, falloir entre aider) et place normalement le pronom objet avant le groupe entier. »26

Jusqu'au XVIIe siècle, la règle exigeait qu'il se mit devant les deux verbes dans la formule : pronom personnel objet + verbe conjugué + verbe à l'infinitif. Spillebout, dans sa Grammaire de la langue française du XVIIe siècle, écrit : « quand un infinitif est précédé d'un verbe qui le régit, le pronom complément de l'infinitif se place devant le premier verbe et non devant l'infinitif. »27

Mais au cours de l'époque classique, cette règle s'est peu à peu modifiée, car « c'est seulement au XVIIe siècle, sans doute après l'usage populaire et pour rapprocher la particule du verbe dont elle dépend que celle-ci s'introduit entre les deux verbes... »28

C'est pourquoi dans la langue classique du XVIIe siècle, nous avons trouver les deux emplois ; celui où le pronom personnel complément de l'infinitif se mettait devant le verbe régisseur et celui où il se plaçait entre les deux verbes afin de rapprocher du verbe dont il est le complément. Enfin, dans les textes classiques les deux emplois sont en concurrence.

(26) Galliot (M), Etudes d'ancien français, moyen. Age et XVIe siècle, Paris, 4 et 6 de la Sorbonne1967 (corrigés de textes du moy.Age et du XVIe siècle), p.338

(27) Spillebout (G), Grammaire de la langue française du XVIIe siècle, Paris, Picard, 1985, p.407

(28) Dauzat (A), Historique de la langue française, Paris, Payot, 1930, P. 429

« Ah ce oui se peut il supporter ?

Et sans un mal au coeur saurait -on l'écouter »

(Molière, Fem.sav v.5-6)

« Quand sur une personne on prétend se régler,

C'est par les beaux côtés qu'il lui faut ressembler ».

(Id. ib. v.73-74)

Mais avec un plus grand penchant pour la tournure ancienne car les auteurs classiques se sont plus inspirés de la vieille langue que des règles de leur époque. C'est ainsi que nous avons trouvé des exemples avec tous les pronoms personnels objets.

« Que vous importe-t-il qu'on y puisse prétendre.

(Id. ib. v.100)

« Si vos yeux sur moi le pouvait ramasser,

Ils prendraient aisément le soin de se baisser

(Id. ib. v.193-4)

« Nous verrons qui sur elle aura plus de pouvoir

Et si je la saurai réduire à son devoir. »

(Id. ib. v.1415-6)

« Mais si la bouche vient à s'en vouloir mêler. 

Pour jamais de ma vie il vous faut exiler. »

(Id. ib. v.285-6)

« M. de Clèves ne voyait que trop combien elle était éloignée d'avoir pour lui des sentiments qui le pouvaient satisfaire »

(La fayette, Pr. de Clèves. p.150)

« Elle était si préoccupée de ce qui se venait de passer qu'à peine pouvait-elle cacher la distraction de son esprit. »

(Id. ib. p.193)

« Tout le monde l'alla voir ; j'y allai comme les autre, mais sans lui dire qui j'étais, »

(Id. ib. p.196)

Cette règle qui s'est instaurée au cours du XVIIe siècle et qui exigeait que le pronom personnel complément soit rapproché de l'infinitif dont il est le complément, est devenu plus effective dans les siècle suivants car en français moderne, il ne se place plus devant le verbe régisseur du groupe, mais devant l'infinitif. Cette transposition vers l'intérieur a pour but de rapprocher le verbe de son complément.

George et Robert Lebidois le confirment dans leur Syntaxe du français moderne : « Quand l'infinitif est régi par un autre verbe (...) ce n'est pas devant le groupe verbal tout entier que se place le personnel régime, mais à l'intérieur du groupe, devant l'infinitif. »29 

« La petite fille jouait autour de lui. Frédéric voulut la baiser.

Elle se cacha derrière sa bonne ; »

(Flaubert, Ed. sent. p.10)

« Elle (la négresse de Mme Arnoux) devait y venir comme les autres ; toutes les fois qu'il traversait les Tuileries, son coeur battait espérant la rencontrer. »

(Id. Ibid. p. 28)

(29) Lebidois (G et R), Syntaxe du français moderne, ses fondements Historiques et psychologiques, Tome I, Paris, Picard, 1935, p.157

« Arnoux paraissait l'estimer infiniment. Il dit un jour à Frédéric :

- celui là en sait long, allez ! C'est un homme fort ! »

(Id. Ibid. p. 47)

« A la nouvelle du départ d'Arnoux, une joie l'avait saisi. Il pouvait se présenter là bas tout à son aise sans crainte d'être interrompu dans ses visites. »

(Id. Ibid. p. 74)

Dans ces exemples, le pronom objet a cessé de se mettre devant le premier verbe, comme l'aurait permis la langue classique, pour se mettre devant l'infinitif dont il est le complément. Ainsi, selon J.C. Chevalier et alii : « L'antéposition du pronom complément d'un infinitif devant le verbe auxiliaire était courante aux siècles classiques. Elle n'est plus aujourd'hui qu'une élégance facile qui a eu un certain succès il y'a quelques décennies. »30

Cependant, il existe des exceptions à cette règle d'emplacement du pronom personnel objet car en français classique comme en français moderne, ce dernier est resté devant le groupe verbal tout entier dans certains cas :

* Lorsque l'infinitif est régi par les verbes faire, voir, entendre, laisser, emmener, amener, le pronom se met impérativement devant le groupe. Et dans ce cas, il n'est plus complément de l'infinitif mais celui du verbe régisseur qui peut être conjugué ou pas.

« Ah ! Je leur ferai voir si, pour donner la loi

Il est dans ma maison d'autre maître que moi. »

(Molière Fem. sav. v.1443-4)

(30) Chevalier (J.C.) et alii, v Grammaire du français contemporain, Larousse Bordas, 1997. P.239

« Elle (la maréchale) se laissa renverser sur le divan et continuait à rire sous ses baisers.

 Ils passèrent l'après-midi à regarder, de leur fenêtre, le peuple dans la rue. Puis il l'emmena dîner aux Trois Frères- Provençaux. »

  (Flaubert, Ed. sent. p.330)

* Lorsqu'il est régi par les verbes envoyer et falloir dans certains emplois. En effet avec ceux-ci, le pronom change de place selon qu'il est complément du verbe régisseur ou de l'infinitif.

« Il (Arnoux) « avait besoin » de manger une omelette ou des pommes cuites ; et, les comestibles ne se trouvant jamais dans l'établissement, il les envoyait chercher. »

(Flaubert, Ed. sent. p.201-2)

« Il lui fallait compter son linge et subir le concierge, rustre à tournure d'infirmier, qui venait le matin retaper son lit en sentant l'alcool et en grommelant. »

(Id. Ibid. p. 26)

« Il fallait en inventer aussi pour Rosanette. Elle ne comprenait pas à quoi il employait toutes ses soirées ; et, quand on envoyait chez lui, il n'y était jamais !

(Id. Ibid. p. 454)

Dans les deux premiers phrases les pronoms personnels objets les  et lui sont respectivement compléments des verbes envoyait  et fallait, raison pour laquelle ils sont placés devant les groupes verbaux que forment ces auxiliaires.

Il en est de même lorsque le personnel objet est employé avec des verbes conjugués aux temps composés : il se place alors devant le groupe auxiliaire + participe. Cependant dans le 3e exemple, le pronom en s'intercale entre le verbe régisseur et l'infinitif parce qu'il est complément de ce dernier.

En ce sens, le français classique et le français moderne s'accordent parfaitement concernant ces exceptions car lorsque les verbes faire, voir, entendre, laisser, emmener, amener sont auxiliaires d'un groupe verbal, le pronom personnel complément ne peut se mettre entre deux verbes sauf si le premier est à l'impératif. En effet dans ce cas le pronom complément se met derrière l'impératif et sépare ainsi le groupe verbal.

« Faites-la sortir, quoi qu'on die ;... »

(Molière, Fem. sav. v.782)

II. Le pronom personnel objet employé avec l'impératif.

Le pronom personnel objet atone a toujours précédé le verbe dont il est complément, sauf lorsque celui-ci est conjugué au mode impératif. Dans ce cas le pronom atone de la troisième personne est transposé après le verbe et porte ainsi l'accent du groupe, car avec les pronoms personnels objets de la première et de la deuxième personne, ce sont les formes accentués moi et toi qui sont employés dans la transposition. Cependant, la postposition du pronom atone au verbe n'est vraie que dans les cas où la phrase impérative est à la forme affirmative

Cet usage, qui constitue la norme en français moderne, n'était pas toujours valable dans la langue classique où l'on constate que le pronom personnel complément de l'impératif se place avant le verbe dans beaucoup d'exemples. En ce sens, selon Brunot et Bruneau : « En ancien français, quand la proposition impérative commence par un adverbe (ou même par la conjonction et), le pronom complément de l'impératif conserve sa place devant le verbe. »31

Cette règle de la langue primitive a eu des reflets dans la langue littéraire classique et à ce propos, Spillebout écrit qu'  « au XVIe s. le pronom personnel complément de l'impératif est régulièrement antéposé ; »32 L'usage s'est poursuivi tout au long de cette période jusqu'au XVIIe siècle où il a commencé à se mettre nécessairement derrière

« ...Clitandre, expliquez votre coeur,

Découvrez-en le fond, et nous daignez apprendre

Qui de nous à vos voeux est en droit de prétendre. »

(Molière, Fem. sav. v.782)

« Allons, prenez sa main et passer devant nous,

Menez-la dans sa chambre. Ah ! les douces caresses ! »

(Id. ib v.1117)

Dans ces exemples tirés de la langue littéraire classique, les pronoms compléments sont placés, comme le veut la norme du français classique et moderne, derrière l'impératif.

(31) Brunot (F) et Bruneau (CH), Précis de grammaire historique de la langue française, 4e ed. .Paris, Masson et Cie 1956. P.272

(32) Spillebout (G), Grammaire de la langue française du XVIIe siècle, Paris, Picard, 1985, P.146

Mais, il n'en demeure pas moins que, toujours dans la langue du XVIIe siècle, la vieille règle subsiste lorsque deux propositions impératives sont coordonnées. En effet, dans ce cas, si l'impératif de la seconde proposition coordonnée est accompagné d'un pronom personnel complément, celui-ci garde son antéposition au verbe. Cette construction est essentiellement illustrée par les écrivains classiques.

« Touchez à Monsieur dans la main,

Et le considérez désormais dans votre âme.»

(Molière, Fem. sav. v.1101-2)

« Dites-lui ma pensée et l'avertissez bien

Qu'elle ne vienne pas m'échauffer les oreilles. »

(Id. ib v.1112-3)

« Reportez tout cela sur l'heure à votre maître

Et lui dites qu'afin de lui faire connaître

Quel grand état je fais de ses nobles avis... »

(Id. ib v.1401-3)

On constate alors dans tous ces exemples que le pronom personnel d'objet, qui précède l'impératif, s'appuie sur la conjonction de coordination et, et rappelle ainsi la règle de l'ancien français.

Cependant, cet emploi très usité était devenu très vieux, et allait disparaître de la langue littéraire vers la fin de l'époque classique, car les auteurs commençaient à respecter les règle du XVIIe siècle concernant la place du pronom personnel complément de l'impératif.

C'est pourquoi, on ne retrouve plus ces tournures anciennes dans la langue actuelle. En effet, en français moderne, le pronom personnel objet se positionne derrière le verbe lorsque celui-ci est à l'impératif que ce soit avec une seule ou deux propositions coordonnées.

-Avec une seule proposition :

(La maréchale ordonne à Delphine) :

« - Ah ! Quel embêtement ! Flanque-la dehors ! »

(Flaubert, Ed. sent. p 157)

(La maréchale à Frédéric) :

« Priez-le donc de venir, pas devant son épouse, bien entendu. »

(Id. ib p 496)

-Avec deux propositions coordonnée :

(Mademoiselle Roque à Frédéric) :

« Viens demain soir, comme par hasard, et profites-en pour me demander en mariage. »

(Id. ib p 408)

Ici le pronom personnel objet en  se serait placé avant le verbe en français classique ; mais cette tournure n'a pas survécu jusque dans la langue actuelle. Selon Jean Claude Chevalier et alii : « L'antéposition du pronom devant un impératif coordonné est un archaïsme. »33 Certains écrivains modernes ne l'utilisent dans les textes (surtout dans les poésies) que pour pasticher la vieille langue.

(33) Chevalier (J.C) et alii, Grammaire du français contemporain, Larousse Bordas, 1997, p.239

Cependant la règle ne diffère pas entre le français classique et le français moderne lorsqu' intervient une négation. En effet, si l'impératif est négatif, le pronom personnel complément de l'impératif se place entre la particule négatif  ne  et le verbe. Il garde alors sa position devant ce dernier.

« Tout beau, monsieur ! Il n'est pas fait encore !

Ne vous pressez pas tout. »

(Molière, Fem. sav. v.1082-3)

Le pronom personnel complément vous  s'est placé ici devant le verbe puisque la négation accompagne l'impératif. Cette construction n'a pas changé en français moderne.

En définitive, que ce soit avec deux verbes successifs ou avec l'impératif, le pronom personnel complément, placé avant ou après le verbe, a toujours gardé sa place auprès de celui-ci : sans aucun mot entre eux. Cependant il peut arriver qu'ils soient séparés dans la construction phrastique.

I. le pronom personnel objet séparé du verbe.

Nous avons vu que les pronoms personnels objets atones se plaçaient régulièrement auprès du verbe et fonctionnaient comme des proclitiques ou des enclitiques lorsqu'ils étaient complément de l'impératif. Mais ils n'en est pas de même pour les pronoms personnels objets accentués lui, elle, eux, soi. Généralement, ils se placent derrière le verbe et sont toujours précédés de prépositions à, de, avec, sur... qui les séparent obligatoirement de ce dernier.

Très éloignés parfois du verbe du fait de leur accentuation, ils sont très indépendants et peuvent, en fonction de complément circonstanciel, être placés avant où après.

« Entre elle et moi, Clitandre, explique votre coeur ;... »

(Molière, Fem. sav. v.122)

« Vous me voyez, ma soeur, chargé par lui

D'en faire la demande à son père aujourd'hui »

(Id. ib v.361-2)

«Et, dans l'excès de son émotion, Arnoux voulait courir chez elle. »

(Flaubert, Educ.sent. p 198)

En français moderne, les formes accentuées sont parmi les pronoms personnels objets, les seules qui peuvent se mettre à l'écart du verbe qu'elles accompagnent. Et cela, parce qu'ils sont restés accentués, ils sont ainsi indépendants par rapport au reste de la phrase.

* Les pronoms personnels objets atones n'ont pas cette même souplesse mais la langue littéraire classique les a, eux aussi, séparés du verbe dans certains types d'emploi. En effet, à cette période, on constate que lorsque le pronom personnel objet atone est complément d'un infinitif accompagné d'un adverbe monosyllabe comme mieux, rien, tout, trop, bien... il est placé devant la combinaison adverbe + infinitif, et se trouve ainsi séparé de son verbe. Cette tournure archaïque a été employée par les écrivains classiques par référence à l'ancien français où ces adverbes étaient considérés comme des proclitiques encore moins faibles que les pronoms personnels atones.

« Il faut ! Se trop peiner pour avoir l'esprit. »

(Molière, Fem. sav. v.1056)

« Il sait que, Dieu merci, je me mêle d'écrire,

Et jamais il ne m'a prié de lui rien lire. »

(Id. ib v.1138)

« Je veux, je veux apprendre à vivre à votre mère ;

Et, pour la mieux braver, voilà, malgré ses dents,

Martine que j'amène et rétablis céans. »

(Id. ib v.1566-8)

« (...) c'est une chose agréable pour l'amant, que sa maîtresse le voie le maître d'un lieu où est toute la cour, et qu » elle le voie se bien acquitter d'en faire les honneurs. »

(La fayette, Pr. de Clèves, p.166)

Par contre le français moderne ne sépare pas le pronom personnel objet atone de son verbe, il place, alors dans ces cas-ci, l'adverbe avant le pronom.

* Il en est de même lorsque le pronom complément de l'infinitif est accompagné d'une négation. Dans ce cas, les locutions négatives ne...pas, ne...plus, ne...point etc. ; ne se mettent plus de part et d'autres du groupe pronom + verbe mais elles se réunissent devant celui-ci. Cette transposition du groupe négatif entier devant l'infinitif s'est effectuée depuis l'ancien français.

Cependant jusqu'en français classique on constate que certains écrivains sont tentés de placer le second élément du groupe négatif entre le pronom personnel objet et l'infinitif.

« Non ; mais je sais fort bien

Qu'à ne le point flatter son sonnet ne vaut rien. »

(Molière, Fem. sav v.991-2)

Ce procédé n'est plus possible en langue moderne et selon Dauzat : « Depuis la fin du XVIIe siècle, les deux éléments (affaiblis) de la négation (...) se réunissent devant le pronom. » 34

La langue classique n'avait gardé ses tournures que pour avoir un style élégant, car à cette époque le pronom personnel complément était déjà inséparable de son verbe. Raison pour la quelle elles n'ont pas survécues en français moderne où l'adverbe et le groupe négatif, dans ces cas précités, viennent avant le groupe pronom personnel objet infinitif.

Enfin, en guise de conclusion dans cette étude concernant la place du pronom personnel de la troisième personne en français classique et en français moderne, nous avons retenu que ces deux périodes partagent un certain nombre similitudes. Ceci parce que, la règle de l'emplacement des pronoms a été, en grande partie, régularisée et codifiée à une époque préclassique. Et il n'y a pas eu de changement jusqu'à nos jours. Il s'agit par exemple de la place du pronom sujet atone dont la règle n'a pas changé depuis le moyen français. Toutefois il y'a des écarts entre la langue littéraire classique et la langue moderne (surtout en ce qui concerne le pronom personnel complément), puisque les écrivains de cette première période sont restés fidèles à certaines normes de l'ancien et du moyen français, qui ont été revues et changées par les grammairiens du XVIe et du XVIIe siècle, dans un but de restaurer et de réhabiliter la langue. Le français classique, cependant, malgré l'intervention de ces grammairiens, se caractérise

(34) Dauzat (A), Historique de la langue française, Paris, Payot, 1930, P.431

par une très grande liberté s'agissant de la place du pronom personnel par rapport au verbe. C'est le cas par exemple du pronom personnel objet atone éloigné parfois de l'infinitif dont il est le complément.

Il y'a donc eu ces écarts parce que la langue moderne s'est inspiré, non pas des écrivains classiques, mais des normes de la langue du XVIIe siècle. La langue actuelle veut, contrairement à celle classique que les pronoms personnels s'appuient sur le verbe dont ils sont sujets ou complément, du fait de leur manque d'autonomie. En effet, selon Lucien Foulet « qu'elle précède ou exceptionnellement suive le verbe ; une forme faible de pronom personnel ne peut être séparé de son verbe que par une autre forme faible de pronom personnel, ou par les adverbe en, i, qui ont la même valeur. Les formes pleines ont une accentuation indépendante et par conséquent, plus de souplesse et de mobilité, elles s'emploient tout particulièrement après les prépositions. »35

(35) Foulet (Lucien), Petite syntaxe de l'ancien français, 3e ed. Paris, Champion, 1982, P.107-8

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci