Section 2 : domination commerciale
Depuis les années soixante, et plus
précisément depuis la naissance en 1964 de la Conférence
des Nations - Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED), le
commerce international est devenu le prisme le plus couramment utilisé
pour l'analyse des relations économiques de domination entre pays
développés et pays en voie de développement.
Cette domination tient au fait que les pays dominants
contrôlent l'essentiel des importations et des exportations du pays
dominé, alors qu'en sens inverse les importations et les exportations du
pays dominant ne sont que très faiblement orientées vers le pays
dominé. On peut donc conclure que derrière les grandes
proclamations en faveur du libre échange et d'un commerce loyal, surtout
du côté des États-Unis, se cache en fait un commerce
organisé «Managed Trade», dans lequel le gouvernement
fédéral pèse de tout son poids et use abondamment de
l'atout que constitue l'accès au marché américain pour
mettre en place des rapports de force profitables pour l'économie
américaine1.
Il faut noter que cette domination ne s'exerce pas seulement
d'une manière bilatérale, mais sur un plan plus
général par l'intermédiaire de marchés des
principales matières premières.
En fait, cette domination commerciale repose sur des
éléments divers :
·La présence d'entreprises ou succursales de
firmes créées par le pays dominant et qui orientent leurs achats
vers celui-ci ;
· Les investissements publics ou privés conduisent
à l'implantation
d'une certaine technologie, et d'un certain type de
matériel qui créent une
subordination ultérieure pour l'achat
d'équipements en vue de
l'extension, de la réparation ou de la transformation des
installations1.
En plus, le système des prix est profondément
influencé par l'extérieur. Ainsi, divers types de prix dont
certains sont à peu près indépendant des conditions
locales. C 'est d'abord le cas pour la plupart des produits agricoles et
miniers exportés. Les prix de ces produits dépendent de
l'état du marché mondial, lequel et généralement
orienté par l'action des acheteurs.
En effet, cette domination commerciale a engendré une
détérioration des termes de l'échange. Celle-ci s'explique
par deux ordres de faits :
· Tout d'abord les besoins mondiaux en matières
premières, qui constituent les seules exportations de la majeure partie
des pays du tiers monde, ont dans l'ensemble stagné durant les trois
dernières décennies, comme leur production a eu tendance
à augmenter. Il en est résulté une crise de surproduction
et une baisse des prix du marché.
· En second lieu, les pays qui ont cherché
à se spécialiser dans la production de produits
manufacturés se sont heurtés aux barrières
protectionnistes des grands pays industrialisés, à leur faible
expérience technologique et à l'absence d'un marché
intérieur permettant d'assurer au préalable des économies
d'échelles.
On ajoutera l'octroi de financement au titre de l'aide
à l'achat de biens et de services chez les donateurs, afin
d'accroître leurs propres marchés à l'exportation et de
réduire l'impact de l'aide sur leur balance de paiements. Ils la
1- Marc PENOUIL, P. 85-86.
canalisent vers des pays et des institutions locales qui
adhérent au maximum à leurs propres thèses
économiques et politiques1.
Par conséquent, les avantages des donateurs sont
évidents, leurs entreprises gagnent des contrats internationaux. Ce qui
fait rentrer des devises et créé des emplois. Notons que la
contribution des multinationales à la création d'emplois dans les
pays en développement est médiocre.
Il faut ajouter que le monde des échanges et des
affaires poursuit simplement la recherche d'une équivalence des
prestations. Il se réclame de la «justice commutative»
d'Aristote, du «do ut des» des romains : «je donne pour que tu
donnes». Or, les pays pauvres savent qu'ils ont tout à redouter de
la concurrence ouverte, du laissez-faire, de la compétition
«à égalité». La liberté est l'arme la
plus efficace des États industriels2.
Le Fonds Monétaire international marque aussi bien les
contours d'un nouveau type de dépendance qui complète - au lieu
de la dépasser ou de la nier - la dépendance de type
clientéliste en introduisant entre elles une division internationale du
travail. Le multilatéralisme favorise une intervention croissante des
pays aidants dans la vie Socio-économique des États aidés.
La diffusion en leur sein de modèles de développement et une
ingérence sans cesse plus accusée dans leur économie, sur
une mode d'autant plus vigoureuse que l'action multilatérale offre
l'alibi de l'anonymat.
Les occidentaux reconnaissent que les organisations
internationales ont par la force des choses un caractère politique :
leur création résulte d'un traité; les États qui
les composent poursuivent, à l'évidence, des buts politiques.
Il est unanimement admis que même si les États
africains faisaient montre d'une détermination sans faille pour lutter
contre le sous
1- Malcom GILLIS, Dwight H. PERKINS, Michael ROEMES, Donald R.
SNOD GRASS, «Économie du
développement», 4ème éd. Trad. de la
2ème éd. anglaise par Bruno-RENAULT, Nouveaux Horizons, 2001, P.
519.
2- Jacques BOUVERESSE, «Droit et politiques du
développement et de la coopération», P.U.F., 1990,
P. 79-80.
développement, leurs efforts auraient peu de chance de
réussir tant les retards sont importants et les dépendances
déterminantes vis-à-vis des pays développés.
L'aide, nous le voyons, est un domaine qui montre la
dépendance des pays africains. Ainsi leur dépendance d'une
manière très forte. C'est d'elle qu'ils espèrent les
moyens financiers pour faire face à leurs besoins multiples
(fonctionnement, investissement). C'est d'elle qu'ils espèrent
l'accès aux technologies.
Il est évident que le dominant peut exploiter le
dominé et retarder le développement de celui-ci ou même le
rendre impossible.
La domination permet la mise en oeuvre de mécanismes de
transferts qui appauvrissent le dominé et réduisent sa
capacité d'accumulation. Elle détruit aussi certaines structures
anciennes et réduit la faculté de création de la
société pour faciliter le simple transfert d'un modèle
imposé.
La priorité économique est inséparable de
la priorité politique. C'est ainsi que notre deuxième chapitre
sera consacré à la priorité politique des pays aidants.
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