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La doctrine de la prestation caractéristique en droit international privé des contrats - une étude critique

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par Christian Robitaille
Université Paris I - Panthéon-Sorbonne - D.E.A. droit international privé et droit du commerce international 1998
  

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a) Le point de départ de la réflexion de Schnitzer

Schnitzer situe l'origine de sa doctrine de la prestation caractéristique dans son étude des contrats commerciaux en droit international privé, publiée en 193813(*).

Tout d'abord, s'agissant de déterminer la loi applicable à un contrat international, l'auteur estime qu'il faut rechercher l'ordre juridique avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits. Il se demande toutefois s'il ne serait pas possible de concrétiser ce principe en ce qui concerne les contrats commerciaux.

Il croit y arriver en exposant l'analyse suivante.

Il affirme que la recherche doit partir de la nature du commerce même, de l'activité qui se répète toujours14(*). Cette recherche le mène à la conclusion que le centre de gravité du contrat se trouve du côté du professionnel, car le contrat s'inscrit dans le cours ordinaire de l'activité de ce dernier, tandis que pour l'autre partie, le client, le contrat ne constitue qu'un acte isolé. L'activité du professionnel requiert une réglementation uniforme. Par ailleurs, le lieu de l'établissement du professionnel est connu dès le départ. C'est donc la loi de ce lieu qui doit régir le contrat. Si le contrat intervient entre deux commerçants, c'est la loi du vendeur qui est applicable car pour l'autre partie le contrat ne constitue qu'un acte préparatoire à l'introduction de la marchandise sur le circuit économique.

Ces développements constituent en quelque sorte la proto-genèse de la doctrine de la prestation caractéristique. Ce n'est que six ans plus tard, dans la 2e édition de son manuel de droit international privé, que Schnitzer entreprend d'apporter un fondement théorique plus élaboré à son idée de départ et qu'à cette fin, il introduit notamment la notion de prestation caractéristique15(*).

b) Exposé et fondements théoriques de la doctrine de la prestation caractéristique

Schnitzer écrit que pour déterminer les règles applicables à un contrat, il faut en examiner tout d'abord la nature. Cet examen doit permettre de déceler le contenu essentiel du contrat considéré. Cette composante essentielle est ensuite employée pour relier l'ensemble du contrat avec l'ordre juridique correspondant à l'endroit où le contrat déploie sa fonction dans la vie économique et sociale.

La méthode préconisée par Schnitzer se décompose donc en deux étapes distinctes : la détermination du contenu essentiel du contrat (i), puis le rattachement du contrat à un ordre juridique (ii).

i) Détermination du contenu essentiel du contrat : le critère de la prestation caractéristique

Schnitzer affirme qu'il faut rechercher « la vraie nature de la chose, le centre de gravité de l'obligation [sic] »16(*), « l'essence du contrat »17(*) afin d'y discerner le facteur de rattachement idoine.

Il rejette la conclusion et l'exécution du contrat, ainsi que la nationalité des parties, qui constituent tous des points de rattachement extérieurs, étrangers à la nature du contrat18(*).

Il approuve les approches de Savigny, qui préconisait de rechercher « die Natur des Rechtsverhältnisses », de von Bar, qui parlait de la « Natur der Sache », et de von Gierke, qui recherchait « das Schwergewicht des Rechtsverhätltnisses ». Schnitzer estime en effet que ces objectifs sont opportuns car ils présentent « l'avantage d'aider à rattacher le rapport de droit d'après sa raison d'être et non d'après les signes extérieurs »19(*).

Toutefois, il reproche notamment à ces auteurs de ne pas avoir poussé leur recherche assez loin, et de s'être contentés d'un « point de rattachement préconçu une fois pour toutes »20(*), point de rattachement qu'il estime « aprioriste ». Par contraste, Schnitzer affirme qu'il faut rechercher un rattachement qui tienne compte « de la nature du contrat et des particularités du cas »21(*), afin de « trouver ce qui est in concreto l'essence du rapport juridique »22(*).

Cette recherche, Schnitzer y procède d'abord en reprenant les développements exposés dans son étude relative aux contrats commerciaux. II réitère tout d'abord son opinion que le contrat commercial constitue le moyen par lequel le commerçant exerce sa fonction dans la vie économique, ce qui n'est pas le cas de son client23(*). Puis, il ajoute une idée qui deviendra fondamentale dans sa doctrine, à savoir que la prestation du client demeure toujours la même, quel que soit le type de contrat qu'il conclut : il paie toujours un prix en argent pour obtenir la prestation du commerçant. Schnitzer en déduit que le contrat n'est pas caractérisé par la prestation du client, mais plutôt par celle du professionnel, car ce dernier prend en charge cette prestation « de par sa fonction dans la vie économique »24(*).

L'auteur cherche ensuite à systématiser son analyse. Il estime avoir trouvé la clé qui permet d'extraire l'essence du contrat : « le critère qui distingue une obligation [sic] d'une autre nous permet de reconnaître cette essence. Ce critère est fourni par la prestation qui caractérise l'opération. »25(*) Ce critère lui fournit l'outil nécessaire à un traitement des contrats en général. Pour les contrats unilatéraux, il n'y qu'une partie qui fournit une prestation et, partant, c'est cette prestation qui caractérise le contrat26(*). Dans le cas des contrats synallagmatiques ayant pour objet l'échange d'un bien ou d'un service contre de l'argent, l'auteur explique que le versement d'une somme d'argent constitue la rémunération par excellence dans les contrats modernes et que, par conséquent, elle ne permet pas de rendre compte de la nature du contrat. En revanche, la prestation en nature en contrepartie de laquelle le prix en argent est payé permet, quant à elle, de distinguer le contrat. Par conséquent, en règle générale, c'est cette prestation qui caractérise le

contrat27(*).

ii) Le rattachement fonctionnel du contrat à l'aide de la notion de prestation caractéristique

L'élément essentiel du contrat étant identifié au moyen de la prestation caractéristique, il faut ensuite rattacher le contrat à un ordre juridique.

Pour ce faire, Schnitzer estime qu'il faut « examiner dans quelle sphère juridiquement réglée le rapport, d'après sa fonction, joue un rôle principal, cela pour chaque catégorie de contrats »28(*) ou encore, qu'il faut procéder à un « rattachement fonctionnel », i.e. qu'il faut rattacher le contrat à l'ordre juridique dans lequel il déploie sa fonction économique ou sociale29(*). Il indique que cette fonction s'exerce au lieu où la prestation est due (« Schuldort »), et ce Schuldort se situe habituellement au lieu de l'établissement ou du domicile de la partie qui fournit la prestation caractéristique du contrat, car c'est là que « celui qui se charge de la prestation [caractéristique] exerce sa fonction dans la vie économique »30(*).

* 13 SCHNITZER, A., Handbuch des internationalen Handels, Wechsel- und Checkrechts, Zurich/Leipzig, 1938, aux pp. 203-209.

* 14 II faut déterminer, pour chaque rapport de droit particulier, « was wesentlich ist, was immer wieder der Regelung bedarf und was andererseits für einen Beteiligten nur gelegentliche Situation ist, so daß es für ihn genereller Regelung nicht bedarf » (ibid, p. 204).

* 15 SCHNITZER, A., Handbuch des internationalen Privatrechts, 2e éd., Bâle, 1944, t. I, pp. 38 et suiv., t. II, pp. 513 et suiv.

* 16 Les contrats, p. 562.

* 17 Ibid., pp. 578-579.

* 18 Ibid., pp. 547-551.

* 19 RCDIP, 1955, p. 479.

* 20 Ibid., p. 476.

* 21 Id.

* 22 Ibid., p. 479.

* 23 Id.

* 24 Id.

* 25 Id.

* 26 Les contrats, p. 562.

* 27 Ibid., pp. 562-563.

* 28 Ibid., p. 564.

* 29 Ibid., p. 578-581.

* 30 RCDIP, 1955, p. 479. On a reproché à la notion de Schuldort d'être peu connue et de risquer de créer de la confusion avec la notion de lieu d'exécution (cf. VISCHER, F., Internationales Vertragsrecht, Berne, 1962, pp. 112-113). La notion n'a généralement pas été retenue. Pour cette raison, nous la mentionnons ici pour n'y plus revenir.

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