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La contrebande de voitures volées entre la Gabon, le Cameroun et la Guinée-Equatoriale: essai sur une activité criminelle transfrontalière en Afrique centrale

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par Bruno MVE EBANG
Université Omar Bongo - Maitrise 2009
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Après une progression constante depuis dix ans, on constate bien que « le vol de véhicules est en passe de devenir l'activité la plus criminelle en Afrique centrale. Tant il est vrai que les techniques, méthodes, modes opératoires sont devenus extrêmement sophistiqués et leurs auteurs se sont ''professionnalisés'' »162(*). Les facteurs qui expliquent cette évolution sont principalement socio-économiques et socio-politiques.

En effet, la dévaluation du Franc CFA en 1994 et la relative amélioration du réseau routier entre les trois pays, ont eu pour effets respectifs : la diminution du pouvoir d'achat de « l'africain du centre moyen mais pauvre » voulant acquérir une voiture et l'accroissement des échanges déjà dynamiques entre le Gabon et ses voisins du Nord. Sous la pression des institutions financières internationales, 14 pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre ainsi que les Comores, dévaluaient leur monnaie, le FCFA, de 50% pour les deux communautés économiques et du Tiers pour le dernier pays cité en 1994. Censée résoudre certains problèmes socio-économiques que connaissaient les pays concernés, cette dévaluation a, au contraire, favorisé une baisse du pouvoir d'achat des populations. Or, à cause d'une absence de véritable réseau de transport public, ces populations ont ainsi concouru à la hausse d'une demande en voitures dont les coûts sont restés élevés malgré la dévaluation.

Vu cette forte demande, des réseaux criminels organisés, soutenus par des personnalités politiques ou de la haute société et d'une porosité des frontières, ont mis en place des circuits transfrontaliers difficilement perceptibles de voitures volées entre le Gabon, le Cameroun et en Guinée-Équatoriale. En effet, cette activité n'est pas à négliger, car on note dans la région d'Afrique centrale, l'implication d'hommes politiques qui usent de leur influence et de leur position pour favoriser le passage de leurs marchandises lorsqu'elles sont arrêtées à des postes de contrôles. La porosité des frontières entre ces trois pays n'est pas à exclure dans les facteurs qui concourent au développement de cette activité. En effet, on observe une faiblesse des moyens humains et matériels de dissuasion dans les différents postes de sécurité aux frontières de ces trois États. En outre, l'insuffisance des structures de contrôles aux frontières des trois États notamment au Gabon n'est pas à négliger. Ainsi, si à cela on ajoute le fait que les préposés aux contrôles soient corruptibles surtout ceux présents aux postes éloignés, on comprend aisément pourquoi cette activité se développe.

A ces facteurs socio-politiques, on peut ajouter une méconnaissance et une marginalisation de cette activité. En effet, on observe, du fait de son caractère plus ou moins « nouveau », une méconnaissance tant par les particuliers et les différents agents de police et de gendarmeries des tenants et des aboutissants de cette activité criminelle transfrontalière.

A ces facteurs socio-économiques et socio-politiques ont ajoutent le fait que cette activité est difficilement perceptible, tant elle emprunte des voies légales et qu'illégales dans la régularité ou l'irrégularité de ses flux, on comprend encore pourquoi son développement est si marqué. En effet, on observe des circuits réguliers et irréguliers dans la contrebande régionale de voitures volées. Du Gabon vers le Cameroun et la Guinée-Équatoriale, les flux sont réguliers. On ajoute les voitures en provenance du Togo, du Bénin et du Nigéria qui importées d'Europe et d'Asie, nourrissent aussi bien le marché licite qu'illicite de voitures. Ces voitures, de gammes moyennes, sont principalement vendues en Guinée-Équatoriale. A ces circuits réguliers, on ajoute des circuits irréguliers. En effet, ces voitures vont vers le Congo, la Centrafrique et le Tchad. Ces flux se font par des réseaux routiers et des ports en empruntant des voies licites et illicites ce qui fait en sorte qu'ils soient difficilement perceptibles par les structures de lutte d'identifier les voitures volées.

La contrebande de voitures volées est une affaire du crime organisé. En effet, pour que la réussite de l'activité soit garantie, les réseaux criminels, qui ont sentis l'importance du marché du fait d'une forte demande, s'organisent en se composant d'acteurs de différentes nationalités des lieux de prélèvement, de transit et de vente. Ainsi, parmi les quelques réseaux appréhendés par les forces de police au Gabon, on note l'implication de Gabonais, de Camerounais et d'Équato-guinéens mais aussi de Libanais. De fait, afin d'assurer la facilité du transport de la voiture volée d'un lieu à un autre, les réseaux nouent un ensemble de relations par le biais de ces acteurs dans les différents pays où se focalisent leurs projections. Dans leur composition, les réseaux sont aussi bien composés de personnes âgées que de jeunes qui sont souvent utilisés pour le vol.

De manière générale, les réseaux criminels organisés possèdent au fil des ans des techniques de plus en plus sophistiquées pour arriver à leurs buts. Pour cela, ils se divisent le travail pour faciliter la réussite de leur activité : voleurs de voitures et mécaniciens puis faussaires et passeurs. Les voleurs constituent le premier maillon ; ils volent les voitures par effraction, par braquage à main armée (carjacking), par intrusion dans les domiciles pour se procurer les clés de la voiture avec ou sans des menaces à l'encontre des occupants. Ces différents modes sont en développement dans la sous-région. Après s'être procurées les voitures, les voleurs les remettent aux garagistes qui vont leurs faire subir des modifications selon « l'avenir » de la voiture. En effet, selon que le véhicule sera revendue ou alimentera le marché des pièces détachées, les garagistes vont soit la maquiller, la cloner, la jumeler ou encore la découper. En effet, il est prouvé que parfois la vente des pièces détachées rapporte plus que la vente des voitures en elle-même.

Face à tout ce qui précède, on comprend pourquoi la contrebande de voitures volées se développe. Il importe alors de savoir quelle place occupe les trois pays dans ce système de contrebande. .

A cet effet, dans ce système, le Gabon est le principal pourvoyeur en voitures volées, le Cameroun un pays de destination finale et de transit, et la Guinée-Équatoriale un espace de destination finale par excellence.

Le Gabon est le pays pourvoyeur car il possède 35% du parc automobile régionale composées de voitures neuves, de grosses cylindrés et de berlines. Dans les espaces de prélèvement de voitures par les réseaux criminels organisés, Libreville est l'espace le plus touché. En effet, on constate dans cette ville une hausse de voitures volées depuis 2006 et plus de 400 voitures n'ont jamais été retrouvées depuis cette année-là. Ce fait s'explique par les fortes importations de voitures lors des élections de 2005-2006 qui ont attiré de nombreux réseaux de voleurs. Aussi, il y a une prolifération des garages spécialistes identifiés par la police judiciaire comme espace de découpage de voitures volées. Le reste du pays constitue une véritable passoire et se manifeste par une absence accrue de statistiques. En effet, à part quelques interceptions de voitures volées à Libreville par la brigade de Mitzic, on constate que le vol de voitures destinées à l'exportation se développe dans le nord du Gabon. Les justifications des différents préposés de l'État, impliqués dans la lutte, sont la forte proximité de leur commune avec la frontière et la lenteur dans la diffusion informations des déclarations de vols. Que ce soit à Oyem, à Medouneu, à Cocobeach ou aux postes de contrôles de Meyo-Kyé et d'Eboro, le constat est le même.

Le Cameroun est un espace de destination finale et de transit. Effet, on constate la présence, dans les communes de ce pays, de voitures volées dans le monde entier. L'existence d'un marché frontalier de voitures volées notamment à Kyé-Ossi montre bien que le Cameroun est un espace de vente et de transit. Ces voitures viennent principalement du Gabon et le reste du Cameroun. Les prix pratiqués, quand on se rend compte de la qualité des voitures exposées à la vente, rivalisent avec les normes gabonaises. On comprend pourquoi les équato-guinéens sont les principaux acheteurs surtout depuis le boom pétrolier qui a vu le pouvoir d'achat de ce pays se multiplier.

De manière générale, la contrebande de voitures volées est en plein développement. En effet, même si cet essor ne semble pas encore susciter un grand intérêt de la part des services de sécurité, on constate que ce n'est pas le cas pour les sociétés d'assurance. L'augmentation de l'assurance automobile-accessoires est remarquable et les problèmes d'indemnisation des victimes se multiplient. Bien que les modes de prélèvement de voitures par braquage ne se fassent pas encore avec un grand développement, des coûts financiers liés aux procédures sont importants. Ces impacts nécessitent la mise en oeuvre de réelles politiques de lutte contre cette activité criminelle et partant de la criminalité transfrontalière de manière générale.

Pour lutter contre la criminalité transfrontalière, le CCPAC a été mis en place dans la sous-région. Avec l'aide d'Interpol, des politiques de lutte et des formations sont mises en place pour lutter contre ce fléau. Par ailleurs, des outils, tel le LAPI, sont préconisés pour lutter de manière plus efficace par la mise en place d'une base de données des immatriculations nationales. Cependant, les égoïsmes nationaux entravent ces différentes politiques. Or, « face à l'extrême acuité de ce problème, les États de la sous-région doivent coopérer étroitement à la lutte contre ces fléaux car ils constituent des entraves au développement durable. Cela passe inexorablement par une judicieuse intégration politique, économique et sécuritaire. L'Afrique doit organiser sa sécurité collective. Le renforcement du CCPAC pourrait être le détonateur d'une nouvelle et efficace sécurité collective dans la sous-région »163(*). Aussi, la particularité de cette activité nécessite une lutte contre la corruption des fonctionnaires des États responsables de la délivrance des documents officiels, car on ne saurait prétendre à une véritable lutte sans cela. On espère alors que les programmes de lutte contre la corruption et l'enrichissement illicite au Cameroun et au Gabon, avec la CNLCEI, permettront de freiner ces phénomènes.

* 162http://www.interpol-cam.gov.cm/dgsn/cooperation_pb_afr.htm.

* 163http://www.interpol-cam.gov.cm/dgsn/cooperation_pb_afr.htm.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus