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La lutte contre la pauvreté dans les sections communales de Jean Rabel: Conditions de développement rural

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par Jhon Réginald RODNEY
Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince - Licence 1999
  

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B- Cadre économique et social

La commune de Jean Rabel est considérée parmi les plus pauvres du pays. Elle est caractérisée par l'insuffisance des infrastructures techniques de base et la faiblesse des réseaux de biens et services. La situation économique et sociale de la commune n'est pas très évoluée par sa marginalisation.

Le secteur primaire qui occupe une position dominante dans la structure de la production de biens n'est pas trop diversifié. En effet, le secteur clef de l'économie, l'agriculture, est paralysé par de nombreuses contraintes et est réputé pour son faible niveau de productivité. Il est caractérisé par la défaillance du système d'irrigation, un système foncier complexe, la coupe effrénée de bois (même de fruitiers pour satisfaire de pressants besoins de numéraire), une méconnaissance de certaines techniques de production, un manque d'accès aux intrants agricoles de base, une dégradation croissante des exploitations limitant fortement les capacités productives des ménages.

Les zones de production sont en grande partie enclavées. Le crédit est quasi inexistant. Le morcellement des terres favorise le déboisement et oriente les exploitants à la production de vivres (subsistance) au détriment des denrées.

Ailleurs, la faible productivité agricole, la haute densité de la population et le manque d'infrastructure physique élémentaire génèrent de façon combinée la décapitalisation cyclique et progressive des ménages.

Ainsi, dans les sections communales, la vie humaine se développe dans une sphère biologique, c'est-à-dire que la lutte pour l'existence se circonscrit autour des besoins primaires. Les paysans les plus arriérés sont enlisés au sein d'une nature hostile et précaire. Leurs techniques rudimentaires de travail ne leur permettent pas de dominer cette nature. Incapables de progresser, ils s'adaptent passivement au milieu ambiant, se renferment dans leurs coutumes et leurs traditions. Ils finissent ainsi par mener une existence misérable, essentiellement végétative, développant ainsi une singulière aptitude à la résignation et aux conditions de vie les plus inhumaines. Même les besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits convenablement : la diète alimentaire, dépourvue de substances réellement nutritives, diminue la résistance physique et occasionne la dégénérescence de la race ; le rudimentaire accoutrement est le symbole de leur infériorité sociale.

D'une manière générale, les agriculteurs de Jean Rabel pratiquent une agriculture pluviale et saisonnière. Le système d'irrigation mis en place en certains points de la commune ne permet d'arroser qu'une faible surface : 650 hectares dont 400 hectares pour la banane, ce qui représente à peu près 4,3% de la plaine (15000 hectares) soit 1,3% du territoire communal7(*). Cette situation est due principalement au faible débit des sources et des rivières lié notamment aux conditions climatiques de la zone. La plupart des rivières ont par ailleurs un régime temporaire, l'agriculture subit de jour en jour les conséquences d'un climat de plus en plus hostile à son émergence. La région est reconnue pour sa faible pluviométrie soit 400 à 800 mm de pluie par année, de plus, elle est caractérisée par deux longues périodes de sécheresse allant de juillet à la fin du mois d'août d'une part et de fin décembre à début avril d'autre part, période comprenant le carême. Cette situation de dépendance de l'agriculture vis-à-vis de la pluie rend de plus en plus compliquée la situation des agriculteurs et de ce fait réduit énormément les possibilités de reduire la pauvreté.

La majorité des agriculteurs de la commune (environ 85%) pratique l'élevage8(*). Les terres en jachères, les bordures des chemins et les terres incultes sont les principaux sites utilisés. L'élevage libre est pratiqué dans toute la commune. Les bêtes de somme (âne, mulet, cheval) et les boeufs sont élevées à la corde près des habitations. Par contre, les animaux de basse cour tels : les poules, les pintades et les dindes sont élevés en liberté autour des maisons et les jardins où ils cherchent leur nourriture. Parfois, ils sont nourris par quelques grains et déchets de cuisine venant directement des membres de la famille. Il faut dire en nombre, ces animaux représentent le groupe le plus important alors que les caprins et les ovins occupent la deuxième place.

Les contraintes liées au système d'élevage sont multiples et varient avec les espèces et les zones.

L'élevage des cochons n'a pas retrouvé la position qu'il possédait à l'origine, avec la décimation des cochons créoles en 1982. Les problèmes d'élevage des cochons sont plutôt d'ordre alimentaire. En effet, leur alimentation se fait surtout à base de déchets de cuisine et de sous-produits de récolte. En conséquence, un retard général est constaté dans la croissance des porcs.

Le cabri, plus robuste, et qui résiste mieux aux intempéries, est considéré par les paysans comme une forme d'épargne d'où la nécessité d'y investir. Par ailleurs, les cabris sont souvent attaqués et tués par les chiens sauvages et les voleurs.

L'élevage des poules se rencontre dans toutes les aires agro-écologiques et surtout dans les plateaux et montagnes humides. Les poules, souvent atteintes de New castle, sont surtout attaquées par les chats qui pullulent dans la commune.

L'élevage caprin est plus fréquent dans les mornes secs et humides malgré le degré avancé d'érosion et dans les savanes en jachère. Les caprins souffrent généralement de parasites externes et internes.

Cependant, le disfonctionnement des coopératives et l'inexistence de matériels adéquats et modernes sont autant de facteurs qui expliquent le blocage de cette branche d'activité et en grande partie son sous-développement.

En fait, la pêche représente l'une des principales activités productives de la commune après le commerce et l'élevage. Pour s'aventurer en mer, les pêcheurs prennent des embarcations mal adaptées tels que des bois fouillés et des canots dépourvus de moteurs. Pour la capture, ils utilisent les trémails, filets, nasses, lignes, sennes et éperviers. Ces matériels sont très archaïques et n'arrivent pas à fournir le rendement escompté.

Ajoutés à cela, les eaux pauvres en éléments nutritifs connaissent un faible développement des espèces et en conséquence sont d'une faible productivité.

La commercialisation des produits reste un handicap majeur pour le progrès économique des pêcheurs. Il n'existe pas de marché proprement dit à Jean Rabel pour la vente des produits halieutiques. En effet, dépourvus de moyens de conservation (électricité, congélateur, chambre froide, groupe électrogène,...), ils sont obligés de vendre à faible prix soit à des intermédiaires délégués par les exportateurs soit à des marchands locaux ou entre autre de pratiquer le séchage qui est d'ailleurs la forme la plus pratiquée. Ils confrontent aussi des problèmes de manque de formation et d'approvisionnement en matériel de travail.

Malgré la grande diversité de la faune marine et les nombreux sites de pêches, le problème de la pêche est surtout lié à un manque d'organisation, de financement et du caractère archaïque des instruments utilisés.

Le secteur secondaire est peu développé et est pratiquement inexistant. Il n'existe pas d'activités agro-industrielles importantes dans la commune. Seule la petite industrie est présente et relativement dynamique. Le nombre de produits destinés aux petites industries est plutôt faible, étant donné que ce secteur est encore au stade embryonnaire. Les denrées faisant réellement l'objet de conditionnement et de transformation sont surtout les céréales (maïs, riz), le manioc et le latanier.

La majorité des unités de transformation est constituée de boulangerie et les moulins de maïs occupent la deuxième place.

Des difficultés de fonctionnement liées à l'indisponibilité de l'énergie et surtout à l'approvisionnement en pièces de rechange auraient forcés certaines unités à travailler au ralenti et présente une contrainte majeure quand au développement des activités industrielles.

Malgré l'existence de matières premières (lataniers, bambous, calebasse,...) l'artisanat est très peu développé. Cela tient surtout à la pénurie des capitaux, à la déficience des infrastructures (électricité, communication, route pour acheminer les produits vers d'autres régions) et à l'absence d'investisseurs potentiels. Cependant, certains artisans besogneux se consacrent avec habilité à la confection de paniers, de chapeaux, d'objets en terre cuite qu'on trouve sur les marchés. Toutefois, ces activités restent l'initiative de particuliers et ne reçoivent aucune aide.

Le secteur tertiaire, second en importance, est dominé par le petit commerce. En effet, le commerce, la principale activité de la commune a connu un fort ralentissement. Ceci s'explique surtout par le quasi inexistence et le mauvais état des routes reliant la région au reste du département. Le problème de circulation des produits d'un endroit à un autre désavantage énormément les relations commerciales de la commune au reste du département. De ce fait, les difficultés de transport constituent un frein énorme dans le développement du commerce et influent dans une proportion importante sur les prix de vente au détail. L'activité commerciale gravite surtout autour des Gonaïves (Artibonite) et de Port-au-Prince. Les intermédiaires en profitent grandement. La dépendance des paysans par rapport aux spéculateurs, le manque de déboucher pour les produits et l'absence de coopératives agricoles confine les paysans dans l'autosubsistance. Cette situation facilite la hausse des prix de certains produits (périssables) et contribuent à la chèreté de la vie que connaît la commune.

Le commerce, interne dans l'ensemble, se fait surtout au niveau des marchés publics. Mais le problème de l'emploi motive presque toute la population active à intégrer ce secteur. Par manque d'espace approprié, l'étalage des produits se fait à travers les rues les plus fréquentées9(*) ; ce qui crée des nuisances considérables à la circulation.

L'infrastructure sociale (sanitaire, scolaire) souffre du manque d'équipements et de personnels.

Les carences en matière de santé proviennent directement des conditions de vie souvent médiocres où la pauvreté, l'insalubrité et la malnutrition sont le lot de bien des adultes et d'enfants non-vaccinés. Les maladies infectieuses et parasitaires pullulent dans certaines localités de la commune où la population vit dans une promiscuité qui rend difficile le respect des principes les plus élémentaires d'hygiène.

De ce fait, le mauvais état de santé est flagrant au niveau de la commune qui compte un nombre de médecins nettement insignifiant. Les dispensaires sans lits représentent dans les sections rurales les seuls établissements publics de santé qui dispensent des soins à la population. Ces établissements ont généralement à leur tête une aide infirmière dont les limitations, en fait de connaissances médicales, sont assez connues ; d'où l'impossibilité parfois de traiter sur place certaines maladies bénignes. De plus, ces établissements sont généralement sous-équipés en matière de matériel médical. D'ailleurs, la ville qui est supposée approvisionner les sections rurales ou suppléer à leur carence, est parfois privée des équipements les plus élémentaires. Par exemple, beaucoup d'établissements de santé ne disposent pas d'un cathéter et d'un réfrigérateur pour conserver les vaccins. La situation est donc grave dans les sections rurales où les problèmes sont réellement plus aigus.

Toutes ces carences ont eu pour effet de favoriser le développement de la médecine traditionnelle qui a encore la faveur d'une fraction importante de la population. Sans vouloir nier ses mérites, il convient de reconnaître que cette médecine est incapable de faire face à la complexité de certains cas de maladies qui requièrent des connaissances et des techniques plus appropriées. Ainsi, bon nombre de décès sont souvent dus aux manoeuvres de certains « médecins-feuilles » ou charlatans qui, pourtant, sont tolérés dans le milieu et continuent même à donner des soins.

Les transformations sociales et mentales conditionnent tout processus de développement et découlent d'une éducation équilibrée et bien orientée. A cet égard, qu'en est-il de la situation éducationnelle de la commune ?

Les faiblesses en matière d'éducation des paysans proviennent directement du faible moyen économique des parents, où la pauvreté leur rend fort difficile l'accès aux établissements scolaires comme aux autres services sociaux. Les enfants des familles très pauvres n'ont en général pas accès à l'école. D'une part, leurs parents ne disposent pas de revenus suffisants pour faire face aux frais occasionnés par une scolarisation. D'autre part, la discipline scolaire exige par elle-même assiduité, ponctualité, propreté, voire le port d'un uniforme. En outre, les inscriptions scolaires se font à 6 ou 7 ans ; or, à cet âge, les enfants très pauvres sont amenés à soutenir leur famille en rendant de petits services : ils travaillent aux champs, vont vendre au marché ; sont placés comme domestiques. De ce fait, l'analphabétisme pullule dans toutes les localités de la commune où l'insuffisance d'établissements publics et l'éloignement des écoles encouragent la non-scolarisation des enfants.

Aux problèmes économiques des parents, viennent s'ajouter une faiblesse quasi générale de l'offre d'éducation. En dehors, du nombre très restreint d'écoles publiques existant, la majorité des écoles fonctionne dans des maisons ne respectant aucune norme. Les locaux des établissements scolaires sont en mauvais état.

Par ailleurs, bon nombre de ces écoles ne sont pas clôturées et sont dépourvus de structures sanitaires de première nécessité comme eau potable et latrines, de matériels pédagogiques (manuels, cartes), de fournitures (cahiers, craies, crayons, plumes) et de mobilier (bancs, buffets, bureaux, chaises,...), et fonctionnent sans cour de récréation, sans aucune bibliothèque etc.

De plus, la compétence des professeurs laisserait à désirer. Les instituteurs sont en grande majorité pas qualifiés, ils n'ont reçu aucune formation pédagogique et ceux qui le sont, sont confrontés à des problèmes de salaires qui les encouragent à l'absentéisme et à ne pas tout donner d'eux-mêmes. La plupart des enseignants ont en général le baccalauréat 1er et 2ème partie. Beaucoup d'autres n'ont même pas le Certificat d'études primaires et enseignent dans les institutions primaires.

Toutes ces faiblesses ont pour effet d'encourager la non-scolarisation des enfants et plus particulièrement d'accroître le taux d'analphabétisme de la population de la commune. Ainsi, il convient de signaler que le manque d'éducation des paysans ralenti considérablement leur progrès économique et social.

Le problème de l'eau potable est un autre handicap dans le processus de développement de la communauté. En effet, la majorité des sections communales continuent à s'approvisionner à partir des sources ou des puits, avec les multiples conséquences qui peuvent en résulter : risques de maladies intestinales, approvisionnement à longue distance...

Seule la ville est électrifiée pendant quelques heures par un moteur électrique géré par une Mission, ce qui ne favorise pas le développement de l'industrie et de l'artisanat ; ce qui constitue un handicap majeure dans le processus de développement de la commune.

L'organisation rationnelle et systématique des loisirs, surtout dans les endroits reculés du pays, représente l'une de nos principales faiblesses. Or, nul n'ignore la fonction et le pouvoir des divertissements sains dans la vie sociale. Quel est, à ce sujet, l'état de la situation dans la commune de Jean Rabel ? Ce qui est d'abord évident, c'est le peu de variétés offertes dans ce domaine. Les combats de coqs représentent, de loin, la plus importante activité récréative de la commune et drainent une assistance toujours nombreuse. Les gaguères fonctionnent, à peu près, tous les jours. Cependant, cet horaire anarchique démobilise trop souvent de nombreux bras dont l'engagement dans les activités de production aurait été plus bénéfique à l'essor de la commune. Également, à Jean Rabel, comme partout dans le pays, le foot-ball suscite beaucoup d'intérêt. Mais les pratiquants du ballon rond profitent surtout des grandes vacances d'Été pour se livrer à des parties très animées, disputées par les équipes de quartiers.

Nombreux sont ceux qui aiment la musique et la danse. Ils raffolent soit de la musique enregistrée, soit de celle orchestrée par les musiciens locales qui se perfoment souvent dans les night-clubs de la commune.

D'autre part, les divertissements sont enrichis par les programmes de la radio locale et des radios qui émettent des communes avoisinantes, de Port-au-Prince ou de l'étranger. Il faut signaler que la commune est pourvue de trois bibliothèques, d'une salle de théâtre et de deux salles de cinéma par système vidéographique. Par ailleurs, elle n'est dotée d'aucune musée, de place publique, de monument et site et de temple notoire du vodou.

* 7 Source: Département du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, mars 2007.

* 8 Source : Département du Nord-Ouest, Rapport diagnostic PDC Jean Rabel, mars 2007.

* 9 De la rue Fidelia passant par la grande rue jusqu'à la rue Saint Jean, des vêtements et chaussures usagés, des fruits, des bananes, du charbon de bois, des produits de consommation sont exposés en plein air dans des conditions non hygiéniques pouvant favoriser la propagation de microbes.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard