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La pratique des essais cliniques au Sénégal

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par Ousmane DIARRA
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA Droit de la Santé 2007
  

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SECTION II : LE RECEUIL DU CONSENTEMENT, UNE PREOCCUPATION

L'intervention sur le corps humain, patrimoine fondamentalement inviolable, inaliénable est subordonnée à deux conditions : le consentement à l'acte et la finalité thérapeutique. Mais des études de Chippaux, ancien directeur de l'IRD de Dakar ont démontré que des essais cliniques se pratiquent en Afrique au mépris des textes. Cela sous entend le non respect du recueil de consentement. Les investigateurs doivent mesurer la valeur de la relation médecin et patient, basée sur la confiance « aveugle » du patient.

Une obligation légale en matière de recherche biomédicale pèse sur le médecin. Le consentement dans la recherche trouve son fondement dans différents textes internationaux : la déclaration d'Helsinki de 1964, plusieurs fois révisée et le pacte international pour les Droits Civils et Politique de 1966.La déclaration de l'OMS sur la promotion des droits des patients affirme : « qu'aucun acte médical ne peut être pratiqué sans le consentement préalable du patient », mais Didier Sicart s'inquiétait déjà lorsqu'il affirmait dans le journal l'Express du 20février 2003, « il est urgent d'aborder et de reprendre à zéro le problème du consentement du malade, trop souvent vécu comme une décharge pour le médecin plus que comme une information due au patient : c'est ambigu »39(*).C'est peut-être l'une des raisons qui a poussé l'UNESCO à mettre en place la Déclaration Universelle sur la bioéthique et les Droits de l'homme qui dispose à son article 6 : « Toute intervention médicale de caractère préventif, diagnostique ou thérapeutique ne doit être mise en oeuvre qu'avec le consentement préalable , libre et éclairé de la personne concernée ,fondé sur des informations suffisantes. Le cas échéant, le consentement devrait être exprès et la personne concernée peut le retirer à tout moment et pour toute raison sans qu'il en résulte pour elle aucun désavantage ni préjudice ».Cette disposition montre que le consentement est l'élément central de la légalité d'un projet de recherche. Le sujet de recherche doit bénéficier assez de temps pour consentir. Le temps de réflexion lui permet de poser les avantages et les inconvénients de la recherche. Le délai de réflexion, concerté entre l'investigateur et le sujet, court entre le moment de l'information et celui du consentement. La personne concernée peut retirer son consentement sans aucune poursuite. C'est dire que le sujet a des droits. Il s'agit entre autre du refus de consentir, du droit de révoquer son consentement. Le sujet a le droit de refus de participer à un projet de recherche sans indication de motif. Ce droit relève de l'autodétermination qui signifie que la personne peut renoncer à recevoir les données la concernant.

Le droit de révoquer son consentement permet également au sujet de la recherche de se retirer de l'essai sans subir aucun préjudice. Cette faveur ne nous parait pas judicieux, car c'est compromettre l'avancée de la science médicale gage de santé pour toute l'humanité.

Le consentement, une manifestation de la volonté de la personne pose un énorme problème en Afrique en général et particulièrement au Sénégal. La volonté ne se détermine qu'à la suite d'un processus psychique où l'intelligence à sa part.

En principe les manifestations de la volonté sont expresses ou tacites. Pour ce qui est de la volonté expresse, il faut comprendre que toute action accomplie afin de porter la volonté à la connaissance d'autrui. Dans la détermination de la volonté, l'analyse théorique laisse jaillir une double intention : en même temps que l'on veut contracter, on veut extérioriser sa volonté de contracter. La parole et surtout l'écriture constituent, par excellence, les manifestations de volonté expresse.

Quant aux manifestations de volonté tacites, ce sont des actions qui n'ont pas été accomplies spécialement afin de porter à la connaissance d'autrui la volonté de contracter, mais d'où l'on peut raisonnablement déduire l'existence d'une telle volonté.

Mais il faut noter que le caractère individuel du consentement n'est pas une adaptation de nos cultures. En Afrique, tout se décide en communauté sous l'arbre à palabre.

Même si le phénomène a tendance à s'effacer difficilement dans les sociétés modernes Sénégalaises, il n'en demeure pas moins que dans les villages où se déroulent les essais cliniques, la collectivité l'emporte toujours sur l'individuel. La notion d'autonomie de la personne n'a pas une grande valeur dans notre société.

Descartes, aimait à dire cogito ergo sum, je pense donc je suis, pour témoigner l'individualité de la personne par rapport à la collectivité.

La personne doit être le maître absolu de sa volonté, de ses décisions.

L'individu vient en première position après la collectivité.

Cette pensée cartésienne qui caractérise la société occidentale n'est pas une valeur en Afrique. En effet, le « Je » est remplacé par le « Nous ». L'homme n'est jamais isolé, ni indépendant, il appartient à un groupe et dépend celui-ci.

Le consentement est conditionné. Tout dépend d'une influence de l'extérieur.

C'est dans ce sens qu'Osuntokun affirmait que les règles d'interdépendance sont modifiées en Afrique.

L'obtention d'un consentement au Sénégal se heurte à des difficultés matérielles et culturelles.

A cet effet, certains ont proposé de remplacer le consentement individuel par le consentement collectif.

C'est au cours des discussions entre ceux que l'investigateur a choisi, en général des natifs du village ou des villages environnants, avec la population locale, que le consentement sera déterminé.

Le choix des volontaires est loin d'être démocratique car le sujet n'est pas autonome dans la prise de décision. Le groupe détermine le consentement de l'individu. Si les exigences de la hiérarchie sociale admettent le consentement collectif, le droit ne l'accepte pas. En droit, la notion du « consentement collectif » n'est pas admise. L'individu qui est en accord avec une ou des personnes doit toujours donner son consentement individuel.

Le consentement collectif quel que soit sa forme ne dispense pas l'investigateur du consentement individuel.

Selon Chippaux le recueil du consentement dans nos s'effectue à deux niveaux : communautaire puis individuel.

La situation des incapables suscite un ensemble de questions. La pratique des essais cliniques sur les personnes incapables nécessite le consentent de leur tuteur, curateur40(*), ou parent.

Qu'adviendrait-il si des parents donnent leur consentement et que l'enfant au moment de l'injection crie et dit non? Faut-il arrêter ou continuer? Il serait juste à notre avis d'arrêter l'essai. Un autre problème se dégage, il s'agit de savoir qui du père ou de la mère doit donner son consentement. Que se passe-t-il si l'un des parents n'est pas consentant? Le législateur doit apporter une précision à ce niveau. Nous pensons à la neutralisation du consentement dans ce cas. Il faut ajouter que ce consentement collectif ne garantit pas le respect de la confidentialité, si l'on sait combien ce principe est essentiel dans la pratique médicale. On peut donner l'exemple des essais cliniques qui doivent être opérées sur des malades atteints de SIDA, lorsque la décision de consentir doit être collectif (le recueil du consentement des parents du malade étant dans l'impossibilité de consentir), le respect à la vie privée de la personne ne serait- il pas hypothéqué. Ne faut-il s'inspirer du modèle français qui prévoit le « consentement différé  »et le « consentement délégué ».L'article 209-9 du code santé publique prévoit le consentement différé dans le cas spécifique de la situation d'urgence. La procédure obéit à deux conditions : le consensus professionnel et l'avis du CCPPRB pour validation. La notion de consentement délégué renvoie à un double consentement, d'abord le consentement adjoint ensuite le consentement du représentant légal.

Le consentement au Sénégal pose deux autres problèmes à savoir la signature, qui atteste le consentement et «le consentement autoritaire ».

La pratique des essais cliniques exige le consentement du sujet par la signature d'un document qui atteste l'accord individuel.

Une question se pose sur le contenu du document, ainsi le sujet comprendra-t-il ce qui est écrit.

Le document, objet du consentement est rédigé le plus souvent dans le pays du promoteur qui, diffère du lieu de l'essai. C'est en ce sens que Chippaux affirmait « il peut paraître choquant que le promoteur impose la formalisation qui lui convient et qui sied à la juridiction de son pays, et non à celle de la communauté où se déroule les essais cliniques ».A cela s'ajoute l'ignorance de la signature par la population locale qui, pour certains, constituent un acte de bravoure, pour d'autres, un acte obligatoire.

Le consentement « autoritaire » existe au Sénégal. Le chef de village, règne dans son village comme un père de famille, sa parole fait toujours foi. La population villageoise se fie le plus souvent à la décision du chef de village. Si un essai clinique doit être entrepris dans un village, c'est le chef de village qui est saisi en premier et sa décision influence beaucoup. Toute personne qui ne se conformerait pas à sa décision, sera marginalisée. Il apparaît comme une autorité dont la parole doit être suivie par tous. C'est à ce niveau que nous pensons qu'il y a un danger car l'intégrité du consentement individuel sera remise en question. L'existence du consentement ne suffit pas à la validité de l'essai clinique. Pour être juridiquement efficace, il faut aussi que le consentement soit libre et éclairé. Cela veut dire que le consentement ne doit pas être vicié. Les vices du consentement sont : l'erreur, le dol, et la violence (article 61 du code des obligations civiles et commerciales).

L'article 62 dudit code dispose : « il n'y a nullité lorsque la volonté de l'un des contractants a été déterminé par erreur. Ce fait est établi lorsque l'autre contractant a pu connaître le motif déterminant pour lequel le contrat a été conclu. L'erreur de droit est vice du consentement dans les mêmes conditions que l'erreur de fait ». Dans la pratique on peut parler d'erreur lorsque le patient qui consentait, croyait avoir affaire à un contrat de soins.

Quant au dol l'article 63 du COCC le définit comme suit : « ...est une tromperie provoquée par des manoeuvres que l'un des contractant a pratiqué à l'encontre de l'autre pour l'amener à donner son consentement ».Ainsi le dol suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel. S'agissant de l'élément matériel, l'article 63 exige des « manoeuvres », c'est-à-dire des actes positifs caractérisés par une mise en scène (production de faux documents, dissimulation des risques ou de l'objet l'essai clinique). Ce comportement peut constituer une escroquerie sur le plan pénal (379 du code pénal), mais la jurisprudence française a étendu le domaine de cet article. Le simple mensonge est constitutif de dol en dehors de toutes manoeuvres. Néanmoins il faut différencier :

Le dolus bonus, simple exagération des qualités de choses

Le dolus malus qui constitue un dol parce qu'il y a intention de tromper

S'agissant de l'élément intentionnel, le dol suppose des agissements véreux qui signifient la volonté manifeste et réelle de tromper l'autre partie.

Concernant la violence, elle est définie comme étant la contrainte exercée sur la volonté d'une personne pour l'amener à consentir. L'usage de menaces fait que le consentement donné n'est plus libre.

Il existe deux sortes de violences : La violence physique (séquestration, actes portant atteinte à l'intégrité physique), et la violence morale qui se caractérise par des pressions ou des craintes auxquelles on ne peut échapper qu'en donnant le consentement .Dans ce cas le consentement existe mais il est vicié. Ajoutons que la violence doit avoir un certain nombre de caractères. Elle doit être déterminante : la crainte doit être telle que sans elle, le consentement n'est pas donné. Il doit aussi être illégitime et doit émaner soit de l'investigateur, soit d'un tiers.

En somme, il faut retenir que le recueil du consentement en Afrique n'est pas encore tout à fait libre et éclairé. Il y a lieu de redéfinir la théorie négro-africaine du consentement où la personne n'est libre et autonome qu'en conformité avec l'idée du groupe. La communauté a plus d'importance que l'individu. Cette théorie a bien des avantages dans certaines situations, mais par rapport aux essais cliniques, il étouffe la liberté individuelle. Il y a lieu de s'inquiéter sur le respect de la dignité humaine. Ce respect, dans la recherche biomédicale ne sort pas du cadre d'une information complète et sincère et d'un consentement « éclairé ». Il faut alors mettre en place un système rationalisé en vue de faire respecter la valeur de l'espèce humaine.

Au-delà de ces considérations générales, il convient de voir le problème du contentieux des essais cliniques.

* 39 Mintou Fall Sidibé, Ethique et Recherche en santé, édition du livre universel, 2004, p.50

* 40 L'origine de la tutelle et de la curatelle remonte de la loi des XII tables et dont les notions demeurent. Ce monument fondateur du droit romain est le premier texte écrit connu qui exprime toute l'activité juridique antérieure à 450 av.J.C et commande tout le droit postérieur. Le texte de base régissant les majeurs protégés date du 3janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs. L'utilisation du mot incapable pose problème puisqu'il renvoie à l'idée de privation de droits qui ne correspond ni à la réalité ni à l'évolution de la protection. L'ancien droit français a introduit la notion d'interdiction prononcée par le juge tout en conservant le concept d'incapable. L'interdiction est un jugement par lequel on restreint ou on ôte à quelqu'un la liberté d'administration que la nature et les lois lui donnent de ses biens et de sa propre personne parce qu'il est incapable de gouverner. Cette institution ne fut pas appliquée, car il y a une procédure avec publicité de la décision, les familles ne l'utilisèrent pas.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius