Section 2 : ingérence dans la
politique interne des pays aidés
Au sens usuel, souveraineté signifie autorité
suprême. La souveraineté étend les prérogatives de
l'État sur deux plans :
? Sur le plan interne, elle exprime sa prédominance sur
son territoire et son pouvoir de domination inconditionnée sur ses
ressortissants.
? Sur le plan externe, elle implique l'exclusion de toute
subordination, de toute dépendance à l'égard
des États étrangers.
En droit, les États sont tous égaux et
souverains. C'est la manifestation la plus accomplie de l'indépendance
de chaque État qui s'organise lui - même - à son gré
- sans ingérence extérieure1.
Pourtant, cette définition de la souveraineté se
trouve bafouée par le nouvel ordre mondial. Ainsi comme on l'a vue dans
la section précédente l'hégémonie des pays aidants
sur le plan externe des pays aidés a engendré une
ingérence dans les affaires interne des pays du Tiers Monde.
Au lendemain des attentats de New York et de Washington, il
n'en résulte pas pour autant une réaction de révolte de la
part des pays Africains et Arabes, mais plutôt une concurrence de ces
pays dans la soumission à une emprise américaine qui s'affirme
comme un facteur capable d'affecter les équilibres externes mais aussi
les rapports politiques internes. Ainsi, les élites régionales
réagissent en s'efforçant de faire passer leur combat contre
l'islamisme en Algérie, au Maroc et en Tunisie comme un affrontement
précurseur avec le terrorisme. Ils sont prêts à rejoindre
la coalition contre al-Qaida en contrepartie d'un soutien politique et d'une
relégitimation de leur pouvoir par les États-Unis. Les
comportements et les discours exprimés par
1- Mario BETTATI, «Le droit
d'ingérence», Odile Jacob, 1996, P.
42.
les dirigeants de ces pays s'alignent sur la
nécessité de contribuer à la lutte contre le terrorisme,
chacun espérant y trouver une justification à ses conduites
autoritaires1.
D'ailleurs, il est impossible aussi de séparer les
mobiles humains d'interventions des mobiles politiques et d'assurer le
désintéressement absolu des États intervenants. Dès
l'instant que les puissances intervenantes sont juges de l'opportunité
de leurs actions, elles estimeront cette opportunité au point de vue de
leurs intérêts du moment. Il se commet tous les jours dans
quelques coins du monde mille barbaries qu'aucun État ne songe à
faire cesser parce qu'aucun État n'a intérêt à les
faire cesser. Toutes les fois qu'une puissance interviendra au nom de
l'humanité dans la sphère de compétence d'une autre
puissance, elle ne fera jamais qu'opposer sa conception du juste et du bien
social à la conception de cette dernière, au besoin par la force.
Son action tendra en définitive à l'englober dans sa
sphère d'influence morale et sociale en attendant de l'englober dans sa
sphère d'influence politique. Elle la contrôlera pour se
préparer à la dominer2. Ainsi, l'intervention
d'humanité apparaît comme un moyen juridique ingénieux pour
incliner un État progressivement vers la mi-souveraineté.
Nous voyons que la priorité économique et
politique des pays industriels engendre un néo - colonialisme
inexprimé du tiers - monde. Ceci est exprimé par le
président de la Côte-d'Ivoire, F. Houphouet -Boigny qui dit :
«c'est un colonialisme (le néo - colonialisme) bien pire que
l'ancien ; parce que le vieux colonialisme assumait des responsabilités,
tandis que ce colonialisme économique n'en prend
aucune»3.
Le néo-colonialisme, la dépendance
créée par l'aide bilatérale, l'action des multinationales,
du fonds monétaire international et de la banque
1- Revue, «Notes et études
documentaires», N° 5177-78, 15 septembre, 2003, PP. 9-16.
2- Pascal BONIFACE, «Le monde contemporain: grandes
lignes de partage», P.U.F., 2001, PP. 193-194.
3- Cité in «Le Tiers Monde»,
Bernard CHANTEBOUT, 2ème éd. Armand Colin, 1989, P.49.
mondiale et la multiplicité de ces critiques
débouche sur la revendication d'un nouvel ordre économique et
politique dans le monde.
Il faut ajouter que la nécessité pour les firmes
capitalistes, de bénéficier d'un approvisionnement sûr en
ressources naturelles et en débouchés et que ces entreprises sont
soucieuses de protéger leurs investissements à l'étranger,
et veulent à cette fin d'importantes forces armées capables
d'assurer cette protection en métropole et outre mer1.
Ainsi, le premier critère de la puissance dans
l'histoire a été le critère militaire et qui dure encore.
Ceci se traduit par les États-Unis qui s'appuient toujours sur leur
formidable appareil militaire pour obtenir et imposer des contrats avec les
autres pays.
En effet, l'aide adressée aux pays du Tiers Monde est
toujours liée soit à des objectifs économiques ou
politiques ce qui produit une marginalisation de ces pays et de leur peuple.
1- Paul BARON, «The political economy of
growth», New York, Monthly Review Press, 1957,
«Économie du développement», COLL.
4ème éd. Trad. De l'anglais par Bruno BARON-RENAULT, 2ème
Tirage, 2001, Nouveaux Horizons, P. 41.
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