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les juridictions administratives et le temps;cas du Cameroun et du Gabon

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par Olivier Fandjip
Université de Dschang - D E A 2009
  

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PARAGRAPHE I : UNE REELLE INNOVATION AU CAMEROUN

Parler des tribunaux administratifs au Cameroun est une nouveauté, car leur institution est récente (A).Toutefois cette évolution institutionnelle recèle beaucoup de lacunes(B)

A- L'institution des tribunaux administratifs

A travers la loi n° 2006/015 du 29 Décembre 2006, le législateur camerounais a réorganisé la justice en y introduisant les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif (2). Cette initiative va être confirmée par la loi n° 2006/022 précitée, puisque l'un des reproches souvent fait au schéma d'antan était son éloignement des justiciables. Que d'espoir reposaient alors sur la création des tribunaux administratifs ! En agissant ainsi, le législateur a marqué sa volonté de protéger les citoyens contre les risques d'autoritarisme de l'Etat44(*), suivant de ce fait une jurisprudence allant dans ce sens, notamment l'espèce ONO NGAFOR (1) que la doctrine soutenait déjà45(*).

1- Une jurisprudence favorable à la déconcentration de la justice administrative : l'espèce Albert ONO NGAFOR

Dans l'affaire ci-dessus qui opposait Monsieur Albert ONO NGAFOR à l'Etat camerounais, le juge eut à retenir un recours contre la décision rendue en premier ressort (c'est-à-dire un recours en appel) le 14 Juin 1984 par la Chambre Administrative de la Cour Suprême, lequel recours fut introduit par l'Etat du Cameroun le 14 Août 1985 par le biais du greffe du tribunal de première instance de Ngaoundéré. En effet, par un arrêté du 19 Janvier 1981, le Préfet du Département de la Mézam ordonne la destruction des clôtures et portail du collège « Macho Compréhensive High School » appartenant au requérant. Ce dernier saisit le Chambre Administrative de la Cour Suprême d'un recours en annulation dudit acte assorti des dommages et intérêts. Face à la victoire du recourant, l'Etat camerounais s'opposa en interjetant ainsi appel. Contrairement à la réaction du juge de l'espèce, la loi n° 75/17 du 8 Décembre 1975 précitée, notamment son article 28 alinéa 1, prévoyait que la déclaration d'appel est faite au greffe de la Cour Suprême. Le juge, en recevant le recours ainsi intenté, prit le contre-pied de cette disposition, apportant là un correctif à l'extrême centralisation de l'institution. Cette solution permet au requérant qui réside hors de Yaoundé, siège de la juridiction, d'interjeter l'appel au lieu où il se trouve et de réaliser ainsi les économies de moyens financiers46(*). L'on peut ainsi dire que le juge administratif camerounais avait lancé les jalons d'un élargissement de la base de la juridiction administrative que le constituant de 1996 a approuvé47(*). Mais, cette attitude du juge qui a osé, ne pourrait manqué d'être critiquée car, ce faisant, celui-ci n'a pas respecté la loi ; pourtant, bien qu'il est du rôle du juge par le jeu de l'interprétation de préciser, d'affiner le contenu de la loi et même de corriger son silence, celui-ci est tout de même tenu de suivre la lettre de la loi48(*). L'on peut aussi penser qu'il fait allégeance à l'exécutif. Fort heureusement, le législateur a confirmé cette tendance.

2- La consécration de la déconcentration de la juridiction administrative

La loi camerounaise n° 2006/022 précitée a arrimé l'organisation des tribunaux administratifs, notamment leurs sièges, à l'organisation administrative du pays (a). La composition desdits tribunaux quant à elle est restée collée au modèle classique (b).

a- La fixation du siège et du ressort du tribunal administratif

La loi a crée un tribunal administratif par région dont le siège est fixé au chef-lieu de ladite région49(*). De ce fait, conformément à l'article 61 alinéa 1 de la Constitution de 1996, sont constituées en régions les dix provinces actuelles du pays. Chacune de ces régions disposera d'un tribunal administratif. A titre d'exemple, la région du Centre aura un tribunal dont le siège sera à Yaoundé. En comparaison avec les tribunaux inférieurs en matière des comptes, le législateur a employé la formule de tribunal régional des comptes. Ce qui paraît similaire aux tribunaux administratifs crée dans chaque région50(*). Cependant, l'alinéa 2 de l'article 5 prévoit que toutefois, au regard des besoins du service, le ressort d'un tribunal administratif peut être étendu à plusieurs régions par décret du Président de la République, ce qui à notre avis ne manque pas de susciter des interrogations, notamment deux :

La première est relative à la dénomination que l'on donnera au tribunal administratif dont le ressort se trouve ainsi étendu. A ce sujet, la suggestion faite au législateur par la doctrine et à laquelle nous souscrivons peut être retenue. En effet, l'on propose de qualifier ceux-ci de « tribunaux administratifs interrégionaux », expression qui paraît adéquate à la situation résultant de l'extension du ressort d'un tribunal administratif51(*).

La seconde question est celle relative au souci du rapprochement de l'institution des justiciables. Pourrait-on encore parler d'une véritable décongestion de la juridiction ? A titre d'exemple, si d'aventure, le tribunal administratif de la région du Centre voit son siège étendu à la région de l'Adamaoua, le justiciable qui réside à Ngaoundéré est éloigné de huit cent quatre vingt (880) kilomètres du siège de la juridiction. Ceci peut constituer une entorse au processus de déconcentration des juridictions. Quoiqu'il en soit, l'institution de ces juridictions est certaine et l'on ne peut que louer l'initiative du législateur. Qu'en est-il de la composition de l'institution ?

b- La composition du tribunal administratif

A l'instar de toute juridiction, la loi a retenu la formule traditionnelle à savoir la formation de jugement, le parquet et les greffes. Cependant elle a exploré une nouvelle voie en ajoutant une catégorie particulière de juges. Le Tribunal est composé :

* Au siège :

- d'un président ;

- des juges ;

- d'un greffier en chef ;

- de greffiers.

La formation de jugement aura pour rôle de rendre des décisions techniquement appelées des jugements. La loi à cet effet a prévu que les jugements doivent être rendus après délibération, à la majorité des voix des juges ayant suivi les débats. L'on espère que celle-ci disposera d'un nombre suffisant de magistrats pour mener à bien sa mission. En dehors des jugements, il y a des ordonnances, qui relèvent de l'office ou alors de la juridiction du Président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue52(*). Ainsi en sera-t-il en matière de référé et de sursis à exécution.

* Au parquet :

- du procureur général près la Cour d'Appel du ressort du Tribunal Administratif ;

- d'un ou plusieurs substituts du procureur général.

Le ministère public quant à lui veille à la bonne application des lois et des règlements et la particularité de cette partie est qu'elle est représentée par le procureur général près la Cour d'appel de la juridiction de l'ordre judiciaire.

* Des juges ou substituts non magistrats :

- les professeurs de droit ;

- les chargés de cours de droit ;

- les fonctionnaires de catégories « A »et cadres contractuels ; ceux-ci pourront être membres des tribunaux administratifs en service extraordinaire pour un mandat de cinq (05) ans.

Le législateur précise les conditions d'admissibilité à ces postes qui traduit un souci de rigueur et de spécialisation car, la résolution des litiges administratifs implique des juges une connaissance approfondie du droit administratif et de l'administration. C'est pourquoi, pour les professeurs, peuvent être nommés, ceux ayant exercé pendant dix (10) années consécutives, quinze (15) ans pour les chargés de cours et enfin, pour la dernière catégorie, ceux-ci doivent être titulaire d'une maîtrise en droit et justifier de quinze (15) années de fonction. Mais en dépit de cette innovation, le législateur ne semble pas être allé jusqu'au bout car l'opération reste limitée.

B- Une évolution structurelle lacunaire

La création des tribunaux administratifs reste une entreprise limitée car, l'on peut se rendre aisément compte que la composition du tribunal apparaît inachevée (1) et que l'institution est jusqu'à présent ineffective (2).

1- La composition inachevée du tribunal administratif

Le caractère inachevé de cette composition découle de l'absence d'autonomie (a) et du défaut de précision relative au statut des nouveaux juges (b).

a- L'absence d'autonomie

A ce niveau, il y a une dépendance à la fois structurelle et personnelle.

Au plan structurel, l'article 6 de la loi n° 2006/022 prévoit que, au parquet, les tribunaux administratifs sont constitués par le procureur général près la Cour d'Appel de la juridiction de l'ordre judiciaire du ressort du tribunal administratif, d'un ou plusieurs substituts du procureur général ; particularité qui permet de constater que cet organe de l'institution est structurellement dépendant du ministère public près ladite juridiction. Pourtant, l'existence de deux ordres de juridiction suppose la séparation de ceux-ci même du point de vue de la structure. Cette situation se rapproche de ce qu'on a connu dans le contexte gabonais avec les sections administratives auprès de tribunaux de première instance.

Au plan personnel, l'article 8 alinéa 1 de la loi de 2006/022 prévoit que : « les membres du tribunal administratif et ceux du parquet sont des magistrats relevant du statut de la magistrature ». Le règlement des litiges administratifs de ce point de vue est à nouveau, comme dans l'ordonnance n° 72/06 du 26 Août précitée, confié au magistrat de l'ordre judiciaire. L'ensemble de la doctrine attendait beaucoup à ce niveau. En effet, l'on n'a pas cessé de déplorer l'absence de maîtrise du droit du contentieux administratif53(*) par ces juges de formation privatiste. Ce qui se traduit par des solutions de facilité, qui révoltent les justiciables et justifie leur abdication54(*). La formation du magistrat dont la connaissance du droit administratif remonte à la deuxième année des facultés des universités explique les lacunes constatées dans ses démarches55(*). Dans ce cas, il continue d'être permis de douter que ces juges aient la compétence requise pour déterminer la voie contentieuse la plus appropriée pour le justiciable56(*). A la même occasion, bien qu'ayant institué de nouveaux types de juge, la loi n'apporte pas de précision quant à leur statut.

b- Le défaut de précision quant au statut des nouveaux juges

Ayant consacré cette nouvelle catégorie de juges, le législateur ne précise pas leur statut ; or, il aurait fallu, avec quelques efforts d'imagination, préciser davantage le statut qu'auront ces derniers au cours de leur fonction, au cas où il est attrayant57(*). Par ailleurs, à l'opposé de son homologue gabonais, le législateur camerounais a limité la catégorie de personnes susceptibles d'accéder à ces postes. En effet, dans ce pays, ce sont les fonctionnaires et même les agents de l'Etat en fonction dans les chefs-lieux des provinces ou des départements concernés en raison de leur connaissance juridique et administrative qui peuvent jouir de cette fonction. Cela suppose à notre avis que ceux-ci ont une vue approfondie de la réalité en la matière.

Or, au Cameroun, avec le cas des universitaires, l'on peut douter, vu le volume de travail qui est le leur, qu'ils soient assez disposés à bien jouer leur rôle au sein du tribunal administratif. L'initiative du législateur camerounais est autant limitée que la réforme entreprise reste ineffective.

2- Une reforme structurelle ineffective

Le renouveau de la justice administrative au Cameroun est lacunaire du fait de son ineffectivité. En effet, l'article 119 de la loi n° 2006/022 a consacré à l'instar de l'article 67 de la Constitution, la mise en place effective des tribunaux administratifs « en fonction des besoins et des moyens de l'Etat ». De ce fait, malgré les réformes déployées, cette juridiction reste encore séparée des justiciables et l'on doute même qu'au moment de leur mise en place, l'on ne soit confronté à son inégale répartition sur l'ensemble du territoire, comme l'on a pu le constater en ce qui concerne les tribunaux d'instance de l'ordre judiciaire crées dans chaque arrondissement58(*).

A travers l'article 119 alinéa 1 de la loi, l'on dénote cet effacement de l'espoir qu'avaient les administrés de voir enfin un juge administratif proche d'eux car,  « les nouvelles institutions de la République prévues par la présente Constitution seront progressivement mises en place »59(*) Cela est d'autant plus certain que, la loi ne précise aucune échéance relative à la mise en place de ces juridictions, elle fait dépendre l'effectivité de ces changements de la santé financière et économique du pays. L'on pourrait justifier cet état de chose par le fait qu'il est toujours nécessaire d'accorder aux autorités politiques le temps pour mettre en place les institutions, comme le souligne d'ailleurs le Professeur PONTIER, aucune politique en matière de déconcentration comme c'est le cas avec la juridiction administrative ne peut faire abstraction du temps. Mais, il nous semble aussi que ces dispositions transitoires ne résultent pas simplement de l'impossibilité de ne pouvoir tout régler en même temps, y'a aussi un manque de volonté, de rendre effective cette réforme60(*). On peut comprendre qu'en dépit de sa volonté d'aller vite, l'Etat se trouve toujours dans l'impossibilité de tout réaliser en même temps, de ce fait doit reporter à l'avenir une partie de la tâche.

En somme, en attendant, la Chambre Administrative de la Cour Suprême va statuer en lieux et places des Tribunaux Administratifs en premier ressort par le biais des sections, et en appel et cassation en formation des sections réunies61(*). En même temps, le législateur rappelle que la juridiction de la Chambre Administrative de la Cour Suprême cessera, dès la mise en place des Tribunaux Administratifs , et à cet effet, elle sera tenue de leur transférer les dossiers y pendant.

Mais au delà de la simple question de l'application de la loi dans le temps que pose cette mesure, la doctrine a vu en celle-ci, un certain enjeu d'ordre politique62(*). L'on espère d'ailleurs que la réforme va se concrétiser bientôt à ce niveau comme les régions déjà effectives depuis quelque temps.

Par contre au Gabon, la réforme des tribunaux est apparue non pas comme une innovation mais plutôt comme un renforcement.

* 44 KAMTO (M.), Droit administratif processuel du Cameroun, P.U.C, Yaoundé, 1990, pp. 10-12.

* 45 KAMDEM (J.C.), Contentieux administratif, Cours polycopié de Licence, 3e année de droit public, Université de Yaoundé, 1985, p. 16.

* 46 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Notes sous CS/CA, Arrêt du 16 Août 1990, Albert ONO NGAFOR c/ Etat du Cameroun (MINAT) », Revue électronique Afrilex, n° 5 pp. 269-285. Disponible sur le site http//www.afrilex.u-bordeaux 4.fr.

* 47 Lire SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « Perspectives ouvertes à la juridiction administrative du Cameroun par la loi n° 96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 Juin 1972 », article précité, p. 108.

* 48 Lire MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Livre VI, Chapitre III.

* 49 Cf. article 5 alinéa 1, loi n° 2006/022 précitée.

* 50 Voir article 2 alinéa 2 de la loi n° 2006/ 017 du 29 Décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes.

* 51 Lire à ce sujet SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « La difficile gestation des juridictions inférieures des comptes au Cameroun », Juridis Périodique n° 68, Octobre- Novembre- Décembre 2006, p. 101.

* 52 L'article 119 alinéa 3 prévoit d'ailleurs à titre transitoire, qu'il sera statué sur les ordonnances de sursis à exécution et de référé par un conseiller à la Chambre désigné par ordonnance du Président pour une année.

* 53 BINYOUM (J.), Contentieux administratif, Cours polycopié, 3e année de licence, Université de Yaoundé, 1992, p. 17.

* 54 ABA'A OYONO (J.C.), « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », Juridis Périodique n° 44, Octobre- Novembre- Décembre 2000, p. 84.

* 55 NGUELE ABADA (M.), article précité, p. 32.

* 56 Cf. NLEP (R.G.), « Note sous CS/CA, Jugement du 29 Juin 1989, Société Razel- Cameroun c/ Commune Rurale de TIKO et Etat du Cameroun », Recueil Penant n° 807, Octobre- Décembre 1991, pp. 394-397.

* 57 KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun », Juridis Périodique n° 70, Avril- Mai- Juin 2007, p. 27.

* 58 Cf. ANOUKAHA (F.), « La réforme de l'organisation judiciaire au Cameroun », Juridis Périodique n° 68, Octobre- Novembre- Décembre 2006, p. 48.

* 59 OWONA (J.), « L'essor du constitutionalisme rédhibitoire en Afrique noire. Etude de quelques Constitutions Janus, Mél, P.F Gonidec, L.G.D.J, 1985, p. 236.

* 60 Cf. PONTIER (J.M.), article précité, pp.1226-1228.

* 61 Cf. Article 119 alinéa 2, loi n° 2006/022 précitée.

* 62 A ce sujet, Monsieur SIETCHOUA se demandait si l'on pouvait exclure demain en ce qui concerne les tribunaux régionaux, que les populations de telle ou telle région n'adressent pas de motion de soutien au Président de la République, concluant à l'ouverture de leur tribunal. Lire l'auteur, « La difficile gestation des juridictions inférieures des comptes au Cameroun », article précité, p.113.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams