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La jurisprudence de l'organe de règlement des différends de l'organisation mondiale du commerce et protection de l'environnement

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par Yda Alexis NAGALO
Université de Limoges - Master 2 en Droit international de l'environnement 2009
  

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SECTION I : UNE OUVERTURE DE L'ORD AUX QUESTIONS ENVIRONNEMENTALES

Face aux impératifs de protection de l'environnement, L'OMC, sans être hardi dans sa démarche procède à un infléchissement des priorités des principes de libres échanges de sorte à prendre en compte les valeurs non économiques (Paragraphe 1). Les organes de l'ORD s'appuient sur une interprétation respectueuse du droit international classique, ce qui peut être favorable au DIE (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La reconnaissance des valeurs non économiques

La possibilité d'invoquer les exceptions générales au titre de l'article XX permet dire que l'ORD n'est pas indifférente aux préoccupations environnementales (A) et qu'en raison de certaines circonstances relatives au danger qui pèse sur la santé humaine, le SRD peut adopter une approche de précaution (B).

A. Une possibilité d'invoquer les exceptions générales de l'article XX

Les valeurs se rapportant à la protection de l'environnement et de la santé sont étrangères au départ aux principes fondamentaux qui fondent les règles du GATT. Mais avec l'OMC, une reconnaissance de ces valeurs est consacrée au travers des accords de l'organisation.

L'analyse que l'on peut faire de la prise en compte de ces valeurs non économiques serait partielle si l'on s'en tenait à cette image simpliste qui se rapporte à affirmer que l'OMC, sur la base de sa raison d'être, n'est pas soucieuse de la protection de l'environnement50(*).

Sous le bénéfice de cette observation liminaire, nous nous évertuerons à montrer les efforts fournis par l'OMC pour construire une articulation entre commerce et environnement.

Contrairement à l'idée répandue selon laquelle, « l'OMC, se profile en un véritable concours de dépouillement du pouvoir national (...) »51(*), l'Organisation n'est pas radicalement opposée à la prise de mesures unilatérales de protection de l'environnement au sein des États.

Dans l'affaire États-Unis - normes concernant l'essence nouvelle et l'ancienne formule, le panel a souligné que les États sont libres de fixer leurs propres objectifs environnementaux, et ce y compris des mesures plus sévères pourvu que les règles du GATT soient respectées.

Dans l'affaire dénommée « crevettes et tortues », saisi par les États-Unis, l'organe d'appel affirme qu'il tient « à insister sur ce que nous n'avons pas décidé dans cet appel. Nous n'avons pas décidé que la protection de l'environnement n'a pas d'importance pour les membres de l'OMC. Il est évident qu'elles en ont. Nous n'avons pas décidé que les nations souveraines qui sont membres de l'OMC ne peuvent pas adopter des mesures efficaces pour protéger les espèces menacées telles que les tortues marines. Il est évident qu'elles le peuvent et le doivent». Tenue par la spécialité de OIG, l'OMC voudrait dire que la liberté est reconnue à chaque État d'adopter sa propre politique visant à protéger l'environnement sauf pour ceux-ci de ne pas violer leurs obligations conventionnelles contractées dans le cadre du commerce international. L'OMC reconnaît le droit aux États membres de l'organisation à protéger leur environnement tant qu'ils se montrent équitables et que la protection de l'environnement n'est pas un prétexte pour favoriser de façon déguisée leurs propres produits.

Les affaires crevettes52(*) et amiante53(*) furent celles qui permirent une application positive de l'article XX respectivement dans le domaine de l'environnement et de la protection de la santé humaine.

Avec l'affaire crevettes I, l'organe d'appel confirma54(*) les constatations du groupe spécial qui tendaient à affirmer que la mesure d'interdiction d'importer des crevettes pêchées avec des filets ne permettant pas d'éviter de prendre les tortues marines était illégale conformément au chapeau introductif de l'article XX55(*). L'affaire crevettes II a permis à l'organe d'appel de confirmer les mesures unilatérales de protection de l'environnement prises par les États-Unis parce qu'il estimait que ces derniers faisaient « des efforts sérieux de bonne foi » en vue de parvenir à un accord multilatéral concernant la protection et la conservation des tortues marines.

Quant à l'affaire amiante entre les Communautés Européennes (la France) et le Canada, le panel a constaté que les Communautés Européennes ont violé l'article III (qui dispose que les pays doivent accorder un traitement équivalent aux produits similaires) de l'Accord instituant l'OMC. Le différend a été tranché en faveur des Communautés Européennes parce que la mesure visant à l'interdiction d'importer de fibres d'amiante en provenance du Canada était conforme à l'article XX alinéa b) qui vise la protection de la santé et la vie des personnes.

Après la déception des mouvements écologistes avec les affaires thons - dauphins et hormones qui ont fait beaucoup de mal à l'image de l'OMC, l'affaire amiante marque une première dans la mesure où cela marque le triomphe de la santé sur le libre échange56(*).

B. Une évolution de la jurisprudence de l'ORD sur le principe de précaution avec la décision Amiante57(*)

Les faits : Face au danger que représentait l'amiante58(*), un programme de désamiantage des bâtiments a été mis en place en France. Les bâtiments qui étaient construit avec de l'amiante devaient être remplacé par des produits similaires qui n'en contenaient pas. Le gouvernement Français qui importait de l'amiante blanc (chrysotile) en provenance du Canada a pris une mesure prescrivant une interdiction définitive de la fibre d'amiante et des produits en contenant. Le Canada qui est le 2ème producteur mondial d'amiante après la Russie, et le plus gros fournisseur de la France et de la Communauté Européenne n'a pas approuvé cette mesure restrictive pour son commerce.

Prétentions et moyens : Le Canada a déposé une plainte devant l'ORD sur le fondement de la violation de l'obligation de traitement national en affirmant que la fibre d'amiante qu'il produisait ne présentait pas de risque identifiable pour la santé humaine.

Eu égard au fait que la mesure de prohibition était définitive et que le risque sanitaire était incertain, les Communautés Européennes n'ont pas fondé leur argument sur l'article 5.7 de l'Accord SPS mais plutôt sur l'article XX de l'Accord instituant l'OMC et sur les Obstacles techniques au Commerce.

L'affaire ayant été porté en appel par le Canada, c'est l'organe d'appel qui va utiliser le principe de précaution dans son argumentation. Examinant les constatations du groupe spécial, l'organe d'appel affirma que « le principe sous-jacent est celui de la précaution : le dommage est irréversible et l'analyse conduit à penser qu'il existe un risque substantiel, attendre pour agir est de fait inapproprié ». La France se devait d'agir avec diligence en usant de l'arme la plus lourde dans ce domaine notamment en mettant en place une mesure de prohibition de l'importation de cette substance et des produits en contenant. La réaction française a paru conforme à la démarche de l'organe d'appel lorsqu'il souligne que « les gouvernements responsables doivent agir de concert et avec précaution et prudence en ce qui concerne les risques dommageables irréversibles, voire mortels pour la santé des personnes ».

Mais pour autant le risque sanitaire n'est pas un critère applicable devant l'ORD. En effet, l'organe d'appel a infirmé la constatation du Groupe spécial selon laquelle il n'était pas approprié de prendre en considération les risques sanitaires associés aux fibres d'amiante chrysolite lorsqu'il s'agissait d'examiner le caractère «similaire» des produits au titre de l'article III:4 du GATT. Il refuse de faire du risque sanitaire un critère en soi pour l'évaluation de la similarité des produits. Mais l'organe d'appel fait remarquer que si deux produits sont similaires en tout point mais que l'un d'eux est dangereux pour la santé, les produits ne sont plus similaires. C'était le cas de l'amiante.

Maljean Dubois Sandrine59(*) fait observer que « le fait que le risque pour la santé était avéré, attesté par un accord général au sein de la communauté scientifique, et d'une extrême gravité a sans doute joué pour cette appréciation ». Ce principe constitue donc un standard de raison en cas de risque grave et d'incertitude.

Paragraphe 2 : Les indices de la modestie60(*) de l'OMC

L'OMC, est un système commercial multilatéral complexe assis sur une pratique aussi vieille que l'ONU et dispose d'une vitalité spécifique. Mais les juridictions, toute modestie gardée, rappellent leur déférence au DIP (B) et encouragent les États à la coopération internationale dans le cadre d'une meilleure protection de l'environnement (A).

A. Une incitation à la coopération internationale

Le principe de spécialité s'applique aux organisations internationales et implique que leurs compétences ne sont justifiées que par des objectifs inscrits dans les textes qui ont fondés l'organisation. L'OMC est tenue par cette règle de la spécialité. Aussi ne peut-elle s'investir outre mesure dans les questions environnementales. Quoique le développement durable soit un but à poursuivre, il ne fait pas de l'OMC une organisation de régulation de la protection de l'environnement. L'organisation, via l'organe de règlement des différends, fait une incitation à la coopération internationale aux États membres de l'OMC sur des questions touchant aux considérations environnementales. Dans l'affaire crevettes I où la protection des tortues était en cause dans les espaces maritimes des États qui sont traversés par les tortues, l'organe d'appel61(*) appelle à renforcer « les efforts concertés et une coopération de la part de ces nombreux pays ». Il souligne que d'une opinion largement développée à l'OMC « les solutions multilatérales fondées sur la coopération internationale et le consensus comme étant le meilleur moyen et le plus efficace pour les gouvernements de s'attaquer aux problèmes environnementaux de caractère transfrontière ou mondial »62(*). Avec l'affaire crevettes II, l'organe d'appel impose aux États-Unis, en raison de la menace qui pèse sur ces animaux marins, de conclure un accord international dont l'objet sera la protection et la conservation des tortues marines. L'organe d'appel valida provisoirement les mesures de prohibitions édictées par les États-Unis en attendant la conclusion de cette convention internationale.

Cette incitation à la coopération contribuera à la conclusion de la convention sur la conservation et la gestion des tortues marines et de leur habitat dans la région des États parties au différend. L'accord est adopté le 14 juillet 2000 et entre en vigueur le 1er octobre 2001.

B. La rupture avec l'isolationnisme clinique

Avec l'avènement de l'OMC, le droit de l'organisation retrouve sa place dans la grande famille du droit international classique. Le droit international acquiert progressivement une place dans l'interprétation du droit du commerce international. En effet avec la jurisprudence Essence qui a consacré le terme d'« isolation clinique », l'idée se rapporte à ce que l'interprétation du droit de l'OMC doit se faire dans le cadre du droit international public. L'OMC valide les règles et principes du droit international classique63(*). Les principes tels que l'égalité souveraine des États, de la bonne foi ou encore de la coopération internationale sont applicables devant son organe de règlement des différends. Aussi la jurisprudence des groupes spéciaux et de l'organe d'appel par la prévention des mesures protectionnistes déguisées de l'article XX permet d'exprimer des principes du droit international classique en l'occurrence les principes de la bonne foi ou de l'interdiction de l'abus de droit64(*).

Dans l'interprétation positive de l'article XX du GATT, à propos de l'affaire crevettes, l'organe d'appel affirme que la disposition suscitée doit être interprétée « à la lumière des préoccupations actuelles de la communauté des nations en matière de protection et de conservation de l'environnement » (paragraphe 129). Cela pourrait aboutir au sein de l'OMC à donner un nouveau regard au sein de l'OMC. Il s'agira pour l'ORD de se poster en artisan de l'articulation entre les règles du système commercial multilatéral et le droit international de l'environnement.

Cette attitude du système de règlement des différends a un effet contaminant au sein de L'OMC. La conférence ministérielle de DOHA au QUATAR réaffirme dans la déclaration ministérielle adoptée à ladite conférence que « les objectifs consistants à maintenir et à préserver un système commercial multilatéral ouvert et non discriminatoire, et à oeuvrer en faveur de la protection de l'environnement et de la promotion du développement durable peuvent et doivent se renforcer mutuellement (...) ».65(*)Enfin, le Directeur Général de L'OMC Pascal LAMY se réjouit de ce que l'organisation s'est révélée capable à la fois de justice commerciale et de justice environnementale. Il ajoute que l'OMC a fait de nombreux efforts dans le sens de l'esprit d'ouverture. Ce qui du reste a contribué au respect devant l'Organe d'appel de traités environnementaux. Il reconnaît toutefois que dans la voie de l'articulation entre le commerce et l'environnement, le programme des négociations de DOHA fonde des espoirs pour contribuer à rendre l'OMC davantage plus verte66(*).

* 50 Peter Singer dans son ouvrage «  One World : the Ethics of Globalization » (Un seul monde : l'éthique de la globalisation), l'auteur fait remarquer au chapitre 3 de son ouvrage que parmi les reproches faits à l'OMC figure celui de « Placer les considérations économiques au-dessus de la préservation de l'environnement, du bien-être animal et même des droits humains », disponible sur http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article272

* 51 GEORGE, (S), « A l'OMC, trois ans pour achever la mondialisation », le monde diplomatique, juillet 1999, pp.. 8-9, cité par Maljean - Dubois, (S)., L'OMC et la protection de l'environnement international, in Perspectives pour l'Afrique de l'ouest, 2003, p. 112.

* 52 L'affaire crevettes / tortues constitue « la première décision dans l'histoire du mécanisme de règlement des différends de l'OMC à avoir reconnu qu'une mesure basée sur les PMP (Procédés et Méthodes de Production) d'un produit était compatible avec les accords de l'OMC », DOELLE, (M), « climate change and the WTO : opportunities to motivate state action on climate change throught the WTO » (2004), 13, 1. R.E.C.I.E.L.85., cité par Madeleine BEAUDET, art. cit.

* 53 L'affaire amiante est « la première décision de l'histoire du mécanisme de règlement des différends de l'OMC à avoir accepté une restriction commerciale au nom de la protection de l'environnement et en particulier des consommateurs », CARREAU, (D), et JUILLARD, (P), op.cit, pp. 267

* 54 L'affaire crevettes - tortues ressemble par les conclusions du groupe spécial à l'affaire déjà évoquée au chapitre précédent relativement celle portant sur les thons - dauphins.

* 55 Dans les affaires thon / dauphin et crevette / tortue, le raisonnement de l'organe d'appel est fondé sur la distinction produit / processus de production. Le principe est emporte qu'un pays ne saurait interdire un produit à l'importation (exemple du thon ou des crevettes) en raison du processus de production (techniques de pêche) employé pour l'obtenir. L'organe d'appel dans ces affaires affirme que les règles du commerce international aux produits finis non aux procédés de production ou de fabrication des dits produits.

* 56 Le Financial Times affirme qu' « un jugement en faveur du Canada aurait provoqué la fureur des groupes écologistes partout dans le monde (...) et aurait encore diminué la crédibilité de l'OMC aux yeux des responsables politiques et de l'opinion ». Contrainte et forcée, l'OMC a fait la part des choses : elle a choisi le jugement politique. http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers/amiante/

* 57 WT / DS 135 / AB / R, Rapport de l'organe d'appel, www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds135_f.htm

* 58 « En 1962, les épidémiologistes avaient déjà définitivement établi ce que les industriels savaient depuis les années 30 : l'amiante est cancérigène et, chaque année, 2 000 personnes meurent en France pour y avoir été exposées », http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers/amiante/, pour le Secrétariat de l'OMC, l'amiante est une substance très toxique susceptible de provoquer des maladies telles que l'asbestose, le caner du poumon et mesothéliome.

* 59 Maljean-dubois, ( S)., op. cit. p. 108

* 60 Cette expression a été utilisée par Mme Sandrine MALJEAN-DUBOIS, op. cit, p. 109

* 61 Etats - Unis - prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, WT / DS 58/ AB/R, paragraphe 168.

* 62 WT/ MIN (96) 2, 26 novembre 1996

* 63 L'Organe d'Appel, dans sa méthode d'analyse (notamment dans l'affaire Japon - Taxes sur les boissons alcooliques, WT/DS8/11, WT/DS10/11, WT/DS11/8), reprend à son compte les dispositions (art. 31 et 32) de la Convention de Vienne de 1969, procède à leurs explications et n'hésite pas à faire recours à des références doctrinales et à la jurisprudence de la CIJ. FABRI, (R), « la procédure et la jurisprudence », in Notes Bleues de Bercy, 1-15 juillet 2000, p. 6

* 64 LAMY, (P), allocution sur « la place et le rôle du (droit) de l'OMC dans l'ordre juridique international », Paris, Sorbonne, 19 mai 2006, www.wto.org/french/news_f/sppl_f/sppl26_f.htm

* 65 Cité par Maljean Dubois (S), « le protocole de Carthagène sur le biodisecurité et le commerce international des organismes génétiquement modifiés » L'Observateur des Nations Unies n° 11, 2001

* 66 Le discours a été prononcé le 24 octobre 2007 à l'université de Yale où enseigne le Professeur Daniel ESTY, auteur du livre « greening the GATT » paru en 1994 et à l'origine du débat sur le commerce et l'environnement, http://www.wto.org/french/news_f/sppl_f/sppl_f.htm

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry