DEUXIEME PARTIE :
UNE AIDE CONDITIONNEE :
MARGINALISATION DES INTERETS DES
PAYS AIDES
INTRODUCTION
La rareté accentue la dépendance des pays
aidés à l'égard des pays aidants. Elle permet une
généralisation du clientélisme1.
Ainsi, le tiers - monde se trouve marginalisé et exclu
par les pays industriels. Cette marginalisation se manifeste soit au niveau
politico - économique (chapitre 1) soit au niveau social (chapitre
2).-
1- WATERBURY, 1975, cité in «Les
régimes politiques arabes», P. 425.
CHAPITRE 1 :
MARGINALISATION
POLITICO-ECONOMIQUE
Cette marginalisation se manifeste dans une exclusion
économique (section 1) et une marginalisation sociale (section 2).
Section 1 : Exclusion économique
La libéralisation des échanges extérieurs
s'est traduite par la concentration des activités commerciales
auprès des pays riches, et la chute des recettes douanières des
pays pauvres mis à l'écart. Les risques de l'aide au
développement ont trait à la concentration des flux
d'investissements directs étrangers dans certains secteurs et à
l'accroissement des mouvements de spéculation financière,
notamment dans les pays du sud.
Paragraphe 1 : l'inégalité des
échanges
commerciaux
L'expansion des réseaux d'échanges s'inscrit
dans un processus historique dominé par les grandes puissances
industrialisées. La majeure partie du commerce mondial se déroule
entre les pays de l'organisation de coopération et de
développement économique (OCDE). Les entreprises transnationales
exploitent l'avantage compétitif des nations qui se manifeste dans
l'excellence de leurs infrastructures matérielles, aussi bien que leurs
institutions économiques, politiques et culturelles.
Parallèlement, une très grande majorité
des pays pauvres demeure presque à l'écart des échanges
commerciaux. Ces pays restent en marge des activités de
l'économie mondiale, car ils n'offrent pas les conditions de
sécurité, les infrastructures et les marchés favorisant le
déploiement des modes de production et de consommation capitaliste. Dans
le cas des économies en développement, le mauvais fonctionnement
des marchés, qui est une caractéristique fréquente, peut
soit entraver la formation des gains de l'échange, soit accroître
les coûts d'ajustement auxquels les pouvoirs publics doivent faire face.
Si le marché du travail est peut efficace par exemple, l'ouverture
commerciale détruira des emplois sans en créer
nécessairement de nouveaux, tout au moins pas rapidement. De même
les coûts de la libéralisation sont d'autant plus
élevés que le pays est mal armé pour compenser les
perdants éventuels ou encore le chômage et le niveau
d'inégalité des revenus sont élevés. Dans le monde
en développement, l'inégalité de la répartition
interne des bénéfices de l'aide au développement pose
encore plus une problématique dans la mesure ou le mouvement de l'aide a
lui-même des chances d'entamer les capacités distributives,
déjà faibles, de ces États. La spécialisation
internationale a, dans les faits, cantonné les pays du sud dans la
production des matières premières. De plus le coût
d'exportation des produits de base met ces pays en marge de l'entrée
dans l'ère d'industrialisation. Les prix des produits importés et
exportés par les pays du sud sont fixés par le Nord. Ainsi,
l'expansion du trafic de perfectionnement explique partiellement le
décalage entre la croissance de la production et celle des
échanges.
L'ouverture des marchés à la concurrence des
multinationales aura certainement des coûts à bas risque
entrainant la faillite de plusieurs entreprises locales. S'agissant du Maroc en
particulier, son économie est restée handicapée par
l'étroitesse de ses bases d'exportations en raison des politiques
protectionnistes qui marquent ses échanges commerciaux.
Le protectionnisme dans ce cadre revêt de multiples formes, allant des
droits douaniers élevés jusqu'aux obstacles non tarifaires tels
que les normes, les règlements et les autorisations de
commercialisation. Les accords d'association avec l'Union Européenne et
les États-Unis ainsi que l'adhésion à l'Organisation
Mondiale du Commerce (OMC) peuvent constituer des catalyseurs potentiels
permettant de poursuivre la libéralisation des échanges et la
restructuration industrielle. Pourtant, ils peuvent constituer une menace pour
le développement.
Il en ressort donc que la structure spécifique des
exportations des pays du sud, dont le Maroc fait partie, ne leurs a jamais
permis de réaliser le développement commercial et de surmonter
les handicaps à leur intégration dans les marchés
internationaux. Ce qui explique la concentration des échanges dans les
pays du Nord. Nonobstant, les pays du sud occupent encore des places
relativement marginales dans l'ensemble des échanges internationaux. Par
ailleurs, la politique commerciale des pays du Nord et le recours aux
règles de concurrence, de compétitivité et de performance
technique repoussent systématiquement les produits proposés par
les pays du sud. De même, l'impuissance relative des grandes puissances
à résoudre leurs problèmes économiques internes
semble propulser l'économie mondiale dans une phase d'incertitude qui
accentue la dépendance du Tiers Monde à l'égard des pays
industrialisés.
Quand on pense que bon nombre de pays africains ne survivent
que grâce à l'aide extérieure, on se rend compte que
certaines attitudes d'indépendance ne sont que rodomontades. La
coopération est le sérum des États-Nations Africains. Il
suffit de les en priver pour que s'accélère leur
déliquescence. Ainsi, un proverbe africain dit que «la bouche qui a
mangé ne dit
pas vilenies». On ne saurait ni dire du mal ni manifester
un esprit d'indépendance vis-à-vis de celui qui vous fait vivre.
C'est ainsi que les États-Nations en Afrique sont réduits
à développer des trésors d'imaginations pour plaire aux
bailleurs de fonds. Opérations de charme, qui ne suffisent pas à
masquer la mendicité chronique dans laquelle ils
s'enfoncent1.
L'inégalité des rapports est tout aussi
évidente. Elle est fondée, certes, sur une disparité des
ressources, mais également sur une différence de localisation au
sein de la scène internationale : comme dans l'ordre interne, le patron
tient son rôle de sa présence au centre du système ou du
moins de sa proximité et de sa facilité d'accès à
celui-ci. La relation est dès lors inégale dans la mesure ou les
risques d'abandon du partenaire n'ont pas la même gravité pour
l'État- Patron et pour l'État- Client. Pour le premier, ils sont
marginaux, la perte d'un client renvoyant à une simple diminution de son
influence internationale ; pour le second, ils sont dramatiques, la perte d'un
patron équivalant, en même temps, à l'asphyxie interne et
à la mise au ban de la communauté internationale.
D'une manière générale, la force de la
dépendance clientéliste est d'engendrer, au sein des
sociétés assujetties, une catégorie dirigeante qui
parvient à retirer du patronage dont elle jouit, dans divers registres,
une position de domination dont elle se persuade assez vite et assez facilement
qu'elle ne saurait être améliorée par la promotion d'une
stratégie alternative de type nationaliste. Plus
précisément encore, cette catégorie se trouve
confortée dans sa position effectivement cliente dès lors qu'elle
peut établir par expérience que son propre pouvoir se trouve
réellement renforcé par l'exercice de son rôle de
«domestication» de l'aide extérieure.
1- Hermann YAMEOGO, «Repenser
l'État Africain», L'Harmattan, 1994, P.
100.
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